Chapitre 34 : Echec

Un hurlement sauvage déchira le silence d'après-guerre. Puis un autre, plus douloureux encore.

La Reine des vampires tournait en cercle autour de la bête noire. Cette dernière était étendue contre le sol, agonisante dans une marre de sang. Trop absorbée par la capture inespérée de l'assassin de sa mère, Leeyame avait simplement ordonné à deux vampires d'empêcher la jeune humaine de s'échapper, malgré les sérieuses recommandations de Drago sur l'importance de la surveiller.

- Des siècles que j'attends ça...murmurait Leeyame, les prunelles plus rouges que jamais. Je t'avais dit, Valric, que ta descendance le paierait !

Un grondement d'ensemble s'éleva de la foule excitée. A chaque fois qu'elle prononçait des paroles, l'enfant ne ratait jamais une occasion d'entailler la peau du loup-garou à coups de griffes. Si, au début, ce dernier avait résisté à la douleur sans émettre un son si ce n'était celui d'insultes à l'égard du peuple vampire, il lâchait à présent des aboiements atroces, séparés entre-temps par des gémissement de souffrance.

Les deux mains fermement plaquées contre ses oreilles pour ne rien entendre, les yeux fermés pour ne rien voir, Hermione était recroquevillée contre un petit rocher parmi la centaine de vampire restante. Les glapissements de l'animal se révélaient le son le plus abominable qu'elle n'ait jamais entendu. Cela allait faire plus d'une demi-heure qu'elle écoutait les plaintes du loup, mourant à coup de griffes et de dents. Elle avait envie de vomir. Les vampires, eux, semblaient au contraire se délecter de tant de souffrance, insensible aux hurlements de Greyback. Même les deux vampires censés la surveiller ne lui prêtaient aucune attention, ne désirant pas rater une seule seconde du spectacle.

Une nouvelle plainte de douleur s'éleva. Hermione boucha ses oreilles avec encore plus de force, mais ça ne suffisait pas à faire taire les rugissements qui résonnaient toujours dans sa tête. Merlin qu'attendaient-ils pour l'achever ? Qu'il les supplie ? Greyback ne s'abaisserait jamais à ce niveau, aussi mourant soit-il.

Elle fermait ses yeux avec tant d'acharnement qu'ils finirent par lui faire mal, et elle dut les ouvrir. Ce qu'elle regretta aussitôt. Hermione les ferma de nouveau, mais l'image sanglante de l'animal à moitié mort flottait encore sous ses paupières.

- C'en est assez, murmura-t-elle avec colère.

Il n'y avait aucune chance pour que les vampires l'écoutent, et elle préféra s'en aller plutôt que d'essayer de les convaincre de mettre un terme à cette boucherie.

Elle se releva, toujours en prenant bien soin de ne pas regarder en direction du loup, puis commença à se frayer un chemin. Mais une poigne glaciale lui saisit le poignet.

Et mince ! Le vampire semblait tout de même avoir gardé un œil sur elle, et il était plutôt robuste.

- Reste ici, ordonna-t-il.

- Je ne veux pas rester ! protesta Hermione, fatiguée de ne plus être libre.

- Tu n'as pas le choix.

Greyback émit un nouveau rugissement de douleur. Instinctivement, Hermione se boucha les oreilles et tourna les talons. Le vampire réagit aussitôt et, aidé de son compagnon, immobilisa Hermione dans la seconde. Tout autour, les autres leur lancèrent des regards indignés, comme si le sacrifice méritait un silence respectueux. Ce mouvement de foule dut interpeller Leeyame, car elle s'adressa à eux d'un ton posé :

- Amène-la moi, Treyone, dit-elle avec un sourire.

- Non ! objecta Hermione au vampire dans un murmure.

Évidemment, ce dernier ne tint pas compte de son avis et elle se retrouva aux côtés de la Reine, ainsi que de sa victime...

- Savez-vous que cette jeune femme m'a récemment sauvé la vie ? dit-elle alors à son peuple en posant une main amicale sur son épaule.

Hermione jeta un œil à la main noire et ne put s'empêcher d'avoir la nausée en découvrant ses longs ongles souillés de sang et de peau à force d'avoir écorché la bête.

- Elle a poursuivi trois lycans au risque de sa vie, continua-t-elle, dans le but de me sauver. Qu'elle ait fait ceci par bonté ou par intérêt, peu m'importe. Je ne serais pas ici sans cette humaine. Vous lui devez reconnaissance, et moi...

Leeyame se tourna face à Hermione.

- ... Et moi je lui dois des excuses. Pour bien des choses. C'est pourquoi, j'ai l'honneur de te laisser finir ma propre vengeance.

Elle montra Greyback de la main.

- S'il vous plaît, se plaignit Hermione qui n'écoutait qu'à moitié, laissez-moi m'en aller, je ne peux plus supporter cette torture...

Toutefois, la Reine ne voulut rien entendre, considérant son geste comme un présent inestimable. Elle la poussa légèrement pour la forcer à avancer, mais Hermione bloqua son corps entier, figée.

- Je vais vomir, gémit-elle en se bouchant le nez. Je ne veux pas ! Laissez-moi !

D'un geste brusque, Hermione se dégagea de l'étreinte de la Reine pour aussitôt s'échapper en sens inverse. Mais elle ne put aller très loin avec la centaine de vampires qui l'entourait, et elle fut bientôt retenue par des dizaines de mains froides. L'une d'entre elles, cependant, lui fut étrangement familière lorsqu'elle se glissa parmi les autres pour lui prendre la main. Hermione se sentit alors tirée avec force jusqu'à se retrouver collée contre le torse du jeune vampire. Elle ne prit même pas la peine de lever les yeux pour confirmer que c'était Soane, et se nicha un peu plus contre lui, tandis qu'elle entendait son grognement adressé aux autres vampires. Peu à peu, Hermione sentit toutes les mains l'abandonner, dociles face à Sang-Pur.

- Vous ne voyez pas qu'elle n'est pas bien ? s'écria alors Soane, créant un silence étonné.

- Soane, dit calmement la Reine malgré le ton froid qu'elle adopta. Tu es en train d'interrompre un événement de notre histoire, t'en rends-tu compte ?

- Désolé, Leeyame, répondit-il sèchement. Je sais combien c'est important pour toi mais...

- Pour moi ? l'interrompit-elle, élevant la voix. Cette mort ne me concerne pas uniquement ! Elle est importante pour notre peuple, et elle doit l'être également pour toi !

- Hermione est ce qui est important pour moi !

Un nouveau silence s'installa, mais scandalisé cette fois.

- Comment oses-tu ! siffla la Reine, affligée. Choisir cette humaine à ton propre peuple !

- Je n'ai jamais parlé de choix, rectifia-t-il.

- Eh bien moi je t'en parle, car il est temps pour toi d'élire tes priorités !

- Ma priorité est d'aider les sorciers !

Des grognements révoltés s'élevèrent de toute part.

- Tous ces morts ne te suffisent donc pas, Soane ? intervint l'une de ses sœurs noires. Regarde autour de toi, nous avons mené notre propre combat !

- Et il est loin d'être terminé ! rétorqua-t-il. Vous ne comprenez pas ? Hermione avait raison, ils nous ont attaqués ! Et pas seulement pour régler notre conflit ancestral, mais pour voler le Sang de Licorne ! Que nous le voulions ou pas, par cette attaque, nous venons de participer à la guerre du monde magique, et le Mage Noir ne nous laissera plus en paix !

- Foutaise ! rugit Leeyame, hors d'elle. C'est cette sorcière qui t'a mis tout ça dans la tête !

- Je ne fais que regarder autour de moi et confirmer ce contre quoi elle nous a tant de fois mis en garde !

- Assez ! C'est assez ! Sache que si tu pars avec elle, ce n'est plus la peine de revenir...

Hermione eut soudain peur du silence de Soane, et pria pour qu'il ne l'abandonne pas.

- En me mettant face à un tel dilemme, Leeyame, dit-il alors d'une voix blessée, tu viens juste de choisir pour moi.

Et c'est sur cet au revoir brutal qu'il tourna le dos aux siens, tenant fermement Hermione par la main.

- Soane ! cria la Reine. Ne fais pas ça !

Dans sa voix, Hermione percevait nettement la peur de perdre le vampire qui comptait le plus à ses yeux, ainsi que le regret d'une telle tournure.

Même si Soane tentait de rester de marbre face aux supplications de l'enfant, la vitesse à laquelle il marchait trahissait son désir de s'éloigner au plus vite de la peine laissée derrière lui.

Malgré son horrible sentiment de culpabilité, Hermione remerciait intérieurement le vampire de rester à ses côtés. Elle n'avait plus personne ici, désormais, et le soutien de son ami se révélait très précieux. Comme elle s'y attendait, ils ne tardèrent pas à transplaner. Tandis que son corps devenait probablement lumière, sa pensée se dirigea vers le repère de vampires. Le Sang de Licorne... C'était donc ça, la fameuse arme dont la vie de Voldemort dépendait ? La forêt interdite en était remplie, pourtant. Qu'avait celui des vampires de si spécial et de si rare ?

Le transplanage fut de très courte durée. Hermione se retrouva juste devant l'entrée du géant de pierre et, pour son plus grand bonheur, atterrit debout. Elle se tourna vers Soane, ne sachant que dire. Ce dernier s'approcha d'elle avec un petit sourire.

- Ne te reproches rien, surtout, dit-il. Je suis assez grand pour prendre mes décisions et les assumer. Alors, au cas où tu t'apprêtes à me demander de retourner auprès de ma famille, c'est non.

Hermione sourit à son tour, reconnaissante. Mais son sourire disparut bien vite, remplacé par le souvenir des récents événements qu'elle n'avait pas eu le temps d'assimiler. Elle s'effondra à genoux, le regard vide.

- Tu avais raison, Soane...murmura-t-elle. C'est toi qui avais raison à son sujet...

- Tu me crois si je te dis que j'aurais préféré avoir tort ?

Hermione ne répondit pas.

- Comment es-tu au courant ? finit-elle par demander.

- J'ai lu en toi une tristesse d'une ampleur encore jamais sentie auparavant.

- Ah oui, c'est vrai, dit-elle d'un ton neutre, le regard fixe.

- Allez, relève-toi. On a un monde à sauver, Hermione Granger. Toi et moi, on peut y arriver.

- Et moi, alors ? s'éleva une voix familière.

- Orience ! sourit Hermione en apercevant la vampiresse marcher en leur direction.

Cette dernière arriva à la hauteur de la jeune femme et la releva d'un bras.

- Souviens-toi de ce que je t'ai dit dans la forêt, Hermione Granger. Et puis, tu n'es pas seule ; Soane et moi sommes là pour t'aider.

- Et que va te dire Leeyame ? s'inquiéta Hermione.

- Je ne vais pas attendre qu'elle ouvre les yeux pour agir. Mon peuple est en danger, et je vais me battre pour lui, comme toi tu te bas pour le tien. Nous aurions dû t'écouter plus tôt.

- Pourquoi m'as-tu arrêté ici, au fait ? demanda alors Soane à Hermione.

- De quoi tu parles ?

- Bah, c'est toi qui m'a demandé de venir au repère pendant qu'on transplanait !

- Non, pas du tout, s'étonna-t-elle. Je pensais juste à...Oh attend, tu as lu dans mes pensées ?

- Non, pas vraiment. Mais lorsqu'on transporte un passager, et qu'il désire s'arrêter à un endroit précis, nous le ressentons. Toi, tu avais le repère en tête.

Décidément, Hermione en apprendrait tous les jours sur les vampires.

- Tu pensais au Sang de Licorne ? devina Orience.

- Oui, avoua-t-elle. Orience, il est très important que tu m'y conduises, tu peux comprendre ?

- Es-tu vraiment sûre que le Sang de Licorne sera plus en sécurité avec toi plutôt qu'ici ?

- Tu as eu la preuve que votre repère n'est plus un lieu sûr. Je compte amener l'arme, ou peu importe ce que c'est, jusqu'au ministère où des personnes de confiance en prendront la charge.

- Orience, encouragea Soane, nous avons déjà commis l'erreur de ne pas lui faire confiance. Menons-là au laboratoire.

- Oui, d'accord. Tu as sûrement raison, admit-elle.

Hermione sentit son estomac se dénouer : elle allait enfin prendre possession de ce pour quoi elle était venue !

Ils pénétrèrent dans la ruche de pierre, marchant à grands pas.

- Comment le retrouver ? demanda Hermione. Leeyame le contrôle par la pensée.

- Le laboratoire a retrouvé son immobilité depuis que les lycans ont quitté les lieux. Nous n'avons plus qu'à suivre notre magie.

En quelques minutes seulement, ils se retrouvèrent devant l'étroit couloir sombre, et Hermione ressentit de nouveau cette étrange attirance qui la poussait à avancer.

- Dépêchons-nous, pressa-t-elle.

Soane se mordit légèrement le poignet et en essuya le sang contre la porte de pierre avant de prononcer l'incantation dans son dialecte. La paroi s'ouvrit sur le laboratoire. Hermione retrouva la vaste jungle et toutes les expériences et inventions qu'elle renfermait, mais ne s'y attarda pas, cette fois. Sans perdre de temps, elle traversa la longue allée pour se retrouver dans la deuxième partie du laboratoire, parmi les tubes à essais et autre matériel scientifique. Son cœur battait de plus en plus vite au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de l'arme, car c'était elle qui l'attirait, en réalité. Cette sensation de se faire appeler par une force invisible provenait du Sang de Licorne, elle en était sûre, désormais.

Arrivée au fin fond de la pièce, Hermione dégagea vivement les immenses plantes qui longeaient les murs, s'écorchant les doigts à maintes reprises.

- Comment sait-elle où c'est caché ? souffla Orience à son frère, stupéfiée.

- Ne me regarde pas comme ça, ce n'est pas moi qui le lui ait dit ! se défendit-il, tout aussi étonné.

- Je le sens, informa simplement Hermione qui continuait à arracher les tiges épineuses du mur de pierre.

Lorsque celui-ci fut suffisamment dégagé, la jeune femme sourit. Incrustée dans la paroi, un carré de roche transparente laissait percevoir la forme majestueuse d'une coupe aux contours triangulaires.

- Ouvrez-le moi, ordonna Hermione sans quitter l'objet des yeux.

Intrigué par le comportement obsessionnel de la jeune femme, Soane obéit néanmoins. Il mordit une seconde fois son poignet déjà cicatrisé et l'appliqua contre la pierre cristalline, puis parla sa langue. Le carré disparut tel un mirage, et Hermione s'empara de la belle coupe en or dont les bordures triangulaires étaient ornées de joyaux bleus. A l'intérieur, reposait paisiblement le liquide épais et argenté qu'était le Sang de Licorne.

- Je vais le prendre, proposa Orience en jetant un regard inquiet à Hermione.

Cette dernière sembla reprendre ses esprits tandis que la vampiresse lui ôtait prudemment l'objet des mains.

- Allons-y, dit Soane.

Alors que les deux vampires prenaient le chemin du retour, ils durent s'arrêter quelques mètres plus loin pour attendre Hermione. En effet, celle-ci n'était pas en train de les suivre, mais, le nez dans les plantes, semblait chercher quelque chose.

- Je peux savoir pourquoi est-ce que tu fouilles notre laboratoire ? risqua Soane.

Hermione leva la tête vers eux, gênée.

- Parce que...hésita-t-elle, je crois que mon collier est ici.

Soane et Orience échangèrent un regard incompris.

- Bon, ne vous énervez pas, expliqua Hermione, mais je pense que l'un des vôtres m'a volé mon collier qui était dans ma cabane. Je sais que ce sont des accusations non fondées, mais j'ai la certitude que c'est Leeyame qui l'a ordonné.

- Qu'est-ce que Leeyame ferait d'un bijou ? demanda Soane, interloqué.

- Ce n'est pas n'importe quel collier, dit-elle. Le pendentif est un cœur de Bulborbus auquel je tiens beaucoup.

Les deux vampires se figèrent de surprise.

- Désolée de ne t'avoir rien dit, Soane, s'excusa Hermione qui se souvenait avoir joué l'innocente lorsqu'il avait parlé de « caractéristiques incroyables » concernant la plante, quelques jours plus tôt.

Tandis qu'il restait pétrifié d'horreur, Orience prit la parole :

- Ton autre moitié est Drago Malefoy, je suppose ?

Hermione approuva tristement.

- Et dire que j'ai cru avoir ma chance, souffla alors Soane, décontenancé. Des âmes sœurs ! Il y avait une possibilité sur des milliards et il a fallu que ce soit toi !

- Ça suffit, Soane, le coupa sa sœur d'un ton sec. Tu te lamenteras sur ton sort plus tard, il y a beaucoup plus urgent, on dirait.

Elle avait dit ça avec un sérieux inquiétant, et Hermione l'interrogea du regard, ne comprenant pas ce que cette révélation apportait.

- Ton attirance pour le Sang de Licorne n'est plus si surprenante, murmura-t-elle, pensive.

- Quel est le rapport ? s'impatienta Hermione.

Orience jeta un œil à son frère, puis inspira avant de déclarer :

- Ce n'est pas nous qui détenons ton collier, mais Voldemort, j'en ai peur...

- Je ne comprends pas, dit-elle tout en tentant de repousser le souvenir que sa mémoire lui imposait, dans lequel Drago avait récemment fouillé son sac.

- Comme tu dois t'en douter, ceci n'est pas que du simple sang de la créature, dit-elle en désignant la coupe, mais le résultat d'une expérience de mon peuple. Le créateur s'appelle Naoken, un vieux vampire autrefois ami de Leeyame. Il a quitté le clan lorsqu'il s'est aperçu des pouvoirs de sa création qui, selon lui, entraîneraient l'avidité des sorciers et le désir de s'en emparer. La Reine refusa de prêter attention à ce danger, bien trop heureuse de posséder enfin une invention qui ferait la fierté de notre peuple, et conserva le Sang de Licorne ici, tandis que Naoken quittait le clan qu'il considérait désormais comme une cible des sorciers.

- Il a toujours eu une peur bleue du ministère, commenta Soane. Faut voir ce qu'ils ont fait à ses ancêtres, aussi !

- Mais qu'a-t-il crée de si terrifiant ? interrogea Hermione.

Orience plongea intensément ses yeux vert dans ceux de la jeune femme, puis répondit d'une voix grave :

- Il a crée le seul et unique moyen de pouvoir toucher un cœur de Bulborbus...

Hermione faillit s'écrouler sous la nouvelle. Cependant, malgré tous ses efforts, elle avait du mal à réfléchir et ainsi faire les liens entre chaque chose. Orience l'y aida :

- Personne ne sait comment Naoken est parvenu à modifier les caractéristiques d'un sang si pur, mais il en fait un moyen de s'emparer de ce qui était jusqu'alors intouchable, exceptés par les âmes-sœurs en question. Ce sang ne te permettra pas de retirer un cœur de la plante, seules deux personnes complémentaires le peuvent ; mais il te permettra en revanche de saisir un cœur déjà existant.

- Le seul cœur de Bulborbus reconnu repose en Grèce, expliqua Soane. Avec ce pouvoir sous la main, tu es capable de t'emparer de ce qui vaut chez vous des millions de gallions. C'est ce contre quoi Naoken nous mettait en garde : « l'humain est assoiffé d'argent, ils viendront nous voler ! » répétait-il.

- Et il avait raison, apparemment, dit Orience.

- Non, contredit Hermione, recollant peu à peu les pièces du puzzle. Voldemort n'a jamais eu aucun intérêt dans l'argent, et n'en aura jamais.

- Dans ce cas, dit Soane en fronçant les sourcils, que peut-il bien faire d'un cœur de Bulborbus ? L'offrir à sa mère ?

- Réfléchit au lieu de dire des bêtises, s'énerva Orience. Il faut qu'on sache ce que le Seigneur des Ténèbres manigance si on veut avoir une chance de le devancer. Tant qu'on aura cette coupe, il n'arrivera pas à ses fins, car toute magie est impossible sur le cœur de cette plante. Le seul moyen de s'en emparer est de le prendre, chose irréalisable sans ce pouvoir. Qu'en penses-tu, Hermione Granger ?

Cette dernière ne semblait pas écouter, perdue dans ses réflexions.

- Indestructible et éternel...murmura-t-elle alors, se remémorant les paroles du professeur Chourave. Tout prend sens ! Oui, tout est lié, maintenant ! Quels sont les désirs les plus fous de Voldemort ? L'éternité et l'invincibilité ! Deux caractéristiques que possède le cœur de Bulborbus ! C'est évident, il veut s'en faire un Horcruxe !

Hermione avait crié. Les deux vampires la regardaient avec des yeux ronds, impressionnés. La jeune femme, quant à elle, se trouvait partagée entre deux sentiments : la joie immense d'avoir enfin reconstitué le puzzle dans son entier, et la peur effroyable que ces révélations apportaient.

- Il a déjà séparé son âme en six, annonça-t-elle, réfléchissant de nouveau. Pourquoi aurait-il besoin d'un nouvel Horcruxe ? Certes, le journal et la bague sont déjà détruits, mais il a de la marge. A moins que... A moins qu'il ne se soit rendu compte que ses autres vies n'étaient plus en sûreté ? Oui, c'est probablement ça ! Voldemort a dû comprendre les projets que Dumbledore avait confié à Harry, avant sa mort, autrement dit la chasse aux Horcruxes. Nous voulions garder le silence et ne rien dire au ministère, comme le directeur nous l'avait recommandé. Mais, si le ministère de la magie ne pouvait se douter de quoi il s'agissait, Voldemort, lui, a sûrement fait le lien avec la récente disparition de la bague, l'année dernière. Je ne sais pas comment il a su que je détenais un cœur de Bulborbus, mais une chose est sûre : s'il met la main dessus, mon collier deviendra une partie de l'âme du Mage Noire. Une septième âme, cette fois impossible à anéantir...

Hermione leva les yeux vers ses amis, et, une fois de plus, ceux-ci la regardaient s'agiter, incertains.

- Bon bah moi, s'exclama alors Soane en frappant des mains, je n'ai pas tout suivi, mais j'ai saisi l'essentiel : botter les fesses de Face de Serpent avant qu'il ne mette la main sur le collier !

- Nous détenons la coupe, insista Orience. Le collier lui sera inutile sans ça.

- Oui, approuva Hermione. Ça nous donne un peu de temps pour trouver un plan. Il faut que je vois Harry en urgence. Peut-on transplaner jusqu'en Angleterre ?

- Bien sûr, sourit Orience. Prends ma main et accroche-toi, on en a pour quelques minutes.

Hermione jeta un sortilège d'immobilité au Sang de Licorne pour empêcher le liquide de se renverser, puis prit la main que lui tendait Orience.

Enfin, elle abandonnait le monde des vampires...

Enfin, elle allait pouvoir crier « merde » sans risquer de se faire mordre pour manque de politesse.

Londres.

Tandis que ses genoux cognèrent le béton, la lumière aveuglante du jour l'obligea à se cacher les yeux un moment. Deux cris de douleur retentirent derrière elle, et Hermione fit volte face. Plissant les yeux pour s'habituer à la clarté, elle distingua deux silhouettes s'agiter. Elle les rejoignit quelques secondes plus tard dans une petite ruelle ombragée où ils s'étaient réfugiés.

- Est-ce que ça va ? s'inquiéta-t-elle.

Soane et Orience tournèrent vers elle leurs visages brûlés tandis qu'elle retenait un cri d'effroi.

- J'avais complètement oublié que c'était le jour, ici ! pesta Soane en regardant ses bras cicatriser lentement.

Hermione regarda elle aussi leur peau se guérir d'elle-même, et leurs visages retrouver leur beauté.

- Attendez, je reviens, dit-elle en s'élançant dans la grande avenue principale.

En effet, quelques instants après, Hermione était de retour avec deux capes noires sous le bras qu'elle leur lança vivement.

- Mettez-ça.

- D'où ça vient ? questionna Soane en s'exécutant.

- Je viens de tuer deux Mangemorts, répondit-elle, parfaitement sereine.

- Là, tout de suite ? Comme ça ?

- Oui, comme ça. Les rues grouillent de Mangemorts, il fallait s'y attendre. Mais ce ne sont que des sorciers ralliés au mal, pour la plupart.

- Tu n'as pas été vue, au moins ? s'inquiéta Orience.

- Non, mais, si on reste ici, on ne va pas tarder à l'être.

Une fois encagoulés, les deux vampires purent sortir de l'ombre sans risque.

- Regardez, chuchota Hermione en leur faisant signe d'approcher.

Orience longea le mur et jeta un regard à la grande rue silencieuse : des sorciers vêtus de noir marchaient d'un pas rapide, baguette magique sortie.

Les Mangemorts avait pris possession de Londres. Ils semblaient constituer la population, désormais, car il n'y avait aucune trace d'habitant autre que ces hommes encapuchonnés.

- Par Moana ! jura Soane. Tu ne plaisantais pas quand tu parlais de fin du monde, hein ?

- Où sont passés tous les sorciers ? murmura Hermione, effondrée. Que leur ont-ils fait ?

- Je pense qu'ils se cachent, la rassura Orience. Il n'y a rien de mieux à faire pour le moment : ils semblent être inlassablement traqués par ceux qui sont chargés de capturer les résistants, comme tous ceux-là, par exemple.

- Oui, approuva-t-elle. D'autant plus que Voldemort utilise un moyen magique pour détecter tout transplanage. Il va falloir éviter de se servir de ma magie, c'est plus prudent. Votre transplanage, en revanche, ne risque sûrement rien.

- Il y en a un qui vient par ici ! prévint Soane qui regardait de l'autre côté de la rue. On ferait mieux de déguerpir !

Sans plus attendre, Orience saisit le poignet d'Hermione qui resserra un peu plus la coupe contre sa poitrine, et tous trois transplanèrent. La jeune femme songea au Ministère de la Magie pour y trouver des alliés et, éventuellement, y cacher le Sang de Licorne. Comme elle s'y attendait, la vampiresse écouta ses pensées et atterrit dans une autre ruelle abritée, non loin de l'immense bâtiment. Alors qu'Hermione allait se précipiter à l'intérieur, Soane plaqua une main contre sa poitrine, l'empêchant de faire un pas de plus. Il fixait intensément les grandes portes d'entrée. Hermione fit de même et, après quelques secondes d'attente, vit un groupe de Mangemorts en sortir.

- C'est pas vrai ! fulmina-t-elle. Ils ont envahi le ministère aussi ? C'était pourtant protégé par les meilleurs aurors ! Bon sang, tout ça en quelques jours ! Et dire que je n'étais pas là pendant la première attaque !

- Ne te reproche rien, lui assura son amie. Voldemort a dû préparer sa première offensive avec tant de soin que je ne serais pas étonnée du nombre inimaginable de morts. Tu es beaucoup plus utile en vie, surtout qu'on te pense très loin d'ici.

- Pas sûr, rectifia Hermione. Avant d'être piégé, Greyback a ordonné à l'un des siens d'avertir Voldemort de ma capture, mais Drago ne m'a jamais ramenée comme prévu. Il doit savoir que quelque chose s'est passé, et reste probablement sur ses gardes. Je ne sais pas pourquoi il tient tant à me faire prisonnière, mais c'est forcément en rapport avec mon collier, je ne vois pas d'autre raison.

- Oui, et c'est pour ça qu'il va falloir être prudent, dit Soane en prenant un air sérieux. Je parie que tous les Mangemorts ont reçu l'ordre de te trouver.

Hermione fut parcourue d'un léger frisson. Soane et Orience eurent le même réflex et posèrent leurs mains sur ses épaules :

- On ne les laissera pas faire, lui sourit Orience.

- Il faudra nous tuer avant, renchérit son frère. Et c'est loin d'être facile.

- Merci, dit sincèrement Hermione, sentant une bouffée de courage l'envahir. Je ne sais pas ce que je ferais sans vous !

- Ce que tu sais faire de mieux, répondit-il, t'attirer des ennuis jusqu'au cou !

C'est alors que, sans prévenir, Soane s'en alla à grand pas vers le ministère après avoir pris soin de tirer sa capuche le plus loin possible.

- Que fait-il ? paniqua Hermione.

- Laisse-le faire, répondit Orience en la retenant à son tour.

Hermione observa Soane traverser la grande place centrale qui menait à l'édifice, croiser les Mangemorts en tant que l'un d'entre eux, puis, se dissimuler derrière l'angle du bâtiment. Hermione vit l'un des adeptes du Mage Noir s'engouffrer dans cette même impasse qui menait à l'arrière du Ministère, puis Soane en ressortir quelques secondes plus tard, dissimulant quelque chose sous sa cape. Une fois arrivé devant Hermione, il sortit de sous son ventre une nouvelle robe noire et la lui tendit.

- C'est moi qui l'offre, celle-là, sourit-il. On va pouvoir se déplacer librement, maintenant. Quoi ? Pourquoi est-ce que vous me regardez comme ça ?

Tandis qu'Hermione s'éloignait pour cause de nausée passagère, sa sœur lui indiqua discrètement de s'essuyer la bouche.

- Oh, navré, s'excusa-t-il en passant un coup de manche sur ses lèvres barbouillées de sang.

- Où est le corps ? s'enquit Orience.

- Heu, je l'ai laissé là-bas. Mauvaise idée ?

- Très mauvaise idée ! confirma-t-elle en lui lançant un regard chargé de reproches. Qu'est-ce qu'ils vont penser en trouvant un cadavre mordu, Soane ?

- On n'a pas le temps de se disputer, les interrompit Hermione en revenant vers eux, elle aussi maintenant déguisée en Mangemort par-dessus sa robe de bal. Il faut trouver une planque pour cette fichue coupe, et en vitesse ! Le ministère n'est pas le meilleur endroit, apparemment !

- Pourquoi ne pas simplement la détruire ? suggéra alors Orience. Je devrais mourir pour oser dire une telle chose de ce qui appartient à mon peuple et en fait sa grandeur, mais, si cet objet est effectivement le moyen pour Voldemort de devenir invincible, mieux vaut s'en débarrasser et éviter tout risque.

- J'y ai déjà pensé, hésita Hermione. Mais quelque chose me dit que ce n'est pas la bonne solution.

- Oui, et cette chose c'est le lien étrange qui existe entre toi et ce liquide ! rétorqua-t-elle. L'attirance que tu as envers lui parce que tu es la propriétaire d'un cœur de Bulborbus t'empêche sûrement de vouloir le détruire.

- Non, dit rapidement Hermione en hochant la tête. Ça n'a rien à voir. Je pense simplement à ce que cette coupe représente : elle est ce que Voldemort convoite le plus au monde, maintenant ! Nous sommes en possession de l'objet qui, j'en suis sûr, le hante sans relâche ! L'unique moyen pour lui de régner éternellement ! Si on s'en débarrasse, nous n'aurons plus aucun avantage sur lui, aucun moyen de pression.

- Tu penses sérieusement pouvoir faire chanter le Mage le plus puissant de tous les temps, Hermione ? douta Soane.

- Il a été un homme avant d'être un monstre, répondit-elle. Et aucun homme ne résiste au pouvoir du chantage, surtout lorsque ce dernier concerne sa durée de vie. Puissant ou pas, sa magie ne peut rien faire sans la coupe ; il est donc au même niveau que nous, pour le moment.

- Au même niveau que nous ? répéta-t-il en ricanant. Si je peux me permettre, il a tout de même un tout petit avantage à ne pas négliger, Hermione : il contrôle le monde !

Elle allait répliquer mais ses yeux vrillèrent un instant derrière l'épaule du vampire, et son cœur loupa un battement. Cette silhouette un peu enveloppée, cette façon de marcher d'un pas pesant... Était-ce possible ?

- Hermione, où vas-tu ? s'alarma Orience tandis que la jeune femme rejoignait un Mangemort encagoulé qui attendait près de l'entrée du Ministère.

Les yeux pétillants d'espoir, le cœur battant à tout rompre, Hermione se dirigea vers l'homme qui tira un peu plus sur sa capuche en l'apercevant, comme s'il désirait ardemment lui cacher son visage. Baguette fermement tenue sous sa cape au cas où elle faisait erreur, elle s'appuya contre le mur, juste à côté du Mangemort.

- Neville ? souffla-t-elle. C'est toi ?

L'homme se figea, puis releva brusquement la tête, dévoilant ainsi son visage.

- Bon sang, Hermione ! chuchota-t-il, rayonnant.

Tous deux faillirent s'enlacer mais se retinrent aussitôt ; ce n'était ni l'endroit, ni le moment. Pourtant, chacun en mourait d'envie.

- C'est si bon de te revoir ! pleura presque Hermione.

- Pas autant que de te revoir toi ! Tu as complètement disparue depuis plusieurs jours !

- Oui, c'est une longue histoire ! Mais on ne peut pas rester ici à discuter, c'est trop risqué.

Tous deux s'éloignèrent discrètement, rejoignant les vampires.

- On dirait qu'on a eu la même idée de déguisement ? rit-elle.

- C'est l'idée d'Harry, dit-il fièrement.

- C'est lui qui t'envoie ici ? demanda-t-elle en essayant de conserver une voix posée malgré le désir de le harceler de questions.

- Oui. Il m'a chargé d'une mission avec Luna.

- Luna Lovegood ? Elle est ici aussi ?

- Bonjour, les interrompit Orience, suivie de son frère.

Neville devint blanc comme un linge.

- Bon...bonjour madame, bégaya-t-il.

- Voici Orience et Soane, présenta rapidement Hermione qui désirait revenir à leur conversation. Ce sont des vampires et amis qui se battent à mes côtés.

- Oui, Harry m'a parlé de ta mission secrète. Tu as trouvé l'arme dont Tu-Sais-Qui a besoin ?

- Plus tard, trancha-t-elle. Comment se fait-il que Harry t'ait parlé de ma mission ? Et puis qu'est-ce que Luna et toi fichez ici, parmi tous ces Mangemorts ?

- On se bat, quelle question ! répondit vivement Neville. On est ici pour récupérer le Médaillon de Serpentard.

- Quoi ? s'étouffa Hermione. Tu es au courant pour... les Horcruxes ?

- Oui, Harry nous a tout dit.

- Comment a-t-il pu ? s'énerva-t-elle. Dumbledore lui avait formellement interdit d'en parler à quiconque ! Il aurait dû...

- T'attendre ? la coupa Neville, sourcils froncés. Il aurait dû t'attendre, Hermione ? Tu étais injoignable, et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, la guerre a été déclarée ! Sans Ron et toi, Harry s'est retrouvé tout seul, et il avait besoin d'aide pour mettre son plan en action. Il sait qu'il peut compter sur nous, et Luna, Ginny et moi ne demandions qu'à l'aider ! De toute façon, on risque notre peau tous les jours en faisant le choix de résister, alors autant mourir en aidant Harry dans sa tâche.

Hermione serra les mâchoires, se sentant plus coupable que jamais. Elle avait abandonné son meilleur ami et ses priorités pour une mission ministérielle. Cependant, elle n'était pas sûre qu'un autre qu'elle eusse réussi à découvrir le secret du Sang de Licorne et à s'en emparer, et en cela son absence était justifiée.

- Harry a eu raison de faire appel à vous, finit-elle par reconnaître. Où est-il en ce moment ?

- A Poudlard.

- Poudlard ? répéta Hermione sans y croire. Mais c'est là où siège maintenant Voldemort, non ? Il est fou !

- Il est convaincu que l'un des Horcruxes se trouve là-bas, expliqua Neville. Et il nous reste peu de temps, il n'a pas le choix ! Il nous a avoué, à Luna et à moi, que, malgré sa longue dépression, il n'avait jamais cessé de réfléchir aux Horcruxes et aux endroits probables où ils seraient cachés. Réfléchir à tout ça l'empêchait de penser à Ron, et, après ta récente visite chez lui, il a repris courage et a commencé à élaborer des plans. C'est ensuite qu'il a demandé notre aide.

- Et tu dis que le médaillon serait ici, au ministère ?

- Tout ce qu'on a, ce sont des suppositions, mais il est de toute façon impossible d'avoir des certitudes. C'est assez long à expliquer, mais l'elfe de Maison d'Harry a appris que Mondingus Fletcher aurait eu l'objet en sa possession pour un certain temps, avant de le revendre à Ombrage. Ce crapaud est dans son bureau, à l'heure qu'il est, vêtue de cette même robe noire, la robe des adeptes !

Neville respirait bruyamment, comme pour contrôler sa colère. Hermione le comprenait ; le seul nom « Ombrage » suffisait à provoquer une montée de haine et de colère.

- Où est Luna ? demanda Hermione.

- A l'intérieur. Le principe est qu'elle arrive jusqu'au bureau d'Ombrage sans ennui, pour ensuite la stupéfixier et lui voler le médaillon qu'elle porte à son cou de vielle bique.

- Pourquoi n'es-tu pas avec elle pour l'aider ?

- Harry a dit qu'on ne pouvait pas se permettre de se faire prendre, que l'enjeu était trop important. Une personne attrapée est toujours mieux que deux ; si elle échoue, au moins je serais là pour prendre le relais. Ne fais pas cette tête, Hermione ! Au moindre problème, elle m'envoie le signal qui signifie « danger de mort », et je suis là pour intervenir. Rester ici est simplement un moyen de s'assurer qu'il y en aura toujours un de sauf pour poursuivre la tâche si l'autre ne s'en sort pas.

- Hermione ? appela alors Orience. Désolée, mais on ne peut pas rester ici, pas tant qu'on aura cette coupe avec nous. Si on se fait prendre, on peut dire adieu au Sang de Licorne.

- Oui, allons-y. Allons chez Richard, il n'y aucun risque qu'ils aillent fouiller chez un moldu, pour le moment. Mais il faudra la changer de place ensuite, je ne veux pas lui attirer d'ennuis. Plus tard les questions, Neville.

Elle prit la main que lui tendait Soane.

- Ah au fait, dit-elle à l'adresse de son ami. Si tu vois Harry avant moi, dis-lui que les Horcruxes risquent de passer au nombre de sept !

Neville allait répondre, mais sa baguette magique émit soudain une vive lueur.

- Qu'est-ce qu'elle a, ta baguette ? demanda Hermione.

Neville leva vers elle son visage dont les traits paniqués lui rappelèrent le garçon trouillard de son enfance.

- C'est le signal, lâcha-t-il.

Sans perdre une seule seconde, Neville tournait déjà les talons et pénétrait à l'intérieur du Ministère de la magie. Hermione se lança à sa suite, mais Soane la retint fermement.

- On a notre propre mission à mener ! dit-il. On n'a pas le temps de jouer les héros maintenant, Hermione. Il faut absolument qu'on mettre cette coupe en sûreté !

- Il est hors de question de laisser mes amis tout seuls dans un nid de Mangemorts ! répliqua Hermione. Luna est en danger ! Tu n'as qu'à prendre la coupe et aller la cacher pendant que je fais un saut au ministère, d'accord ?

- Bien sûr que non, pas d'accord ! On ne va pas te laisser toute seule ! Dis quelque chose, Orience !

Cette dernière vint se placer aux côtés d'Hermione et regarda son frère.

- Nous sommes là pour l'accompagner dans sa tâche, dit-elle de sa voix sage. Pas pour prendre les directives à sa place.

Hermione sourit à Orience avant de rabattre la grande capuche noire sur sa tête.

- C'est parti ! dit-elle en respirant un grand coup.

Hermione s'engouffra à l'intérieur de l'édifice, suivie d'Orience.

- Ah, ces femelles ! grogna Soane avant de les imiter à contre cœur.

Le ministère était exactement le même qu'avant, à la seule différence que les jolies secrétaire au sourire accueillant avait été remplacées par des Gobelins, nouveaux alliés de Voldemort, et que chaque personne ici portait cette même toge noire et imposante, qui permettait d'ailleurs à Hermione de se faufiler aisément parmi la foule.

Le hall était bondé de Mangemorts qui entraient et sortaient d'un pas pressé, des dossiers sous le bras. Le nouveau monde du Lord Noir était en marche : le ministère n'était désormais plus un lieu d'aide aux résistants, mais un lieu de chasse aux résistants. Chaque sorcier ici travaillait probablement à l'extermination définitive des Sang-de-Bourbes non-coopératifs, et cela se confirma lorsqu'ils passèrent devant l'immense allée blanche menant aux bureaux d'information, autrefois décoré de tableaux d'anciens ministres importants ; à la place était fixé un écran géant prenant toute la largeur du mur, sur lequel s'inscrivait des milliers de noms de sorciers. Tout en haut des listes infinies, on pouvait lire le titre suivant : « Sangs Impurs, Cachez-Vous Bien, On Arrive... ».

Hermione remarqua également que beaucoup de noms inscrits disparaissaient sans cesse, faisant place à de nouveaux noms, autrement dit, à de nouvelles cibles.

- Quelle horreur, souffla-t-elle discrètement. Mon nom est sûrement quelque part là-dedans.

C'est alors que, d'une main hésitante, Orience pointa son doigt vers le sommet de la liste. L'ancienne Gryffondor leva les yeux, puis déglutit difficilement : juste au-dessous du titre, et presque écrit aussi gros que lui, apparaissait en caractère gras : Hermione Granger. Juste à côté, une photo d'elle s'agitait.

- Allons-nous-en, dit-elle, la gorge serrée. Si Ombrage a conservé son bureau, Neville et Luna doivent être au cinquième étage.

Hermione se hâta vers les escaliers, l'ascenseur étant complet et, de toute façon, trop risqué. Elle aurait voulu courir, mais cela paraitrait trop suspect, bien que tout le monde se dépêchait, ici. Une main tenant solidement la coupe sous sa cape, l'autre tenant fermement sa baguette magique, Hermione se précipita à travers le couloir du cinquième étage, tendue comme un piquet. Elle ouvrit la porte du bureau d'Ombrage à la volée, se sentant invincible avec deux vampires comme garde du corps.

Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir dans la pièce quatre Mangemorts étendus au sol, ainsi qu'un gros crapaud tout de rose vêtu, ligoté et bâillonné. Hermione sourit.

- Aucun doute, Neville s'est nettement amélioré en pratique !

Elle enjamba les corps sans vie pour aller s'accroupir à la hauteur d'Ombrage qui la regardait avec des yeux ronds, ébahie. Hermione lui enfonça sa baguette sous le menton, puis retira légèrement le chiffon qui l'empêchait de parler.

- Criez, et je vous tue, professeur, menaça Hermione d'un ton calme. C'est compris ?

La vieille femme hocha légèrement la tête.

- Bien, dit Hermione, ravie de dominer cette sorcière qui l'avait tant effrayée par le passé. Les deux personnes qui vous ont attaquée il y a deux minutes, vous ont-ils volé quelque chose ?

- Vous ne resterez pas longtemps en vie, ma pauvre fille, répondit Ombrage avec un rictus. Vous n'auriez jamais dû revenir ici.

- Vous ne ferez pas long feu non plus, si vous ne répondez pas à ma question.

- Il n'est tellement pas surprenant que votre légendaire orgueil de miss je-sais-tout vous pousse à croire que vous sauverez le monde. Vous êtes si ridicule, miss Granger, à pousser les gens à garder espoir, alors que vous savez parfaitement qu'il n'y aura pas de fin heureuse pour eux.

- J'appelle ridicule votre tailleur couleur rose bonbon, j'appelle ridicule le fait de se faire courser par des centaures en pleine forêt, et j'appelle ridicule votre manie de vous cacher sous les jupons de chaque ministère qui soit. Mais se battre pour sa liberté est un but qui ne portera jamais le nom de ridicule, jamais. Maintenant, répondez-moi. Portiez-vous un médaillon, à l'instant ?

Ombrage se contenta de la fixer de ses petits yeux bleus inquisiteurs, sans ciller. Comme Hermione ne semblait pas atteinte le moins du monde par ses répliques, elle s'attaqua au sujet qui ne pourrait jamais la laisser indifférente :

- Qu'est-ce que ça fait, demanda alors la vieille sorcière avec un sourire mauvais, de découvrir que l'on a été aimée uniquement parce que c'étaient les ordres du Supérieur ?

Sa réaction eut apparemment l'effet désire ; Hermione flancha sous la question. Ses oreilles se mirent à bourdonner tandis que son cœur lui donnait l'impression de perdre peu à peu de la vitesse. Orience vint à sa rescousse et la tira en arrière, tandis que la jeune femme sentait ses forces l'abandonner, une fois de plus. Les ordres du Supérieur... Cette phrase résonnait encore bruyamment dans sa tête. Ainsi, Drago aurait fait semblant de l'aimer sur la demande de Voldemort ? Était-ce possible que ce ne fusse pas par pur vengeance personnelle, comme il l'avait prétendu ? Mais le pire était que, si Ombrage, qui ne représentait sûrement rien pour le Lord, était au courant du jeu de Drago, cela voulait dire que sa mission n'avait pas été un secret pour les adeptes. Cela voulait dire qu'Hermione n'avait pas été la vulgaire poupée de Drago, mais celle de Voldemort...

De nouveau anéantie par les révélations qui s'enchaînaient dans son esprit, Hermione se laissa doucement éloigner par Orience, puis regarda cette dernière ensuite s'accroupir à la hauteur d'Ombrage qui perdit aussitôt son sourire. Elle vit les yeux de la vieille femme s'agrandirent de terreur, puis son teint prendre une couleur aussi blanche que les murs. Hermione devinait aisément le visage du vampire, invisible car dissimulé dans l'ombre de la capuche rabattue sur la tête, et les deux lueurs terrorisantes des yeux rouges sang qui s'étaient emparés de son regard. Elle imaginait aussi les deux canines étinceler, et entendait d'ici le grondement animal qui paralysait Ombrage. La vampiresse resta ainsi en position de chasse une longue minute pendant laquelle l'ancien professeur s'était complètement arrêté de respirer, redoutant de se faire mordre au moindre mouvement par cette créature angoissante. La main de celle-ci s'avança alors vers le visage de sa proie, et se posa délicatement sur sa joue ridée, le bout de ses ongles, devenus griffes, effleurant son œil bleu exorbité de panique.

- Où est le médaillon ? questionna alors Orience, dont la voix n'était plus qu'un son roué et inquiétant.

- Ils...ils l'ont pris, souffla Ombrage dans un murmure à peine audible. Les deux enfants me l'ont pris...

Hermione reprit courage et chassa les images blessantes et humiliantes qui s'agrippaient à elle pour la tirer vers les profondeurs d'une dépression jamais très lointaine.

- C'est bon, Orience, dit-t-elle en se relevant. Neville et Luna se sont échappés avec le médaillon, ils ont réussi. C'est tout ce que je voulais savoir, allons-y.

La vampiresse retira doucement sa main de la joue, tout en enfonçant légèrement son ongle dans la peau. La coupure arracha un petit cri de douleur à Ombrage, et Hermione s'empressa de lui remettre le chiffon dans la bouche. Elle pointa ensuite sa baguette vers la vieille femme qui, reprenant ses esprits, défiait Hermione du regard. La main tremblante, cette dernière hésitait.

- Je suppose que Neville n'en a pas eu le courage, souffla-t-elle. Tout comme je ne l'aurais pas eu, avant. Mais j'ai changé. Je n'espère plus voir le mal devenir bien, et moins vous êtes, mieux le monde se portera.

C'est alors qu'Orience posa doucement sa main sur sa baguette, et la lui abaissa avec un petit sourire.

- N'oublie jamais ce qui fait la différence entre eux, et toi, Hermione Granger. Il y a assez de gens qui meurent comme ça, tu ne crois pas ?

Hermione ne bougea pas tout de suite. Trop de colère bouillonnait encore en elle pour qu'elle puisse se calmer ; les gens comme Ombrage n'étaient pas soumis aux nouvelles directives, ils avaient choisi d'être là parce qu'ils adhéraient aux idéologies de Voldemort. Cependant, elle finit par ranger sa baguette.

- Nous vaincrons, informa alors Hermione d'un air désolé à l'adresse de la vieille femme. Pas aujourd'hui, pas demain, et je ne serais même probablement plus là quand ça arrivera, mais nous vaincrons. Nous vaincrons parce qu'il vous sera impossible de contrôler indéfiniment les sorciers par la peur que vous engendrez chez eux. Ils sont bien plus nombreux et bien plus doués en magie que vous ne le soupçonnez, mais vous les empêchez d'en prendre conscience grâce au climat de terreur instauré. Seulement, un jour, alors que vous vous penserez maître du monde, ils se réveilleront et réaliseront ce que vous avez fait de leur liberté. Et ce jour-là, chère Dolores, ce jour-là vous regretterez que je ne vous ai pas tué dans ce bureau, car leur vengeance sera bien plus terrible qu'une simple horde de centaures...

Ombrage soutint son regard, mais il était facilement lisible qu'elle réfléchissait aux dernières paroles prononcées. Hermione quitta le bureau avec Orience après avoir jeté un sort d'illusion qui faisait croire à une pièce vide, et toutes deux rejoignirent Soane qui, anxieux, avait pris l'initiative de faire le guet dans le couloir.

- Pas trop tôt ! râla-t-il. Je vous signale qu'il y a de plus en plus de Mangemorts qui arrivent ! Je le sens mal, je le sens très mal, je le sens vraiment très mal ! J'avais dit qu'on ne devait pas venir !

Hermione tira un petit sourire.

- Si je ne te connaissais pas, dit-elle, je dirais que tu as peur de vulgaires sorciers, Soane.

- N'importe quoi ! se défendit-il, vexé. Je n'ai pas peur de vulgaires sorciers, comme tu dis, mais j'avoue redouter une centaine de vulgaires sorciers ! Il y en a partout autour de nous, et, malgré notre force, je ne suis pas sûr qu'on en sorte vainqueur si on se fait repérer !

- Calme-toi, positiva Hermione. On a juste à transplaner !

Soane lâcha un petit rire nerveux.

- Oh, aurais-je oublier de te prévenir ? dit-il d'un ton sarcastique. J'ai essayé de transplaner par cette fenêtre, au fond du couloir, pour voir si tout allait bien dehors. Tout ce que ça m'a valu, c'est une bosse au crâne. On ne peut pas transplaner de ce fichu ministère !

- Encore un système volé de Poudlard, soupira Hermione. Bon, c'est pas grave, on va redescendre et sortir par le hall, comme on est venu. On n'a pas le choix.

- Je le sens mal, Her...

- Attention, voilà un groupe de trois Mangemorts qui arrive, le coupa-t-elle.

Hermione, Orience et Soane baissèrent légèrement la tête et croisèrent les partisans du Lord en priant pour ne pas être remarqués.

- Je le sens mal, Hermione, chuchota Soane lorsque le groupe fut derrière eux.

- T'as une autre solution pour sortir ? s'énerva-t-elle.

Il grogna quelque chose qu'elle ne comprit pas. Elle pressa le pas et arriva rapidement aux escaliers. Une fois en bas des innombrables marches, tous trois observèrent avec appréhension l'immense hall peuplé de Mangemorts. Toutes ces capuches noires qui inondaient les gigantesques galeries faisaient penser à une fourmilière tueuse.

- On est dans le caca d'hyppogriffe, lâcha Soane dans un soupir désespéré.

- Arrête de paniquer ou ça va se remarquer ! dit Hermione, elle-même essayant de calmer ses battements de cœur. Nous n'avons qu'à...heu, traverser cette rivière noire pour atteindre les portes, tout là-bas. On est entré, on peut donc sortir. Il n'y a aucune raison que ça se passe mal.

- J'ai un tas de raison, si c'est ça qui te manques, maugréa-t-il.

- Merci bien, je m'en passerai. Maintenant, tu te tais et tu avances d'un air naturel.

Hermione et les deux vampires plongèrent alors dans les courants de pas précipités et de capes survolant le sol. Elle avait l'impression que chacune des personnes qu'elle croisait s'attardait sur son visage, mais elle arrivait déjà à moitié chemin et personne ne semblait vraiment avoir fait attention à elle, sûrement trop préoccupés par leur travail. Elle commença à respirer de nouveau.

- Ils croisent tellement de Mangemorts tous les jours qu'ils ne font sûrement plus attention à rien ! glissa Hermione à Soane.

- Ne t'emballes pas, répliqua celui-ci, remuant à peine les lèvres. On n'est pas encore dehors.

- Ne t'inquiètes pas, moi je le sens bien. Je te dirai quand il y aura lieu de paniquer.

Tout à coup, toutes les listes de noms affichées sur l'immense écran aperçu un peu plus tôt s'effacèrent. La vidéo d'un homme apparut alors, et sa voix résonna dans tout le hall, instaurant aussitôt un silence réceptif.

- Chers fidèles, annonça-t-il, tandis que tout le monde s'était arrêté de marcher pour regarder l'écran géant. L'un des nôtre vient d'être retrouvé mort, son corps déshabillé et caché derrière ce bâtiment même où vous vous trouvez.

Il marqua une pause, puis reprit :

- Vous l'avez compris, il y a un, ou des intrus dissimulés parmi vous. Je demanderez donc à chacun de retirer sa capuche dans les dix secondes à venir. Tuez tous ceux dont les visages sont restés dans l'ombre après le temps imparti. Merci, et bonne journée.

L'écran redevint noir, puis les listes apparurent de nouveau.

- Est-ce qu'il y a lieu de paniquer, maintenant ? demanda Soane.

Hermione plongea ses yeux dans les émeraudes du vampire, puis répondit d'un ton las :

- Ouais, là je crois qu'on peut officiellement se déclarer dans le caca.

Ce fut les dix secondes les plus abominables de sa vie. Hermione regarda les Mangemorts découvrir leur visage tour à tour. Bientôt, il ne resterait plus que trois personnes encapuchonnées, prises au piège.

Sous sa cape, Hermione serrait si fort sa baguette magique qu'elle en avait mal aux doigts. Devait-elle se découvrir, elle aussi ? La remarqueraient-ils parmi la foule ? Malheureusement oui, il ne pourrait en être autrement avec la grande photo qui illustrait le nom « Hermione Granger », à l'écran. D'ailleurs, une femme Mangemort qui se trouvait juste à ses côtés commençait déjà à la regarder, se demandant sûrement pourquoi elle n'avait pas encore retirer sa capuche. Hermione sentait son cœur manquer cruellement d'oxygène, et il lui devenait de plus en plus difficile de réfléchir correctement. Aucune solution d'échappatoire ne lui paraissait possible : qu'elle se montre ou non, elle attirerait l'attention sur elle dans les deux cas. Il en allait de même pour ses amis vampires qui ne pouvaient se confondre avec les humains, mais qui, surtout, mourraient s'ils découvraient leur visage à la lumière du jour.

Les dix secondes s'achevèrent ; tous les Mangemorts étaient à découverts. La femme qui n'avait cessé de fixer Hermione prit alors la parole, rompant le silence.

- Là ! dit-elle en la pointant du doigt. Et ces deux-là, aussi.

Tous les regards, ainsi que toutes les baguettes se tournèrent vers eux. Hermione se sentait si honteuse d'avoir mené Orience et Soane dans un tel pétrin ! La lumière leur empêchait tout mouvement car ils risqueraient de faire glisser leur capuche, et ils allaient mourir par sa faute. Elle aurait dû écouter Soane, et laisser Neville remplir sa mission comme un grand, au lieu de se croire utile en sautant dans la gueule du loup, sans plan, ni prudence.

- Montrez-vous, ou l'on vous tue sur le champ, ordonna un Mangemort.

Un nœud lui barrait la gorge, empêchant le moindre son de sortir. C'était la fin, on dirait, une triste fin. Tous ces efforts pour finir tuée au Ministère de la magie, touchée par une centaine d'avada kedavra en même temps.

Hermione lança discrètement un sort d'invisibilité temporaire à la coupe. C'était tout ce qu'elle était en mesure de faire. Puis, les mains tremblantes, saisit les bords de sa capuche, prête à la baisser et à recevoir le sortilège de mort. Elle imaginait déjà son nom et sa photo disparaître de la grande liste.

- « Quoi qu'il arrive, surtout, tu restes cachée » souffla la voix de Drago à son oreille.

Son cœur, qui jusque là s'était arrêté de battre avant son heure, bondit douloureusement dans sa poitrine, brusquement réveillé. Elle vit un homme lui passer juste devant, vêtu de cette même cape noire, et la capuche toujours rabattue sur la tête ; mais, même de dos et masqué par l'habillement, elle aurait pu le reconnaître en mille autres.

- Ils sont tous les trois avec moi, dit-il alors en s'adressant à la foule. Rangez vos baguettes et remettez-vous au travail.

Les Mangemorts s'échangèrent des regards hésitants, ne sachant à qui ils avait affaire.

- Je suis l'un des hauts responsables du ministère, s'éleva la voix d'un homme qui se fraya un chemin jusqu'au nouvel arrivant. Et toi, qui es-tu pour oser donner des ordre ici ?

Drago laissa retomber sa capuche en arrière, et toute la foule eut un même mouvement de recul, suivi aussitôt par des têtes inclinées.

- Monsieur Malefoy, salua l'homme qui avait pris la parole, baissant la tête à son tour. Pardonnez mon arrogance, j'ignorais votre identité.

- Remettez-vous au travail, répéta simplement Drago.

- Certainement, Monsieur. Néanmoins...il est de mon devoir de vérifier ces intrus. Je m'en excuse, je n'ai pas le choix.

Drago le fixa longuement, sans rien dire. L'homme semblait regretter ses paroles un peu plus chaque seconde.

- Ces trois personnes sont des vampires, avoua alors Drago. Ils se protègent de la lumière qui les tuerait, et c'est pourquoi ils ne se montreront pas. Sachez simplement qu'ils sont là dans le but de servir notre Seigneur. En revanche...

Drago tira un petit sourire à glacer les sangs.

- ... Puisque vous tenez tant à remplir votre devoir, je vous invite à vérifier par vous-même.

Le ministre se raidit, puis déglutit difficilement. Le ton de « l'invitation » ne lui laissait apparemment pas le choix, et il s'avança vers les trois silhouettes tout en se maudissant intérieurement. Hermione le regarda passer devant elle, puis s'arrêter à quelque centimètres d'Orience. Tremblant de la tête au pied, l'homme s'approcha de la créature parfaitement immobile, dont le visage complètement dissimulé dans la capuche donnait l'impression d'un vide infini et terrifiant. Tout le monde avait les yeux rivés sur lui, créant un silence angoissant. Il enfonça un peu plus sa tête à l'intérieur de la grosse cagoule noire pour discerner ne serait-ce qu'un trait de visage qui confirmerait la nature de ce qui se cachait derrière cet habillement, et sentit alors un souffle rauque lui effleurer la joue. L'homme ne sentit le danger que trop tard et n'eut pas le temps de reculer que deux étincelles rougeoyantes s'animèrent à quelques centimètre de ses yeux exorbités. Deux pointes tranchantes fusèrent vers lui et se plantèrent dans la peau de son cou. Vidé de son sang, le corps tomba au sol dans un bruit sourd.

- Y a-t-il quelqu'un d'autre ici qui aimerait me traiter de menteur ? lança alors Drago d'une voix autoritaire.

Les adeptes du mal baissèrent de nouveau la tête, s'inclinant face au bras droit de Voldemort.

- Pitié, Monsieur Malefoy, pardonnez notre manque de respect, s'empressa de dire un autre Mangemort. Cela n'arrivera plus.

- Nettoyez-moi ça, ordonna Drago en désignant le cadavre. Et, à l'avenir, contentez-vous d'obéir.

- Absolument ! Vous n'aurez plus rien à craindre à ce sujet. Remettez-vous au travail, vous autres ! Plus vite que ça ! Toi, vire-moi cet imbécile de là et rendez-moi ce carrelage impeccable !

Drago avançait déjà à grand pas à travers le couloir opposé et Hermione dut courir pour le suivre. Orience et Soane marchaient à ses côtés, et tout trois n'eurent pas besoin de communiquer pour penser la même chose : rester sur ses gardes face à l'homme dangereux qui se trouvait devant eux.

Ils pénétrèrent dans le dernier bureau à droite, et Drago ferma la porte à leur suite.

- Expelliarmus !

La baguette du jeune homme vola en l'air pour atterrir dans les mains d'Hermione.

- Tu ne t'attendais pas à ça, hein chéri ? ironisa-t-elle, victorieuse.

- Qu'est-ce que tu fais ? dit-il, désarmé.

- Je prends mes précautions face à un Mangemort, ce que j'aurais dû faire depuis le début. Incarcerem !

Une longue corde jaillit de sa baguette et vint s'enrouler autour de Drago qui ne tenta même pas de résister.

- Ne sois pas ridicule, Hermione, soupira-t-il.

- Oh, ce n'est plus Granger, maintenant ? rit-elle nerveusement. Tu en as encore beaucoup des surprises comme ça, Malefoy ?

- Écoute-moi...

- Non, c'est toi qui m'écoute ! le coupa-t-elle sèchement. Je suis complètement perdue, Drago, d'accord ? Chaque mot sorti de ta bouche n'est que mensonge, et je ne sais même pas si tu es encore capable de vérité ! Tu me livre aux loups pour ensuite me sauver de leurs griffes, tu m'abandonnes aux vampires pour ensuite revenir me sauver des Mangemorts, mais qu'est-ce que je suis, hein ? Une marionnette avec laquelle tu t'amuses ? Tu crois réellement pouvoir manier mes ficelles encore longtemps ?

- Tu ne déduis pas les bonnes choses de ce que tu vois, souffla Drago qui dut s'asseoir sous les regards menaçants des deux vampires.

- Oh, excuse-moi ! répondit Hermione, hors d'elle. Excuse-moi d'avoir un léger doute quant à ton appartenance au mal, lorsque je constate à l'instant la célébrité de ton nom et ton visage dans le monde des Mangemorts ! Il est évident que Voldemort a fait de toi son Second, et que tu génères presque autant de peur que lui, ici ! Alors cesse de me prendre pour une idiote, Drago, et, pour une fois, sois honnête et ose me dire que chaque Mangemort sur cette terre n'était pas au courant que tu te jouais du Ministère en prétendant « revenir aider pour te racheter ».

Drago ne réussit même pas à soutenir son regard comme il savait pourtant si bien le faire. Hermione se retint au bureau derrière elle pour ne pas s'écrouler.

- Je ne suis pas du côté de Voldemort, dit alors Drago en levant ses yeux bleus vers elle. Il faut que tu me crois.

Hermione haussa les épaules, indifférente.

- Je me fiche de ce que tu peux bien me demander de croire, maintenant. Tu ne te place peut-être pas du côté de Voldemort, mais ton impossibilité d'être honnête avec moi ne te place du mien non plus.

Elle fit un signe de tête à ses deux amis et ils comprirent qu'il était temps de partir.

- Attends, Hermione, s'agita alors Drago. Tu ne peux pas me laisser là !

- Je crois que je le peux, malheureusement, dit-elle en ouvrant la porte. Estime-toi heureux que je ne demande pas à tout un peuple de vampire de t'empêcher de t'évader.

Elle jeta la baguette de Drago à travers la fenêtre ouverte, sachant pertinemment qu'il ne tarderait pas à la récupérer après son départ. Il ne faudrait que peu de temps pour qu'on le découvre ainsi et, lorsque ce sera le moment, elle espérait se trouver déjà loin.

Drago tenta de se redresser avec force, mais Soane grogna et le fit retomber.

- Ne me touche pas, toi ! cracha-t-il à l'adresse du vampire. Si t'étais un minimum doté d'intelligence, tu saurais que tu commets une grosse erreur en la laissant revenir à Londres où tout le monde la cherche !

- Ma grosse erreur serait plutôt de la laisser revenir vers toi, espèce d'humain écervelé ! s'énerva Soane à son tour. Elle ne craint rien, je serais là pour la défendre en cas de besoin !

- Oh alors là, effectivement, ça change tout ! Je n'ai plus aucune raison de m'inquiéter, hein ? ironisa Drago, vraiment énervé cette fois.

Ses yeux se voilèrent de gris tandis que ceux de Soane prenaient une teinte rouge. Il était temps de les séparer. Orience emmena son frère, tandis qu'Hermione s'accroupissait à la hauteur de son prisonnier.

- Une dernière chose, dit-elle. Rends-moi mon collier que tu m'as volé. Tu sais, celui dont tu prétendais ne rien savoir, celui que tu as en fait pris dans mon sac pour le donner à ton cher Maître ?

Drago pâlit.

- Eh oui, ricana Hermione. J'ai beaucoup plus de raisons que tu ne le crois de ne plus te faire confiance. Alors, où est-il ?

- Écoute, détache-moi et je vais tout t'expliquer...

- Arrête ! s'écria-t-elle soudain. Arrête d'essayer de m'avoir, Malefoy !

- Hermione, moins fort ! recommanda Orience en jetant un œil dehors.

- Il est trop tard pour espérer obtenir quoi que ce soit de moi, lui murmura Hermione tout près, sa voix tremblante de colère. Maintenant, tu me dis où est mon collier.

- Je ne l'ai plus, ton fichu collier, d'accord ?

- Il est en possession de Voldemort ? s'effara-t-elle.

- Oui, mais qu'est-ce que ça peut bien te faire ?

Hermione le fixa, stupéfiée. Il était certain que Voldemort ne lui avait pas révélé la vraie nature du cœur de Bulborbus ; il perdrait Drago en tant que fidèle, si ce dernier venait à apprendre qu'Hermione était son âme sœur. Mais ne lui avait-il rien dit d'autre quant à ses caractéristiques magiques ?

- Pourquoi penses-tu qu'il ait tant besoin de ce collier, Drago ? le questionna-t-elle.

- J'en sais rien et m'en fiche pas mal.

- Tu veux dire que tu as rempli ta mission sans même savoir de quoi il s'agissait ?

- Tu apprendras que Voldemort n'est pas le genre de gentil copain qui te met au courant de ses projets, Hermione, répliqua-t-il, agacé par la corde qui le serrait.

- Arrêtons de traîner, pressa alors Orience. Il faut qu'on sorte d'ici une bonne fois pour toutes.

Hermione soupira, puis se releva sans lâcher Drago des yeux. Il avait retrouvé la personnalité qui l'avait accompagnée ces trois derniers jours, et cela ne fit que l'embrouiller encore plus. Par Merlin, qui était Drago Malefoy, au fond ? Il la fixait avec tant d'insistance qu'elle dût détourner le regard pour ne pas être tentée de croire à son innocence, une fois de plus.

- Au revoir, Malefoy, lâcha-t-elle en tournant les talons.

- A très bientôt, Hermione, murmura-t-il.

Cette dernière referma la porte du bureau avec un petit sourire en coin : effectivement, ils n'allaient probablement pas tarder à se revoir, car, quoi qu'elle fasse, où qu'elle soit, cet homme n'était jamais très loin. C'était comme si le lien qui les unissait allait au-delà d'une simple alliance entre leurs deux cœurs ; comme si, malgré tous leur efforts pour s'éloigner, il se débrouillait toujours pour les ramener l'un vers l'autre, tels deux aimants,

- Sors de ton nuage, Hermione, tu veux ? grogna Soane, l'air de mauvais poil. Ou tu vas nous coincer ici de nouveau.

Elle l'interrogea du regard et le vampire leva les yeux au ciel avant de lui rabattre la capuche sur la tête qu'elle avait oublié. L'estomac toujours aussi noué par le stress, Hermione traversa pour la seconde fois le grand hall principal. La différence avec leur précédente tentative était incontestable : les Mangemorts s'effaçaient sur leur passage, évitant tout contact avec ce qu'ils pensaient être trois vampires et grands amis du Lord lui-même.

C'est donc d'un pas assuré qu'ils franchirent enfin le seuil de cet endroit infesté de partisans. Une fois dehors, Hermione eut l'impression de respirer de l'air pur. Elle agrippa le poignet de Soane et ordonna qu'il l'emmène loin d'ici, ne se sentant pas en sécurité tant qu'elle serait à proximité de ce lieu maudit. Le vampire obéit et transplana chez Richard, là où l'esprit de sa passagère ne cessait de s'attarder. Celle-ci ne put s'empêcher de sourire en retrouvant la maison de briques rouges, identique à toutes celles du quartier et pourtant différente : elle représentait le foyer chaleureux qui l'avait accueillie et protégée alors qu'elle sombrait dans la dépression. Elle se débarrassa de son déguisement et demanda aux deux vampires de patienter à l'extérieur pour éviter toute crise cardiaque, puis se précipita à l'intérieur, impatiente à l'idée de retrouver Richard, Jaffrey, et même Charlie.

- Je suis rentrée ! s'exclama-t-elle joyeusement en posant la coupe sur la petite table du hall. Richard ?

Hermione tenta vainement de se rappeler de la date d'aujourd'hui, ayant récemment perdu toute notion de temps, pour savoir s'il travaillait ou non. Elle entendit enfin des bruits de pas précipités dévaler les escaliers.

- Hermione ! hurla Jaffrey en courant vers elle, un grand sourire animant son visage.

Elle le prit haut dans ses bras et l'embrassa fort, réalisant à quel point ce petit être lui avait manqué.

- Où sont papa et Charlie ? demanda Hermione.

- Charlie, elle est...heu, là ! dit-il en pointant vivement son doigt vers le haut des escaliers.

- Merci de balancer, maugréa cette dernière en sortant de sa cachette. Qu'est-ce que tu fais là ? Et c'est quoi cette robe, tu te maries ou quoi ?

- Moi aussi, ravie de te revoir, dit Hermione en déposant le garçon à terre.

- Quoi, tu penses vraiment m'avoir manquée ? pouffa-t-elle.

Hermione soupira. Comment avait-elle pu espérer une seule seconde que Charlie soit devenue une adorable adolescente en l'espace de trois jours ?

- Où est ton père ?

- Oh, ça t'intéresse maintenant ? Après des jours d'absence sans donner la moindre nouvelle ?

- Ne me dis pas que ça t'as affectée, riposta Hermione, déjà piquée au vif.

- Moi non, mais papa, si ! Même s'il ne voulait rien laisser paraître.

- Je ne suis partie que trois jours pour le travail, enfin ! Peu importe, ce n'est pas avec toi que je veux en parler. Où est-il ?

En guise de réponse, Charlie s'affala sur le canapé et alluma la télé. Prise au dépourvu, Hermione ne réagit même pas devant tant d'insolence. C'est alors qu'elle sentit une petite chose lui tirer le pantalon au niveau du genou.

- Papa il est à l'hôpital, souffla Jaffrey qui la contemplait de ses grands yeux noirs.

- Jaffey ! s'écria sa sœur en bondissant du sofa.

Ce dernier éclata de son rire enfantin et courut à travers la maison, Charlie à ses trousses.

- Il a dit qu'il veut voir toi quand tu rentres ! cria le garçon à l'adresse d'Hermione sans cesser de courir.

- Tais-toi, petit monstre ! ordonna Charlie, hors d'haleine face à la véritable souris qu'était son frère.

Ce dernier se cacha derrière un rideau et fit signe à Hermione de ne rien dire, pensant être hors de vue. Charlie se laissa retomber sur le canapé, fusillant la télé du regard. Son frère pouffa de rire et plaqua sa petite main devant sa bouche.

Hermione s'approcha de lui mais, trop excité par le jeu, Jaffrey s'enfuit se cacher ailleurs, rigolant à n'en plus finir.

- Richard est à l'hôpital ? s'inquiéta Hermione, se tournant vers la jeune fille.

- Pour plus d'informations, veuillez consulter le bureau de renseignements qu'est mon idiot de frangin ! rouspéta-t-elle, trahie.

- Alors, qui qui vient chercher moi ? appela la voix joyeuse du garçon.

- Que lui est-il arrivé ? insista Hermione en essayant de garder son calme.

- Maman, elle, ne l'aurait jamais abandonné en le sachant malade, répondit l'adolescente, la gorge serrée.

Hermione s'effondra sur le canapé à son tour.

- C'est son cœur, c'est ça ? redouta-t-elle. Il t'en a finalement parlé ?

- Alors, qui qui vient ? résonna la voix de Jaffrey, impatiente.

- Pourquoi est-ce qu'il s'est confié à toi plutôt qu'à moi ? explosa alors la jeune fille. Qu'est-ce que tu as de si spéciale pour qu'il te préfère à moi, hein ?

Hermione la regardait déverser sa colère avec des yeux ronds, apprenant enfin ce qui se tramait dans son esprit d'adolescente.

- C'est donc ça, Charlie ? demanda-t-elle doucement. Tu crois réellement que Richard m'aime plus que toi ?

- Tu sais très bien que c'est la vérité ! s'écria-t-elle. Pourquoi est-ce qu'il prendrait toujours ton parti dans les disputes, sinon ? Tout allait si bien avant que tu viennes gâcher nos vies ! Papa ne m'avait jamais autant aimée et protégée depuis la mort de maman, et puis toi, tu t'es ramenée avec tous tes soucis, comme si on n'en avait pas déjà pas assez ! Maintenant, c'est moi qui passe pour l'adolescente à problèmes ici, alors qu'en fait, le seul problème de cette famille, c'est toi !

Un silence de mort tomba. Hermione regarda les larmes défiler le long des joues de Charlie, et cette dernière les essuyer rageusement. Les raisons de toute cette haine et cette colère refoulées en elle prenaient enfin sens pour Hermione, et elle aurait dû savoir que ça allait plus loin qu'un simple refus d'une nouvelle femme dans la vie de Richard ; elle aurait dû comprendre qu'elle représentait également une rivale et un obstacle à l'amour qu'elle attendait de son père, un amour dont elle espérait sûrement qu'il comblerait celui que sa mère ne pouvait plus lui apporter.

- Oh Charlie, souffla Hermione, confuse. Ton père t'aime tellement...

- Pas autant que toi, renifla-t-elle.

- Bien plus que moi, corrigea Hermione en se décalant vers la jeune fille qui, à son grand soulagement, ne bougea pas. Tu sais, la veille de mon départ, lorsqu'on s'est tous les trois disputé au sujet de l'école, Richard ne s'en est pas remis. Ce soir là, tu as fait semblant de dormir quand il est venu te dire bonne nuit, et ça l'a beaucoup affecté. Tu aurais dû voir à quel point il n'arrivait plus à sourire malgré ses efforts, et ça, simplement parce qu'il ne supportait pas te savoir en colère après lui. Il donnerait tout ce qu'il a pour te voir heureuse, toi et Jaffrey êtes tout ce qui lui reste.

Charlie leva ses yeux humides vers Hermione, et cette dernière découvrit pour la première fois à quoi ressemblait son visage dénué de haine. Et il se trouvait que c'était un beau visage, qui devait sûrement faire craquer les garçons de son âge. Hermione se surprit à se demander à quoi pouvait bien ressembler sa mère, si c'était d'elle que la jeune fille tenait ces magnifiques yeux verts.

- Je ne veux pas qu'il oublie maman, avoua alors Charlie d'une voix triste.

- Regarde autour de toi, répondit Hermione avec un sourire. Regarde tous ces cadres accrochés au mur, toutes ces photos de ta mère et vous. Me vois-tu quelque part ? Crois-tu qu'il les aurait enlevées après m'avoir rencontrée ? Non, parce que vous constituez sa vie, et que personne, et moi encore moins, ne pourra jamais changer ça.

- Si on fait son bonheur, pourquoi est-ce qu'il a eu besoin de toi, alors ? lança-t-elle, essayant de rester froide malgré le changement évident de ton adopté.

- Pour être franche, avoua-t-elle sombrement, je crois que ton père et moi nous sommes tous deux rencontrés à un moment de nos vie où rien n'allait plus, où le besoin d'amour devenait nécessaire pour apaiser nos peines. Pour Richard, il y avait le décès de ta mère, puis son problème de cœur, ainsi que son rôle de père qu'il devait continuer de remplir malgré tout ça. Pour moi...

Hermione se mordit les joues, fixant le vide.

- Le décès de ton ami, je sais, souffla alors Charlie. Et la rupture avec l'homme que tu aimais.

- Comment sais-tu ? s'étonna Hermione qui n'en avait parlé qu'avec Richard.

- Je vous ai entendu discuter papa et toi, le soir où tu es arrivée ici. Je crois que c'est l'une des raisons qui m'a encore plus donné envie de te détester ; tu ramenais du chagrin dans une maison qui en contenait déjà trop.

Elle se tut un instant, mais ne semblait pas avoir fini. Hermione attendit et, en effet, l'instant d'après, Charlie inspirait avant d'avouer ce qui, manifestement, lui arrachait la bouche :

- Et pourtant... Crois-moi ou non, ces trois jours sans toi étaient d'un calme à en mourir. Ils m'ont rappelé la période où personne ne s'adressait la parole, juste après le départ de maman. La pire période de ma vie, je crois.

- T'es en train de me dire que nos disputes t'ont manqué ? supposa Hermione qui n'en croyait pas ses oreilles.

L'adolescente haussa les épaule, regardant ailleurs.

- Peut-être bien, finit-elle par avouer. Peut-être que, finalement, c'est pas de la peine que tu ramenais à la maison, mais de la vie...

Tandis que Charlie était probablement en train de s'insulter intérieurement pour s'être montrée soudainement si agréable, Hermione, elle, devait se retenir pour ne pas afficher le grand sourire qui lui brûlait les lèvres, histoire de ne pas l'offenser après de tels aveux.

- Eh bien, finit-elle par dire en se raclant la gorge, tant qu'on en est aux confidences, saches que toi aussi, Charlie, tu m'as beaucoup apporté à travers nos fréquentes prises de tête. Je n'étais plus qu'une épave désespérée et vidée de toute énergie, après la mort de Ron, mon ami. Mais tu as été si dur et sans pitié avec moi que mon vieux caractère a très vite repris le dessus et sentit le besoin de te remettre à ta place. Cette volonté de me battre et de gagner a en fait été le moteur de mon courage pour continuer dans la vie, et m'a empêchée de sombrer dans la dépression, comme mon meilleur ami, Harry. Ah et, au passage, Richard ne s'est pas confié à moi, j'ai découvert les lettres de l'hôpital et obligé ton père à me donner des explications.

- Oh...souffla Charlie, tirant une grimace. Je me sens bête, d'un seul coup.

Toutes deux rigolèrent, puis se turent, gênées par une situation dont elles n'avaient pas l'habitude ; autrement dit, communiquer avec autre chose que des cris sauvages.

- Qu'on soit clair, ça veut pas dire que je t'aime bien pour autant, hein ? ajouta alors Charlie.

- C'est tout à fait clair ! assura Hermione en sachant pertinemment qu'aucune des deux n'en pensait un mot.

Ce n'était pas encore l'entente parfaite, mais un grand pas venait d'être fait, et Hermione sentit un lourd poids l'abandonner... puis brutalement retomber lorsqu'elle sortit de son monde familiale pour se souvenir de sa mission et du temps qui continuait de s'écouler. Elle se releva d'un bond, faisant sursauter Charlie au passage.

- Il faut que je parte, déclara-t-elle.

- Mais tu viens juste d'arriver !

- Jaffrey ! appela Hermione en regardant derrière les rideaux et sous la table. Je sais Charlie, mais je vous mets en danger en restant ici. Jaffrey, sors de ta cachette !

- Qu'est-ce que tu racontes ? s'énerva la jeune fille en la suivant partout. Tu nous abandonne encore, c'est ça ?

Hermione s'arrêta, puis se tourna vers elle, l'air grave.

- Est-ce que tu as entendu parler de toutes ces choses étranges qui se passent, en ce moment, Charlie ? Les meurtres, les disparitions, les drôles de bonhommes noirs partout et tout le reste ?

- Ouais, les infos ne parlent que de ça. Et alors ?

- Alors, la mission que je remplis depuis trois jours concerne ces évènements bizarres. Il faut que j'arrête tout ça, tu comprends ?

- C'est ça ton métier dont tu ne nous parlais pas ? T'es une sorte d'agent secret, en fait ?

- Heu, oui. Oui, on peut dire ça.

- Et moi qui croyait que t'étais genre vieille fille coincée ! éclata-t-elle de rire. Mais quand tu passais tes journées à lire, ce n'était qu'une couverture en fait ? Ça, c'est cool.

Hermione se força à sourire, même si l'envie de lui jeter un de ses « livres de vieille fille » à la figure reprenait le dessus. Les bases de cette nouvelle entente étaient encore très fragiles et ce n'était pas le moment de les détruire.

- Où est ton frère ? dit-elle pour changer de sujet.

- Jaff ! cria Charlie d'un air las. Ramène tes fesses !

- Attends Charlie ! ordonna alors Hermione en lui saisissant le bras, tout à coup sur ses gardes.

- Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta-t-elle en se laissant ramener derrière sa belle-mère.

Pour toute réponse, Hermione sortit prudemment sa baguette magique. D'un geste de la main, elle dispensa Charlie de tout commentaire, et lui fit signe de se taire. Le cœur battant d'angoisse, Hermione monta lentement les escaliers, suivie de Charlie. Une fois à l'étage, l'ancienne Gryffondor poussa la porte de la chambre et entra.

- Jaffrey ? appela-t-elle, la voix tremblante.

C'est alors qu'un petit rire étouffé s'éleva. Hermione s'agenouilla au sol pour regarder sous le lit. Soulevant la couette trop longue, elle découvrit la petite silhouette qui se cachait dessous.

- Bon sang, Jaffrey ! souffla Hermione en respirant de nouveau. J'ai eu peur ! Sors de là, maintenant.

Le garçon secoua vivement la tête.

- Non, il a dit que je dois me cacher ! dit-il, ses grands yeux noirs pétillant d'excitation.

- Qui ça ?

- Le grand monsieur noir, chuchota-t-il en pointant alors son doigt au-dessus de l'épaule d'Hermione.

Cette dernière comprit trop tard et sa baguette lui échappa des mains, désarmée. Hermione se retourna avec appréhension et ne fut pas étonnée de découvrir une baguette magique pointée droit sur elle. En revanche, ses yeux s'écarquillèrent d'horreur lorsqu'elle vit que le Mangemort tenait Charlie par le cou. Jaffrey voulut sortir, mais Hermione le repoussa aussitôt sous le lit.

- Laissez-les s'en aller, supplia-t-elle sans réfléchir. C'est moi que vous voulez.

Le Mangemort ricana et Hermione crut reconnaître cette voix.

- Encore toi ? cracha-t-elle alors.

Démasqué, William Dexter rabaissa sa capuche.

- Ton Maître ne t'a pas encore tué pour avoir échoué tant de fois à ma capture ? railla-t-elle.

- Je ne suis pas ici sur ses ordres, Granger.

Toujours à terre, Hermione jetait des regards discrets vers la fenêtre, espérant voir Soane et Orience venir à son secours.

- Si tu penses à tes copains à grandes dents, ils ne te seront plus d'aucune aide, déclara William avec un sourire à glacer le sang.

Hermione ignora la soudaine vision de ses amis inanimés dehors, ainsi que la douleur qui lui broyait les entrailles.

- Des Mangemorts indépendants de Voldemort ? ricana-t-elle, essayant de gagner du temps. C'est quoi cette blague ? Où est Yaxley, d'ailleurs ?

- Je l'ai tué, mais merci de t'en inquiéter. Il commençait sérieusement à m'agacer avec ses « je ne sais pas si les Sang-de-Bourbe sont si différents en fin de compte » et bla bla bla. Le fait que ce chien de Malefoy soit tombé amoureux d'une Sang Impur le fascinait plus que ça ne le révoltait, en fait, et a réduit toutes ses certitudes à zéro. C'était pourtant lui le meneur de notre groupe, au début. C'était son idée de s'allier à l'insu du Seigneur, mais c'était un homme qui se posait trop de questions sur le bien et le mal, et j'ai dû y mettre un terme.

Hermione se souvenait de Yaxley, le soir où elle s'était faite attaquée devant la maison ; le Mangemort avait paru incapable de la tuer, se contentant de la dévisager et de tenter de comprendre ce que Drago pouvait bien aimer chez quelqu'un de son espèce.

Elle sentit Jaffrey forcer le passage pour sortir, mais elle le repoussa de nouveau. Il se mit à pleurnicher :

- Mais Hermione, je veux pu jouer maintenant...

- Pourquoi avoir quitter votre Maître ? interrogea-t-elle, évitant le regard affolé et incompris de Charlie.

- On ne l'a pas vraiment quitté, disons qu'on lui rend service. Le jour où Malefoy a fait sa réapparition parmi nous, le Maître l'a accueilli à bras ouverts ! Moi, j'ai toujours été là pour le Seigneur, je ne l'ai jamais abandonné ! Et lui, ce fils de trainée, se ramène après un an d'absence en prétendant réaliser ses erreurs, et tout lui est pardonné ! Mais moi, moi je savais qu'il mentait ! Il mijotait quelque chose, c'était sûr ! Malefoy n'était plus le même qu'avant, ça se lisait sur son visage ; et si le Lord l'a interprété comme un désir de se racheter, moi, je savais qu'il en allait autrement. Yaxley était de mon avis, et on a tenté de prévenir le Maître, de le mettre en garde contre ce menteur ! Tout ce que ça nous a valu, c'est une série de Doloris.

Les yeux de William se posèrent sur le cou de la jeune femme.

- C'est alors qu'on a découvert que tu portais cette chose, dit-il. Ce pendentif magique. Yaxley l'a aperçu un jour qu'il t'espionnait, et a compris ce qu'il représentait. Peu de personnes connaissent la vérité sur un cœur de Bulborbus, mais lui, il était au courant. Il m'a expliqué le truc des âmes-soeur et tout ça. On détenait enfin la preuve que Malefoy ne pourrait jamais être des nôtres, quoi qu'il prétende, car il était lié à toi d'une façon indéniable ! Mais le Maître ne nous aurait pas écouté, il était bien trop enchanté par le retour de son chouchou ! On a donc décidé de lui ouvrir les yeux nous-même, avec Yaxley. Si on se débarrassait de toi, Malefoy rentrerait probablement dans une rage folle, et se révèlerait au grand jour, ne pouvant rester indifférent à ta mort. Cela s'est d'ailleurs confirmé les fois où on a essayé de te tuer ! La volonté et la force avec laquelle il te protégeait ne pouvait mentir sur ses sentiments. Il avait rapidement compris qui nous étions et notre but final, et ne t'a plus lâché d'une semelle après ça.

William éclata d'un rire froid.

- Je respectais tant ce garçon, fut une époque. Il était la promesse d'un grand avenir aux côtés de notre bon Maître. Mais tu as tout gâché, tu l'as détruit et maintenant je dois l'empêcher de nuire au nouvel ordre que veut instaurer le Seigneur des Ténèbres.

- Je vais peut-être te surprendre, répliqua Hermione avec colère, mais ton cher Voldemort est bien plus au courant que tu ne le crois au sujet du lien qui m'unit à Malefoy.

- C'est impossible, trancha William qui refusait d'y croire. Il n'aurait jamais fait l'erreur de pardonner Malefoy en le sachant lié à toi et donc sujet à trahison !

- Le fait d'être l'âme-soeur de Malefoy ne l'empêche pas de me haïr, comme tu sembles le penser. Je l'ai fait souffrir par le passé à un point où le désir de vengeance peut être bien plus fort que l'amour.

- Rien, Granger, n'est plus fort que deux âmes sœur réunies, rien. Toi qui aime tant les livres, tu devrais pourtant le savoir : tout sentiment de vengeance, de malveillance ou de haine est clairement et définitivement impossible envers son autre moitié, quelque soit la gravité des actes. Vos incessantes disputes n'affaiblissent pas votre lien, idiote. Elles le renforcent. Mais tout ça concerne une magie trop puissante et compliquée pour que ton cerveau inférieur n'en comprenne le vrai sens !

- Merci, dit Hermione d'un ton sarcastique. J'avoue être souvent perdue, mais je doute fortement qu'un Mangemort quel qu'il soit réussisse à comprendre le sens de l'amour.

- Insolente même devant la mort, hein ? dit William en tirant un petit rictus.

- Devant la mort d'un Mangemort ? Toujours ! s'écria-t-elle en se jetant soudainement sur lui.

William perdit l'équilibre et cogna contre l'imposante armoire derrière lui, lâchant Charlie qui s'empressa de courir vers son frère. Comme Drago le lui avait appris, Hermione se montra vive et efficace, ne perdant pas une seconde pour agir. Elle comprenait désormais le sentiment de Drago lorsqu'ils s'étaient fait attaqués dans la cabane, et la raison de ses mouvements irréfléchis et rapides ; la peur de la perdre et l'impossibilité d'avoir recours à la magie ne laissait d'autre choix que de retarder au plus loin l'instant de la mort. Ainsi, effrayée à l'idée qu'il arrive quelque chose aux enfants, Hermione n'eut même pas peur de se jeter sur l'homme et de le rouer de coups de poings. Ou, du moins, essayer de le rouer de coups de poings. En effet, le Mangemort reprit rapidement le dessus et maîtrisa les poignets de la jeune femme.

- Hermione ! cria Jaffrey en courant vers elle.

Mais Charlie le retint, tandis qu'Hermione leur hurla de s'enfuir. William la frappa au visage pour lui faire cesser ses gesticulations, et elle sentit le goût du sang dériver dans sa bouche. Elle vit alors le Mangemort tourner la tête dans tous les sens, à la recherche de sa baguette qui lui avait échappée.

Hermione en profita pour recommencer à se débattre, mais se figea aussitôt, tout comme William. Ils regardaient le petit garçon qui avait ramassé le long de bout de bois et qui le tenait à présent entre ses doigts, le regard plus noir que jamais.

- Laisse Mione tranquille, ordonna-t-il froidement au Mangemort en pointant la baguette magique sur lui.

Avait-il compris ce que représentait le bâton ? s'intérrogea Hermione avec surprise et inquiétude à la fois. Peu importait, il devenait à présent la cible de William et elle devait intervenir. Mais ce dernier fut plus rapide qu'elle et se releva brusquement, ignorant son ancienne victime laissée à terre pour s'approcher d'un petit moldu dont il ne craignait rien.

- Donne-moi ça, toi ! dit-il en tendant ses doigts crochus vers Jaffrey.

Immobile, celui-ci fixa le Mangemort de ses yeux noirs et terrifiants. Une fois de plus, Hermione découvrait un visage dont les traits n'avaient plus rien d'enfantins.

- Oh, on joue les hommes ? ricana William, sa voix trépignant d'impatience. Allez, donne-moi ça, sale gosse !

Il fit un grand mouvement en avant pour tenter de la lui arracher des mains ; c'est alors qu'un puissant éclair électrique jaillit de la baguette magique et propulsa le Mangemort contre le plafond, dans le coin de la pièce.

- Aaaaargh ! hurlait-il tandis que l'éruption de foudre le maintenait plaqué au mur.

- Jaffrey ! s'écria Hermione.

L'éclair se brisa, et le corps retomba au sol dans un craquement d'os, mort.

- Oh mon dieu, déglutit Charlie qui avait du mal à respirer. Oh mon dieu...

- Donne le bâton à Hermione, chéri, risqua-t-elle en tendant la main vers lui.

Mais Jaffrey ne bougea pas. Puis, tout à coup, disparut.

Charlie poussa un cri d'horreur et Hermione lâcha un juron. Comment était-ce possible de transplaner à son âge ? D'où lui venait toute cette magie ? Elle se releva et s'approcha de Charlie, mais cette dernière recula précipitamment jusqu'à trébucher en arrière.

- Reste où t'es ! s'écria-t-elle, affolée.

- Charlie, attends je vais t'ex...

- Monstre ! cria-t-elle. Qu'as-tu fait de mon frère ?

- Charlie, c'est moi ! supplia Hermione, blessée. Je ne te ferai jamais de mal, tu le sais !

- Tu es l'un des leurs ! dit-elle en lançant un coup de tête vers le Mangemort étendu par terre.

- Non ! Enfin, je veux dire, oui. Oui, j'ai également des pouvoirs, mais je m'en sers pour combattre ces hommes ! Je suis de ton côté, et tu le sais très bien, j'en suis sûre ! S'il te plaît Charlie, tu dois me faire confiance et m'aider à retrouver Jaffrey !

L'adolescente hésita, puis vint finalement se jeter dans les bras qu'Hermione lui tendait avant d'éclater en sanglots.

- Que lui est-il arrivé ? pleura-t-elle tandis qu'Hermione la serrait fort contre elle.

- Il a juste transplané, ne t'en fais pas. Ça veut dire qu'il s'est téléporté à un autre endroit. Tu sais où il peut être ?

Charlie se dégagea doucement de l'étreinte, puis déclara, sans l'ombre d'une hésitation :

- Il est parti voir papa.

Hermione dévala les escaliers après avoir récupéré sa baguette, Charlie sur ses talons. Elle traversa le petit hall, saisit la coupe de Sang de Licorne au passage, puis se hâta dehors. Son cœur retomba lourdement dans sa poitrine lorsqu'elle confirma que les deux corps étendus sur le palier n'avaient été que stupéfixiés.

- Enervatum, prononça-t-elle.

Les vampires retrouvèrent leur mobilités, et s'empressèrent de tirer un peu plus sur leur capuche, bien qu'ils se trouvaient à l'ombre.

- Je croyais que tu n'étais pas avec eux, dit Charlie en gardant ses distances.

- Ce n'est qu'un déguisement pour les cacher de la lumière, la rassura Hermione. Ces deux...heu, personnes, sont des...créatures, fortes sympathiques ne t'inquiète pas ! Elles ne supportent pas le jour, et heu...

- Ouais, ce sont des vampires quoi, clarifia alors Charlie à la surprise générale. Ce sont tes « amis à grandes dents » dont parlait l'homme, là-haut, je suppose ? C'est cool.

- Cool ? se vexa Soane. On n'est pas cool, ni des créatures fortes sympathiques non plus d'ailleurs ! On est dangereux, malins, redoutables et effrayants, petite demoiselle !

- Je suis terrorisée ! se moqua Charlie. Vous ne pouvez pas vous montrer à la lumière et n'avez même pas de bâton magique. Mon frère, lui, est effrayant. Et il vous botterait les fesses à tous les deux.

- Ah oui ? Et bien j'ai hâte de le rencontrer ton super héros, et on verra bien qui bottera les fesses à qui, miss je-l'ouvre-un-peu-trop.

Charlie allait répliquer mais Hermione la fit taire d'un regard.

- Je vois que les présentations sont faites, dit-elle, peu surprise par le nouvel ennemi que la jeune fille pouvait désormais rajouter à sa longue liste. Orience, il faut qu'on fasse un saut à l'hôpital de ville, on a eu un imprévu. Soane, emmène Ch...heu, emmène-moi et Orience, prends Charlie. On se retrouve dans deux secondes.

- N'aie pas peur, assura Orience de sa voix rassurante en tendant une main à l'adolescente.

Cette dernière parut surprise en découvrant la couleur de sa peau, puis sourit.

- Et moi qui trouvait mon petit copain déjà bien noir, il est juste bronzé à côté de vous !

Elle prit sa main et Hermione attendit qu'ils transplanent pour disparaître à son tour avec Soane. Quelques secondes après avoir traversé la ville en tant que lumière, Hermione atterrit dans le hall de l'hôpital. Elle aida Charlie à se relever après que cette dernière se soit effondrée contre le carrelage blanc, et la soutint jusqu'à l'accueil.

- Richard Mason, s'il vous plaît, demanda-t-elle précipitamment à la vieille femme.

- Vous êtes de la famille ?

- Je suis sa petite amie, avoua-t-elle.

- Navrée, mais seuls les membres de la famille sont autorisés à la visite.

- Je suis sa fille, intervint alors Charlie. Et Hermione est de la famille, croyez-moi.

La vieille femme les observa un instant, puis annonça :

- Chambre deux cent six, deuxième étage.

- Merci !

Charlie passa devant Hermione et courut vers l'ascenseur, évitant ainsi d'avoir à supporter le stupide sourire reconnaissant qu'affichait la jeune femme. Orience et Soane attirèrent tous les regards sur leur passage, mais personne n'osa les interpeller : il fallait croire que les moldus avaient fini par comprendre que la récente invasion d'hommes encagoulés n'était pas prête de s'achever, et qu'au risque d'avoir à vivre avec eux, mieux valait s'en faire des amis que des ennemis. Le genre de raisonnement qui menait rapidement à la soumission et la victoire des dominants, songeait sombrement Hermione qui arrivait devant la porte deux cent six.

Une fois à l'intérieur, elle découvrit avec soulagement Jaffrey, assis en tailleur sur le lit de son père, la baguette posée sur la table de nuit.

- Jaffrey, merci Merlin tu vas bien !

- J'ai dit à papa que tu viendrais ! dit celui-ci, de nouveau tout excité.

Redevenu enfant, il agissait comme si rien ne s'était passé, et semblait même avoir oublié la présence de la baguette magique à ses côtés.

- Alors c'est ça, mon redoutable adversaire ? ricana Soane en s'agenouillant à la hauteur du petit homme. Il a l'air redoutable, en effet !

- Il va falloir que tu m'apprennes à apparaître au beau milieu d'une chambre d'hôpital, fiston ! s'amusa alors Richard, peu surpris par la présence des vampires.

En entendant sa voix, Hermione réalisa sa présence et courut l'enlacer malgré les dizaines de tubes et de tuyaux qui lui donnaient la nausée.

- Oh, Richard ! Je suis tellement désolée de ne pas avoir donné de nouvelles ! Je n'étais même pas là pour Noël ! Si j'avais su que tu avais fait une crise cardiaque, je...

- Tu quoi ? sourit-il gentiment. Tu aurais abandonné ta mission de sauver le monde juste pour me rendre visite ? Allons Hermione, ne te reproche pas ce dont tu n'es absolument pas responsable. Je suis content que tu sois là, aujourd'hui.

- Tu savais tout ? demanda alors Charlie à son père. Tu savais pour ses pouvoirs et tout ça ?

- Oui, répondit-il. Excuse-moi ma chérie, je n'ai pas gardé le secret pour te contrarier, mais pour te protéger. J'espère que tu le sais ?

Charlie jeta alors un regard à Hermione, puis tira un petit sourire.

- Ouais, t'inquiète je sais.

- Richard, dit Hermione d'un air soudain sérieux, les choses vont plutôt mal, pour mon monde. Et pour le tien, bientôt. Il faut que je reparte, mais sache que je reviendrai et que je te soutiendrai dans tes opérations, quoi qu'il arrive. Tout va s'arranger, et...

- Hermione, Hermione ! l'interrompit-il en posant une main sur sa joue. Je vais partir, Hermione. Dans quelques jours, je partirai. Et je ne reviendrai pas.

- Qu'est-ce que tu racontes ? dit-elle la voix subitement cassée.

- Les médecins ne me donnent pas plus de quelques jours.

- Non, ils se trompent ! défendit-elle, cherchant en vain la vérité dans son regard. Non ! Non !

- Calme-toi, calme-toi ! demanda-t-il en lui attrapant ses mains agitées. Ça va aller, tout va bien aller.

- Comment peut-tu dire une telle chose, pleura-t-elle, sa tête enfouie dans son épaule. Je m'en veux tellement !

- Tu t'en veux pour quoi ? rit-il. Pour avoir illuminé les derniers mois de ma vie ? Merci, mais je crois que je m'en remettrai !

Hermione avait presque envie de vomir en songeant aux derniers jours où elle n'avait eu dieu que pour Drago Malefoy, alors que Richard était en train de mourir. Il fallait qu'elle soit sincère à ce sujet, pour sa propre conscience, où elle ne se le pardonnerait jamais. C'est alors que Richard prononça des paroles troublantes :

- Tout ira bien. Je ne m'inquiète pas pour toi, car je sais qu'il prendra soin de toi.

Elle plongea ses yeux noisettes et trempés de larmes dans ceux de Richard, mais garda le silence, refusant de jouer à celle qui ne comprenait pas avec lui.

- Ce monsieur Malefoy est un homme bien, poursuivit-il, et je sais que tu seras heureuse avec lui. C'est tout ce qui m'importe.

- Comment sais-tu ? souffla Hermione. Tu ne m'as vu que me disputer avec mon garde du corps, le soir où il est venu ! Tu as vu à quel point il m'insupportait !

- Oh oui, et il ne m'en a pas fallu plus pour en tirer les conclusions évidentes. C'est lui, n'est-ce pas, l'homme dont tu me parlais lorsqu'on s'est rencontré ? Celui à qui tu avais brisé le cœur pour des raisons que tu refusais de me dire ? Il suffisait de vous écouter vous disputer, tous les deux, pour comprendre que vous aviez vécu des choses profondes par le passé, et il suffisait de vous regarder pour voir l'amour qui animait vos visages.

- Tu m'as laissée partir plusieurs jours avec l'homme que tu savais être mon ex ? s'étonna-t-elle, les sourcils froncés.

- Je t'ai laissé partir avec l'homme que je savais être celui de ta vie, Hermione. Écoute, j'ai toujours su qu'un jour ou l'autre, lorsque ton chagrin serait apaisé, tu finirais pas partir pour recommencer ta vraie vie. Ce jour-là est venu, et j'en suis très heureux, crois-moi. J'aurais été utile au cœur d'une jeune femme avant de mourir, tout comme elle l'a été pour moi.

Hermione resserra son étreinte, honteuse. Elle avait sous estimé Richard, qui avait d'ailleurs compris beaucoup de choses avant qu'elle-même ne les réalise.

- Je t'aime, lui souffla-t-elle.

- Je sais. Moi aussi.

Tous deux se tournèrent alors vers Charlie, restée silencieuse.

- Approche, lui sourit Richard.

Sa fille obéit, tandis qu'Hermione se retirait. Mais Richard l'en empêcha en gardant sa main dans la sienne.

Quelqu'un toqua et une infirmière entra quelque secondes plus tard. Elle se figea en apercevant les deux silhouettes noires immobiles au fond de la pièce, puis fixa Hermione.

- Oh pardon, s'excusa-t-elle. Je ne savais pas que vous aviez de la visite, .

- Repassez plus tard, s'il vous plaît, demanda poliment Hermione.

- Certainement, miss Granger.

Et elle se retira. Hermione reporta son attention sur Charlie qui, venant d'apprendre qu'elle était sur le point de perdre son père, demeurait muette.

- Ne m'en veut pas, lui murmurait Richard.

- Comment peux-tu partir ? pleura-t-elle alors. Comment peux-tu nous faire ça, après maman ? Ne nous laisse pas, tu n'as pas le droit !

- Il faut que tu sois forte, Charlie. Tu es une fille brillante et merveilleuse, je ne te l'ai pas assez dit. Tu as le même caractère que ta mère, et ses yeux aussi. Prends soin de ton frère, d'accord ?

Charlie hocha la tête et l'enlaça. Jaffrey s'approcha et l'imita.

- Tu t'en vas où, papa ? demanda-t-il. Je peux venir avec toi ? Je serais tout sage !

Ce dernier ne put répondre et les serra fort contre lui. Il leva alors les yeux vers Hermione.

- Promets-moi de veiller sur eux, souffla-t-il. Promets-le moi, Hermione.

- Oui, je te jure, promit-elle, la gorge serrée.

Elle se tourna alors vers les deux vampires et fut surprise de les découvrir plutôt agités, ne cessant de se chuchoter des messes basses. Elle s'éloigna du lit de Richard et s'approcha d'eux.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.

- C'est Soane, soupira Orience d'un air las. Il a un mauvais pressentiment.

- Encore ? dit Hermione, avant de se rappeler qu'il n'avait pas eu tort, au ministère. A quel sujet ?

- L'infirmière, avoua-t-il. Peux-tu me dire comment est-ce qu'elle connait ton nom, Hermione ?

Cette dernière réfléchit rapidement.

- J'en ai aucune idée, dit-elle en fronçant les sourcils. Tu crois qu'elle pourrait être une espionne pour les Mangemorts, ou un truc du genre ?

- Tu n'as qu'à leur demander directement ! maugréa-t-il alors en désignant la porte d'un coup de tête.

Hermione se retourna et vit avec horreur une horde de Mangemorts à travers la vitre qui se dirigeait vers la chambre.

- Pour ma part, j'aurais tendance à te répondre oui ! dit Soane en avançant vers le seuil. Je m'occupe d'accueillir nos trois-quatre invités comme il se doit.

- Laisse-moi te donner un coup de main, sourit Orience. Tu n'as jamais été doué en convenances.

Les vampires sortirent dehors tandis qu'Hermione se précipitait vers la baguette magique de William, restée sur la table de nuit.

- Je ne veux plus que tu touches à ça ! lança-t-elle à Jaffrey qui se mit à bouder.

- Que se passe-t-il, Hermione ? s'inquiéta Richard.

- Des Mangemorts. Je vais emmener Charlie et Jaffrey ailleurs, puis je reviendrais aussitôt pour toi.

Mais, alors qu'elle prenait les mains des enfants, une explosion retentit et la porte de la chambre explosa. Elle vit Soane heurter le mur et s'écrouler à ses pieds.

- Mauvaise évaluation de situation, sergent ! grogna Soane en se relevant douloureusement. Nos trois-quatre visiteurs passent au nombre de huit !

- Quand t'aura fini ta sieste, Soane, résonna la voix d'Orience dans le couloir, tu pourras peut-être venir m'aider !

Une nouvelle détonation résonna, faisant écrouler le plâtre du plafond. Parsemée de poussière blanche, Hermione comprit qu'elle n'aurait jamais le temps de revenir pour Richard au risque de le retrouver frappé par un sortilège, et se prépara à se battre et à les protéger, tandis que le groupe de Mangemorts envahissait la petite chambre.

Les sortilèges de mort fusèrent alors dans tous les sens. Hermione passait plus de temps à lancer des protego en direction de sa famille, qu'à réellement attaquer. Orience et Soane s'en chargèrent, mais le fait de n'être qu'une lumière, seule façon de rester insensible à la lueur du jour, limitait leur capacité d'attaque. Dès qu'elle en eut le temps, Hermione dirigea sa baguette vers les fenêtres de la chambre, et les stores se fermèrent aussitôt, plongeant la pièce dans une obscurité suffisante aux vampires.

- Ah, merci ! s'extasia Soane en reprenant sa forme originelle. Maintenant, on va pouvoir s'amuser !

Les deux créatures agirent alors en groupe, comme si leurs gestes avaient été répétés à l'avance, ou comme si chacun lisait dans les pensées de l'autre. Un à un, les Mangemorts tombèrent, impuissant face à la rapidité époustouflante des vampires qui enfonçaient leurs dents pareilles à des lames de rasoir aux endroits les plus douloureux, en commençant par le poignet qui tenait la baguette magique. Affaiblis, les adeptes du mal n'eurent pas le temps de se relever que la morsure finale dans le creux de la nuque leur ôtèrent le dernier souffle de vie. D'un coup de baguette magique, Hermione abattit le septième... Le septième ?

- Ils étaient huit ! dit-elle à l'adresse des vampires qui criaient victoire trop tôt, selon elle.

Hermione se retourna vivement et découvrit ce qu'elle redoutait : un Mangemort avait transplané dans son dos et tenait maintenant Jaffrey dans ses bras, tel un bouclier, le bout de la baguette magique pointée contre sa tempe. Richard devint rouge de colère et tenta de sortir du lit pour venir au secours du petit garçon.

- Lâchez mon fils ! Espèce de...

- Avada Kedavra, prononça le Mangemort sans même le regarder.

La tête de Richard retomba lourdement sur l'oreiller blanc, les muscles raides et les yeux grands ouverts.

Charlie se précipita vers son père, mais Hermione tendit une main vers elle et cria :

- Ne bouge pas ! Reste où tu es !

L'adolescente obéit et se figea sur place. Trop consciente de la situation, Hermione ne tenterait pas la moindre chose, cette fois. Ces Mangemorts n'étaient pas des sorciers récemment convertis au mal dans le but de sauver leur peau, et dont les capacités magiques n'étaient pas des plus dangereuses ; ces Magemorts se révélaient être ceux dont Drago lui avait parlé, ceux qui étaient aux côtés de Voldemort depuis le début et qui avaient été enseignés de la magie noire. Ceux dont lui-même avait longtemps fait parti...

- Donne-moi le Sang-de-Licorne, et je lui laisse la vie sauve, s'éleva la voix glaciale, sous la capuche.

Il savait donc ? Voldemort était au courant qu'elle s'était emparée de ce qu'il désirait, et ne la lâcherait plus, désormais. Elle n'avait pas le choix, de toute façon. Il détenait la vie de Jaffrey, et elle s'avouait ne pas être prête à la sacrifier pour sauver le monde magique, quoi que sa conscience tentait de lui hurler. Elle avait promis à Richard qu'elle les protégerait, et elle tiendrait parole. Refusant de réaliser que ce dernier ne lui sourirait plus jamais, Hermione posa lentement sa baguette au sol.

- Orience... souffla-t-elle sans lâcher le Mangemort des yeux. Apporte la coupe.

Elle entendit la vampiresse approcher et lui glisser l'objet entre ses mains. Hermione n'avait pas besoin de la regarder pour deviner son regard partagé entre la désapprobation et, malgré tout, la compréhension. Hermione se redressa prudemment et tendit le Sang-de-Licorne vers le Mangemort, abandonnant ce pour quoi elle s'était tant battue. Jaffrey regardait l'échange sans trop comprendre mais, même s'il n'essayait pas de se débattre de l'emprise de l'homme, son regard noir annonçait clairement qu'il savait ne pas être en de bonnes mains.

Le Mangemort s'empara de l'objet, mais ne relâcha pas l'enfant.

- Rendez-le moi, ordonna Hermione, la voix tremblante.

- Tu viens avec moi aussi, déclara-t-il.

- Posez le garçon, et je ferai tout ce que vous me demanderez, dit-elle d'une voix ferme.

- C'est moi qui donne les ordres, contredit-il, toujours de cette voix grave et posée. Donne-moi ta main, et je lâcherai l'enfant qui n'a aucun intérêt pour moi.

Elle savait qu'on ne pouvait faire confiance à un Mangemort, mais avait-elle le choix ?

- Orience et Soane, appela-t-elle.

Les deux créatures avancèrent légèrement, pas trop toutefois pour ne pas alarmer le Mangemort.

- Je veux que vous emmeniez Charlie et Jaffrey très loin d'ici, quand je serai partie. Ne tentez rien, et contentez-vous de faire ce que je vous dit, c'est compris ?

Elle avait insisté sur la dernière phrase en regardant Soane qui, incapable de rester en place, semblait chercher une ruse depuis tout à l'heure. Mais il est était trop dangereux de tenter quoi que ce soit, au risque que ça tourne mal. Elle sentait que le vampire n'accepterait jamais qu'elle se fasse emmenée, surtout lorsqu'il lui avait jurée sa protection. Même Orience était sûrement révoltée à cette idée, mais resta de marbre, comme toujours. C'est pourquoi Hermione attendit qu'ils hochent la tête pour lui dire qu'ils avaient compris et qu'ils obéiraient. Elle se retourna vers le Mangemort et accepta la main qu'il lui tendait.

- Où tu vas ? paniqua alors Jaffrey tandis que l'homme relâchait son étreinte.

Mais le petit garçon s'accrocha fermement au cou du Mangemort, refusant de partir.

- Ça va aller, Jaffrey, lui sourit Hermione. Je t'en prie, laisse-le monsieur tranquille, maintenant, et rejoins ta sœur.

Cette dernière s'avança pour le récupérer mais le garçon se mit à crier d'un ton ferme :

- Non ! Tu pars pas !

- Ça suffit, trancha le Mangemort en le saisissant par le tee-shirt avant de le tirer en arrière. Tu laisses les grands gérer leurs affaires tout seul, petit.

Il était impressionnant de constater la force avec laquelle Jaffrey s'accrochait à lui malgré sa toute petite poigne. C'est alors que le Mangemort poussa un hurlement, lâchant la coupe sous le coup de la douleur ; les petites mains de Jaffrey, plaquées contre son cou et son épaule, semblaient avoir agi comme un fer à repassé embrasé. Le tissu de la cape noire, brûlé en même temps que la peau, fondait sur la chair rougeoyante et calcinée. Soane, plus vif qu'Hermione sur le moment, en avait profité pour enlever le garçon, tandis qu'Orience récupérait la coupe tombée au sol.

- Ah ! pesta le Mangemort en se tenant le cou. Le sale...petit...

- Génie ? acheva alors Charlie avec un sourire. Tiens, son bâton.

Et elle tendit la baguette magique à Hermione qui s'en empara et la cassa en deux. Ayant ramassé sa propre baguette, elle la pointa entre les deux yeux du Mangemort qu'elle ne pouvait voir.

- On ne s'attaque pas à Jaffrey Mason, informa-t-elle. Il ne porte pas les Mangemorts dans son cœur, j'ai remarqué.

- Va pourrir en enfer, Sang-de-Bourbe, cracha-t-il avant de recevoir l'éclair vert en plein visage et de s'effondrer à son tour.

- Ça, c'est pour Richard, murmura-t-elle avec dégoût.

Elle prit Jaffrey dans ses bras et l'embrassa de toutes ses forces.

- Tu vas finir par te faire une réputation terrifiante chez les bonhommes noirs, tu sais ça ?

Le garçon, qui avait retrouvé des yeux angéliques, ne répondit pas et se contenta de sourire. Hermione tourna alors la tête vers Charlie, qui attendait patiemment près de son père.

- Allez, réveille-le, demanda-t-elle alors.

- Charlie, je ne peux pas...commença Hermione, retenant ses larmes.

- Mais si ! Tu as réveillé les vampires, tout à l'heure, tu te souviens pas ? l'encouragea-t-elle.

- Ils n'étaient pas...morts, Charlie, s'excusa-t-elle en s'approchant.

- Alors ressuscite-le ! s'écria-t-elle, perdant tout contrôle. Sers-toi de ton fichu bâton magique et fais qu'il revive !

Hermione tenta de calmer ses gestes brusques pour l'enlacer, mais la fureur et la peine de l'adolescente la secouait de violents spasmes incontrôlables. Ses cris de douleur déchiraient le cœur d'Hermione qui ne put que la regarder secouer le corps de son père. Les yeux inondés de larmes, Hermione se tourna vers les vampires :

- Emmenez-les loin, dit-elle, la voix chevrotante. Le plus loin possible, et à l'abri. Tout est ma faute.

- Non, Herm...

Mais cette dernière se dégagea de la main d'Orience.

- J'aurais dû savoir ! la coupa-t-elle. Je suis recherchée partout et j'aurais dû savoir que je mettais ma famille en danger en restant avec elle. Les enfants ont failli être tués et j'ai volé les derniers jours de leur père. Je vous ai vous aussi mis dans une galère qui n'était pas la vôtre à plusieurs reprises et...

- C'était notre choix ! intervint aussitôt Soane, les sourcils froncés. Je t'interdis de te reprocher quoi que ce soit à ce sujet. Et je reste avec toi !

- C'est hors de question ! Vous ne pouvez tranplaner qu'avec une seule personne, alors j'ai besoin de vous deux pour emmener Charlie et Jafrrey à l'abri. Vous m'avez énormément aidée jusque là, et je vous en serai à jamais reconnaissante. Mais je dois poursuivre seule, maintenant. Tuer Lord Voldemort est la destinée d'Harry et il a besoin de moi à ses côtés. Moins de gens seront impliqués, moins de morts il y aura.

- Hermione ! dit Soane avec force. Je...

Mais sa sœur posa une main douce sur sa poitrine agitée. Elle tourna ensuite son regard vers Hermione et lui sourit.

- Bonne chance, mon amie, dit-elle. Ce fut un honneur et un plaisir de t'aider dans ta tâche. Tu es une grande sorcière, et ton nom sera à jamais gravé dans ma mémoire.

Hermione l'enlaça, ignorant la surprise du vampire qui était peu habitué à ce genre d'intimité. Elle se tourna ensuite vers Soane qui serrait les mâchoires, les yeux fixant le sol. Elle posa une main sur sa joue et lui sourit :

- Je compte sur toi pour m'envoyer les papiers du divorce quand tout sera fini, cher mari.

Il finit par sourire avec elle, se rappelant qu'elle avait accepté la « danse du mariage », quelques heures plus tôt.

- En espérant que la lettre ne me soit pas renvoyée pour adresse non trouvée, souffla-t-il tristement.

- Je survivrai, promit-elle. J'ai encore trop de choses à régler pour mourir maintenant. Toutefois, prenez-soin des enfants si je ne revenais pas...à l'heure.

Ils approuvèrent et Hermione enlaça Soane avant de jeter un dernier regards aux orphelins. Ils étaient les siens, désormais, et, étrangement, elle ne ressentit aucune différence. Elle les considérait comme ses enfants depuis bien longtemps, déjà.

La main fermement serrée autour de la coupe en or, Hermione transplana sous la trentaine de regards ébahis des infirmières et docteurs qui, agglutinés derrière le gros trou servant à présent de porte, n'avaient pas loupé une miette de la scène...

Poudlard.

Du moins, en apparence. Se tenant debout près du lac gelé, Hermione n'avait pas besoin d'entrer pour sentir que le château n'était plus la propriété de la magie blanche, mais, au contraire, la nouvelle maison du Lord Noir.

Elle frissonna en réalisant que Voldemort se tenait à quelques centaines de mètres d'elle. Hermione n'avait jamais rencontré le Seigneur des Ténèbres, et n'y tenait pas plus que ça, d'ailleurs. Tout ce qu'elle avait, c'étaient les descriptions terrifiantes d'Harry datant de leur quatrième année, lors de sa renaissance.

- Bon, c'est quoi ton plan là, Hermione ? se dit-elle à voix haute. Entrer dans le nid de serpents comme si de rien était, trouver Harry et remercier Voldemort pour la visite ?

Elle soupira. Si Soane avait été là, il aurait dit que cette histoire ne sentait pas bon. En pensant à lui, Hermione se trouva bien seule, tout à coup. Peut-être devrait-elle faire demi-tour et préparer un plan rapide, plutôt que de se jeter dans la gueule du loup ? Après tout, l'expérience au ministère démontrait bien que le monde n'appartenait plus aux Sang-de-Bourbe, et le temps où elle pouvait se déplacer comme elle le souhaitait était révolu. Son instinct lui dictait d'essayer d'entrer car chaque seconde écoulée était une seconde perdue, et le temps était récemment devenu précieux. Mais sa raison lui assurait qu'entrer à Poudlard revenait à se rendre directement à la mort, sans passer par la case « chance ».

Elle sentit tout à coup sa baguette lui glisser entre les doigts, et Hermione fit volte-face. Un gobelin lui souriait de ses dents jaunes et crochues, tenant sa baguette qu'il venait si facilement de lui voler.

- Miss Granger, salua-t-il de sa voix mielleuse et insupportable. Veuillez me suivre, je vous prie.

Il lui fit un geste sec de la main et Hermione n'eut d'autre choix que d'avancer, menacée par sa propre baguette. Au moins, comme ça, songea-t-elle sombrement, je n'ai plus de problème quant à savoir si je dois rentrer ou pas !

- Quand je pense que je confiais mon argent à des créatures comme vous ! s'indigna-t-elle.

- Je me disais pareil, à l'époque : quand je pense que je travaille pour des humains ! C'est humiliant, n'est-ce pas miss Granger, de se retrouver traité comme des être inférieurs ?

- Je ne vous ai jamais pensé comme tels !

- C'est ça. Vous vouliez l'harmonie et l'égalité entre nos deux races, je suppose ?

- Bien sûr que oui.

Le gobelin ricana d'un air mauvais.

- Alors pourquoi est-ce qu'un gobelin n'est pas autorisé à travailler au ministère, et doit se contenter de Gringott ?

Hermione se tut, incapable de répondre. Ils arrivèrent devant les immenses portes du château, et Hermione commença à ressentir la peur, la vraie. Une fois à l'intérieur, elle fut surprise de ne pas découvrir le hall d'entrée comme elle s'en souvenait, quelques jours plus tôt, accompagnée de Drago. Ce n'était plus l'immense place vide, sale et froide qui l'avait bouleversée ; les murs avaient retrouvé leur propreté et leurs décorations, le sol était redevenu brillant et chaque statue avait été remise en place. Le château était comme neuf, à la seule différence qu'il n'hébergeait pas des élèves, mais des gobelins au service du Maître.

- Que cachez-vous sous votre robe ? questionna alors le gobelin en plissant ses petits yeux noirs.

- Rien, répondit-elle aussitôt en dissimulant la coupe du mieux qu'elle pouvait, priant Merlin pour qu'il n'insiste pas.

Heureusement, un autre gobelin arriva dans le hall, et s'adressa à son congénère :

- Serait-ce Hermione Granger ?

- Oui, répondit-il fièrement. Elle est venue d'elle-même à Poudlard, n'est-ce pas finalement plus pratique que de la chasser à travers le pays ?

- Idiot, dirais-je. Surtout lorsqu'on sait que le transplanage est suivi à la trace.

Le gobelin avait dit ça d'un air de reproche, comme pour lui faire comprendre qu'elle n'était franchement pas maligne. Hermione se sentait un peu plus bête à chaque seconde,; elle aurait dû déguerpir tant qu'il en était encore temps.

- Laisse-là moi, dit-il alors. Je vais l'amener au Maître,.

- Hors de question ! couina le premier. C'est moi qui l'ai capturée, c'est moi qui m'en charge !

- Je sais, et c'est dans ton intérêt que je te propose mon aide. Réfléchis, si tu l'emmène ainsi, le premier Mangemort que tu croiseras dans la Grande Salle te volera ta gloire, tu peux en être sûr ! Il te prendra la fille sans que tu n'aies le droit de protester, et sera récompensé à ta place !

- C'est vrai, je n'y avais pas pensé. Mais quelle différence, si c'est toi qui t'en charge ?

- Tu sais que je suis le seul gobelin ici qui détienne assez de pouvoir pour me permettre de déranger le Maître, et les Mangemorts n'ont aucun ordre à me donner, contrairement à vous. Je donnerai ton nom au Seigneur, n'aie crainte.

- Qu'est-ce qui me garantit que tu le feras ?

- Rien, répondit le gobelin. Juste ma parole d'honneur. Autrement, je te laisse libre d'y aller toi-même, mais là, par contre, je peux te garantir qu'il y a beaucoup moins de chance que tu récoltes la gloire que tu mérites.

Hermione leva les yeux au ciel, fatiguée de faire l'objet d'une dispute ridicule quant à savoir qui obtiendrait la reconnaissance du Lord. S'il y avait la moindre chance qu'il l'écoutent, Hermione leur aurait certainement assuré qu'aucun des deux ne recevrait quoi que ce soit, tout simplement parce que Voldemort n'accorderait jamais sa reconnaissance à des être comme les gobelins, créatures inférieures qui ne méritaient pas son attention. Elle aurait peut-être même ajouté qu'ils allaient tous les deux se faire tuer dans le but d'éviter une polémique chez les gobelins, ces derniers susceptibles de réclamer plus de respect grâce à la capture de la célèbre Sang-de-Bourbe. Oui, Hermione aurait pu leur dévoiler leur avenir sans l'aide d'une boule de cristal, mais autant essayer de raisonner un gnome.

- Bon, très bien, grogna finalement le gobelin en poussant la jeune femme vers lui. Mais je le saurai, si tu as menti.

- Tu as fais le bon choix, sourit le deuxième en prenant la main d'Hermione.

Cette dernière se retint de vomir au contact de la vieille main couverte de verrues.

- Et sa baguette, également, réclama-t-il en tendant son autre main.

- Elle ne te sera pas utile.

- Très bien. Si le Maître me demande, je dirais donc que tu as refusé de la donner.

Puis, il tourna les talons, emmenant Hermione avec lui. Comme il fallait s'y attendre, ils ne tardèrent pas à entendre le bruit de ses petites jambes courir pour les rattraper, avant de donner la baguette magique, insistant simplement pour que soit transmis au Maître le fait qu'il avait réussi à la lui prendre.

- Le pauvre naïf, ricana alors Hermione, une fois loin. Je suis curieuse d'entendre ce que vous allez dire à Voldemort, la façon dont vous m'avez capturée et tout ça. Bien entendu, vous ne ferez même pas mention de votre ami ? Vous voulez la gloire pour vous tout seul ? C'est triste de se mettre à trahir l'un des siens juste pour un peu plus d'attention d'un sorcier. Vous êtes tombés bien bas, vous autres les gobelins.

Il ne répondit même pas, et la fit monter à l'étage. Hermione s'étonna du chemin qu'il prirent, et commença sérieusement à se méfier de ce que la créature avait en tête.

- Où est-ce qu'on va ? interrogea-t-elle, alors qu'il empruntait les passages les plus discrets possibles, évitant au maximum de croiser ses semblables. Je croyais que monsieur avait assez d'influence pour ne pas avoir besoin de se cacher ?

Arrivés au sixième étage, il la fit rentrer dans une salle de classe vide, et referma la porte derrière lui. Enfin, il se tourna vers elle, puis lâcha d'un ton plutôt énervé :

- Non, mais t'es complètement inconsciente, ma parole ! C'est quoi ton plan en venant ici ? Te faire tuer ? T'en as d'autres des bonnes idées comme celle-là ?

Hermione sursauta. Était-ce un effet de son imagination, ou était-elle en train de se faire passer un savon par un gobelin ?

- Je suis tout de même super heureux de te revoir saine et sauve, souffla-t-il alors en allant l'enlacer, ses petits bras grisâtres s'enroulant autour de ses jambes. Hermione grimaça de dégoût, sans pour autant oser bouger.

- Au fait, c'est moi, Harry, dit-il en levant sa grosse tête chauve vers elle.

- Je commençais légèrement à m'en douter, mais j'apprécie que tu finisses quand même par m'informer de ce petit détail !

Elle s'accroupit à sa hauteur et le serra dans ses bras, avant de glisser une main dans le dos de la créature. Sans prévenir, elle lui arracha alors la baguette magique des mains et se dégagea aussitôt de l'étreinte.

- Mon livre préféré ? aboya-t-elle en pointant sa baguette sur lui.

- Quoi ?

Hermione haussa les sourcils, exigeant une réponse. Le gobelin soupira.

- L'histoire de Poudlard.

Hermione ne bougea pas. C'était une question trop facile, tous les premiers de la classe avait forcément adoré ce livre.

- La profession de mes parents ?

- Dentistes. Mais c'est le genre d'information qui est sur ton dossier partout au ministère, 'Mione.

- Bien vu, avoua-t-elle. Alors, heu...

- Bon, tu veux quelque chose de plus personnel ? s'impatienta-t-il. Ta plus grosse honte, c'est de t'être transformée par erreur en chat, en deuxième année. Ta plus grosse victoire, c'est le coup de poing dans le nez de Malefoy, l'année suivante. Ton plus gros chagrin d'amour, c'est quand t'as laissé ce même idiot s'en aller à la fin de l'année scolaire. Ton plus gros chagrin tout court, c'est la mort de Ron. Ta plus grande qualité, c'est ta manie de penser aux autres avant toi, t'as d'ailleurs crée la S.A.L.E qui, merci Merlin, n'est plus d'actualité. Ton plus grand défaut, c'est que tu n'écoutes rien quand t'as une idée en tête. Ce qui m'amène à ta plus grosse bêtise : venir ici !

Le cœur débordant de joie, Hermione se précipita dans les bras du gobelin.

- Harry ! C'est si bon de te voir !

- Toi aussi, souffla-t-il. J'avais tellement peur qu'il te soit arrivé quelque chose !

- Je t'avais pourtant prévenu que j'en aurais pour quelques jours !

- Oui, mais ça c'est quand j'étais encore assez sot pour faire confiance à tes sentiments aveugles qui m'assuraient que tu étais en sécurité avec Malefoy !

Elle se recula et plongea son regard noisette dans le sien, l'air anxieux.

- Hermione, il est dangereux. Je suis sérieux. Moi aussi, j'avais envi de croire à son repenti quand il est revenu pour aider le ministère à faire face à la prise de pouvoir des Mangemorts, moi aussi j'espérais qu'un an d'absence n'aurait aucune conséquence sur ses sentiments pour toi, surtout en sachant ce qui vous liait ! Mais plus le temps passait, plus je me maudissais pour t'avoir laissée seule avec Malefoy à l'autre bout du monde, et plus je me posais de questions. Une en particulier me dérangeait réellement : pourquoi était-il réapparu au moment même où tu acceptais enfin une mission du ministère ? Je savais que tu te la posais également, mais je savais aussi que tu préfèrerais mettre tes doutes de côtés, trop heureuse de son retour dans ta vie. J'étais tellement stressé à ton sujet que je suis définitivement sorti de ma dépression pour découvrir ce qui se manigançait. J'ai honte d'avoir eu besoin d'attendre que ma meilleure amie soit en danger pour me bouger les fesses, mais je n'ai pas complètement perdu mon temps, pendant ma dépression.

- Oui, je sais. Neville m'a dit que tu avais travaillé sur les Horcruxes.

- Tu as vu Neville ? s'étonna-t-il.

- Au ministère, aujourd'hui. Lui et Luna ont le médaillon.

Le visage d'Harry, ou plutôt du gobelin, s'illumina d'un seul coup.

- Ils ont réussi ? Ils sont géniaux ! Considérons cet Horcruxe comme acquis, donc. Selon mes suppositions et celles qu'avait Dumbledore, il ne resterait plus qu'un objet ayant appartenu à Rowena Serdaigle, un autre à Helga Poufsouffle, et le serpent de Voldemort, Nagini. Les jours où j'en avais la force, j'oubliais la mort de Ron en me concentrant sur tous les lieux susceptibles de cacher les Horcruxes, et les plus probables, selon moi, restent le cimetière des Jedusors, l'orphelinat de Tom, Gringott, et ici même, quelque part dans Poudlard. J'avais aussi préparé tout un chaudron de polynectar, au cas où je déciderais de mettre mes plans à exécution.

- C'est pour ça que tu es ici ? l'interrompit Hermione. Pour trouver l'Horcruxe que tu penses caché dans le château ?

- Oui, d'où le déguisement. Il me fallait un gobelin qui ait assez de pouvoir sur les autres pour ne pas être dérangé. Le corps est dans le lac noir. Voldemort n'est pas en Angleterre, pour le moment, alors j'en ai profité. J'ai organisé tout ça il y a quelques jours, mais j'avoue ne pas avoir prévu de te trouver prisonnière en passant dans le hall !

- Une chance que t'aies été là, merci !

- Qu'est-ce que tu fiches ici, Hermione ? demanda-t-il alors.

- Je suis venue t'aider, et t'apporter quelques informations qui, je crois, te seront utiles de savoir...

Elle sortit la coupe en or de sous sa cape et entama un bref récit des derniers jours passés aux côtés des vampires, se contentant uniquement de raconter les évènements concernant le Sang de Licorne et ses propriétés magiques. La chasse des vampires à travers le repère, le mariage forcé et le kidnapping des loups n'étant peut-être pas appropriés à ce moment-là. Cependant, elle ne put échapper aux questions sur celui qui l'avait accompagnée à travers ses péripéties.

- Et Malefoy, dans tout ça ?

- Harry, tu n'as pas écouté ce que je viens de te dire ? Voldemort détient mon cœur de Bulborbus et veut s'en faire un Horcruxe indestructible !

- Si, j'ai très bien compris l'ampleur du problème. Mais tu ne m'as pas parlé une seule fois de Malefoy, ce qui attire mon attention et confirme ce que je disais : il est dangereux. La vérité, Hermione, c'est que tu n'as même pas besoin de me dire ce qu'il ce qu'il s'est passé. Je me suis beaucoup infiltré au ministère, ces derniers-temps. Avec l'aide du polynectar, il n'a pas fallu que je m'incruste dans dix mille conversations pour comprendre que Malefoy n'avait jamais été de notre côté...Il est le bras droit de Voldemort, et je crois qu'il l'a toujours été, mais se voyait sûrement confiés de missions importantes durant sa longue absence. Quand j'ai appris qu'il était actuellement en mission, j'ai aussitôt compris que c'était toi, sa mission. Je ne savais pas ce qu'il devait faire, mais je me doutais qu'il utiliserait tes sentiments pour arriver à ses fins. Toutefois, je gardais l'espoir qu'il n'en aurait pas après ta vie si je me remémorais tes paroles, comme quoi, en tant qu'âme sœur, il ne pourrait jamais te faire du mal. J'étais tout de même très inquiet, et j'ai cru revivre en t'apercevant dans le hall, tout à l'heure !

Hermione voulut sourire pour le rassurer, mais n'eut pas la force de faire semblant. Le regard vide, elle sentait de nouveau son cœur souffrir le martyre en confirmant bel et bien que, lorsqu'elle se croyait aimée de Drago, même son meilleur ami, se trouvant à l'autre bout de la terre, était au courant qu'il jouait la comédie.

- Je vais te dire, moi, ce que c'était sa mission, renifla-t-elle pour s'empêcher de craquer. Me séduire pour s'emparer de mon pendentif, aussi simple que ça. En apprenant qu'il se jouait de moi, j'ai d'abord cru qu'il était revenu après un an d'absence dans le seul but de prendre une revanche qui lui devenait vitale pour pouvoir reprendre sa vie normale. Mais j'ai récemment appris que ça allait plus loin, qu'il était en fait au service de Voldemort, comme je le redoutais, et que me séduire était en fait une mission, puisqu'Ombrage elle-même était au courant. Il m'a été ensuite facile de déduire le but de Voldemort : s'emparer de mon pendentif qu'il savait trop précieux pour moi pour m'en séparer, et que seul Drago, l'autre moitié, était en mesure de toucher sans danger. Mais Drago ignorait la valeur du pendentif en acceptant la mission, sinon je ne serais plus de ce monde, et m'a dit « s'en foutre royalement ». J'en viens donc à la conclusion que cette mission n'avait d'autre objectif pour lui que d'assouvir sa vengeance en me détruisant le cœur, comme j'ai détruit le sien...

Hermione ferma les yeux, retenant ses larmes.

- Mission parfaitement accomplie, Drago...murmura-t-elle, tandis qu'elle sentait les bras de son ami l'enlacer.

Elle rouvrit brusquement les yeux en réalisant que c'étaient de vrais bras qui l'entouraient, et non deux petites tiges rabougries.

- Harry, tu es...toi !

- Ouais, ça fait un bout de temps que j'ai bu la potion, sourit-il.

Hermione le trouva plus beau que jamais. Elle le redécouvrait enfin, lui et ses yeux d'un sublime vert émeraude, ses cheveux noirs en bataille, son sourire radieux et encore enfantin. Il n'avait plus rien du Harry dépressif au teint blafard, au yeux vides et au sourire inexistant, et Hermione ne put s'empêcher de l'enlacer de nouveau.

- Tu es bel et bien de retour ? lui souffla-t-elle.

- Oh oui, et, crois-moi, c'est plutôt mauvais pour notre cher Voldemort. Même si je comptais sur l'effet de surprise des Horcruxes et que tu viens en fait de m'apprendre qu'il sait que je suis en chasse après ses morceaux d'âme, j'ai encore de quoi le surprendre...

Il brandit la coupe devant ses yeux.

-...Grâce à toi, Hermione !

- Qu'est-ce que tu vas en faire ?

- La détruire, par Merlin ! Pas de coupe, pas de nouvelle Horcruxe ! Je m'étonne d'ailleurs que tu ne l'aies pas déjà détruite.

- J'espérais avoir un avantage en la conservant, avoua-t-elle. Mais je suppose qu'en fait, l'avantage que nous aurions serait justement de s'en être débarrassé.

- Bien, dit alors Harry en se redressant de toute sa hauteur. Il est temps de faire bouger les choses. Voilà le nouveau plan : on détruit le Sang de Licorne, je bois une autre gorgée de ma gourde de polynectar contenant encore les cheveux du gobelin qui, au passage, ont été difficile à dégoter avec leur trois poil sur le cailloux ! On en kidnappe un autre pour toi, j'ai du polynectar tout neuf dans mon autre gourde, et on se remet à fouiller le château. Ce sera plus efficace à deux. Si on ne trouve rien dans une heure, on fiche le camp pour retrouver Ginny qui, têtue comme elle est, s'est rendue seule à Gringott dans l'espoir de trouver l'autre Horcruxe. Ne t'inquiètes pas, elle a prit sa part de polynectar aussi.

- D'accord, sourit Hermione, ne se lassant pas d'avoir retrouvé son ami. De l'aventure, comme au bon vieux temps !

- Ouais, même si le trio n'est plus au complet, dit-il avec un sourire triste.

- On va le venger, Harry, dit alors Hermione en posant une main sur son épaule. Je te le promets. On va mettre un terme à tout ça, pour lui. Et quand j'aurai retrouvé son assassin... je le tuerai.

Harry la fixa et aperçut la lueur de haine et de chagrin qu'il connaissait si bien défiler rapidement dans son regard. Il lui rendit son sourire.

- Je sais que tu le feras, dit-il. Et ce jour-là, toi et moi on pourra enfin recommencer à vivre...

Des bruits de détonations retentirent alors dans le couloir.

- Qu'est-ce que c'est ? s'inquiéta Hermione en se dirigeant vers la porte.

- Attends, ne sors pas ! Je connais trop bien ce bruit pour l'avoir entendu des centaines de fois, ces derniers jours. Des sorciers viennent de transplaner dans le couloir.

- Harry, ricana Hermione en secouant la tête. Dois-je encore te le répéter huit ans après ? Il-est-impossible-de-transplaner-dans-l'enceinte-de...

- Désolé de t'apprendre que les choses ont changé, ici, la coupa-t-il. Ceux qui portent la marque sur l'avant-bras, autrement dit les réels fidèles de Voldemort et les plus dangereux, peuvent transplaner directement au château.

- Dans un fracas pareil ? s'étonna-t-elle.

- Ça, Hermione, dit Harry en pinçant les lèvres, c'est le bruit que font beaucoup de « pop » en même temps. Je dirais qu'on a affaire à dix Mangemorts, peut-être plus. Le problème c'est que, comme je te l'ai dit, ceux-là portent forcément la marque des ténèbres pour transplaner ici, et ça c'est très, mais alors très mauvais.

- Ouais, j'ai déjà rencontré l'un d'eux, dit sombrement Hermione en sentant une bouffée de haine l'envahir, repensant à la mort de Richard. Ils sont redoutables.

- D'habitude, ils sont plutôt rares, continua Harry qui ne semblait pas avoir remarqué son trouble. Il ne restent jamais loin de Voldemort...

- S'ils se sont éloignés de leur Maître pour venir jusqu'ici, supposa-t-elle, c'est que ça doit être vraiment important.

Harry la regarda d'un air inquiet, puis lâcha :

- Qu'est-ce qui te dit qu'ils se sont éloignés de leur Maître, Hermione ?

A peine eut-il achevé sa phrase qu'il poussa un cri de douleur atroce, avant de s'effondrer sur ses genoux, les deux mains plaquées contre son front. Hermione se précipita vers lui, et le supplia de faire moins de bruit malgré sa douleur.

- Ma cicatrice me brûle, dit-il les dents serrées et les yeux humides.

- Ne crie pas, Harry, je t'en prie ! Ils sont juste derrière la porte, je les entends !

- Il est là, Hermione, souffla-t-il alors, la respiration saccadée. Ilest ici, avec eux...

La panique la submergea tout entière, et Hermione dut à son tour faire preuve d'effort pour respirer. Elle regarda, impuissante, Harry allongé par terre qui se tortillait de douleur, se mordant le poignet pour s'empêcher de hurler.

- Ma cape, lui lança-t-il soudain. Prends ma cape, elle est dans ma poche.

Hermione s'empressa d'obéir et saisit le bout de tissu dépassant de son jean.

- Mets-la sur toi, dit-il.

Hermione s'enroula dans la cape d'invisibilité, et s'apprêta à en jeter un bout sur la tête d'Harry, mais il se recula.

- Non, la cape est trop petite pour nous deux. Je me retransformerai en gobelin si nécessaire. Je ne risque rien, ne t'en fais pas.

Tous les deux l'oreille collée contre la porte, ils tentèrent de percevoir les voix des Mangemorts.

- Pourquoi avoir transplané ici, au sixième étage ? chuchota Hermione.

- C'est l'étage réservé aux Mangemorts, expliqua Harry en frottant vigoureusement sa cicatrice. Les gobelins n'ont pas le droit d'être ici, normalement.

- Pourquoi ?

Harry haussa les épaules en signe d'ignorance, et Hermione se figea.

- Harry...souffla-t-elle avec deux grands yeux. Qu'est-ce qui se trouve au sixième étage, rappelle-moi ?

Son ami la contempla d'un air confus, puis, soudain, sa bouche retomba tandis que ses yeux s'agrandirent à leur tour.

- Bon sang, la Salle sur Demande ! s'exclama-t-il.

Hermione lui plaqua sa main contre sa bouche en le fusillant du regard.

- Tais-toi, Harry ! Tu es trop émotif. Si tu as raison et qu'un Horcruxe se trouve effectivement à Poudlard, je ne vois pas de meilleur endroit que la Salle sur Demande. Mais je ne nous sens pas plus avancés ; il a pu la cacher dans n'importe quel endroit inimaginable avec cette Salle !

- Non, contredit Harry avec un petit sourire malicieux. Je crois savoir exactement où est-ce qu'il l'a cachée...

Un cri de douleur s'éleva dans le couloir. Hermione sentit alors son sang devenir givre...

- Drago, souffla-t-elle, horrifiée.

- Quoi ?

- C'est sa voix, j'en suis certaine !

- Hermione, non ! siffla Harry.

Mais trop tard. Il n'eut pas le temps de la retenir qu'elle ouvrait déjà la porte et se faufilait discrètement à travers la fine ouverture, dissimulée sous la cape.

Retenant sa respiration, Hermione avança à pas de fourmi vers la masse noire qui se tenait au fond du couloir. Elle distinguait douze Mangemorts exactement, et continua de se rapprocher, contournant lentement le cercle géant que formait les adeptes. Mais ses pieds se pétrifièrent sur place lorsqu'elle le vit, lui.

Voldemort.

Il était bien plus grand et plus imposant qu'aucun autre de ses fidèles. Également couvert d'une immense cape sombre, Hermione fut heureuse de ne pas pouvoir apercevoir son visage, enfoui dans les profondeurs obscures de la vaste capuche noire. Cependant, la lueur rouge de ses pupilles, semblables à deux fentes, étaient de temps à autre perceptibles selon son humeur, et Hermione pouvait nettement entendre sa respiration rauque et régulière, rappelant le râle glacial des Détraqueurs. Nagini serpentait gracieusement autour de son Maître, émettant un sifflement continu et désagréable.

Parfaitement droit et immobile, Voldemort semblait regarder en sa direction.

Hermione pria de toutes ses forces pour qu'il détourne la tête, se sentant littéralement fondre sur place. Enfin, elle vit sa longue capuche s'abaisser ; il regardait le sol. Hermione l'imita, et son cœur se mit à frapper sa poitrine avec force.

A genoux et tête baissée, Drago se tenait à ses pieds.

- Alors ? souffla la voix glaciale du Lord dans un murmure dangereux.

- Alors, ma réponse est la même, répondit Drago en fixant le sol. J'ignore où elle se trouve.

Voldemort eut un mouvement de tête presque imperceptible, et deux Mangemorts prononcèrent en même temps :

- Endoloris !

Hermione fit aussitôt un pas en avant, mais se fit violence pour s'immobiliser de nouveau, tandis que Drago s'écroulait à terre, serrant les mâchoires pour ne pas crier. Deux sortilèges impardonnables sur une même personne provoquaient normalement une douleur qui n'était pas humainement supportable. C'est sûrement la raison pour laquelle la torture ne dura pas plus de quelques secondes, mais fut suffisante pour rendre Drago incapable de se relever, ni même de bouger.

- Alors ? répéta le souffle froid, sous la capuche.

Drago fut beaucoup plus long à répondre, mais Voldemort patienta. Enfin, le jeune homme parut puiser ce qui lui restait de force pour basculer sur le dos, et regarder le Seigneur des Ténèbres, droit dans les yeux. Un mouvement d'ensemble sembla alors animer la colère de tous les Mangemorts, et chacun d'entre eux pointa sa baguette sur lui.

- Baisse les yeux devant ton Maître ! cracha le partisan le plus proche.

Voldemort leva une main à la peau blanchâtre, et les Mangemorts baissèrent à regret leurs baguettes, tandis que Drago continuait de regarder l'interdit, silencieux.

- Relève-toi, Drago, ordonna calmement le Lord Noir. Si tu te crois assez spécial ou assez fou pour oser défier ainsi mon regard devant tous mes fidèles, alors défie-moi jusqu'au bout, et relève-toi.

Nagini se redressa de toute sa hauteur, sifflant dangereusement.

Drago resta immobile un instant, puis ferma les yeux, avant de finalement les rouvrir, tournés vers le sol.

- Bien, dit Voldemort. Maintenant que tu as recommencé à agir intelligemment, je vais te reposer la question, une unique fois. Ta réponse définira si je te laisse la vie, ou non.

Drago ne réagit pas.

- Elle définira également si je lui laisse la vie à elle, ou non...

Cette fois, le regard du jeune homme s'agita un instant, pour ensuite redevenir fixe.

- Oui...souffla la voix frissonnante de Voldemort, comme s'il répondait aux pensées de Drago. Bien sûr que je sais que tu me mens pour la protéger. Croyais-tu réellement pouvoir me duper sur tes intentions ? Mon pauvre Drago, tu es si prétentieux. Ton refus de porter la marque, lors de tes seize ans, a coûté la vie à ton cher père. Et maintenant, c'est elle qui va payer pour ton orgueil et ton impertinence. Parce que tu sais que je finirai par la trouver, et lorsque j'aurais récupéré ce qu'elle m'a volé et qui m'appartient, elle mourra.

Voldemort agita sa baguette et le corps de Drago se releva mollement, jusqu'à ce que sa tête blonde arrive au niveau de ses pupilles rougeoyantes.

- Dis-moi où elle se trouve, murmura-t-il alors, sa voix se transformant en un écho terrifiant, et je lui laisserai la vie sauve...

C'est alors que Drago tira un petit sourire. Ce même sourire en coin insolent qu'Hermione avait tant de fois rêvé de lui arracher. Sauf que, cette fois, c'était à Lord Voldemort qu'il l'adressait.

- Vous savez pourquoi j'ai toujours refusé de porter la marque, «Maître » ? dit alors Drago en crachant sur le dernier mot. Parce que je savais qu'un jour viendrait où j'aurais l'honneur et le plaisir immense de vous dire ces quelques mots que la magie du tatouage ne m'aurait jamais permis : allez-vous faire voir.

Le corps de Drago fut propulsé avec tant de puissance qu'il vola en l'air à la façon d'une poupée de chiffon, avant de s'écraser parmi les armures dans un fracas de métal assourdissant.

La gigantesque silhouette noire survola le sol jusqu'à lui.

- Voyons si tu es plus résistant que ton idiote de mère, dit alors Voldemort de sa voix glaciale. Elle n'est morte qu'au bout d'une vingtaine de Doloris. Eh oui, j'ai menti, Drago ; c'est moi en personne qui lui ais enlevé la vie, et je dois avouer y avoir pris beaucoup de plaisir...

Hermione aperçut le visage de Drago se défigurer de haine, mais son corps semblait trop endoloris pour pouvoir bouger.

- Tu diras bonjour à tes parents, dit Voldemort en levant sa baguette magique. J'envoie le dernier des Malefoy en enfer !

Voldemort rabaissa sa baguette d'un geste sec.

- Non !

Le hurlement d'Hermione avait résonné dans le grand couloir, instinctif et suppliant. D'un geste lent, la jeune femme tira sur un pan de la cape et la laissa glisser à terre, découvrant son visage mouillé de larme.

- Ne te le tuez pas, supplia-t-elle alors, la voix tremblante. Pitié.

Voldemort releva sa baguette et la souffrance de Drago cessa. Hermione était consciente de se rendre à la mort, mais rien n'avait plus d'importance que la vie de Drago, en cet instant. Le voir ainsi en danger lui avait complètement effacé le reste du monde, ne laissant percevoir rien d'autre que l'autre partie d'elle-même qui avait besoin de son aide. Hermione sut à ce moment-là que sa vie sans Drago revenait à mourir avec lui, et elle avança vers Voldemort sans crainte aucune de se faire tuer, tant que son âme sœur avait la vie sauve.

Tandis qu'elle se plaçait devant le corps du jeune homme et faisait face au Mage Noir qui se contentait de l'observer, elle déclara :

- C'est moi que vous voulez, je suis là.

- Vas-t-en, vas-t-en...entendait-elle Drago murmurer d'une voix désespérée.

Dissimulée sous sa capuche, Hermione devinait aisément la large fente qui lui servait de bouche s'étirer en un sourire satisfait.

- Hermione Granger... prononça sa voix redevenue un écho à glacer le sang. Ravi de faire enfin ta connaissance. Tu es donc bien aussi courageuse que les légendes l'affirment. Seulement, vois-tu, sans ce que je désire, tu ne m'es qu'une Sang-de-Bourbe inutile...

- Cours, cours loin...continuait d'implorer la faible voix de Drago, toujours étendu au sol.

- J'ai ce que vous désirez, dit fermement Hermione.

Elle vit les deux fentes rouges illuminer l'obscurité de son visage.

- Bien...murmura la voix du Lord, frétillante de plaisir et d'impatience.

- Sous la cape, informa Hermione.

Aussitôt, un Mangemort se dirigea là où elle avait laissé tomber la cape d'invisibilité. Il secoua vivement le tissu et un bruit de métal résonna aux oreilles, tandis que la coupe en or roulait le long du carrelage. Hermione, qui devinait Harry au bord de la crise cardiaque pour l'égoïsme qui allait mener le monde magique à sa perte, priait pour qu'il n'intervienne pas en dépit de ses responsabilités. Le Mangemort prit l'objet et le ramena à son Maître sans que rien ne se passe.

Voldemort saisit la coupe entre ses deux mains blêmes, et son rire de victoire s'éleva de plus en plus fort, triomphant et insupportable à l'oreille. Hermione profita son inattention pour s'agenouiller auprès de Drago, inquiète.

- Ça va ? souffla-t-elle.

- Qu'est-ce que t'as fait, Hermione...

Cette dernière baissa la tête.

- Je m'en fiche royalement, plaisanta-t-elle en reprenant ses propres mots. Je ne pouvais juste pas le laisser te tuer sans rien faire.

- C'est si mignon...dit alors Voldemort.

Hermione fit volte face, se préparant à la suite des évènements qui ne promettaient rien de bon.

- Non, reprit-il, mignon n'était pas le mot que je cherchais. Écœurant, est bien mieux approprié. Répugnant, exécrable, malsain, immonde...Ah oui, ça sonne tellement plus juste.

Voldemort leva sa baguette et Hermione sentit alors une force invisible la prendre par le cou et la soulever du sol. Respirant à peine, les pieds ballants, elle lâcha sa baguette par terre.

- Alors c'est donc toi, la fameuse fille qui m'a volé le meilleur de mes Mangemorts ? Je ne sais pas comment ton sang impur est parvenu à déjouer autant de mes plans, mais, sache que, dans le nouveau monde que je suis en train de bâtir, les Sang-de-Bourbe n'ont rien à faire avec les Sang Purs. Drago et toi, c'est inhumain, et intolérable. Ce n'est rien d'autre qu'une erreur de la nature à laquelle je dois remédier.

Il fit un nouveau mouvement de baguette et Hermione retomba au sol, respirant de nouveau.

- Cependant... poursuivit le Lord en longeant les contours triangulaires de la coupe avec son doigt squelettique. Tu as grandement contribué à la construction de ce monde, grâce à ce Sang de Licorne, et je me dois de t'en être redevable. Je vais laisser vivre ce traître à son sang...

Soulagée, Hermione avait entendu tout ce qu'elle voulait entendre. Elle était prête à mourir, désormais, peu lui importait.

- Oui, il va vivre... répéta Voldemort. Mais il vivra sans toi. Je veux qu'il souffre pour sa trahison.

Drago tenta de se relever, mais, d'une main, Hermione le repoussa à terre. Puis, la tête haute, se releva, prête à assumer ses choix.

- Voilà qui est digne, sourit Voldemort. Je ne peux pas en dire autant de toi, n'est-ce pas Drago ?

Ce dernier se voyait maintenant maîtrisé par trois Mangemorts, la peur lui ayant redonné des forces.

Voldemort pointa le bout de sa baguette à quelques centimètres du regard noisette qui lui faisait face sans ciller.

- Ce serait quand même dommage, dit alors Voldemort, que tu meures sans même savoir qui est l'assassin de ton cher ami, Ronald Weasley...

Hermione se mordit les joues pour ne pas répliquer, pour ne pas sauter sur Voldemort et le tuer de ses propres mains. Qu'avait-elle à perdre, après tout ? Elle ne serai plus de ce monde dans une poignée de secondes.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut adresser ce regard empli de haine, miss Granger, dit Voldemort en la faisant alors pivoter sur elle-même à l'aide de sa baguette magique.

- C'est lui, qui a prit la vie qui t'étais si chère...acheva-t-il.

Debout, face à elle, se tenait Drago Malefoy. Debout, face à elle, se tenait l'homme qui avait tué Ron, l'homme pour qui elle venait à l'instant de donner sa vie.

Le rire de Voldemort devenait incontrôlable, à présent, et tous les adeptes se mirent à rire avec lui. Le visage inexpressif, Hermione ressemblait à un zombi qui ne savait ni penser, ni parler, se contentant de regarder Drago sans vraiment le voir. Ce dernier tentait vainement d'attraper son regard, mais la jeune femme avait les yeux vides. Il lui parlait, mais elle n'entendait pas. Tout était devenu sourd, et lointain. Elle vit alors Voldemort lever sa baguette magique.

Hermione ferma lentement les yeux, conservant comme dernière image le visage de Drago Malefoy, à la fois l'enfant détestable qui s'amusait à lui glisser une araignée dans son chaudron, l'adolescent prétentieux qui aimait tant l'insulter, mais aussi l'homme amoureux qui lui avait appris à diriger un balai au dessus d'un lac.

Elle sourit, heureuse que sa mort emporte avec elle des sentiments qu'elle n'aurait pu supporter à l'avenir, ainsi que le souvenir d'un Serpentard qu'elle se haïssait de tant aimer...

La voix de Voldemort lui parvint de loin :

- Avada...

Ainsi que les hurlements désespérés de Drago, qui se débattait de toutes ses forces.

- Non ! Hermione, non !

Elle savait exactement ce qu'il ressentait pour elle même avoir cru le perdre, quelques instants plus tôt, et aurait aimé lui faire jurer de continuer à se battre pour vivre, même si elle n'était plus à ses côtés. Mais elle se contenta juste de sourire, s'imaginant déjà retrouver Ron et le serrer dans ses bras, à jamais.

- Renis Cavem !

Hermione s'écroula sous le poids du corps qui se jeta sur elle et, face contre terre, vit le dragon de feu engloutir et embraser le couloir entier, dévorant les Mangemorts au passage. Puis, alors qu'elle sentait le souffle enflammé de la bête l'envelopper, tout disparut.

L'air retrouva soudain sa fraîcheur, mais le bruit du Feudeymon crachant son haleine de braise résonnait encore à ses oreilles. Étendue dans l'herbe gelée suite à un brusque transplanage, Hermione se releva au milieu des jardins de Poudlard, Harry à ses côtés. Elle tourna ensuite ses yeux vers le château incendié, et le regarda brûler un moment, avant de réussir enfin à articuler :

- Drago...

Une larme perla aux coins de ses yeux, avant de lentement s'écouler le long sa joue. Son cœur ne battait plus, car une partie venait de se consumer avec les flammes...

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