— Eh bah, Mickey ! Tu ne perds pas ton temps ! s'écria Luke, nous interrompant, par la même occasion

   Il s'était silencieusement approché pendant que nous nous embrassions, suivi de Clara. Le teint rougissant, je me séparai de Mike et me surpris à me sentir déçue de ne rien voir transparaître sur le visage de Luke. Les sanglots étaient déjà formés dans ma gorge. Qu'est-ce que j'espérais ? Qu'il se mette à hurler sur son meilleur ami et qu'il m'embrasse passionnément ? Mon estomac se tordit violemment à cette seule pensée. Je devais l'oublier. Quelqu'en soit le prix. Je me le promis.

— Va te faire voir, Luke ! répliqua Mike d'une voix pleine de colère.

   Luke écarquilla les yeux et Mike tourna les talons, me laissant en plan. Ce fut ce moment que mes larmes choisirent pour couler. Et mes sanglots de crier leur existence. Le visage inondé, j'aperçus du coin de l'œil Alice et Caitlin se lever et Clara accourir vers elles. La musique monta subitement d'un cran. Mike n'était plus là. J'étais seule. Seule au milieu d'une foule dansante et joyeuse, qui n'entendrait jamais ma détresse et ne s'en inquiéterait pas. Luke m'observait de ses yeux clairs, à un mètre de moi, silencieux et indéchiffrable. Je reculai d'un pas. Je devais fuir.

   N'y tenant plus, je me retournai et me faufilai entre les gens transpirants. La musique battait à mes oreilles. Des pieds écrasaient les miens. Une voix masculine et lointaine criait mon nom. Luke. La tête me tournait, le monde dansait autour de moi, mais il ne faisait que tournoyer au-dessus d'un grand vide. « Emilie ! Emmy ! Où tu vas ? Emmy ! » criait Luke. Je me retournai et ne le vis pas. J'étais en train de rêver. « Emmy ! Pardon, excusez-moi... Emilie ! ». Je me pris la tête entre les mains, n'entendant plus que des tambours battre au cœur de mon oreille, et sa voix, sa voix à lui, qui martelait mon nom.

— Sors de ma tête ! hurlai-je, en proie aux larmes.

Mais personne ne m'entendit dans la nuit pâle et silencieuse. C'était un cri dans la nuit. Partout autour de moi, les gens riaient, dansaient, criaient, se séduisaient.

— Hé, ça vous tente un verre ? me héla un jeune homme aux yeux sombres

— Non, désolée, bégayai-je en sanglotant encore

Et comme il ne m'entendit pas, je fis non de la tête et slalomai entre les rires et les embrassades. Il fallait que je sorte, j'étouffais, l'air était chaud et ma gorge bloquée par un chagrin irraisonné. Une main se posa brutalement sur ma taille et un cri de surprise franchit mes lèvres.

— Tu m'offres une danse ? questionna un homme, éméché au vu de ses jambes vacillantes.

— Non ! refusai-je en secouant la tête

— Tu es sûre ? Car tu es très mignonne ! insista-t-il, en appuyant plus fort sur ma taille

— Non ! Laissez-moi tranquille ! répétai-je d'une voix plaintive, et en tentant de me dégager

— Elle t'a dit non, je ne voix pas pourquoi tu insistes ! retentit une voix froide que je ne connaissais que trop bien, derrière moi

Aussitôt, l'homme me lâcha sans demander son reste et je m'enfuis vers la porte, Luke sur mes talons. J'entendais sa voix m'appeler. Sans un regard, je franchis la porte surveillée par le videur, et l'air frais caressa mon visage. Je m'éloignai de quelques pas et laissai libre court à mes larmes, me pensant seule. Mais évidemment, je ne l'étais pas. J'entendis Luke s'approcher de moi et me demander, sur un ton doux :

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

Dans un élan de courage, peut-être dû à l'unique verre que j'ai bu (quoique, c'était sûrement redescendu), je m'écriai :

— C'est de ta faute !

Je me tournai vers lui, le visage ruisselant, et lançai, sous ses yeux interloqués :

— Tu ne m'as jamais répondu, jamais ! Tu m'as consciencieusement ignorée ! D'un claquement de doigts, tu m'as supprimée ! Est-ce que tu sais seulement ce que ça fait ? Eh bien, je vais te le dire ! Tout d'abord, je suis tombée des nues. Eh oui, la pauvre petite naïve que j'étais n'a rien vu venir ! Il faut aussi dire que tu as fait ça tout d'un coup, comme sur un coup de tête ! Et j'ai eu si mal, oh, j'ai d'abord cru à une mauvaise blague ! Mais non, c'était bien réel. De un, tu venais de me plaquer. Ça encore, je veux bien te le pardonner. Et de deux, tu ne voulais plus m'adresser la parole. Bon sang, qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Encore aujourd'hui, je ne sais pas ! Parce qu'après ce message que tu m'as envoyé, tu ne m'as plus jamais répondu. Pourquoi ? Parce que tu ne voulais plus d'une pauvre petite idiote, même en tant qu'amie, peut-être ? Réponds-moi ! criai-je d'une voix suraiguë face à son air interdit

— Parce qu'après une rupture, il est mieux de ne plus parler à son ex, peut-être ? suggéra-t-il, calmement. De l'eau a coulé sous les ponts, Emilie, et -...

— Tu te fiches de moi ! me récrirai-je, c'est tout ?!

Et comme il hochait la tête d'un air agacé, j'ajoutai :

— Sauf qu'on était dans un groupe. Et qu'on l'a reformé aujourd'hui. C'est ballot ! Tu vas être obligé d'engager une secrétaire pour qu'elle me parle à ta place ! lançai-je dans un rire nerveux. Est-ce que, repris-je, tu imagines seulement à quel point je me suis sentie seule ? Je me suis sentie tom-...

— Et c'est à moi que tu demandes ça ? Tu sais très bien que oui ! me coupa-t-il, hors de lui. Viens en au fait ! Alors ?! Tu n'as plus de langue ? Alors ?

— Alors, répétai-je sèchement, tu n'avais qu'à pas m'infliger ça consciemment ! Tu espérais quoi en me voyant hier, que je fasse l'autruche ?

— J'espérais, répondit-il sur le même ton, que tu sois passée à autre chose depuis tout ce temps !

— Pour ça, il aurait peut-être fallu que tu sois moins compliqué et que ça soit moins brutal ! ripostai-je

— On avait 16 ou 17 ans, Emilie, reviens-en !

— Ce n'est pas si loin ! protestai-je

— Si, c'est loin, aujourd'hui. Ecoute, ça n'a pas été non plus très facile pour moi, et Mike était carrément insupportable. C'est vrai, ça a précipité la dissolution du groupe, je te l'accorde. Mais aujourd'hui, on l'a reformé, et si chacun campe sur ses positions, alors ça ne fonctionnera jamais, rétorqua-t-il, plus calmement

— Pour une fois, je suis d'accord avec toi, avançai-je, baissant moi aussi d'un ton. Mais ne me demande pas de faire comme si de rien n'était...

— J'ai bien compris que ce n'était pas ton genre, il n'y a qu'à voir ton comportement avec Clara pour s'en apercevoir ! répliqua-t-il d'un ton cinglant

— J'ai mes raisons, me défendis-je, d'une voix cassante

— Ou plutôt celles de Lise !

— Si Mike ou Caitlin vivait quelque chose de semblable, tu réagirais exactement comme moi ! argumentai-je, d'ailleurs t'a-t-elle vraiment tout raconté ?

— Je n'en sais rien, et tu sais quoi ? Ce ne sont pas mes affaires ! Ni les tiennes, d'ailleurs !

— Excuse-moi, mais je l'avais rayée de ma vie, je ne pensais pas la revoir un jour ! Encore moins avec toi ! répliquai-je avec force

— C'est ça qui te dérange ? Qu'elle soit proche de moi ? cria-t-il, à la quête de la moindre faille sur mon visage. On habite le même immeuble, si tu veux savoir !

— Non ! Ça, c'est TON problème, pas le mien ! réfutai-je d'une voix forte, ne laissant pas ma surprise prendre le dessus

— Alors, où est le problème ? interrogea-t-il, sèchement

J'ouvris la bouche puis la refermai aussitôt, cherchant la meilleure formulation possible pour exprimer mes pensées.

— Où est le problème ? répétai-je, pour gagner du temps. Eh bien elle-...

— Tu es jalouse ? m'interrompit-il, les sourcils froncés

Je secouai vivement la tête, songeant que la pénombre cachait les rougeurs sur mes joues.

— Elle a une sérieuse tendance à exagérer les faits, à retourner les situations à son avantage et à se victimiser, voilà où est le problème, déclarai-je, froidement

— Et à toi, qu'est-ce qu'elle t'a fait ? questionna-t-il, glacial

— Rien. Je ne veux juste plus la voir, expliquai-je. Et je te signale que j'ai pris sur moi, ce soir ! Et je compte continuer !

— Oh, bravo, tu veux une médaille ? ironisa-t-il, je prends aussi sur moi, en ce moment et je n'en fais pas autant !

— Ah oui ?! m'étonnai-je, en croisant les bras. Qu'est-ce que tu te retiens de me dire, alors ? Que tu étais bien mieux avant que je ne revienne dans ta vie ? Ne t'en fais pas, moi aussi ! assénai-je

— J'allais te dire que tu n'es pas le centre du monde ! riposta-t-il, impassible

— Évidemment, tout le monde sait que le Soleil ! rétorquai-je, en levant les yeux au ciel

— Oh je t'en prie ! Ne te réfugie pas dans le sarcasme ! Tu n'es pas la seule à te sentir mal en ce moment, alors occupe-toi d'autre chose que de ton petit nombril !

  Aïe. Ça, ça fait mal. Est-ce que mon comportement depuis quelques jours ne traduisait-il pas un égoïsme profond et sacrément ancré en moi ? Je me mordis la lèvre pour ne pas répliquer tout de suite. Peut-être qu'il n'avait pas tort... Qu'est-ce que ferait Solange ? Oh non, je ne dois pas penser à elle maintenant ! Les larmes remontèrent brutalement à mes yeux et je les essuyai d'un geste rageur.

— Eh bien ! s'écria-t-il, si j'avais su que c'était ce qu'il fallait dire pour que tu arrêtes, je l'aurais fait bien plus tôt !

— Qu'est-ce que tu sais de moi aujourd'hui, au juste ? Rien, rien ! Tu n'as peut-être pas tort, mais sache que je sais très bien que je ne suis pas la seule ! Et que c'est même pour eux que j'ai accepté de refaire le groupe ! Oh, et rassure-toi, ajoutai-je en voyant Clara sortir suivie par les autres, je ne compte pas essayer de te reconquérir ou je ne sais pas quoi d'autre ; c'est mort entre nous !

   Cette seule phrase me brisa le coeur, mais j'eus préféré mourir que de l'avouer. Parce que quelque part, Alice et Lise avaient raison. J'étais toujours attachée à lui.

Il allait répliquer mais n'en eut pas le temps :

— Oh, Emmy ! Je t'ai cherchée partout ! s'exclama Alice. Tu vas bien ?

— Ça va. J'allais rentrer, répondis-je, froidement. Désolée Mike, mais aller en boîte, c'est pas mon truc !

— Oh, alors je vous raccompagne ! assura celui-ci, non sans avoir jeté un coup d'œil à son meilleur ami.

— Bonne nuit tout le monde, les saluai-je, d'une voix certainement trop rude.

   Sans accorder un seul regard à Luke, je tournai les talons.

~
Hey ! Comment allez-vous ? :)

Alors, que pensez-vous de ce chapitre ? Vous attendiez-vous à ce que Luke réagisse comme ça suite au baiser de Mike et Emilie ? D'ailleurs, Emmy a-t-elle bien fait de s'énerver contre Luke après ça ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! 🎶❤️

À vendredi prochain pour un chapitre du point de vue d'un autre personnage ! (Saurez-vous deviner lequel ? 👀) 🎶