➵ Chapitre 62
— Oui, oui, tu vas adorer ! renchérit Emma en s'asseyant en face de Lucie
— Qu'est-ce que-..., commençai-je
— Je ne sais plus si je t'en avais parlé, coupa Lucie, mais je fais une chorégraphie sur Man Down de Rihanna, et pendant un moment j'ai hésité à demander à quelqu'un de chanter... Ce qu'il s'est passé mardi m'a convaincu de te demander ! Alors, tu es d'accord ?
— Ça pourrait être une bonne idée ! s'écria Alice, ne me laissant pas le temps de répondre. Je t'entraînerai à rouler les r !
— Hé, c'est moi qui fait de l'espagnol, ici ! protesta Solange. JE t'apprendrai, Milie !
— Du coup tu n'as plus d'autres choix que d'accepter, étudia tranquillement Judickaël, tout sourire
J'aperçus Ludovic et Antoine se sourire.
— Je suis la seule qui n'était pas au courant de cette idée, c'est ça ? compris-je
— Tout à fait, appuya Emma. Alors ?
— Laissez-moi réfléchir, dis-je en faisant mine de me gratter la tête, oui !
— J'en étais sûre ! affirma Lucie. Bon ensuite, j'ai eu une autre idée dont je n'ai parlé à personne ! Ludovic, poursuivit-elle, j'ai besoin de toi !
— Moi ? Pourquoi ? s'étonna l'intéressé
— Tu vas faire le mort.
— Hein ?
D'un geste impatient, Lucie repoussa une mèche de cheveux noirs.
— Dans la chanson, elle explique qu'elle a tué un homme. Il me faut un corps, et comme c'est toi ma victime préférée, j'étais obligée de te choisir, détailla-t-elle en lui jetant un regard taquin. Tu auras même une chemise tachée de faux sang !
— Donc Emmy va faire semblant de me tuer et je vais m'étaler théâtralement... Ça me va ! acquiesça-t-il en portant la main à son front, comme un comédien
— Chouette ! se réjouit Lucie, les yeux brillants. Ça va être génial, vous verrez ! Oh, d'ailleurs ! Massilia et Sofia ont rajouté un porté ultra complexe à leur chorégraphie !
— Ah, j'ai hâte de voir ça ! lança joyeusement Solange. Décidément, ce spectacle nous fait tout oublier, même cette satanée physique !
Judickaël pouffa de rire et le repas se termina dans le silence. La fatigue commençait à se faire sentir. Mais je savais que dès demain, l'excitation reprendrait le dessus chez mes amis, et qu'ils arriveraient à me tirer de ma tristesse.
Mon coeur se serra à la pensée de Luke. Pourquoi ne me répondait-il pas ? Peut-être que je n'aurais pas dû renvoyer deux autres messages... Il les avait forcément lus ! Peut-être qu'il avait un problème, peut-être que je pourrais-...
— Ne te morfonds pas, Emmy, ça ne sert à rien, dit tristement Solange.
Nous étions dans les escaliers, en train de remonter dans nos chambres.
— Si seulement c'était si simple, soupirai-je en essuyant discrètement mes yeux
— Tu vas appeler Mike, non ? Eh bien, pose-lui toutes tes questions, peut-être qu'il pourra te répondre, proposa-t-elle. Ça va aller, tu verras !
— Le hic, c'est que je ne me rends pas encore bien compte de ce qui arrive. J'ai l'impression d'être une épave incapable de ressentir quoique ce soit, confiai-je. C'est la première fois que ça m'arrive, je crois.
— Tu ne réalises pas encore, c'est tout, répondit-elle en me frottant le dos
— Pourtant, la douleur est bien réelle, soufflai-je entre mes dents
— C'est là tout le paradoxe d'une rupture, affirma-t-elle, tristement
— Courage, Emmy ! retentit la voix de Judickaël
Je le remerciai et songeai à la boule qui entravait ma gorge depuis ce matin. Impossible de l'oublier, aujourd'hui. Arrivées au premier étage, Alice et moi nous séparâmes du groupe. Je pris une douche rapide et m'installai sur le canapé.
— Ne t'en fais pas Emmy, c'est Mike ! me rassura Alice
— Ce n'est pas Mike qui m'inquiète, lui appris-je en secouant la tête
— Je m'en doute. Il me demande tous les jours si tu as mangé aux repas, si tu as dormi. Lui parler ne peut que te faire du bien, conclut-elle avant de retourner dans la chambre
J'acquiesçai de la tête, bien qu'elle ne pût plus me voir et me renfonçai dans le dossier. Mes lèvres recouvertes d'une couche épaisse de baume à lèvres étaient gercées tant je les avais mordues. Mon téléphone sonna.
— Salut Emmy ! fit la voix de Mike
— Salut Mike ! répondis-je
— Comment tu te portes ? Alice m'a dit que tu as adoré ta mousse au chocolat ce midi !
Un sourire fendit mon visage.
— Elle était délicieuse !
Mike eut un petit rire.
— Sache que tu peux me dire absolument tout ; je suis seul dans une salle de classe vide. C'est un petit peu flippant, mais au moins je suis tranquille.
— Eh bien, je ne sais plus quoi te dire, avouai-je. Comme si tout ce que je voulais te confier s'était envolé dès l'instant où j'ai pris mon téléphone. J'ai l'impression d'être une coquille vide.
— Je ne sais même pas quoi te dire, soupira Mike. Moi aussi, je suis tombé des nues.
— Est-ce qu'il va bien, Mike ? demandai-je, d'une voix tremblante
— Je crois. Enfin, je ne sais pas, j'imagine que ça va. Caitlin m'a dit que ça pourrait être pire. Je t'avoue que je n'en ai quasiment pas parlé avec lui, parce que je suis un peu désemparé, et un peu énervé. Je ne suis pas prêt à l'écouter. Il faut d'abord que je me calme, surtout que techniquement je ne suis pas supposé m'en mêler.
— Je vois, murmurai-je en réponse. Et... tu sais pourquoi il ne me répond pas ? Je ne comprends pas... J'accepte qu'il ne veuille plus qu'on soit... ensemble, (j'ai buté sur le mot, comme si le prononcer rendait la chose percutante), mais pourquoi ne me répond-il pas ?
— On en vient à la cause de mon énervement. Il ne me l'a pas dit et refuse de me le dire. Je trouve ça plus qu'incorrect, souffla-t-il d'un ton excédé. Je ferai ce que je peux pour lui en parler, mais je ne pourrai pas le forcer.
— Merci...
— Je ne peux pas faire grand chose de plus... Je ne suis même pas là physiquement pour t'aider. Tu arrives à dormir ?
— Ça pourrait être pire. Parfois, Alice reste avec moi jusqu'à ce que je m'endorme. Elle a même déjà chanté. Hier soir, on a regardé des vidéos jusqu'à s'endormir devant. C'est horrible, Mike, dès que je ferme les yeux, je le vois, comme si il était imprimé sous mes paupières, confessai-je, la voix tremblante
— C'est normal, soupira-t-il. C'est la phase compliquée... Celle où tu es soit dans le déni, soit dans les larmes. J'imagine que ça va à peu près bien jusqu'à ce que tu sois seule ?
— C'est ça, confirmai-je
— Parfois, cette phase peut durer plusieurs semaines, ça dépend des gens. Ce qui me rassure, c'est que tu sois bien entourée.
— Et lui, est-ce qu'il dort ? questionnai-je
— Je ne sais pas trop. Je m'endors toujours avant lui. Mais... il n'a pas trop de cernes, alors j'imagine que oui, concéda-t-il
— Tant mieux. Et il mange aux repas ? poursuivis-je
— Oui, ne t'en fais pas pour ça.
— Et..., repris-je timidement en tentant de me mordre la lèvre avant de me raviser à cause du baume à lèvres, est-ce qu'il t'en a parlé ?
Je n'eus pas besoin de préciser ma phrase ; Mike savait exactement de quoi je parlais.
— Non, pas depuis mardi. Caitlin et moi essayons de ne pas trop parler de toi devant lui. Même si je suis en colère, ça doit quand même être pénible pour lui. Vous êtes deux dans cette histoire.
— OK, soupirai-je.
Etait-il si insensible ? Si seulement je pouvais le voir !
Comme s'il lisait dans mes pensées, Mike ajouta :
— Je ne pense pas qu'il s'en fiche. Il n'est peut-être pas prêt à en parler. Tu le connais...
— Justement, dis-je à mi-voix, c'est pour ça que je m'inquiète.
— Ne t'en fais pas pour lui, Emmy. On veille sur lui. Occupe-toi plutôt de toi, conseilla mon ami d'une voix affable
— Tu as sûrement raison...
— Bien-sûr que j'ai raison. D'ailleurs, à ce propos, Caitlin et moi, on s'est dit qu'on devrait peut-être mettre notre groupe en pause, pour l'instant ; le temps de vous laisser vous remettre.
— Je suppose que c'est une bonne idée. Alice est au courant ?
— Je lui ai envoyé un message ce matin, conclut Mike.
— En cours, il est toujours aussi distrait ? interrogeai-je
— Toujours, appuya-t-il
— Il lit quel livre en ce moment ?
🎶🎶🎶
— Allez, Milie, répète après moi : Rrrrudolf ! commanda Solange, en roulant parfaitement le r
— Rrrrudolf ? tentai-je
Solange, Alice, Ludovic et moi étions dans une salle de classe pour travailler et pour que je puisse m'entraîner sur Man Down. Dans l'immédiat, Solange s'était mise en tête de m'apprendre à rouler les r. Et c'était plus qu'infructueux.
— Non, il faut que ça vienne du fond de la gorge. Réessaie !
— Rrrru-...
— Non là on dirait que tu vas vomir ! se moqua Ludovic, ou que tu vas me cracher dessus !
— Pourquoi tu es venu, déjà ? rétorquai-je, ne pouvant empêcher ma bouche de s'étirer en un sourire amusé
— Parce que je te fais rire et que ça n'a pas de prix, répondit-il le plus naturellement du monde, sans se départir de son sourire. Non, parce que Solange ne peut pas se passer de moi ! se corrigea-t-il en adressant un clin d'œil à cette dernière
— Eh bien, tu n'as qu'à essayer de rouler les r, répliquai-je d'un ton boudeur
— Bien-sûrrrr Señorita, à vos orrrrdrrres ! répondit-il en s'inclinant
— Pfff, je suis sûre que tu t'es entraîné des heures avant de réussir ! m'exclamai-je
— Parrrfaitement, mademoiselle ! affirma-t-il avec un sourire digne d'un gentleman
C'est exactement ce qu'aurait dit Luke, songeai-je, tout à trac. Mon coeur se comprima et la douleur réafflua.
— Eh bien, je n'ai plus qu'à m'entraîner, répondis-je, comprenant au visage peiné de Ludovic qu'un voile avait dû passer devant mes yeux
— Mariposa. Papillon. C'est avec ce mot que j'ai commencé à rouler les r. Ça sera peut-être plus facile, non ? avança Ludovic, ses yeux dorés posés sur Alice et Solange
— Je trouvais que Rudolf faisait penser au Grinch avec son chien-renne, mais si c'est plus facile, pourquoi pas ! affirma tranquillement Alice
— Bon, j'essaie. Mariposa. Mariposa. Mariposa.
— Toujours pas, réessaie ! m'encouragea Solange. Il faut que tu arrives à faire vibrer ta langue.
— Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa. Mariposa.
— Tu en as réussi 3, pas mal ! me complimenta Solange
Une vingtaine de minutes plus tard, rouler les r n'avait presque plus de secrets pour moi. Nous pouvions maintenant commencer à chanter, « car je parie que tu as déjà écouté la chanson une bonne trentaine de fois ! » s'était exclamée Solange, tandis qu'Alice hochait vivement la tête.
— C'est Wiener que tu dois impressionner ! répétait Solange. C'est lui qu'il faut convaincre ! Allez, Alice, lance la chanson !
[Il devrait y avoir un GIF ou une vidéo ici. Procédez à une mise à jour de l'application maintenant pour le voir.]
— I didn't mean to end his life, me lançai-je, I know it wasn't right I can't even sleep at night, can't get it off my mind, I need to get out of sight 'fore I end up behind bars...
— Tu vas trop vite, coupa Ludovic
Il me fallut réessayer une bonne dizaine de fois avant de trouver le bon rythme. J'étais tantôt trop lente, tantôt trop rapide.
— What started out as a simple altercation
Turned into a real sticky situation
Me just thinking on the time that I'm facing makes me wanna cry !
— J'imagine tellement bien Ludo faire le cadavre, commenta Alice en le couvant d'un regard taquin
— 'Cause I didn't mean to hurt him !
Coulda been somebody's son !
And I took his heart when I pulled out that gun !
Rum-pum-pum-pum, rum-pum-pum-pum, rum-pum-pum-pum ! m'exclamai-je en roulant les r comme je pouvais
— Pas mal ! me complimenta Solange
— Man down !
Rum-pum-pum-pum, rum-pum-pum-pum, rum-pum-pum-pum !
Man down !
— Encore mieux ! me félicita-t-elle
— Oh, mama, mama, mama, I just shot a man down ! poursuivis-je. In central station ! In front of a big ol' crowd ! Oh, why ? Oh, why ? Oh, mama, mama, mama, I just shot a man down ! In central station !
— Je me permets une petite critique : tu peux monter bien plus haut pour tes « Oh, why ? », intervint Ludovic
— Tu es sûr ? Je trouvais que c'était laid, avouai-je
— Non, au contraire, il a raison ! appuya Solange
— Tout à fait, tu peux aller jusqu'en voix de tête, confirma Alice
— OK, je vous fais confiance. On recommence ? proposai-je
~
Hey ! 👋🏻 Comment allez-vous ?
Merci d'avoir lu ce chapitre ! 🖤 Qu'en pensez-vous ? Luke n'a pas l'air d'être ouvert à la discussion 😅
On se retrouve vendredi pour le prochain chapitre !
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