➵ Chapitre 57
Je tapai fébrilement du pied par terre. Dans dix petites minutes, c'étaient les vacances et je regagnais Lyon. Mais avant, Ludovic, Judickaël et moi devions chanter Thriller, dès que Thomas et Thalie auraient fini de chanter. Mon corps était tellement en effervescence qu'il m'était impossible de me concentrer.
Bien vite, ce fut notre tour, et je me levai, suivie par Ludovic et Judickaël. Les hurlements du loup se firent bientôt entendre, signe que la musique venait de démarrer.
— It's close to midnight
Something evil's lurking in the dark ! commença Ludovic
— Under the moonlight
You see a sight that almost stops your heart ! continuai-je
— You try to scream
But terror takes the sound before you make it ! enchaîna Judickaël
— You start to freeze ! observa Ludovic
— As horror looks you right between your eyes ! précisai-je
— You're paralyzed ! ajouta Judickaël
— 'Cause this is thriller ! Thriller night ! expliquâmes-nous, d'une même voix
— And no one's gonna save you from the beast about to strike ! m'écriai-je
— You know it's thriller ! Thriller night ! reprîmes-nous, en chœur
—You're fighting for your life inside a killer ! Thriller tonight, yeah, ooh ! s'exclama Ludovic
Judickaël entama le deuxième le couplet tandis que je nous imaginais sous les projecteurs, déguisés en zombies. Lucie avait fait des pieds et des mains auprès de Mme Dupuy, sa prof de danse, pour danser sur cette chanson. Le résultat, qu'elle m'avait montré en avant-première avec Massilia, Théo et Quentin, étaient bluffant : ils avaient reproduit la chorégraphie de Michael Jackson pour le refrain et avaient construit le reste en s'inspirant de plusieurs autres clips de lui.
Bref, j'avais plus que hâte de commencer les répétitions sur scène : Sainte-Cécile avait pu nous dégoter l'AccorHotel Arena ! Enfin, comme tous les ans, mais nous en étions tout de même impressionnés ! Si avec ça, je ne pouvais pas m'éclater !
Prise d'un élan nouveau, je chantai d'une voix plus puissante. Ludovic me jeta un regard de défi auquel je répondis effrontément. Il monta d'un cran en me fixant d'un air suffisant. Je répondis à son offensive en montant un cran encore plus haut que lui, ne pouvant tarir le sourire narquois qui étirait mes lèvres.
Il chanta encore plus puissamment, et sa voix me transperça. Elle fut la brise apportant la pluie dont mes graines avaient besoin pour germer, le vent frais d'espoir qui caresse le visage d'un homme creusé par l'aridité du désert. Perturbée, je plongeai mon regard clair dans le sien ténébreux, mais je n'y vis rien excepté une flamme bienveillante.
Je me repris et me reconcentrai sur la musique ; c'était à mon tour de chanter. Je ne pouvais pas laisser mes émotions me perforer comme ça à chaque fois que je chantais avec quelqu'un. Après tout, j'y arrivais toujours avec les autres, pourquoi cela m'était arrivé, cette fois ? A cause de notre petite guéguerre ? Très bien, c'est noté, on ne m'y prendra plus !
Mais c'était sans compter sur Ludovic, qui, satisfait de son petit effet, monta encore en intensité. Très bien, il allait m'entendre ! A mon tour, je grimpai de non pas d'une, mais de deux notes. Puis, je me rendis compte qu'il ne restait plus qu'un refrain, que nous devions chanter tous les trois. J'échangeai une œillade provocatrice avec Ludovic. Non, il ne gagnera pas !
Je chantai le plus fort possible, contrôlant mes notes et leur longueur. Il faut dire qu'en apprenant Titanium, j'avais pu apprendre à tenir de très longues notes. La chanson s'acheva sous mon air sardonique.
— Alors, les enfants, vous avez fini vos petites chamailleries ? s'exclama de suite Judickaël, avant même que M. Wiener n'ait pu ouvrir la bouche (et c'est pour dire...)
Je m'esclaffai.
— Il faut dire que c'était assez amusant à regarder, commenta M. Ginsique
— Certes, mais il ne faut pas faire ça le jour du spectacle, rétorqua M. Wiener en nous jaugeant d'un œil perçant
— On ne le fera pas, dis-je, d'une petite voix
— Tant mieux. Bon, il reste deux minutes, ça ne vaut plus le coup de vous faire recommencer, rétorqua M. Wiener
— Oui, on va s'arrêter là, renchérit M. Ginsique. Passez de bonnes vacances ! Reposez-vous... et travaillez !
Je retournai à ma place et commençai à ranger mes affaires, ou du moins le peu que j'avais sorti. Alice, Solange, Antoine, Ludovic et Judickaël patientaient à l'entrée de la salle.
— Au revoir, bonnes vacances ! m'exclamai-je avant de sortir de la pièce.
Les deux professeurs me saluèrent en retour.
— Eh bah, mon frère avait raison, Wiener rigole vraiment quand il se brûle ! lança Ludovic, une fois que nos voix furent enfin hors de portée
— Ne me dis pas que tu avais besoin de ça pour en être sûr ! rétorqua Solange. Moi, il ne m'inspire pas confiance ! Je suis sûre que si M. Ginsique n'était pas là, il serait bien plus cassant !
— Ah mais c'est même une certitude, répondit Ludovic. Mon frère m'a dit qu'il était horrible en kholle ! Jusqu'à maintenant, je pensais qu'il exagérait un peu, mais plus le temps avance plus je me dis que non !
— En colle ? répétai-je, sans trop comprendre
— Oui, en kholle ! confirma Ludovic
— Mais qu'a fait ton frère pour être collé ? questionnai-je, les sourcils froncés
Ludovic jeta vers moi un visage intrigué :
— Comment ça ?
— Mais-..., commençai-je, perdue
— C'est ce qu'on va avoir l'année prochaine, Emmy, intervint Antoine
— Je ne vois pas trop, avouai-je, déboussolée
— En gros, l'année prochaine on aura deux colles par semaine. Dans notre cas, ça sera en maths et en musique, et dans celui d'Alice, en littérature et en musique, expliqua-t-il. Par groupe de trois ou quatre, on passe une heure avec un prof qui nous interroge.
— Colle, genre kholle de prépa ? compris-je, sourcils froncés
— Oui, confirma Antoine, amusé. Dis-moi miss-je-connais-le-prospectus-par-coeur, comment cette information a-t-elle pu disparaître de ton esprit ?
— Son esprit a du éclipser certaines infos déplaisantes ! se moqua gentiment Alice
— Je ne me rappelle pas avoir lu ça, répondis-je, en me sentant un peu bête
— C'est ce que je dis, tu as occulté les trucs saoulants ! s'exclama ma meilleure amie, en riant
— Bon, on n'a qu'à se retrouver dans quinze minutes devant le bâtiment, le temps de peaufiner nos affaires ! proposa Antoine
Nous acquiesçâmes et je pris la direction de notre studio aux côtés d'Alice, qui ouvrit la porte en sifflotant gaiement. Je posai mon sac dans un coin de la chambre avant de rapidement débrancher mon ordinateur et de le déposer dans sa pochette. Tant bien que mal, je fis rentrer le reste de mes livres de cours dans ma valise. Alice dût même s'asseoir dessus pour m'aider à la fermer !
Puis, nous prîmes nos affaires et refermâmes la porte à clefs. Quelques minutes plus tard, nous étions dans l'ascenseur. Je me débrouillai tant bien que mal pour tirer ma valise sans trop me faire mal... je vais avoir du mal à la porter dans le train !
Solange, Ludovic et Antoine étaient déjà là. Judickaël était déjà parti ; son train pour Strasbourg était plus tôt que le nôtre, sans compter qu'il devait encore prendre le train pour rejoindre Colmar.
— Toujours en retard, hein ? nous accosta Antoine en fixant tendrement Alice
— Toujours, affirma celle-ci, toute sourire
Nous leur laissâmes un peu d'intimité et nous sortîmes par la grande porte, en saluant au passage les deux surveillantes.
— C'est nul, à cette vitesse-là je serai bientôt le seul à ne pas être en couple ! lança Ludovic en se retournant. En tout cas, ils sont mignons !
— Mais non, Ludo, moi aussi je suis toute seule, et c'est très bien, on a le temps ! rétorqua Solange
— Mouais, tu dis ça parce que tu n'as personne en tête ! répliqua-t-il
— Mmh, peut-être ! dit-elle en riant
Je me contentai de sourire discrètement...
— Qu'est-ce qui te fait sourire Emmy ? me taquina Ludovic
— Tes bêtises ! répondit Solange
Nous traversâmes la rue en silence. Encore quelques minutes et nous arrivions à la rame de métro la plus proche.
— Je sens qu'on va s'amuser pour rentrer dans le tram, râlai-je en pensant par avance aux wagons bien trop remplis
— T'inquiète Emmy, tu peux toujours rouler sur les pieds des gens avec ta valise, s'ils ne veulent pas te laisser passer, répondit Alice
— Depuis quand tu sais te téléporter ? s'étonna Ludovic
🎶🎶🎶
Les champs de blés défilaient sous mes yeux. Le soleil était déjà en train de décliner. Les écouteurs vissés dans les oreilles, je fermai mon livre : Andromaque attendra demain. Je fis craquer les os de ma colonne vertébrale et baillai discrètement. Je mourrais de faim, Simon avait intérêt à ne pas avoir oublié le sandwich qu'il m'avait promis !
Même si j'étais déçue de ne pas pouvoir revoir Luke, Mike et Caitlin, j'étais très contente de rentrer à la maison. Simon, ma mère, mon père m'avaient manqué. J'allais pouvoir passer du temps avec eux ! Simon m'avait promis qu'il irait au cinéma avec moi... et qu'il prendrait sa revanche au mille bornes ! Il n'avait apparemment toujours pas digéré sa défaite... Il faut dire que je l'avais bloqué avec un feu rouge dès le début ! Sans compter la fois où, avec mes cousins Thomas et Romain, nous nous étions amusés à jouer non pas au mille, mais aux deux milles bornes, et que Simon n'avait pas pu parcourir plus de 100 bornes !
Bref, j'avais la tête dans les nuages familiaux, à tel point que je ne me rendis pas compte que la nuit commençait à tomber. Dans un dégradé du rose au bleu roi, s'enfonçait la cime des arbres fleuris. Une étoile, très brillante, pointa la première le bout de son nez. Vénus, l'étoile du berger.
Quand nous étions plus jeunes, Simon et moi aimions dormir dans le jardin par une nuit claire. La majestueuse Voie Lactée s'étendait alors sous nos yeux émerveillés. Nous nous amusions alors, carte du ciel à la main, à chercher Pégase, ce qui représentait notre objectif ultime de la nuit.
Du Green Day dans les oreilles (leur dernier album était sorti il y a peu de temps), je contemplais les premières constellations se former. Puis, doucement, je commençai à distinguer la ville des lumières. J'étais à la maison.
Un sentiment de chaleur accueillante m'étreignit. Une légère boule se forma dans ma gorge, menaçant de faire pleurer mes yeux, comme si toutes les tensions de ces dernières semaines se relâchaient soudainement. Je respirai un grand coup et avalai ma salive, détruisant au passage la fameuse boule.
La gare en vue, je commençai à m'agiter et mon voisin aussi, un jeune homme d'une vingtaine d'années au sourire éclatant. C'est certain, il fera un jour de la pub pour Colgate. Il m'aida à attraper ma valise, qu'il avait lui même mise au dessus de nous. Le train freina, j'aperçus Simon sur le quais, j'attendis l'arrêt complet du véhicule et l'ouverture des portes pour me glisser dehors.
— Simon ! m'écriai-je en arrivant à sa hauteur
— Emmy ! répondit-il en ouvrant ses bras pour que je m'y jette
Je le serrai fort contre moi.
— Berk, tu pues la transpiration ! s'exclama-t-il en mimant le dégoût
— Rassures-toi, tu ne sens pas la rose non plus ! rétorquai-je
— C'est de famille ! ricana-t-il en prenant ma valise
Nous sortîmes de la gare bondée et gagnâmes la voiture. J'ouvris la potière et m'affalai côté passager.
— Tiens, fit Simon en me tendant un sac réfrigéré
— Merci ! m'exclamai-je en lui arrachant des mains
— On dirait que tu n'as pas mangé depuis trois jours, se moqua-t-il en s'asseyant au volant
— Depuis midi ! répliquai-je, très sérieusement. Je n'ai même pas pris de goûter !
— Pauvre chou ! Qu'est-ce que c'est grave, ironisa-t-il en faisant un créneau pour sortir du parking
— Tu n'imagines pas ! répondis-je, la bouche pleine. Tu as passé une bonne journée ?
— Mis à part un examen pénible en relativité restreinte, ça allait. Et toi ?
— Plutôt cool, affirmai-je. Je suis épuisée !
— Forcément, tu n'as pas mangé depuis midi, me taquina-t-il en mettant son clignotant
— Non, je me suis levée tôt !
— Alice va bien ? poursuivit-il, en guettant l'arrivée de potentielles voitures à droite
— Elle a râlé contre la pluie qui a fait couler son eye-liner, lui appris-je
— Alors c'est qu'elle va bien !
— Je cite : « je ne suis pas un panda ! » ! précisai-je, en roulant en boule le papier aluminium dans lequel était emballé mon sandwich
— Ça ne m'étonne pas d'elle ! J'imagine que tu as beaucoup de travail, ces vacances ?
— Ne me le rappelle pas, grimaçai-je. On a l'oral blanc de français, puis des bacs blancs ! Et le spectacle à continuer de préparer !
— J'ai hâte d'être au 4 juillet ! se réjouit Simon en tournant à l'angle de notre rue
— Moi aussi ! m'écriai-je, tu verras ça va être génial !
— Le feu, oui !
— On est à la maison ! m'extasiai-je, en voyant notre maison se détacher dans la pénombre
— Ce que tu es perspicace ! commenta-t-il, amusé
Il venait de se garer devant la garage. La porte s'ouvrit aussitôt sur mon père, qui avait dû nous regarder arriver depuis la cuisine.
J'ouvris la portière et réprimai un frisson : de l'air froid venait de s'immiscer dans ma veste en jean.
— Salut Émilie ! Tu as fait bon voyage ? questionna mon père, après m'avoir embrassé sur la joue
— Ça va, oui...
Il me prit mon sac à dos et je le suivis dans la maison. Je retirai mes chaussures et enfilai mes chaussons, avant de monter.
— Salut Emmy ! Ouh là là, tu es toute pâle ! Il va falloir que tu prennes le soleil... et que tu te reposes, vues tes cernes ! s'exclama ma mère, dès mon arrivée
— T'inquiète, maman. C'est prévu ! répondis-je en lui faisant la bise
Je suivis Simon jusque dans ma chambre pour y déposer mon téléphone, que je mis à charger. Je retournai ensuite dans le salon et m'affalai sur le canapé, épuisée.
— Tu ferais mieux d'aller te doucher puis te coucher, on discutera demain, proposa mon père.
J'acquiesçai, et c'est comme ça que je me retrouvai sous l'eau chaude, puis sous mes draps bien chauds et cotonneux...
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Hey ! Comment allez-vous ? :)
Que vous inspire ce chapitre ? 😄
On se retrouve lundi pour le prochain chapitre ! 🖤😄
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