I • Lison

J'ouvre les yeux.

Je prends ensuite une grande inspiration. Autour de moi, l'environnement est d'une couleur marine qui rappelle étrangement les milieux aquatiques. La lumière glisse à mes côtés dans de fines raies, comme si des poussières de clarté restaient en suspension autour de moi. Une douce fraîcheur m'enveloppe et caresse ma peau. Mes membres semblent tenus comme dans un fluide, écrasés par un poids réparti équitablement le long de mes bras et jambes.

Je flotte, pensé-je.

J'inspire profondément ; ma respiration est étrange, mais agréable. J'ai l'impression qu'un liquide coule délicatement dans ma trachée. Le bleu se décline dans toutes les teintes autour de moi ; de l'obscur au presque blanc dessus.

Un groupe d'animaux passe lentement devant moi. Leur mouvement régulier leur apporte quelque chose de singulier. Ils se déplacent avec une lenteur majestueuse. Ils sont presque translucides, composés d'une partie ronde et blanche suivie de longs filaments colorés.

Leur nom me revient brutalement.
Ce sont des méduses.

Je les connais ; elles peuplent en grand nombre nos maigres océans. Ces animaux hypnotiques, se déplaçant sur un fond rempli d'ombres, me font froncer les sourcils ; un souvenir me titille le cerveau, mais reste bloqué à la lisière de ma conscience.

Curieuse, je tente de me remémorer certains moments de ma vie. Mon sang se glace. Mon cœur s'emballe. Puis-je au moins me souvenir de mon nom ? Ma mémoire est vide, aussi vierge que celle d'un nouveau-né.

Que s'est-il passé ? Qu'ai-je fait ?

Les méduses continuent leur lente procession et commencent à disparaître au loin. Les animaux semblent légèrement grisés, comme dans une vision.

Ma vue se brouille et ma tête m'élance brutalement. Je ferme les yeux, dont les paupières servent d'écran à la réminiscence qui suit. 

Un long trottoir s'étale devant moi. Un vent frais me fait frissonner ; je rabats les pans de mon manteau contre moi. L'environnement est légèrement sombre, je me sens extérieure à moi-même, comme si je me souvenais de ce moment.

— Lison !

 Je me retourne et j'observe un large sourire s'étendre sur mon visage. Une douce chaleur me réchauffe et combat la fraîcheur du vent. Un jeune homme accélère pour me rattraper. Ses cheveux noir charbon dansent avec la brise.

— Tu es pressée ? me demande-t-il.

 — Non, mais je pensais que tu étais sorti avant moi.

 — Tu ne devineras jamais ce qui m'est arrivé en cours !

 Le son est brouillé. Le jeune homme, Kenan - ce nom me revient brutalement - a l'air de me raconter une anecdote marrante. Puis, au croisement, il part de son côté et je le regarde s'éloigner. Mes yeux s'attardent sur son sac à dos : des méduses sur un fond noir.

  Et ce jeune homme, qui est-il ? Je ne connais que son prénom : Kenan. Nous semblons amis.

Je fronce les sourcils, creuse vainement dans ma mémoire, mais rien ne me revient.

Un mouvement étrange me parvient sur ma droite et m'extrais de mes pensées. Un animal à la peau grise et souple s'approche de moi, pour m'observer de ses pupilles noires. Sa tête se prolonge en forme de bec. Le mammifère tourne autour de moi, curieux. Sa nageoire caudale, en forme de croissant de lune, bat lentement, le propulsant souplement autour de moi.

C'est un dauphin. Cet animal, en revanche, m'est connu que par l'intermédiaire des livres. Il a complètement disparu de la surface de la terre lors de la baisse d'oxygène dans les océans. Serais-je en plein rêve ? Ou aurais-je trouvé le dernier spécimen ?

"Qui est-ce ?"

  Je secoue la tête, fronce les sourcils. Cette voix résonne dans ma boite crânienne d'une manière étrange. J'ai l'impression d'entendre l'animal ! Serais-je de son espèce ?

"Femelle ou Mâle ?"

  Je me rends compte avec étonnement que ce sont réellement les pensées de l'animal. 

"Bonjour", pensé-je, tentant de communiquer avec le dauphin.

Le mammifère marin s'arrête net et secoue sa tête devant moi. Ses deux yeux noirs, remplis d'une intelligence rare, semblent attendre un signe de ma part.

" Je suis une femelle et je n'aime pas les méduses."

 Le dauphin émet un léger cliquetis que j'associe à un rire. Il ouvre légèrement son bec, dévoilant une rangée de petites dents.

"Enchanté, moi c'est Sliver. Tu es un étrange poisson."

Cette espèce est éliminée de la liste de mes natures potentielles.

 "Je crois... que je ne suis pas un poisson"

"Que fais-tu ici alors ?"

"Je ne sais pas"

La réalité de cette réponse me fait expirer bruyamment. Je suis complètement perdue.

"Est-ce que tu es réellement ici ?"

Je fronce les sourcils, dans l'incompréhension. Que veut-il dire ?

"Comment ?"

L'animal secoue son long bec de droite à gauche, geste que j'associe à la pensée humaine du "laisse tomber". J'ai l'impression que ces interrogations sont le reflet des miennes. Je suis complètement perdue.

Comment le dauphin peut-il faire ainsi écho à mes doutes ?

L'animal finit par se retirer de mon champ de vision. Il disparaît dans la mer et en presque quelques secondes, son corps s'est fondu dans les ombres. Comment peut-il parcourir une distance aussi longue pour disparaître en si peu de temps ?

Alors que je tente d'observer plus en détails mon environnement, notamment mes membres, quelque chose me retient au niveau du crâne. Je fronce les sourcils.

Où suis-je ?

L'environnement autour de moi semble soudain trembler. Des images se superposent lentement au liquide qui m'entoure. J'ai l'impression qu'une vision se prépare. J'ai un peu mal à la tête.

Je ferme les yeux.

~ 920 mots @Merionem

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