A ces mots, nous nous étions remis en place, et Luke s'était à nouveau improvisé chef d'orchestre. Je m'appliquai à inspirer et à expirer calmement, par le ventre. J'étais chez Mike, dans son garage, avec ma guitare. Nous allions jouer et rien de terrible n'allait se produire. Tant que j'étais avec ma guitare, tout irait bien. Tant qu'elle était à mes côtés, je ne risquais rien. Allez Emmy, courage.

— Tu veux peut-être un mediator, Emmy ? me demanda Luke, un pli soucieux barrant son front

— Non, c'est bon. Je préfère déjà jouer avec mes doigts, déclinai-je avec un demi-sourire

— Comme tu veux, répondit-il en haussant les épaules. C'est dommage parce que les sons sont plus puissants avec un mediator. J'en ai toujours plusieurs sur moi, n'hésite pas à me demander si tu en as besoin... Surtout qu'on tremble moins avec un mediator en main, et qu'on a moins mal aux doigts.

— Je sais. D'ailleurs j'en ai aussi toujours un sur moi, lui rappelai-je en plissant les yeux

— Le truc dans la coque de ton téléphone ? se moqua-t-il

— Au moins, je ne le perds pas ! protestai-je en riant légèrement et en sortant les deux incriminés de ma coque

— Je me souviens du bleu, c'est moi qui te l'ai donné un jour où tu en avais atrocement besoin ! s'exclama-t-il

Malgré moi, un grand sourire illumina mon visage : il s'en souvenait ! Et puis, la réalité me rattrapa et mon sourire se ternit.

— Eh bien, je ne l'ai toujours pas perdu ! répliquai-je en tâchant d'avoir l'air amusée

— Dois-je te rappeler de l'endroit où tu gardes toujours un mediator, Luke ? le taquina Mike

— Dans la coque de mon téléphone, je sais, répondit l'intéressé, allez tous en place ! conclut-il en tapant dans ses mains

Je pris ma guitare et respirai un grand coup, faisant le vide dans mon esprit. C'était normal d'avoir de l'appréhension. J'inspirai et expirai une nouvelle fois. J'étais prête. Avec le temps, ça allait disparaître. Luke fit le décompte et je me lançai, plus lentement cette fois. Je ne sus pas comment, mais je fis abstraction des autres. Il n'y avait que ma guitare et moi. Alice me rejoignit, puis ce fut le tour de Mike.

— Mickey, tu es en retard par rapport à Alice, constata gentiment Caitlin

— Désolé, marmonna Mike, c'était tellement plus facile quand on était insouciant !

Tout le monde avait arrêté de jouer et je m'avançai vers lui. Peut-être que je pouvais l'aider...

— Hey, Mike on est toujours insouciant, tentai-je de le rassurer en frottant son épaule. Ton rêve n'a pas changé en l'espace de deux ans, si ?

— Non, murmura-t-il, mais chaque fois que mes doigts frôlent les cordes, j'imagine un fiasco total. Tout m'échappe, je ne suis maître de rien, pas même de ma propre vie. Je suis assis sur un rocher en train de regarder les autres me façonner à leur image. J'aimerais juste être moi-même, mais même ça je n'y arrive pas. Je reste oisif, je me regarde disparaître.

— Tu ne restes pas à ne rien faire, c'est faux, contredis-je. Si c'était vraiment le cas, tu n'aurais pas tenu à vouloir reformer le groupe. On a un objectif, et on va se donner les moyens pour l'atteindre. Ensemble, ajoutai-je en croisant ses orbes vertes

— Ensemble, répéta-t-il en soutenant mon regard

— Alors, oublie tes idées noires le temps d'une chanson, terminai-je, doucement

— Ressens la musique, Mike, conseilla Luke d'une voix rauque. Écoute-la envahir chaque parcelle de ton corps, laisse-la aller au fond de ton âme panser ce qui te dévore. Laisse-la guider tes doigts sur tes cordes, autorise-toi à vibrer avec elle. Tu te souviens quand jouer de la basse étaient comme une bouffée d'air frais ? Ça l'est toujours, il faut juste que tu te permettes de le ressentir comme tel. Ferme les yeux s'il le faut, et laisse ton ouïe te transporter. Tu peux le faire, tu l'as déjà fait.

— Je ferai de mon mieux, affirma alors Mike avant de respirer un grand coup. Allons-y !

Nous nous remîmes en place, et je m'y repris à deux fois avant de jouer le début à la bonne vitesse. Lorsqu'enfin, ce fut le bon rythme, Alice me rejoignit, puis Mike. Caitlin s'ajouta au refrain. La chanson défila en entier, sous la mine concentrée de Luke.

— C'était parfait ! nous complimenta Luke, vous voyez que tout est possible ! Allez, encore une fois et je me rajoute !

Nous nous exécutâmes et je mis un point d'honneur à me laisser porter par la mélodie, comme avant. Luke leva ses deux pouces en l'air et prit place entre Caitlin et Mike, debout devant le micro.

— J'espère que ton garage est bien insonorisé, Mike ! Autrement tes voisins auront de quoi se plaindre ! plaisanta-t-il pour détendre l'atmosphère. Je fais le décompte ? OK, alors 3, 2, 1 ... c'est parti !

Malgré mes doigts douloureux, je caressai délicatement ma guitare. Le cœur battant, j'attendais avec nervosité le moment où Luke commencerait à chanter. Le tempo régulier d'Alice chatouilla mes oreilles. C'était là. C'était là que j'allais enfin savoir, sentir si c'était possible.

« I dreamed I was missing, you were so scared
But no one would listen 'cause no one else cared »

Sa voix n'était pas aussi rauque il y a deux ans... Mais elle était si douce. J'avais presque oublié à quel point sa voix arrivait à me transporter. Comme un robot je jouais ma part, luttant pour ne pas m'arrêter et le contempler chanter.

« After my dreaming, I woke with this fear
What am I leaving when I'm done here ? »

   Car, lorsqu'il chantait, ses émotions devenaient transparentes. Elles étaient littéralement dessinées sur son visage, aux travers de ses yeux fermés, ses sourcils plissés en une barre triste, l'ombre du sourire qui fendait sa bouche.

« So, if you're asking me, I want you to know »

Mon coeur venait de louper un battement au son de sa voix. Il avait chanté un peu plus haut.

« When my time comes, forget the wrong that I've done
Help me leave behind some reasons to be missed
And don't resent me, and when you're feeling empty
Keep me in your memory, leave out all the rest
Leave out all the rest »

C'était beau. Et lentement, tout doucement, comme une plume tombant du ciel, je me sentis tomber. Mon coeur avait déchanté tant il était subjugué. Si je n'étais pas en train de jouer, j'aurais sûrement pleuré d'émotion. Le reste de la chanson se passa sans accroche. J'étais perdue dans un rêve oublié.

Quelque chose se brisa en moi lorsque la chanson se termina. C'était ma rêverie. Mon coeur déborda de souffrance. Bien-sûr, j'avais pensé à Luke, et je n'aurais pas dû.

— Eh bien ! On y est arrivé ! Ce n'était pas si mal pour une première fois ! s'exclama Caitlin, me sortant de ma torpeur

— Wow Luke, tu as développé ta voix en deux ans ! Ce n'est pas le bon mot, mais tu vois ce que je veux dire ! le complimenta admirativement Alice

   Et comme il me regardait avec des yeux indéchiffrables, j'hochai vivement la tête pour appuyer les dires de ma meilleure amie. Bon sang, son regard me mettait toujours mal à l'aise !

— Les colles de musique ont du bon, commenta-t-il, en riant

— Oh, je te jure que non, à partir du moment où il y a le mot « khôlle » rien de bon ne peut en émaner ! rétorqua Alice

— C'est pourtant grâce à ça que moi et Mike avons élargi, hum comment disait notre prof déjà ? Ah oui, élargi nos capacités vocales.

— Nous aussi... même si on a carrément détesté ces colles, soupira-t-elle

— Mais aujourd'hui, on en a plus du tout, alors pourquoi en parler ? poursuivit-il

— Parce que j'en fais encore des cauchemars, râla Alice, même si les maths étaient pires !

— Ah non ! Le pire c'était la physique ! grimaçai-je, avant d'avaler un verre d'eau. Allez on s'y remet ? proposai-je

— A vos ordres, chef ! plaisanta Alice en allant s'asseoir face à sa batterie, ou plutôt celle de Caitlin

— Et ensuite on va manger ! s'écria Mike. J'ai donné une superbe adresse à Thomas, il nous a réservé une table, je m'en frotte déjà les mains, non, l'estomac !

🎶🎶🎶

     La chanson rejouée et rechantée, nous étions en chemin vers le restaurant italien où mon cousin patientait. Cette après-midi serait aussi consacrée à l'entraînement. Mike paraissait de meilleure humeur. Il disait qu'il en avait plus qu'assez de laisser ses doutes prendre le dessus dès qu'il touchait à sa basse, et que si nous avions été amis par le passé, nous pouvions le redevenir. Ce à quoi Caitlin répondait que nous n'avions jamais cessé de l'être.

— Alors, ça donne quoi ? Ça tinte comme un ongle crissant sur un tableau ? blagua Thomas, alors que je m'asseyais à côté de Mike

— C'est de mon organe vocal que tu parles ? rétorqua Luke, faussement interloqué

— C'est ton problème si tu te sens visé !

   Nous rîmes et Mike se pencha vers moi :

— Tu comptes prendre quoi en plat ?

— Des pâtes au pesto, pourquoi ? répondis-je en étudiant la carte

— Pour savoir si je pourrai goûter ! Je te donnerai un morceau de ma pizza en échange, c'est promis ! Allez, dis oui, s'il te plaît !

— Du calme ! Je n'ai pas dit non !

— Attention, tu vas te faire avoir, Emmy ! me prévint Caitlin

— Non ! Emmy est spéciale, contrairement à toi, donc je ne lui volerai pas la moitié de son plat ! protesta Mike

— Merci Michael, rappelle-moi depuis combien de temps on est ami ?

Mike fit la sourde oreille et s'intéressa à la carte des desserts.

— Qu'est-ce que tu fais ? questionnai-je, sourcils froncés

— Je choisis mon dessert pour ensuite choisir ma pizza. C'est important, tu comprends ? Il faut que j'ai assez faim après ma pizza pour manger mon dessert. C'est toute une technique, ça se travaille ! détailla-t-il

— Eh bien dépêche-toi ! La serveuse ne va plus tarder ! rétorqua Luke, on sait tous que tu vas prendre une énorme coupe de glace, n'en fais pas tout un plat...

— Justement Lucas ! répondit Mike en levant son index, il s'agit-...

Il fut coupé par l'arrivée de la serveuse et je retins un rire en l'entendant commander sa pizza quatre fromages, soit sa pizza préférée.

— Saviez-vous que la glace fait digérer ? chantonna-t-il en s'étirant et en passant son bras autour de mon épaule

Alors que je le regardais d'un air amusé, me demandant quelle bêtise il allait me dire sur le ton de la confidence, Luke à qui rien n'échappait, choisit ce moment-là pour nous taquiner :

— Tu sais que c'est une technique de drague pourrie, Michael ?

Pour toute réponse, Mike lui tira la langue et ajouta :

— Je ne drague pas ton ex, ne t'en fais pas ! D'ailleurs, en parlant de drague, ça vous tente qu'on sorte, ce soir ?

Luke leva les yeux au ciel et rétorqua, un sourire railleur aux lèvres :

— Dois-je te rappeler le gigantesque râteau que tu t'es pris, la dernière fois ?

— Tu veux qu'on parle des 3 râteaux que tu t'es pris il y a à peine une semaine ? riposta Mike, tout sourire

— 3 ? répéta Alice, effarée, en une soirée ?!

— L'une d'entre elle ne m'a même pas laissé le temps de lui dire bonjour, l'autre m'a dit qu'elle détestait les blonds et la dernière que je lui rappelais son ex, expliqua tranquillement l'intéressé

— Mais tu-..., commença Alice, les sourcils froncés

— Je ? répéta Luke

— Tu as vraiment songé à tenter le coup avec 3 filles en une soirée ? se rattrapa-t-elle

— Où est le problème ? répondit-il en riant

— Quand je pense qu'Emmy a passé l'année à refuser toutes les fêtes, je savais que j'aurais dû la forcer ! râla-t-elle

— Quoi ? Rester bien au chaud devant Le Seigneur des Anneaux en version longue était bien mieux que d'aller regarder ma promo' s'alcooliser ! rétorquai-je

— Ou devant nos films de super-héros, Emmy, n'oublie pas ceux-là ! rajouta rêveusement mon cousin, ose me dire que ça ne t'a pas plu Alice !

— Emmy a littéralement passé les 10 heures de film à baver sur trois personnages en particulier, et ensuite sur Peter Parker, répliqua Alice. Et après elle a été relire les livres et ses fanfictions préférées qu'elle a cru bon de nous résumer...

— Si on n'oublie cette partie-là, c'était vraiment génial ! s'émerveilla Thomas

— Hé ! protestai-je, je ne t'en ai résumée qu'une seule !

— Celle de trop ! lança ma meilleure amie, en riant

Mes protestations sous les rires de mes amis furent coupées par l'arrivée de nos plats. Le repas commença joyeusement et je me pris alors à me mêler aux rires et à la conversation, souriant réellement pour la première fois depuis longtemps, bien que je devais admettre que je parlais très peu à Luke.

— Alors Emmy, notre échange tient toujours la route ? questionna Mike, les yeux avidement rivés sur mon assiette

Pour toute réponse, j'enroulai bon gré mal gré des pâtes autour de ma fourchette.

— Ouvre la bouche, Mickey !

J'éclatai de rire en voyant le four qu'était devenue sa bouche et enfournai ma fourchette dedans. Je ris encore plus fort en le voyant couper un morceau de sa pizza et tenter de me faire mordre dedans. Je finis par me laisser prendre au jeu non sans avoir ri encore. Je n'avais pas ri comme ça depuis des siècles !

Une fois le dessert de Mike avalé – j'avais réussi à lui voler quelques bouchées –, nous repartîmes nous entraîner chez Mike, tandis que Thomas rentrait à l'auberge de jeunesse. L'après-midi se déroula tranquillement. Nous jouâmes encore et encore, des heures durant, jusqu'à ce que la coordination soit parfaite. Rien n'était perdu : la cohésion était encore là. Du moins, pour cette configuration.

Aux alentours de six heures du soir, Alice et moi regagnâmes nos pénates. Nous avions convenu de nous retrouver à neuf heures tapantes devant un bar du centre-ville.

— Eh bien, voilà ! Ce n'était pas si compliqué ! lança Alice, en se laissant tomber sur son lit, oh, j'ai hâte d'être à ce soir !

    A peine une dizaine de minutes s'étaient écoulées que nous étions déjà attablés avec Thomas, qui nous demanda s'il pourrait nous écouter demain. Alice lui répondit de demander aux autres ce soir. Lorsque nous remontâmes, il était déjà un peu plus de sept heures. Je pris une douche et enfilai une légère robe noire avant de me remaquiller. Je fus prête avant Alice et répondis aux messages de Simon en l'attendant. Avec sa longue robe sombre et son eye-liner, elle me faisait penser à Catwoman. Bien rapidement, ce fut l'heure.

   N'aimant pas trop sortir, j'espérais qu'il n'y aurait aucun problème. Et je devais admettre que je comptais sur Mike pour me rassurer et me mettre à l'aise. Il était devenu celui qui me faisait me sentir bien. J'avais l'impression de respirer, à ses côtés.

Nous arrivâmes devant le bar. Je retins un rire en voyant le nom de celui-ci. Duck's Millenium. Mon Dieu, il n'y avait que Mike pour choisir des bars avec de tels noms ! Et puis, je m'assombris en voyant que non pas trois, mais quatre personnes nous attendaient. Clara était avec eux. Tant pis, je prendrai sur moi.

— Salut ! fit-elle, sur un ton enjoué, en nous faisant la bise

   Je lui répondis sur le ton le plus neutre possible, mais visiblement pas suffisamment puisque Caitlin me fit les gros yeux. Elle se présenta à mon cousin comme une de nos « grandes amies » et je roulai discrètement des yeux. Et je m'esclaffai le plus légèrement possible lorsque Thomas lui répondit qu'il avait beaucoup entendu parler d'elle.

  Nous entrâmes à l'intérieur. Il y faisait frais, et de la musique électronique y retentissait. Des fauteuils noirs avec des coussins oranges semblaient nous attendre dans un coin. Je me laissai prendre au jeu en commandant un mojito, moi qui d'habitude ne buvais pas une goutte d'alcool. Alice en resta comme deux ronds de flan et lança :

— Mike, tu es sûr que tu ne veux pas venir étudier en France ? Je suis sûre qu'Emmy serait d'accord pour sortir si tu étais là !

— Désolée Alice, c'est la rareté qui fait la beauté de la chose, lui répliquai-je

   C'est alors que je me rendis compte que je n'avais pipé mot depuis que j'avais salué Clara et que je n'avais pas prêté attention à la conversation. J'allais devoir faire un petit effort si je ne voulais pas que ma morosité ne transparaisse dans mes actes. L'alcool ne rendait-il pas plus loquace ? En tout cas, ça transformait Lise et Ludovic en vraies pipelettes ! En espérant que je ne me mette pas à raconter tout ce qui me passait par la tête et à finir en pleurs en parlant de Solange. Mon coeur se serra en pensant à elle, et je chassai mes souvenirs. Je n'aurais peut-être pas dû commander une boisson alcoolisée... Mais un verre ne me ferait pas perdre pied, n'est-ce pas ?

— Tant que tu n'es pas malade, me taquina-t-elle

Leur conversation reprit et je m'aperçus qu'ils parlaient des films à l'affiche. J'écoutai Clara raconter qu'elle n'était pas allée au cinéma depuis longtemps parce qu'elle n'en avait pas le temps, Luke lui répondre qu'elle ne le prenait juste pas, Caitlin ajouter qu'elle non plus, et je perdis le fil. Heureusement nos commandes arrivèrent et nous trinquâmes à nos vacances et au retour de Sad Joy. Cela m'arracha un sourire.

Ma boisson me brûla un peu la gorge, mais ce soir, cette courte sensation de chaleur ne me dérangea pas. Je me forçai à paraître plus joviale, et cela sembla fonctionner puisque je réussis à m'immiscer dans la conversation, tout en n'adressant pas la parole à Clara, ou du moins pas plus que nécessaire :

— Alice, comment se porte Antoine ? questionna-t-elle

— Il va très bien ! Il joue de la clarinette dans l'orchestre symphonique de Londres, en parallèle de ses études de musique et de maths ! répondit joyeusement Alice

— C'est super que votre couple tienne autant ! s'exclama-t-elle, rêveusement, tu ne trouves pas, Lukey ?

— Mmh, oui, fit l'interpelé d'un air absent, en mordillant son piercing, le regard rivé sur ... moi

   Ah non, c'était derrière moi qu'il regardait. Et comme son regard devenait plus intense, je sentis une pointe de déception me transpercer le coeur. Sans réfléchir, je mis ça sur le compte du peu d'alcool que j'avais ingurgité. Alors que je résistais à la tentation de me retourner pour voir qui était la personne qu'il contemplait comme ça, Clara m'offrit la possibilité de me détourner de cette idée en me posant une question :

— Et toi, Emmy, depuis que tu es sortie avec Ludovic il s'est passé quelque chose ?

   Tout compte fait, trouver un moyen de ne pas me retourner était une bien meilleure idée... Je lui jetai un regard abasourdi et sentis mes yeux me piquer au souvenir de ce baiser, ou plutôt de la soirée durant laquelle je l'avais embrassé. Alice me sauva la mise en s'exclamant d'un air peut-être trop faussement amusé :

— Eh bien Emmy ! J'ai loupé un épisode si tu es effectivement sortie avec lui !

  Je bus une bonne gorgée pour me donner du courage et constatai que Luke semblait à nouveau parmi nous puisque son regard était de nouveau vif et empreint d'intérêt. Je partis alors d'un petit rire avant de répondre sur un ton léger :

— Si pour toi embrasser quelqu'un une fois lors d'une soirée c'est sortir avec lui...

— Pas faux, commenta-t-elle en gloussant, mais tu vois ce que je veux dire... Alors comment s'appelle-t-il ? Elle ? ajouta-t-elle, devant mon air interdit

— Non, non, je n'ai personne ! lui appris-je, en riant

Bénis soient les mojitos !

— La vérité c'est que tout le monde me prend pour son petit-ami ! Et comme on a le même nom de famille, ils s'imaginent qu'on est paxés ! s'écria Thomas en riant aux éclats

— Et ça a ses avantages : on me laisse tranquille ! précisai-je, car sinon je serais obligée d'annoncer que je suis avec Spiderman... mais qu'il ne le sait pas encore !

— Regardez-moi ça, une vraie fangirl ! se moqua Alice

— Tu veux parler de ton amour pour Batman ? ripostai-je d'un air mutin

— Bien dit, Emmy ! s'exclama Mike en se redressant

— Et toi, Mike ? demandai-je, en lui souriant suspicieusement

— Euh... je ne préfère pas trop en parler, répondit-il d'un air gêné

— Pourquoi ? continuai-je, les sourcils froncés

Mike soupira.

— Eh bien parce que j'étais avec une fille et que ça se passait bien... et qu'elle m'a trompé. Plusieurs fois. Et quand je l'ai appris, je l'ai quittée. C'était il y a cinq mois. Donc, hum, je suis vacciné avec les filles pour un sacré moment !

— Désolée Mickey, si j'avais su..., commençai-je

— T'inquiète Emmy, me rassura-t-il en finissant son verre d'une traite, c'est du passé. Et moi, quand je dis ça, c'est archi vrai !

— En espérant que tu ne lui envoies plus de messages quand tu es déprimé, rétorqua Luke

— Tu m'as fait supprimer son numéro..., lui rappela-t-il d'un air las

— Et heureusement !

— Mais je pense toujours que ne plus parler du tout aux gens après les avoir quittés n'est pas une bonne chose, répliqua Mike en lui jetant un regard noir

Je me ratatinai sur ma chaise, soudainement très mal à l'aise.

Pour toute réponse, Luke vida son verre d'une traite et lâcha d'un ton sec :

— Tu me remercieras.

Caitlin toussota :

— La boîte de nuit du coin est ouverte, ça vous tente ?

  A l'approbation générale, nous payâmes pour ensuite partir dans la nuit bleue. Les uns riaient et les autres parlaient. J'avais la tête qui tournait. Nous arrivâmes devant une enseigne avec des néons, où le nom Memories flambait dans l'obscurité grandissante. Nous fîmes la queue et rentrâmes sans problèmes à l'intérieur. Il y faisait chaud et plusieurs personnes dansaient déjà sur la piste de danse. Au moins une vingtaine. La musique n'était pas encore trop forte.

   Nous nous assîmes à une petite table reculée et j'en profitai pour regarder l'heure. Il était un peu plus de onze heures. Je soupirai : j'avais à nouveau perdu le fil de la conversation. Mike et Luke partirent se commander des boissons (alcoolisées) tandis qu'un flot de personnes faisait irruption sur la piste.

   Ils revinrent quelques minutes plus tard, l'air réjoui par leur boisson.

— Emmy ! Tu veux goûter ? questionna joyeusement Mike en s'asseyant à côté de moi

— Non merci, refusai-je en détaillant le contenu de son verre

— C'est à base de whisky, m'informa-t-il, avant d'en boire un bon quart

   Je les écoutai tous débattre de leur alcool préféré, sans jamais m'imposer dans la conversation. Il fallait aussi dire que je n'y connaissais strictement rien... Et que rester silencieuse m'arrangeait bien, étant donné que je me sentais prisonnière d'un lac de tristesse. Lorsque Luke eut fini son verre, il se leva et tendit sa main à Clara, qui la saisit sous mon regard morne. Il l'emmenait danser.

  Alors qu'involontairement je ne pouvais détacher mes yeux de leurs corps si proches, Mike posa son verre vide dans un bruit sec.

— Tu veux danser avec moi, Emmy ? proposa-t-il

— Je suis très nulle, prévins-je en me levant

— Pas grave, moi aussi ! rétorqua-t-il en s'esclaffant

   Je le suivis sur la piste où de la musique plus calme se faisait entendre.

— Ce n'est pas un peu tôt, pour un slow ? remarquai-je en fronçant les sourcils

— Il n'est jamais trop tôt ! répondit-il en tentant de bouger au rythme de la musique

  Je souris et tâchai d'en faire autant, tout en les cherchant des yeux dans la foule. Je finis par les trouver d'un œil attristé. Mike, qui avait suivi mon regard, lança :

— En fait, elle et Luke ne sortent pas ensemble, c'est juste ... physique. C'est ce que je voulais te dire ce matin. Et l'alcool que j'ai bu m'empêche d'avoir des filtres. Alors, si tu as des questions, c'est le moment !

— Je les trouve plutôt proches, pour deux personnes qui ne sont pas ensemble, murmurai-je, simplement, en les regardant s'embrasser, une boule commençant à gonfler dans ma gorge

Je me tournai vers lui, les yeux embués, cherchant une bouée de sauvetage dans ses yeux verts.

— Ah non ! Moi j'embrasse pas ! s'exclama-t-il alors

   Un rire léger franchit mes lèvres et je l'enlaçai, enfouissant mon visage sur son torse et laissant mes larmes couler librement. Tandis qu'il ondulait au rythme de la musique et que je tentais de faire disparaître mes larmes, il brisa le silence entre nous :

— Si tu veux, je peux t'embrasser pour le rentre jaloux.

— Ce n'est pas mon genre, déclinai-je

— Tu sais, Luke n'a rien eu de sérieux depuis que euh ... il a rompu avec toi. Je crois qu'il a peur de s'engager à nouveau dans une relation. Mais ne va pas le lui répéter. Ce ne sont que mes élucubrations et même si je ne doute pas de leur véracité, il préférerait mourir que de l'admettre.

— Il n'a que 19 ans, objectai-je, enfin il va les avoir dans deux mois. Il a le temps !

— C'est vrai, admit-il, mais, ajouta-t-il en se tordant le cou, tu es sûre que tu ne veux pas ? J'ai quelqu'un que je veux rendre jaloux...

Je fronçai les sourcils :

— Qui ?

— Tu le sauras bien assez tôt, répondit-il, énigmatique

   Après un dernier regard dans la direction de Luke et Clara qui échangeaient un baiser plus que passionné, je lui annonçai alors :

— Très bien. Si ça peut t'aider, je veux bien que tu m'embrasses.

— Super ! s'exclama-t-il, alors euh, fit-il en approchant son visage du mien, on est d'accord qu'on est amis, sans ambiguïté ?

— Sans ambiguïté, affirmai-je, les yeux plongés dans les siens.

— Cool, souffla-t-il.

   Mike se pencha vers moi, et j'eus tout le temps de sentir mes mains se mettre à trembler lorsque sa respiration caressa mon visage. Puis, nos lèvres se scellèrent en un baiser agréable. Ce fut comme une bouffée d'air frais, une promenade dans une forêt luxuriante, une baignade dans une eau turquoise. C'était doux.

~
Hey ! Comment allez-vous ? 🎶

Que pensez-vous de ce chapitre ? Comment qualifieriez-vous le comportement de Luke, Mike ? A votre avis, qui Mike a-t-il envie de rendre jaloux ?

A votre avis, quelle sera la réaction de Luke ? :

• il s'en fiche 🎶

• il va en vouloir à Mike 🎶

Et pour le groupe, que pensez-vous de leur répétition ? Est-elle de bonne augure, ou pensez-vous que l'équilibre reste fragile ? :)

Merci d'avoir lu ce chapitre ! ❤️🍂

À vendredi prochain ! ❤️