➵ Chapitre 43 ~ Mike

La porte s'ouvrit sur Luke et Emilie, qui lui fit un petit sourire. Mike s'était senti soulagé lorsqu'il avait reçu son message lui disant qu'il pouvait venir. La première étape semblait s'être bien déroulée. C'était maintenant à lui de jouer !

Hey ! s'exclama-t-il, d'un ton enjoué

    Il n'avait, à vrai dire, pas pu contenir sa joie de voir son idée fonctionner à merveille. Mais mieux valait ne pas crier victoire trop vite... C'est pourquoi il se reprit.  Il ne savait pas ce qu'elle lui avait dit, et il n'en avait pas besoin.

— Re bonjour, comment vas-tu depuis cinq minutes ? plaisanta Emilie

   Mike entra dans son jeu et lui répondit que ça allait plutôt bien. Comme son meilleur ami restait silencieux à fixer tantôt le sol et les arbres dans la rue, il ajouta qu'Alice l'attendait. Elle acquiesça puis sourit à Luke avant de s'éclipser en disant « à toute à l'heure ! ». Luke la suivit des yeux et Mike sentit une pointe de stress pointer le bout de son nez. Il s'humecta les lèvres et toussota. Ses dents claquaient. Néanmoins, il se devait de prendre les rênes :

— Tu me fais entrer ? questionna-t-il, tu vas tomber malade si tu restes en plein courant d'air...

— Oh, oui.

   Luke s'effaça pour le laisser entrer et Mike songea qu'il ne l'avait jamais vu aussi absent et peu réactif. Quelque chose semblait le travailler et il eut le mince espoir que ce fût les mots d'Emilie et non Anna. Tout reposait maintenant sur lui.

Il observa l'entrée, le tapis sur le sol, les figurines et autres décorations qu'une fine couche de poussière recouvrait. L'atmosphère lui parut rance et étouffante, à moins que ce ne fût sa propre peur de mal faire les choses.

— Tu préfères qu'on discute où, dans ta chambre ou au salon ? lui demanda tout naturellement Mike, bien qu'il ait dû se battre contre lui-même pour avoir l'air aussi naturel

— Dans ma chambre.

Mike le suivit jusqu'en haut. Le parquet craquait sous le silence de leurs pas. Il ignora tant bien que mal le regard condamné qu'affichait Luke. Il avait l'impression que chacun de ses pas le rapprochait des portes de l'enfer et d'être le diable en personne.

   Une fois entré dans la chambre, Mike observa le désordre qu'il y régnait et songea avec amusement à y mesurer l'entropie. Non pas que ce fût un signe sur l'état de Luke ; il n'avait jamais été quelqu'un de trop ordonné. En revanche, il se dirigea instinctivement vers la fenêtre pour l'ouvrir. C'est alors qu'il remarqua que Luke portait les mêmes vêtements depuis longtemps, très longtemps.

   L'air froid qui s'immisça dans la pièce le revigora un peu et lui donna un élan de courage. Luke s'était assis au bord de son lit et le détaillait d'un air dévasté. Mike s'assit à côté de lui.

— Tu ne peux pas rester comme ça, Luke. Regarde-toi. Tu ne t'es pas lavé depuis des jours, tu n'as pas mis le nez dehors depuis une éternité, tu erres comme un fantôme délabré. Tu as besoin d'aide.

— Si, je peux, affirma Luke.

— Non. Se rendre compte qu'on a besoin d'aide et aller en chercher est une grande avancée pour aller mieux.

— Qui te dit que je veux aller mieux, Mike ?

— Personne n'aimerait rester comme ça, Luke. Pas même toi. Tu inquiètes tout le monde. Moi, Caitlin, Emmy, Alice, tes parents, John, Zoey, Gaël. Et je peux t'assurer qu'on ne restera pas les bras croisés. Mets-toi un instant à ma place s'il-te-plaît. Imagine que les rôles soient inversés. Je sais que tu refuserais de me laisser comme ça. Tu ne supporterais pas de me voir être tombé si bas, et tu serais la corde pour me tirer du précipice. Eh bien, moi, c'est pareil.

— Non, ce n'est pas pareil, contredit Luke. Toi, tu n'aurais jamais laissé ta petite sœur toute seule !

Mike respira un grand coup, puis se lança :

— Écoute Luke, tu ne peux plus changer ce qu'il s'est passé. Tu ne peux plus rien y faire ! Et tout ce que tu feras maintenant n'aura plus aucune incidence sur ce qu'il s'est déjà produit ! Oui, tu as fait une erreur, oui, tu as laissé Anna toute seule un bref instant, oui, elle est morte, oui, tu te sens coupable. Mais, jamais tu n'as pensé à mal ! Toi, tout ce que tu voulais, ce jour-là, c'était lui faire plaisir. Ce n'est pas de ta faute, et ça ne le sera jamais. Tu penses vraiment qu'elle serait ravie de te voir comme ça ? Elle n'a pas eu la chance de vivre, alors vis pour elle !

Il hocha simplement la tête, comme assailli par ses sentiments.

— Tu dis oui, mais tu n'en penses pas un mot, observa Mike, en réponse

   Il soupira, abattu. Que dire de plus ? Il ne vivait plus, il survivait. C'était un fait. Il était à côté de lui, fermé et borné dans son impossible deuil. Ça aussi, c'était un fait. Et sacrément compact.

— Luke, je t'aime et je tiens à toi. On est amis. Le rôle d'un ami, c'est de te rattraper quand tu tombes. Et là, tu es tombé. Par pitié, ne brise pas la main que je te tends. Tu n'es pas obligé d'affronter ça tout seul, donne-moi rien qu'un petit bout de ton fardeau.

— Michael, arrête ça. Je sais que tu ne sais pas quoi faire, que tu es désemparé, coupa-t-il d'une voix ferme, le regard planté dans le sien

— Luke, ça ne peut pas continuer comme ça. Parce qu'un jour tes parents vont se réveiller et vont te trouver agonisant dans ta chambre. Ils appelleront les secours, complètement paniqués à l'idée de perdre leur fils, et ils ne comprendront pas pourquoi t'as fait ça, ou au contraire ils comprendront car ils penseront ne pas en avoir assez fait pour toi, ils penseront avoir échoué dans leur rôle de parents et ils seront encore plus brisés que maintenant. Ils ne supporteront pas de te perdre toi aussi, répliqua Mike d'une voix aussi froide que la glace

— Et alors ? Je fais ce que je veux, rétorqua effrontément Luke

— Je suis sérieux, Lucas ! se récria violemment Mike.

Il s'en voulut immédiatement d'avoir perdu son sang froid. Il réprima un frisson : il n'obtiendrait rien de plus de Luke aujourd'hui. Néanmoins, il avait pu entrer et s'asseoir avec lui, chose qui lui paraissait improbable il y a à peine deux jours. Et puis, l'objectif du jour n'était pas non plus de le sortir de là d'un claquement de doigts ; c'était tout bonnement impossible. Il était maintenant temps de jouer sa dernière carte...

— Est-ce que tu accepterais de venir chez moi ce soir, voir les autres ? questionna-t-il, espérant que ce changement brusque de sujet joue en sa faveur.

Luke marqua un temps d'arrêt.

— Je ne sais pas, murmura-t-il d'un ton hésitant

— Ça te fera du bien, tu penseras à autre chose, argua Mike

— Je ne sais pas, je vais l'oublier un instant.

— Tu ne vas pas l'oublier, arrête un peu. Elle est partout dans tes faits et gestes, elle vit encore en toi. Tu te cherches des excuses parce que tu ne sais pas quoi faire non plus. Il y a des personnes spécialisées pour ça, Luke, et ce n'est pas grave d'aller les voir, bien au contraire.

Il releva la tête, une lueur étrange luisant comme un néon dans l'azur éteint.

— Ils ont envie de me voir ? Même après tout ça ? demanda-t-il, du bout des lèvres

Donc il se rend compte qu'il n'agit pas de la meilleure manière, bien que cela soit explicable, songea immédiatement Mike

— Évidemment ! affirma-t-il sans aucune hésitations

— Alors c'est d'accord, capitula Luke. Mais je le fais pour eux, pas pour moi.

— C'est un début, répliqua-t-il.

— Si tu le dis, marmonna-t-il en réponse

— Donc, tu files te doucher, tu mets des vêtements propres et on y va, annonça fermement Mike, conscient que s'il n'agissait pas suffisamment vite, Luke reviendrait sur sa décision.

Le blond lui jeta un regard vaincu, soupira et se leva.

~

Hey ! Comment allez-vous ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Qu'en avez-vous pensé ? Selon vous, Mike a-t-il bien fait de venir parler à Luke ? A-t-il su trouver les bons mots ?

On se retrouve vendredi prochain pour le prochain chapitre ! 🖤

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