Chapitre 33 : De l'autre côté du masque
Hermione gesticulait dans tous les sens, hurlait de toutes ses forces. Jamais elle ne ferait partie des leurs, jamais.
Mais la possibilité d'une échappatoire devenait de moins en moins envisageable. Les mains des créatures, dures et puissantes, la dirigèrent sans difficulté à travers les nuages avant d'atteindre l'immense falaise qui leur servait de repère. Ils posèrent pied sur la case la plus proche, et les cris d'Hermione résonnèrent à l'intérieur des cavités.
- Lâchez-moi ! hurlait-elle. Bande de sangsues attardées ! Libérez-moi ou vous aurez à faire au ministère !
Mais, lorsqu'elle vit que ses menaces ne les atteignaient pas le moins du monde, et qu'elle se rapprochait dangereusement de la Case Royale, elle se mit à supplier :
- Je vous en prie, ne faîtes pas ça, souffla-t-elle à Orience qui l'accompagnait. Vous faîtes une grosse erreur, je ne suis pas celle qu'il faut à Soane !
- S'il t'a choisie, c'est que tu es la bonne, répondit-elle, parfaitement sereine.
- Non ! Tu ne comprends pas ! C'est Marya qu'il veut, pas moi ! S'il te plaît Orience, ne les laisse pas faire !
Les larmes défilèrent alors sur ses joues. Aucune oreille ne lui était attentive, aucune main ne lui était secourable. Malgré la foule, Hermione se sentie complètement seule, abandonnée. Alors c'était ainsi que finiraient ses jours ? Mordue par un vampire ? Non, pas elle, pas Hermione Granger. Elle avait toujours su se tirer de situations parfois pires que celle-ci. Elle pensa alors à Harry. Qu'était-il devenu ? Et Richard ? Elle n'avait même pas pris la peine de demander de leurs nouvelles, bien trop occupée par le retour de Drago dans sa vie. Merlin qu'elle s'en voulait ! Mourir sans pouvoir dire au revoir aux gens qu'elle aimait.
Hermione leva les yeux vers le ciel et, tandis qu'on l'allongeait sur la grande table de pierre, pensa à Ronald. Sa seule consolation était de savoir que son esprit d'humaine irait le rejoindre, même si son corps resterait sur terre pour l'éternité.
Deux vampiresses suffirent à la maintenir allongée, et Soane se pencha au dessus d'elle. Il passa sa main dans ses cheveux bouclés, tout en la regardant tendrement. Inconsciemment, Hermione hochait la tête de droite à gauche, suppliant dans des murmures.
- Tu n'auras pas mal, assura-t-il.
Ce qu'elle redoutait tant arriva enfin ; ses canines s'allongèrent considérablement. La jeune femme ferma les yeux, retenant ses sanglots.
C'est alors qu'une main noire se posa doucement sur l'épaule de Soane.
- Ne fais pas ça, mon frère.
En entendant la voix d'Inaya, Hermione ouvrit brusquement les yeux, pleine d'espoir suite à un conseil si inattendu de sa part. Soane regarda la vampiresse sans comprendre, puis la lumière parut se faire :
- Oh, désolée, Inaya. Je sais qu'on devait se marier toi et moi, mais ça ne va pas être possible.
- Tu sais très bien que je ne désirais pas ce mariage plus que toi, Soane, répondit-elle posément.
- Alors, que veux-tu ?
- Que tu laisses cette humaine partir.
Tous les vampires regardèrent alternativement Inaya et Soane, surpris. Ce dernier resta interdit un moment, puis se mit à rire. Mais le visage impassible de sa sœur lui révéla qu'elle était on ne peut plus sérieuse, et ses traits s'assombrirent.
- De quel droit exiges-tu qu'elle parte, Inaya ? lança-t-il avec force.
- De quel droit exiges-tu qu'elle reste, Soane ? répondit-elle, toujours avec ce calme déstabilisant.
- Je fais ce qui est le mieux pour elle, mais elle ne le comprend pas encore, voilà tout ! Et puis, je croyais que tu la détestais !
- C'est le cas.
- Alors, pourquoi m'en empêcher ? s'énerva-t-il.
- Je ne pouvais rien te dire, mais je pense que, face à cette situation, je n'ai plus le choix : j'ai le devoir de la protéger, et j'y sacrifierais ma vie si cela devenait nécessaire.
- De quoi parles-tu ? s'effara son frère.
Hermione, qui avait suivi l'échange avec grande attention, se posait exactement la même question. Son cœur battait si vite qu'elle dût s'obliger à respirer de nouveau pour éviter la crise cardiaque.
- Hélas, répondit Inaya, les raisons pour lesquelles je la protège ne te regardent pas.
- Si Leeyame le savait, tu...
- Elle le sait, le coupa-t-elle. C'est elle en personne qui m'a chargé de sa protection.
- Tu mens !
- Tu sais que c'est la vérité, Soane. J'ai juré de ma vie qu'il ne lui arriverait rien, et un vampire tient toujours sa parole, car la mort est préférable à une promesse rompue.
- Si c'était vraiment la Reine qui t'avait confié sa protection, pourquoi accepte-t-elle mon choix de l'épouser ?
- Tu connais la réponse. Tu as toujours été son favori, et cela ne changera pas. Elle répond à tes exigences et tu en es conscient, puisque tu en abuses. Leeyame est donc prête à renoncer à son honneur pour ton bonheur, mais pas moi.
Soane avait les yeux rouges, à présent. Hors de lui, il n'osa cependant pas tenter la moindre attaque envers sa sœur, mais risqua de la menacer :
- Tu ne peux pas me l'enlever, déclara-t-il en désignant Hermione d'un coup de tête. Elle est mariée à moi, maintenant. Elle m'appartient, et tous ici en sommes témoins.
- Elle ignorait que cette danse était décisive, répliqua-t-elle. Et tu le sais. Nous avons assez discuté ; ou tu la laisses s'en aller, ou tu la gardes. Mais, sache que si tu prends cette dernière décision, nous nous battrons, Soane. Et, autant te prévenir, tu ne gagneras pas.
Comme pour confirmer ses paroles, Dowelle et Sehdar sortirent de l'ombre et se glissèrent alors à ses côtés.
- Qu'est-ce que ça veut dire... ? s'inquiéta Soane.
- Désolé, frangin, répondit Dowelle avec de réels remords. Mais j'ai juré, et nous sommes un peuple digne. Je dois tenir mes engagements.
Sehdar, l'un des premiers vampires qu'elle avait aperçu le soir du piège près de la cabane et qui l'avait reniflée dangereusement en guise d'accueil, restait silencieux. Il avait même l'air de s'ennuyer terriblement.
Face à des vampires dont l'expérience dépassait largement la sienne, Soane finit par reculer d'un pas.
- Tu as pris la bonne décision, approuva Inaya.
Tous les yeux verts se posèrent ensuite sur Hermione. Immobile depuis plusieurs minutes, terrifiée à la vue de son destin qui bondissait de mains en mains, Hermione se redressa sur la table de pierre. Prudemment, elle posa les pieds à terre, puis se mit debout, la respiration bruyante.
Alors qu'elle s'apprêtait à prendre une bouffée d'air pour décompresser, Soane profita de cette seconde d'inattention de la part de son entourage pour saisir Hermione par le bras. Son geste fut si vif et si imprévisible qu'elle eut juste le temps d'entendre Dowelle crier le nom de son frère avant de transplaner à la vitesse de la lumière.
De nouveau, la sensation d'être ligotée dans un manège de parc d'attraction s'empara d'elle. Aucun de ses membres ne répondait, mais son esprit était bien là, à l'intérieur du vampire. Elle avait même l'impression de ressentir sa fureur. Soane bondissait d'arbre en arbre sans aucune souplesse, se prenait parfois des branches, mais ne s'arrêtait pas. La douleur physique ne semblait pas pouvoir rivaliser avec sa douleur de cœur.
Enfin, il cessa de courir, sûrement épuisé. Hermione s'écroula sur l'herbe humide, retrouvant la mobilité de son corps. Dès qu'elle en eut la force, elle recula le plus loin possible jusqu'à se retrouver bloquée contre un arbre, près de la rivière autrefois aperçue du haut de sa cabane. Dans son mouvement rapide, sa main s'était posée sur une drôle de plante épineuse qui lui écorcha la paume. Hermione retint un cri de douleur, et cacha sa main derrière son dos, car la vue du sang ne ferait qu'empirer la situation.
- Tu n'as rien craindre, annonça alors Soane en la contemplant si terrifiée.
Rassemblant son courage, elle répliqua avec colère :
- C'est déjà ce que tu m'avais promis au laboratoire, il me semble...
- Peut-être parce que je ne pensais pas que tu verrais mon amour pour toi comme un danger, ironisa-t-il.
- Ton amour pour moi ?
Hermione ne put s'empêcher d'éclater d'un rire glacial.
- C'est me piéger, me transformer contre ma volonté et me kidnapper que tu appelles amour, Soane ? Arrête de te poser en victime. Je suis tellement déçue. Déçue de te découvrir si différent ! Tu as abusé de mon amitié pour me trahir, alors que tu es le premier à exiger l'honnêteté...
Soane s'approcha mais se figea devant la réaction immédiate de la jeune femme qui s'était plaquée un peu plus contre l'arbre. Ce mouvement de protection dut lui faire mal, car il baissa les yeux, le regard triste.
- Je t'en prie, cesse d'avoir peur, supplia-t-il. Je ne te toucherai pas.
Hermione aurait tellement aimé le croire, mais l'image du vampire penché au-dessus d'elle pour la mordre flottait encore dans son esprit, terrifiante. Elle n'arrivait plus à lui faire confiance, et resta collée au tronc d'arbre. Soane soupira.
- Je n'ai jamais voulu te faire du mal, dit-il en levant la tête vers les étoiles. Mais c'est pourtant ce que j'ai fait. Mon amour est dangereux, je m'en rends compte, maintenant.
- Ce n'est pas moi que tu aimes, dit Hermione en se détendant un peu. C'est Marya. Son souvenir, du moins.
- Non, répondit-il aussitôt en croisant son regard. Il est vrai que, beaucoup de fois, je l'ai retrouvée à travers toi. Mais je sais qui tu es. Tu es Hermione Granger, et c'est de toi dont je suis tombé amoureux, peu importe le nombre de fois ou tu me fais penser à Marya. Tu restes la sorcière étonnante et intelligente qui a réveillé mon cœur, endormi depuis des siècles.
Tout à coup, il s'approcha vivement d'elle et lui prit les mains avant qu'elle n'ait eu le temps de comprendre.
- Je suis désolé, dit-il. Je réalise seulement mes actes, et je réalise le mal que je t'ai fait. Je m'en veux, il faut que tu me croies.
- Je...je ne sais pas, Soane, bredouilla-t-elle, incertaine.
- S'il te plaît, Hermione Granger ! J'ai compris que je ne pouvais t'avoir, et je l'accepte, désormais ! Je ressens ta peur comme si elle était mienne, et ça me détruit. Je ne supporte pas de te voir si peu rassurée en ma présence, et je suis prêt à tout pour récupérer ta confiance, ainsi que ton amitié. Dis-moi ce que je dois faire !
Hermione plongea son regard noisette dans ses yeux verts, et saisit alors l'opportunité de parler de ce qui ne cessait de lui occuper l'esprit depuis tout à l'heure.
- Rends-moi Drago, souffla-t-elle.
Le visage de Soane perdit aussitôt de sa gaieté. Cependant, résolu à lui prouver son amitié, il accepta :
- Très bien. Si c'est avec lui que tu es heureuse, je vais te le rendre.
Les yeux d'Hermione se mirent à pétiller. Soane l'aida à se relever.
- Ça me tue de l'avouer, dit-il alors, mais il est clair que, tous les deux, vous êtes unis par quelque chose de plus fort que l'amour. Même quand votre vie est menacée, vous trouvez toujours le moyen de vous soucier de la vie de l'autre.
Hermione sourit. Elle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'elle n'avait plus souris comme ça. Soane était de retour, elle en était sûre. Il était conscient de son emportement et n'était plus un danger pour elle.
- Alors, sourit-il timidement, on est amis ?
Hermione hocha la tête en signe d'approbation. Même s'il était suicidaire d'avoir un vampire excessivement amoureux pour ami, Hermione était heureuse de le retrouver dans sa vie, car elle s'y était vraiment attachée. Ils repartaient tous deux sur des bases claires et sans ambiguïté ; le côté enfantin de Soane qui pensait pouvoir obtenir tout ce qu'il désirait simplement par la force était révolu. C'était comme si cette prise de conscience l'avait fait mûrir de plusieurs années, ou plutôt, de plusieurs siècle.
Soulagé, Soane ouvrit les bras et Hermione vint s'y loger.
- Je suis désolée pour Marya, murmura-t-elle.
- Elle est heureuse, maintenant. C'est ce qui compte. Je l'ai laissé vivre sa vie malgré mes sentiments, et je me dois de faire pareil avec toi aujourd'hui.
- Merci...
Brusquement, l'étreinte de Soane lui fut violemment arrachée. Le vampire s'écrasa contre un arbre voisin. Les yeux gris métal, Drago leva sa baguette de nouveau, et Soane tournoya dans les airs avant de ricocher contre le sol comme une poupée de chiffon, pour finalement s'effondrer dans l'herbe, quelques mètres plus loin.
- Drago, arrête ! s'écria Hermione en courant vers lui.
Qu'avait-il vu ? Ou, plutôt, qu'avait-il cru voir ? Alors qu'elle enlaçait le vampire, il avait dû penser qu'elle était en train de se faire mordre.
Drago se tourna vers elle, et lui prit la tête entre ses deux mains avant de la faire basculer de droite à gauche pour vérifier la présence d'une morsure dans le cou.
- Il n'y rien ! assura vivement Hermione en lui retirant ses mains.
Elle se rendit compte trop tard de son erreur. Drago aperçut sa paume sanglante et lui saisit le poignet avant qu'elle n'ait eu le temps de le cacher.
- Je vais le tuer ! jura-t-il en se retournant vers sa victime laissée au sol.
- Non, ce n'est pas lui ! Laisse-le tranquille !
Mais le jeune homme n'en écouta pas un mot. Son sang semblait bouillir, et l'envie de meurtre se lisait aussi bien dans ses yeux que son nom de famille jaillissait d'évidence : Malefoy. Un nom couvert de sang qui n'existait que pour la vengeance et la victoire, bannissant le déshonneur et la défaite.
Alors que Drago fut heureux de déceler autant de peur dans le regard vert du jeune vampire, il leva sa baguette une dernière fois.
Trois lumières rouges déchirèrent alors le ciel noir en longs traits lumineux. Avant même qu'elles ne se transforment, Hermione avait enfin compris ce qu'elles étaient. Inaya, Dowelle et Sedhar reprirent leur forme originelle devant Drago. Alors, c'était ainsi qu'elle-même avait été lors du transplanage ? Une lumière ? Ça expliquait la sensation de ne plus avoir de corps, et de faire partie du vampire, tout comme ça expliquait le fait qu'elle ait été sauvée par ces lumières chez Richard, la nuit de son agression. Drago le lui avait dit : seuls les vampires étaient capables d'un transplanage sur une distance si grande. Ce qui restait inexplicable, en revanche, c'était la raison de leur protection.
Dowelle s'avança le premier vers Drago, tandis que les deux autres se placèrent aux côtés d'Hermione.
- Si tu tues mon frère, Drago Malefoy, prévint Dowelle, je te réserve le même sort.
- A moins que je ne te tue avant, répliqua Drago, hors de lui. Cette sangsue ne mérite pas la vie !
- Pourquoi... ? s'éleva alors la voix abîmée de Soane, toujours étendu sur le sol. Parce que tu es le seul à avoir le droit de l'aimer, c'est ça ? Parce que je n'ai pas le droit au bonheur, moi aussi ?
- Parce que tu n'as pas le droit à son bonheur, idiot ! rétorqua Drago.
- Mais toi, oui ? ricana-t-il.
- Oui, parce qu'elle me l'a donné. Je n'ai pas eu besoin de le lui prendre. Alors ne me compare surtout pas à toi, Soane, car j'ai plus de respect pour elle que tu n'en auras jamais. Et si tu veux vraiment savoir pourquoi nous ne serons jamais au même niveau, c'est tout simplement parce que, moi, je donnerais ma vie pour le bonheur de la sienne, alors que toi, tu prendrais sa vie pour le bonheur de la tienne...
Soane ne répondit rien, et cette marque de faiblesse trop évidente dut être la raison pour laquelle Drago finit par baisser sa baguette : ce vampire ne valait pas la peine de se fatiguer, il avait juste essayer de ressentir ce qui n'était pourtant pas dans sa nature : l'amour.
Hermione posa une main douce sur son épaule. Pour la deuxième fois en quelques heures, il crut l'avoir perdue et la serra dans ses bras jusqu'à lui faire mal.
- Je suis désolé, lui souffla-t-il à l'oreille. J'aurais dû être là, je n'ai pas su te protéger.
- Où étais-tu ? s'inquiéta-t-elle. Que t'ont-ils fait ?
- Rien, rassure-toi. J'ai juste été enlevé quand je ne m'y attendais pas, et c'est Inaya qui est venue me délivrer pour m'avertir du danger que tu courais. L'enlèvement a été rapide et personne n'a rien vu lors du bal, mais, même si ça avait été le cas, je pense que ça n'aurait rien changé ; ils étaient tous dans le coup. Je te promets qu'il paiera.
Hermione se dégagea de l'étreinte.
- Non, ne fais pas ça. Soane regrette profondément, je te le jure.
- Comment peux-tu avoir encore confiance en lui après ce qu'il t'a fait ? s'effara Drago.
- Comme je te fais confiance à toi, malgré une année d'absence... Et ne me dit pas que c'est différent.
Elle avait dû deviner juste, car il rétracta sa volonté de parler. Par-dessus l'épaule du jeune homme, Hermione vit alors quelque chose se déplacer dans le ciel et plissa les yeux pour mieux en discerner la nature. C'était une nouvelle lumière rouge. En effet, quelques secondes plus tard, un vampire inconnu dont la peau était blanche et les cheveux châtains apparut à leurs côtés. Il avait l'air complètement paniqué, et sa jambe droite saignait abondamment. Il cria quelque chose en son dialecte, et la réaction de tous les vampires présents fut identique : ils s'observèrent avec des yeux terrifiés et surpris, avant de poser un tas de questions au messager.
- Que se passe-t-il ? demanda Drago en les interrompant.
Inaya se tourna vers lui, l'air grave.
- Ils nous ont trouvés. C'est la guerre...
Ni Hermione, ni Drago n'eurent besoin de poser la question pour savoir que les loups-garous avaient lancé l'attaque.
- Je vous l'avais dit ! pesta Hermione aux trois vampires. Vous avez refusé de lui donner ce qu'il désire ? Il est venu se servir. Protégez immédiatement votre laboratoire.
- Il n'y a aucune chance qu'il soit découvert, assura Dowelle.
- Même avec un vampire pour guide ? répondit Hermione d'un ton moqueur.
- Que dis-tu ? s'inquiétèrent Sedhar et Inaya d'une même voix.
- Il se pourrait que Azaan soit à la tête de la meute...avoua-t-elle. J'en suis même certaine.
- C'est impossible...s'effara Inaya. Il n'oserait jamais nous trahir !
- Navrée de vous apprendre que, même après des siècles, vous le connaissez mal.
- Peu importe, trancha Drago. Elle ne vous demande pas de la croire, mais de lui faire confiance. Allez prévenir votre Reine sur le champ. Inaya, reste avec Hermione.
- Quoi ? non ! s'interposa aussitôt celle-ci. Je vais me battre !
- Hermione, ce n'est ni mon combat, ni le tien. Cette guerre ne nous concerne en rien.
- Nous sommes les premiers concernés, Drago, rectifia-t-elle. Penses-tu réellement qu'il s'agit là d'une guerre de clan ? C'est Voldemort qui les a envoyé pour chercher l'arme, c'est leur but premier même s'ils en profitent pour régler une vieille querelle personnelle. Nous sommes venus ici pour devenir alliés avec les vampires, et il est temps maintenant de leur prouver notre soutient.
- Tu ne leur dois rien ! Non seulement ils ont refusé ton aide, mais ils ont en plus essayé de te tuer !
- Nous sommes en guerre, Drago ! s'écria Hermione, ne comprenant pas sa réaction. Il faut mettre la rancune et les différents de côtés pour s'unir ! Ils ont fait des erreurs, mais j'en ai fait aussi. Allons les aider, s'il te plaît !
- Je m'en charge. Toi, tu restes ici avec Inaya, point final.
Hermione ne sut même plus quoi répondre devant cette soudaine obstination qui n'invitait guère à la négociation. Cela faisait plusieurs jours qu'elle vivait quasiment aux côtés de créatures dangereuses et pleines de surprise, et voilà qu'il s'inquiétait de petits chiots presque inoffensifs ? Bon, d'accord, peut-être qu'elle les sous-estimait un peu. Mais il fallait avouer que, à côté des vampires qui pouvaient se déplacer à la vitesse de la lumière, les loups-garous apparaissaient comme des balourds disgracieux et facile à devancer.
En temps normal, Hermione aurait évité une nouvelle dispute en se soumettant à sa demande, mais pas cette nuit-là. Elle avait enfin l'opportunité d'apporter l'aide que les vampires avaient toujours refusée, et, par la même occasion, de s'en faire de réels alliés pour la guerre qui venait d'être déclarée.
- Non, répondit-elle, déterminée. Je v...
Mais Hermione ne put achever sa phrase car Drago l'avait saisie par les épaules et la plaquait maintenant contre le tronc d'arbre.
- Je ne te demandais pas ton avis, Hermione, dit-il en plongeant son regard gris dans le sien avec intensité. Tu ne les approches pas, fin de la discussion.
- Mais je n'ai pas peur de ces chiens ! râla-t-elle.
- Tu ne comprends pas, s'énerva-t-il à son tour. Ils ne sont pas venus uniquement pour l'arme. Ils sont aussi venus pour toi...
Une fois de plus, la jeune femme resta sans voix, se contentant de fixer Drago, les sourcils froncés.
- Il y a quelque chose que j'ignore et que je devrais savoir ? questionna-t-elle, suspicieuse.
- Oui, que les loups-garous sont loin d'être inoffensifs, comme j'ai l'impression que tu le penses. C'est une information qu'apparemment tu ignores et que tu devrais savoir.
- Ne te fiche pas de moi, Drago ! s'écria Hermione en se dégageant de son emprise. Que me veulent-ils ?
- Sûrement pas du bien, alors, pour la dernière fois, ne bouge pas d'ici, ordonna-t-il. Inaya, je te fais confiance pour veiller sur elle. Ne la laisse pas s'échapper et, surtout, ne la sous-estime pas. Dowelle et Sedhar, ramenez votre frère au repère avant que ma baguette ne lui envoie accidentellement un sortilège mortel.
Hermione regardait Drago donner des ordre aux vampires, ahurie. Mais ce qui l'abasourdit encore plus, ce fut de les voir obéir. C'est alors qu'une hypothèse absurde s'incrusta dans son esprit. Au lieu de la chasser comme à son habitude, elle se posta devant Drago qui s'apprêtait à transplaner à la suite des vampires, et posa une question dont le ton parut plus affirmatif qu'interrogatif :
- C'est toi qui leur as demandé de me protéger, en réalité ?
Sa voix tremblait. Elle redoutait tant la réponse. Réponse qui ne vint pas. Drago la fixa, silencieux.
- Tu es déjà venu ici, en Nouvelle-Zélande, n'est-ce pas ? devina-t-elle, sa voix se transformant en murmure. C'est pour ça que le paysage ne t'a pas émerveillé, tu l'as connu avant moi, hein ? Ces trois vampires, tu les connaissais depuis le début ? Depuis qu'ils sont venus me sauver chez Richard ? Venus me sauver sur tes ordres !
Hermione enchaînait les questions au fur et à mesure que les pièces du puzzle s'assemblaient dans son esprit. La rage lui brûlait les entrailles, tandis que le visage de Drago restait de marbre.
- Dis-moi que je me trompe, supplia-t-elle malgré elle, les larmes commençant à perler aux coins de ses yeux. Dis-moi que je m'embrouille et que tu n'as rien à voir avec ces histoires de protection ! Que tu n'as jamais passé le moindre arrangement avec ces vampires !
Le silence qu'elle obtint en guise de réponse lui déchira le cœur en deux morceaux. Que lui cachait-il encore qu'elle ignorait ? Elle ne put retenir son geste et une grande claque s'abattit sur la joue du jeune homme. La tête de ce dernier ne chavira pas d'un centimètre. Il devait s'y attendre.
- Je suis désolé, lâcha-t-il dans un souffle, sans pour autant sembler regretter.
Puis, il disparut. Hermione fixa l'endroit de son transplanage pendant une longue minute sans rien dire. Patiente, Inaya la regardait se remettre du choc. Puis, ses yeux noisette transpercèrent ceux du vampire avec une haine sans précédent.
- Pourquoi ? hurla-t-elle. Pourquoi m'avoir sauvé la vie à trois reprises ?
- Je pense que tu l'as compris par toi-même, répondit-elle d'un ton neutre.
- Non ! s'époumona Hermione. Je n'ai absolument rien compris ! La seule chose claire est que Drago n'a cessé de me mentir durant ces derniers jours ! Ah oui, il s'est bien fichu de moi ! Je devais être drôlement ridicule à sans arrêt paniquer face à vous alors que vous saviez tous qu'il ne pouvait rien m'arriver ! Que, dans tous les cas, je n'avais pas un, mais quatre gardes du corps !
- Tous les vampires n'étaient pas au courant, si ça peut te rassurer. Soane ne le savait pas. Seuls Leeyame, Dowelle, Sedhar, Azaan et moi-même le savions. Tu courais donc un danger permanent, malgré les recommandations de la Reine, bien avant ton arrivée, nous priant d'être plus courtois que d'habitude.
- Quand je pense que je me trouvais chanceuse d'être encore en vie après ma trahison, tu parles ! raillait Hermione en faisant les cents pas, hors d'elle. Ce n'était pas de la chance, c'était simplement prévu ! Il savait, il savait tout...Je vais le tuer, Merlin, je vais le tuer !
Soudain, un nouveau souvenir émergea et elle se stoppa :
- Drago Malefoy...Le nom fit fuir Azaan le soir où il me prit en otage. Mais pas à cause de la réputation de Lucius, comme il tenta de me le faire croire. Il ne me tua pas car il reconnut là le nom qui avait passé un pacte avec sa Reine.
Accablée par tant de révélations, Hermione s'effondra dans l'herbe, pleurant à ne plus pouvoir s'arrêter. Les larmes lui brouillaient la vue autant que la colère lui brouillait l'esprit. Comment avait-il pu lui faire ça ? Elle ignorait encore tout des raisons qui poussèrent Drago à exiger sa protection auprès de créatures puissantes comme les vampires, mais elle s'en fichait royalement. Même si ses intentions étaient bonnes et dans son intérêt, il lui avait menti. Pire, trahie. « Fais-moi confiance... ». Les mots tant de fois répétés par Drago résonnèrent dans sa tête.
- Mais je te faisais confiance, sanglota-t-elle, la tête enfouie dans l'herbe.
Quelles raisons avait-il eu de garder le silence sur ses projets ? Ne la trouvait-il pas assez mâture pour les comprendre ?
Sa grande connaissance sur le peuple des vampires n'était plus si impressionnante, désormais ; il avait toujours été en contact avec eux pour négocier ! Mais négocier quoi ? Qu'avait-il bien pu promettre à la Reine qui soit assez important en échange de sa protection ? Car, même si Drago se révélait maître de la manipulation, il était évident que ce service avait un prix élevé pour réussir à les abaisser au point de défendre une humaine qui n'avait jamais rien fait pour eux. Tout ce qu'elle pouvait affirmer était que la Reine, en dépit de son goût pour l'honneur, n'avait pas su tenir ses engagements face à son amour pour Soane.
Hermione se releva avant de s'essuyer rageusement les joues d'un revers de manche. Par reflex, elle tâtonna son jean à la recherche de sa baguette, puis se rappela avec agacement qu'Inaya la lui avait prise, quelques heures auparavant. Bien qu'elle l'eût visiblement redonnée à Drago, quelque chose lui assurait qu'elle n'aurait pas le droit au même traitement de faveur.
Elle allait devoir ruser...
C'était une idée ridicule de croire pouvoir berner un vampire ; apparemment, seul les gens comme Drago, ayant la capacité unique d'extraire toutes émotions visibles, avaient une chance de réussir un tel exploit. Seulement, elle, n'avait rien à perdre à essayer, puisqu'Inaya était censée conserver sa vie et non la lui enlever.
D'un pas déterminé, Hermione commença à partir sans l'autorisation de la vampiresse. Comme il fallait s'en douter, cette dernière l'en dissuada :
- Ou tu restes ici comme une humaine bien sage, ou je me charge de te faire rester, c'est compris ?
« Ne t'énerve pas, Hermione. Son ton autoritaire te donne envie de l'étriper, mais, surtout, reste calme. Le seul sentiment que tu dois faire ressortir pour être crédible, c'est la colère contre Drago. Ça ne devrait pas être trop difficile à jouer... ».
- Il faut que je retrouve Drago, informa Hermione avec agacement.
- Il y a plus grave que tes petites querelles de couple, répliqua Inaya sur le même ton. Nous sommes en guerre, mais, évidemment, quel humain s'y intéresserait ?
- Moi. Tu n'as pas entendu ce que j'ai dit à Drago avant qu'il ne se défile ? Nous sommes concernés tout autant que vous par cette attaque de loups-garous, et je veux vous aider.
- En retrouvant ton bien-aimé ? Merci, mais pas très efficace. On se passera de toi.
- Détrompe-toi, Inaya. Si je veux le retrouver, ce n'est pas pour l'aider, mais pour l'arrêter.
Le mensonge était en marche. Si elle arrivait à lui faire croire ce qu'elle avait en tête, le plus dur serait passé.
- L'arrêter ? répéta la vampiresse.
- Que crois-tu qu'il est parti faire ? ricana Hermione. Voler courageusement au secours de votre peuple ? Je connais Drago Malefoy mieux que quiconque, et je peux t'assurer qu'il ne s'est jamais préoccupé de ce qui n'avait aucun intérêt pour lui.
- Où est-il allé, dans ce cas ? demanda-t-elle en tentant de garder un air assuré.
- Tu ne devines pas ? s'amusa Hermione. En fait, cela ne m'étonne pas, tu ne le connais vraiment pas. Eh bien, laisse-moi t'apprendre quelque chose sur Drago Malefoy : ce n'est pas un homme avec qui l'on passe un pacte. Et, crois-moi, je sais de quoi je parle. C'est un jeu dangereux auquel il ne faut pas se frotter avec un Malefoy, surtout si on ne respecte pas sa part du marché...Tu vois où je veux en venir ?
Inaya garda le silence, septique. Hermione dissimula un sourire : ça fonctionnait. La vampiresse ne pouvait pas sentir qu'elle mentait pour la simple et bonne raison que chaque mot prononcé n'était que vérité. Voilà comment Drago réussissait probablement à les duper, et elle venait d'en découvrir le secret ; il suffisait de choisir ses mots avec soins, toujours en prenant bien garde de n'affirmer que des faits réels et indiscutables, et se débrouiller pour que son interlocuteur interprète ses paroles.
- Tu es en train de me dire que Leeyame serait en danger ? supposa alors Inaya, perdant de son assurance, tandis qu'Hermione en gagnait.
Cette dernière, toujours sans rien affirmer, l'encouragea à poursuivre sur sa pensée :
- Comment croyiez-vous qu'il réagirait ? dit-elle, l'air évident. Vous avez jurés de vos vies qu'il ne m'arriverait rien, et me voilà kidnappé pour me faire transformer en vampire avec l'accord de la Reine ! Ce n'est pas le genre de trahison qu'il pardonne. Drago n'oublie jamais, il se venge...
Hermione n'eut pas le besoin d'être un vampire pour ressentir sa peur et son inquiétude. Elle avait réussi.
- Inaya, Leeyame va être tuée d'un moment à l'autre ! s'écria alors Hermione, pour la bouger. Il faut qu'on la retrouve avant lui, car, sinon, elle n'a aucune chance de lui survivre. Redonne-moi ma baguette, et je t'aiderai.
Cette dernière phrase, sûrement placée trop rapidement et au mauvais moment, réinstalla aussitôt la méfiance. Hermione dut se rattraper :
- Très bien, garde-là. Mais, dans ce cas, je ne te serai d'aucune aide.
Inaya hésita. Hermione soupira. Elle commençait sérieusement à l'agacer.
- Je suis de ton côté, bon sang !
Enfin, la vampiresse sortit un petit bout de bois de nulle part, avant de le lui tendre. Lorsqu'Hermione s'en empara, elle eut la sensation de revivre, de récupérer une partie de sa force et, à la fois, une partie d'elle-même.
- Stupéfix !
Le vampire s'écroula dans l'herbe avant d'avoir compris ce qui se passait.
- Désolée, s'excusa Hermione, un peu honteuse. Mais tu en as déjà fait beaucoup pour moi, et je ne veux pas que tu perdes ta vie pour sauver la mienne juste à cause d'une ridicule question d'honneur.
Hermione cacha le corps stupéfixié à l'abri des regards, au cas où un lycan aurait la mauvaise idée de se promener dans les parages.
- Une dernière chose, informa Hermione. Même si l'envie l'en démange sûrement, Drago ne tuera pas Leeyame parce qu'il sait très bien comment je réagirais s'il venait à faire quelque chose d'aussi stupide.
Sans perdre une seconde de plus, l'ancienne Gryffondor transplana.
Arrivée devant la grande ruche de pierre, Hermione se figea face au spectacle sanglant qui s'offrait à elle. Le combat à mort qui opposait les loups et les créatures de la nuit donnait lieu à un véritable massacre.
Il était impossible de savoir qui l'emportait sur l'autre, car leurs forces semblaient égales. En effet, alors qu'elle avait traité les loups-garous de chiots inoffensifs, quelques instants plus tôt, ces derniers se révélaient d'une agilité extraordinaire jusque là insoupçonnée. C'était comme s'ils étaient capables d'anticiper les attaques des vampires ; leur vitesse ne paraissait pas être un grand problème pour eux, alors qu'Hermione la considérait comme leur atout principale. Les loups esquivaient les morsures par de grands bonds, puis, au moment précis où le vampire se fatiguait, plantaient leurs crocs dans le cou de l'adversaire. Ils n'attaquaient qu'une seule fois, mais ne ratait jamais la cible.
Seulement, les vampires étant beaucoup plus nombreux, le nombre de lycans diminuait considérablement au fil des minutes.
Se désirant invisible, Hermione traversa le marécage de sang, enjambant les cadavres les uns après les autres. La bataille faisait rage aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur du repère. La jeune femme empruntait les cases vides autant qu'elle le pouvait à travers l'immense labyrinthe de pierre, mais la chance lui faussa rapidement compagnie et elle se retrouva postée devant un combat auquel elle allait devoir participer pour pouvoir passer.
D'après ce qu'elle voyait, le loup dominait le vampire qui, au passage, ne devait pas avoir plus de quelques années. Alors que la bête bondit pour attaquer, Hermione lança un éclair rouge qui la fit lourdement retomber sur le sol, aux pieds du vampire effrayé.
- C'est la deuxième fois qu'un sorcier me sauve la vie, aujourd'hui, souffla-t-il, estomaqué. Peut-être que vous n'êtes pas si mauvais, finalement ?
- Drago est passé par ici ? demanda-t-elle aussitôt.
- Oui, mais je ne sais pas de quel côté il est.
- Du nôtre, par Merlin ! s'énerva Hermione malgré elle. De quel côté veux-tu qu'il soit ?
- Je ne sais pas, je l'ai vu parler avec l'un d'entre eux, dit-il en désignant le loup-garou étendu au sol. Ensuite, il est parti en lui laissant la vie sauve...
Hermione hocha la tête, le cœur rapide.
- Non, tu...tu as dû mal voir, bégaya-t-elle.
Ce vampire avait dû recevoir un violent coup sur la tête, voilà tout. Il ne pouvait avoir vu ce qu'il prétendait, c'était impossible. Pas Drago, non, pas lui. Elle était parvenue à lui faire confiance après de longs efforts, et il ne gâcherait jamais ça.
Malgré sa tentative de réconfort, le doute s'était définitivement niché au creux de son cœur ; elle pouvait l'ignorer autant qu'elle le souhaitait, mais il était là, attendant d'être examiné de plus près.
- Quel est ton nom ? aboya-t-elle au jeune vampire.
- Nathan, répondit-il.
- Très bien, Nathan. Je vais avoir besoin de ton aide, d'accord ? Il faut que tu m'indiques où se trouve le laboratoire !
- Quoi ? Non, ça, je ne le peux pas.
Hermione s'était attendue à cette réponse, et n'insista pas.
- Alors aide-moi à trouver ta Reine, dans ce cas. Elle est la seule qui puisse me donner cette autorisation.
Le vampire approuva, heureux de se rendre utile. Hermione espérait sincèrement que cette bataille ouvrirait les yeux à Leeyame, et qu'elle irait même jusqu'à envoyer son armée se battre à Londres sur le champ, là où Voldemort avait probablement lancé l'assaut en même temps qu'ici.
Evitant de se berner d'illusions trop poussées, Hermione garda en tête la fierté qui animait ce peuple et se prépara à recevoir une réponse négative.
- Là ! s'écria alors une voix rauque, différentes de toutes celles qu'elles avaient entendues jusqu'ici.
C'était le cri d'un loup-garou. La bête grise se rua sur Hermione, accompagnée de deux des siens. Hermione stupefixia l'un, puis l'autre, et constata avec joie que Nathan s'était chargé du dernier.
- Ne tardons pas, dit-elle.
- Attend, dit Nathan en la fixant. Pourquoi se sont-ils jetés sur toi ?
- Aucune idée, mentit Hermione. On s'en fiche.
- Je ne crois pas, non. On dirait qu'ils te cherchent.
Hermione soupira d'exaspération en devinant la pensée du jeune vampire, et déclara avant qu'il ne s'en charge :
- Oui, bon d'accord, peut-être qu'ils me veulent ! Mais, je te préviens que si tu comptes me livrer aux loups dans l'espoir de les voir tranquillement s'en aller en bon ami, tu te trompes ! Ils veulent ma mort comme il veulent la vôtre.
Nathan l'a regarda comme si elle était devenue folle.
- Te livrer aux loups ? s'étonna-t-il avec un demi-sourire. Après que tu m'aies sauvé la vie ? On dirait que les sorciers non plus n'ont pas une très bonne opinion de nous. Rassure-toi, je me disais juste qu'il faudra être encore plus vigilant.
Hermione se sentit honteuse. Les mauvais coups de la famille royale lui avaient fait oublier que les Sangs Sales n'étaient autres que des moldus récemment mordus, découvrant le monde magique. La haine envers les sorciers n'était pas encore profondément incrustée en eux, et ils ne traînaient pas avec les Sangs Purs qui entretenaient entre eux les histoires de leurs ancêtres, traqués par les sorciers. Ils n'étaient que des pions constituant l'armée des vampires, peu entraînés, mais dont le nombre impressionnant de soldat créait un sacré avantage.
- Désolée, lâcha timidement Hermione. C'est le stress. Ne perdons pas de temps, allons-y.
Nathan approuva et s'engouffra le premier à travers la case suivante, redoutant chaque fois de tomber sur l'ennemi. Prudente, Hermione le suivait si près qu'elle effleurait presque sa peau glaciale. Des cris de souffrances déchiraient sans arrêt les oreilles de la jeune femme, résonnant contre les parois de pierre. Des traces de sang et de griffes ornaient les murs, et une odeur de mort, désagréable, flottait au dessus des cadavres rencontrés.
- Tu sais où on va ? demanda alors Hermione qui s'impatientait.
Elle stupéfixia de justesse un loup-garou qui s'était caché dans l'angle, avant de bondir pour tenter de la prendre par surprise.
- Oui, répondit Nathan. Je suis les odeurs de sangs, tu ne sens pas ?
- Heu...pas vraiment, avoua-t-elle.
- Là, par exemple, dit-il en montrant la trace rouge sur le sol, c'est du sang royal qui a été versé. La couleur est plus noire, et l'odeur plus douce. Celles des Sangs Sales sont plus rouges et leur odeur acide pique un peu le nez. Ça fait un moment que je flaire du sang royal, donc Leeyame n'est pas loin.
En effet, quelques cases et quelques combats plus tard, Hermione et Nathan aperçurent la petite Reine, seule, et entourée de quatre loups. L'ancienne Gryffondor s'était attendue à la trouver cerclée de son immense garde royale, intouchable. Il lui suffit de baisser les yeux pour découvrir que ça avait sûrement été le cas avant que cette dernière ne se fasse littéralement décimée par l'ennemi ; le sol était recouvert de vampires égorgés. Le tableau était sanglant.
- Vous permettez que je vous enlève, Majesté ? demanda l'un des loups de sa voix rouée, un sourire sadique étirant ses babines grises.
La tête haute et la fierté peinte sur son visage noir, l'enfant ne fit preuve d'aucune résistance, et posa même sa main sur la patte qui referma ses griffes autour de ses petits doigts.
- Non ! s'écria Hermione en brandissant sa baguette magique.
Mais, hélas, elle intervenait bien trop tard. La meute s'enfuit, emmenant Leeyame avec elle. Seul un loup demeura sur place, sûrement pour les empêcher de les suivre. Avant même qu'elle ne puisse réaliser quoi que ce soit, ce dernier attaquait déjà. D'un bond immense, la bête se rua sur Hermione. Bien plus vif qu'elle, le jeune vampire s'élança à son tour et reçut le choc à sa place. Prise au dépourvue, elle regarda le combat sans réagir. Combat qui ne dura que quelques secondes...Il était évident que Nathan n'avait aucune chance contre le vieux loup-garou, et il s'écroula au sol parmi les siens, la gorge également tranchée. Hermione lança un éclair vert à l'animal dont les membres se raidirent aussitôt avant de tomber dans un bruit sourd.
La jeune femme se précipita vers le vampire et s'agenouilla à ses côtés :
- Nathan ! paniqua-t-elle. Par Merlin, qu'est-ce qu'il t'a pris de te jeter devant moi ?
Elle voulut tenter de stopper la fontaine de sang qui s'écoulait de son cou, mais la main froide de la créature lui saisit le poignet, l'immobilisant.
- Une vie pour une vie, murmura-t-il douloureusement. Sauve...la Reine...Hermione Granger...tu es...notre dernière chance...à tous...
Retenant difficilement le flot de larmes qui ne demandait qu'à s'échapper, Hermione approuva sincèrement, puis leva sa baguette une nouvelle fois. L'éclair mortel lui ôta la douleur et Hermione lui ferma délicatement les paupières, reconnaissante à jamais pour son sacrifice.
Séchant ses joues d'un geste brusque, elle se releva au milieu du champ de bataille fait de sang et d'âmes violemment et injustement arrachées à la vie. Plus déterminée que jamais à mettre un terme à ce massacre, le regard et le cœur emplis de haine, Hermione sortit de la case avec l'intention ferme de tuer chacun des chiens qui aurait le malheur de se trouver sur son chemin...
Le ciel était drôlement sombre, cette nuit-là. Les larmes qui réussissaient à dériver sur ses joues lui brouillaient la vue, mais ses jambes continuaient de courir, infatigables. Au loin, les échos de la guerre résonnaient encore à ses oreilles. Hermione s'enfonçait à présent dans la forêt dense et pentue, à la poursuite des loups qui détenaient la Reine, abandonnant derrière elle tout un peuple qui aurait pourtant bien besoin de son aide. Mais elle avait récemment compris l'importance de Leeyame et sa place indispensable au bon fonctionnement de la tribu. C'était elle qu'elle devait sauver en toute priorité, car elle était le pilier central sans qui tous ces jeunes vampires perdraient leurs repères.
- Où vas-tu ? s'éleva une voix féminine à ses côtés.
Sous le coup de la surprise, ses jambes se figèrent, mais la vitesse acquise par sa course ne lui permit pas un arrêt en douceur, et son corps bascula en avant, trébuchant et déboulant le long de la pente terreuse. Sa chute fut brutalement stoppée lorsqu'elle percuta un arbre assez robuste pour l'empêcher de dévaler plus loin. Malgré son corps fortement endoloris et sa tête qui tournait encore rapidement, Hermione se releva, baguette tendue devant elle.
Ce n'était qu'Orience. Debout devant elle, le visage inexpressif, la vampiresse l'observait en silence.
- Je croyais que tu désirais nous aider, dit-elle alors de sa voix veloutée.
- C'est le cas, assura Hermione, la respiration saccadée.
- Pourquoi fuis-tu, alors ?
- Je ne fuis pas, Orience, répliqua-t-elle avec un certain agacement. Tu ne m'en veux pas si je te laisse, à présent ? J'ai des choses importantes à faire, et j'aimerais y aller avant que tu ne décides soudainement de me transformer en vampire quand j'aurais le dos tourné !
Ce reproche ironique ne sembla pas laisser Orience indifférente, puisqu'elle baissa les yeux, comme honteuse.
- Je n'ai pas bien agi, Hermione Granger, finit-elle par dire, à la plus grande surprise de cette dernière. Et je m'en excuse. Mon comportement aurait été différent si... enfin, peu importe. J'espère que tu pourras me pardonner un jour.
- Si quoi ? insista-t-elle, curieuse.
- Non, rien. Je ne veux pas blâmer quelqu'un d'autre, je suis tout de même responsable.
- J'accepte tes excuse, Orience, la pressa Hermione. Mais j'aimerais quand même savoir si tes actes sont indépendants ou commandés ?
- Eh bien...surtout n'en veux pas à Leeyame, d'accord ? Quand tu deviens la Reine d'un peuple de vampires, tu acquis certains pouvoirs, notamment celui d'influencer les tiens vers tes désires. Les vampires sont des créatures de nature très têtues, au départ, même si la vie en groupe est indispensable à leur survie. Le pouvoir d'influence se révèle très utile pour garder la tribu soudée en cas de grandes décisions à prendre. Leeyame en a malheureusement usé pour l'initiative de ta transformation. Moi, comme mes frères et sœurs d'ailleurs, avons ressentis ce soir, pendant le bal, un élan d'amour pour Soane et la volonté ferme de lui offrir ce qu'il désirait le plus au monde : toi.
- Mais ce n'était pas votre volonté, n'est-ce pas ? devina Hermione, la gorge serrée.
Orience fit doucement « non » de la tête.
- Très bien, murmura-t-elle, fatiguée. Merci de me l'avoir dit, tu as bien fait.
Hermione s'empêcha de s'asseoir contre l'arbre. Pour la première fois, elle en avait marre. Marre de tout. C'était comme si, en cet instant, toute la fatigue accumulée depuis ces derniers jours aux côtés des vampires qu'elle s'était débrouillée pour oublier, revenait faire surface et la submergeait aussi bien au niveau physique que moral. Que faisait-elle ici ? Elle devrait être en train de se battre aux côtés de Harry et Ginny, aux côtés des sorciers qui, eux, avaient réellement besoin de son aide. Au lieu de ça, elle s'acharnait à vouloir sauver des créatures qui n'avaient qu'essayer de la tuer depuis le début. Et dans quel but ? Recevoir en retour un appui important pour la guerre qu'ils n'étaient apparemment pas prêt à lui accorder de toute façon. Pour couronner le tout, elle n'était même plus sûre de pourvoir compter Drago comme l'un de ses alliés...
La main d'Orience se posa gentiment sur son épaule.
- Ça va aller...dit-elle avec un sourire.
Hermione secoua la tête comme une petite fille.
- Je n'en peux plus...murmura Hermione, gardant la tête baissée. Je suis exténuée, Orience. C'est devenu trop dur de faire comme si j'étais forte, comme si je pouvais me relever de toutes les situations difficiles. Je me sens seule et impuissante, je veux rentrer...
Hermione se laissa doucement bercer par l'étreinte glaciale de la vampiresse. Cela lui avait fait beaucoup de bien de se confier ainsi, d'avouer ce qu'elle ressentait depuis un moment, mais qu'elle n'avait pas osé admettre.
- Tu es la sorcière la plus forte que je connaisse, Hermione Granger, lui chuchota Orience. Tu te bats pour des valeurs respectables et n'éprouve que peu de rancune face à un peuple qui pourtant a perdu ta reconnaissance. Tu te mets en danger pour conserver l'espoir d'un prochain monde meilleur où le Seigneur des Ténèbres n'y aurait pas sa place. C'est un très lourd fardeau que peu de personnes seraient capables de porter, surtout après la mort d'un être proche. Mais toi, tu y es parvenue. Tu as cette force en toi qui continue de te faire vivre et te pousse très loin devant ces voix intérieures qui te supplient de cesser tes efforts.
Hermione pensa instinctivement à Drago. C'était lui, cette force. C'était cet homme qui occupait inlassablement ses pensées et qui était devenu le moteur de chacune de ses actions, ainsi que l'énergie nouvelle dont elle nécessitait depuis la perte de Ron.
Drago Malefoy était tout simplement son oxygène, et il était maintenant en train de s'échapper petit à petit, la laissant suffoquer en silence. Le moment de cette soudaine dépression n'était pas un hasard ; elle était due au récent comportement de Drago qui agissait à la façon d'un adversaire. Et il était affreusement douloureux de sentir sa moitié se détacher avec tant d'aisance.
- Ne recule pas maintenant, la conseilla Orience. Pas après le chemin que tu as parcouru. Même s'il arrivait que tu doives le poursuivre seule...
Hermione releva la tête, surprise. Avait-elle deviné que Drago était ce courage qui venait de lui être enlevé et qui lui manquait cruellement ? Mais, surtout, avait-elle compris qu'il y avait un risque qu'il ne l'accompagne plus, désormais ?
Une fois de plus, ce fut comme si Orience lisait dans ses pensées :
- Je ne sais rien de lui ou ses projets, promit-elle. Tout ce que je suppose, je le suppose à travers toi et tes sentiments, et il est évident qu'ils dépendent en grande partie de ce sorcier. Et, là, maintenant, je te sens seule. Donc, c'est qu'il s'est passé quelque chose.
- Nathan l'a vu parler à un loup-garou, avoua Hermione d'un air sombre. Je ne sais plus quoi penser.
Les yeux de la vampiresse se voilèrent de rouge. Cet acte de traitrise, pour Orience du moins, venait sûrement de faire basculer définitivement Drago dans le camp opposé. Lorsqu'elle revint à la réalité, elle posa son regard sur Hermione, sourcils froncés.
- Tu n'as toujours pas répondu à ma question ; que fais-tu ici ?
L'enlèvement de la Reine lui revint brutalement en mémoire, et Hermione ouvrit de grands yeux affolés.
- Leeyame est en danger !
- Que dis-tu ? Non, Leeyame est actuellement cachée dans une case avec une dizaine de vampires pour la protéger.
- Si l'on parle des même vampires, alors, crois-moi, il n'en reste pas un de vivant. Les loups ont attaqué en masse, et ils ont pris la Reine.
- Il n'y a pas de temps à perdre, dans ce cas !
Hermione sentit Orience lui agripper le poignet, puis elle subit de nouveau un transplanage mouvementé. Il ne se passa que quelques secondes avant qu'elle ne retrouve sa mobilité pour aller s'écraser dans les feuilles mortes et humides de la forêt. Essayant malgré tout d'ignorer une douleur de plus en plus présente, Hermione leva les yeux vers le vampire qui se tenait parfaitement droit, juste à côté d'elle. Orience lui fit immédiatement signe de se taire. La jeune femme se raidit aussitôt, tendant l'oreille. On pouvait entendre des voix graves, non loin de là. En se rapprochant prudemment, Hermione qualifia plutôt ces voix de grognements inhumains, et une odeur âcre vint lui brûler les narines.
Ils étaient là. Hermione jeta un oeil à Orience ; malgré la colère et le désir évident d'attaquer qui se lisait sur son visage sévère, elle restait parfaitement immobile, tel un chasseur face à ses proies. Adossée contre un tronc d'arbre, Hermione prit une grande inspiration, puis tenta un regard en arrière.
Même si elle s'attendait à quelque chose dans ce genre-là, elle fut tout de même surprise de découvrir deux hommes à l'aspect répugnant rôder lentement autour de Leeyame. Le dos vouté, la crasse recouvrant leur peau, les cheveux noirs et ternes encadrant un visage livide et leurs ongles terreux recourbés à la façon de griffes acérées ; comme les vampires, ils n'avaient rien d'humain malgré une apparence ressemblante. Leeyame était maintenue prisonnière par un troisième loup-garou qui lui serrait étroitement la gorge, de façon à ce qu'elle ne puisse pas transplaner.
- Détrompe-toi, disait le plus vieux des deux hommes qui faisaient face à leur victime. Le Sang de Licorne n'est pas hors de notre portée, pas lorsque l'un de vos si fidèles et sois-disant dévoués vampires nous donne un coup de patte.
Hermione put apercevoir les yeux rouges de la Reine en même temps qu'elle sentait frémir la colère d'Orience à ses côtés. La trahison leur était décidément méprisable au plus haut point.
- Vous n'êtes pas aussi invincibles que vous aimez à le prétendre, poursuivait-t-il, jouissant de ses paroles offensantes. On dirait bien qu'une faille s'est glissée dans votre image de vampires fiers et soudés !
Les trois loups-garous éclatèrent d'un rire rauque et cruel. Leeyame, quant à elle, regardait droit devant elle sans sourciller, tentant vainement de faire abstraction d'une telle humiliation.
- Cela confirme ce que Greyback a toujours répété, reprit-il. Tu n'as pas l'étoffe d'une vraie Reine. Tu n'arrives même pas à le cheville de Moana...
Hermione sursauta légèrement en entendant le grondement sourd qui s'éleva de la poitrine d'Orience. L'homme s'apprêtait à franchir les limites du supportable en abordant un tel sujet, et c'était probablement là où il voulait en venir.
- Et dire qu'elle t'a confié la responsabilité de son empire, ricana-t-il. Regarde ce que tu en as fait... Les tiens se font massacrés les uns après les autres, et le nombre, qui d'ailleurs fait votre seule force, n'est qu'une question de temps.
Leeyame parla alors d'une voix calme malgré la main encerclant sa gorge :
- Tu peux rabaisser mon peuple aussi longtemps que ça te chante, Kehral, mais le tien ne sera jamais aussi vaillant et fier. Contrairement à vous, nous n'attaquons pas votre meute en traître, comme vous semblez en avoir l'habitude. Contrairement à Greyback qui se cache depuis des années, nous ne fuyons pas devant votre offensive. Et contrairement à vous, nous n'avons pas besoin d'un vulgaire sorcier pour assurer nos arrières, nous sommes indépendants et libres.
- Que de belles paroles, que de belles paroles... répondit le dénommé Kehral d'un ton faussement impressionné. Ce charabia ne te rappelle-t-il rien, Joce ?
Le deuxième homme passa rapidement sa langue sur ses lèvres étrangement similaires à des babines.
- Ouais... dit-il lentement. Mais ça remonte à loin, maintenant. Rafraîchis-moi la mémoire, tu veux ?
- Oh, c'est simple, sourit Kehral. Moana nous a sorti les mêmes conneries avant qu'on ne l'égorge.
Ces mots agirent sur Leeyame comme un électrochoc ; son corps fut secoué d'un spasme de colère, mais celui qui la maintenait l'immobilisa aussitôt. Au comble de l'excitation, le loup-garou enchaîna :
- On a pourtant essayé de comprendre son point de vue, hein Joce ?
- Ouais.
- « Une coexistence est possible ! » qu'elle faisait que piailler. Tout ce que ça m'a évoqué, c'est un foutu fou-rire. Si tu mets « coexistence », « lycan » et « vampire » dans une même phrase, je m'y perds, moi ! Ça n'a pas de sens, c'est pas ma faute. T'avais compris quelque chose, toi ?
- Moi, j'écoutais pas, répondit Joce en haussant les épaules. Je n'aime pas ceux qui parlent pour ne rien dire. Valric non plus, d'ailleurs.
- Valric n'était pas quelqu'un de patient, je n'arrêtais pas de lui dire, confirma-t-il. Elle n'a même pas eu le temps de supplier qu'il s'en était déjà débarrassée.
- Moana ne vous aurez jamais supplié ! hurla alors Leeyame, perdant tout contrôle. Arrêtez de salir son image ! Elle se battait pour la paix de nos peuples !
- Ta fichue mère avait perdu la tête, espèce d'idiote ! rétorqua Kehral. Nous ne serons jamais, jamais du même côté tout simplement parce que c'est ainsi et pas autrement ! Nous sommes nés pour haïr et exterminer l'autre ; les vampires tuent les loups, les loups tuent les vampires, il n'y a rien d'autre à comprendre !
- Laisse tomber, commenta Joce. Elle est comme sa mère, stupide. C'est héréditaire chez ses créatures. Tuons-la.
- Nous devons attendre Greyback, ce sont les ordres.
Il tourna la tête vers Leeyame, affichant un sourire mauvais.
- Une dernière volonté avant de nous quitter, Majesté ? demanda-t-il, sa peau commençant à se couvrir de poil noirs.
- Oui.
L'enfant lui cracha au visage.
- Transmets ça à Valric de ma part quand tu iras le rejoindre en enfer.
Le museau défiguré par la haine, Kehral essuya la salive étrangère.
- Tu iras la première, grogna-t-il.
- Certainement pas, s'éleva une voix familère derrière le loup.
Avant même que ce dernier n'ait eu le temps de se retourner, Orience lui avait déjà planter ses canines dans le cou. Ébahie, Hermione regarda rapidement autour d'elle pour confirmer l'absence de sa coéquipière soudainement disparue. Puis, sans perdre une seconde de plus, dévala la pente boueuse pour rejoindre le combat entamé sans elle. Tandis que Kehral rendait son dernier souffle, les deux autres hommes s'étaient transformés en fauve et se jetaient à présent sur Orience. Hermione tua l'un d'un coup de baguette, la vampiresse se chargea de l'autre en deux coups de griffes. Elle se précipita ensuite vers sa Reine, inquiète.
- Leeyame, tout va bien ?
- Oui. Comment savais-tu que j'étais prisonnière ici ?
- Hermione Granger, informa-t-elle avec un petit sourire. Elle courait après vous à travers la forêt lorsque je l'ai trouvée.
La Reine sembla surprise, mais ne dit rien.
- Azaan nous a trahi, dit-elle à l'adresse d'Orience. Le laboratoire n'est plus en sécurité.
- Oui, je sais. Il faut faire vite. Il est peut-être même déjà trop tard.
- Je ne peux pas transplaner par moi-même, dit alors Leeyame en dévoilant ses jambes noires.
Hermione retint un cri d'horreur. La peau de l'enfant avait été mordue et griffée à sang, on pouvait voir la chair rouge luire à la lumière de la lune.
- Ils voulaient être sûre que je ne puisse pas m'échapper.
Orience se tourna vers Hermione :
- Je reviens te chercher ensuite, si tu veux, proposa-t-elle.
- Comment ça ?
- Un vampire ne peut transplaner qu'avec une seule personne à la fois, informa-t-elle.
- Oh, d'accord. Ne t'embête pas pour moi, je vais transplaner à votre suite.
Les deux vampires approuvèrent, puis disparurent quelques secondes plus tard. Ce silence soudain lui fut étrange. Elle se retrouvait seule en pleine forêt avec trois cadavres à ses pieds. C'était glauque, mais, malgré tout, elle apprécia cet instant. Elle profita de ces quelques secondes de repos pour fermer les yeux, et écouter le silence de la nuit. Personne n'était là pour la regarder, personne n'était là pour la juger, pour lui dire de se dépêcher ou pour corriger ce qu'elle devait faire. Elle était juste seule, et c'était reposant. Dans moins d'une minute, son devoir reprendrait le dessus et elle se verrait obligée de transplaner à nouveau au beau milieu de la guerre qui faisait rage, quelques pas plus loin. L'idée de s'enfuir, là, tout de suite, et d'abandonner ses responsabilités en cet endroit lui traversa l'esprit, mais elle la rejeta aussitôt. Orience avait raison : ce n'était pas le moment de faire demi-tour.
C'est alors qu'Hermione ouvrit brusquement les yeux, le coeur battant, les muscles raides. Peut-être était-ce un effet de son imagination, mais elle cru sentir une présence. Respiration retenue, elle scruta les alentours avec attention, vigilante au moindre mouvement, au moindre bruit. La brise légère faisait danser les feuilles alentours, mais Hermione percevait un déplacement derrière les buissons qui n'avait rien à voir avec le vent. Elle resta ainsi immobile plusieurs minutes, avant de finalement se rendre compte du ridicule de la situation ; elle était probablement en train de prêter oreille à un vulgaire écureuil alors que toute une population attendait son aide. Repoussant la fatigue autant qu'elle le pouvait, Hermione se prépara à transplaner.
Puis, il y eut comme un bruit de branche brisée. Hermione se raidit de nouveau. De toute évidence, la chose qui l'observait à travers les feuillages était beaucoup plus grosse qu'un écureuil, et probablement pas aussi mignonne...
- Qui est là ? appela-t-elle, méfiante.
Il y eut un nouveau mouvement parmi les feuilles ; ça semblait se déplacer autour d'Hermione, et c'était plutôt rapide. Tendue comme un piquet, la jeune femme pivotait sur elle-même, tentant vainement de faire face à son prédateur.
- Tu as peur, petite fille ?
La voix rauque avait résonné, terrifiante. Il n'y avait qu'une personne au monde pour l'appeler ainsi...
- Greyback ? souffla Hermione dans un murmure épouvanté.
Comment n'avait-elle pas pu sentir son odeur acerbe plus tôt ? Les deux loups morts, à ses pieds, avaient sûrement dû la masquer.
- Hum...C'est pas très gentil d'avoir tué mes copains...
La voix s'était nettement rapprochée. Pétrifiée, Hermione n'osait pas ouvrir la bouche. Greyback avait toujours été l'un de ses pires cauchemars depuis qu'elle avait entendu parler de ce mangeur d'enfants sanguinaire, et l'entendre ainsi s'adresser à elle lui fit perdre tous ses moyens. L'ombre animale était toute proche, à présent. Hermione sentait des gouttes de sueur froide ruisseler le long de son dos, et ses doigts qui serraient trop fort sa baguette magique lui faisaient mal.
Le loup-garou apparut enfin à la lisière des feuillages. Il était deux fois plus noir et imposant que ceux qu'Hermione avait vus jusqu'alors. Son poil était long et son museau était sale. Sale de sang.
- Bonsoir, fillette, dit-il de sa voix grave et obscure.
Hermione s'imagina une bonne dizaine de fois en train de lui lancer un éclair vert sur le champ, mais son souhait, pourtant à portée de main, ne se réalisait pas. Son esprit était apparemment aussi paralysé que son corps.
- Désolé de te retenir, s'excusa-t-il en s'avançant vers elle à pas feutrés, mais, vois-tu, j'ai besoin que tu m'expliques pourquoi mes amis sont actuellement à terre et couverts de sang ? Parce que, en fait, j'étais censé les rejoindre ce soir et je n'avais absolument pas prévu de les découvrir ainsi. Tu n'aurais pas une idée de ce qu'il s'est passé, par hasard ?
Hermione le regardait converser avec des yeux exorbités. Devant le silence de la jeune femme, Greyback soupira.
- Pourquoi faut-il toujours que les sorciers mettent leur nez dans des affaires qui ne les concernent pas ? C'est embêtant, parce que je vais devoir te tuer, maintenant...
Hermione sentit son sang ne faire qu'un tour. Qu'attendait-elle pour se défendre, par Merlin ? Greyback découvrit ses canines pointues en un sourire affamé. Poussant un rugissement à glacer le sang, l'animal bondit en avant, toutes griffes sorties. Hermione finit enfin par réagir, et un éclair bleu frappa le loup en pleine poitrine. Ce dernier fut projeté haut dans les airs avant de retomber lourdement sur le sol. Toutefois, son impressionnante musculature ne subit aucun dégât, et Greyback se retrouva sur ses quatre pattes en un rien de temps, prêt à attaquer. Mais la fille avait disparu. Tant mieux, cela ne rendrait le jeu que plus intéressant encore. Il pouvait même lui laisser un peu d'avance...
Hermione courait. Elle courait comme jamais elle n'avait encore couru. Ses jambes détalaient à une vitesse presque douloureuse, mais elle n'y prêta pas la moindre attention. Son cerveau se trouvait incapable d'aligner une seule pensée cohérente, mise à part celle de fuir le plus loin possible. La peur semblait lui donner des ailes, car l'essoufflement et la fatigue ne lui avaient jamais parus aussi insignifiant. Cette cavale reflétait l'instinct de survie à l'état pure ; cette impression de mort instantanée qui suivrait aussitôt le moindre arrêt dans sa course, cette sensation de n'avoir aucun autre objectif que celui de courir pour échapper à ce qui terrifiait tant l'homme : la mort.
Hermione pouvait la sentir courir à ses côtés, prête à lui barrer le passage à tout moment. Le bruit d'une toute autre course, plus rapide celle-là, pouvait être entendue quelques mètre derrière ; le craquement des feuilles mortes sous des pattes vives et agiles, le souffle rauque et saccadé par l'endurance, ainsi qu'une vitesse supérieure à celle des grands fauves.
Hermione courait sans relâche, malgré le nombre incalculable de branches qui lui écorchaient le visage au passage. Que lui arrivait-il ? D'où sortait cet affolement soudain face à un loup-garou ? Tout ce qu'elle savait, c'était qu'il provoquait en elle une panique incontrôlable qui l'empêchait de réfléchir correctement et, ainsi, de se battre. La fuite ne s'avérait pas la meilleure solution, mais elle n'avait plus le choix, désormais. Si elle s'arrêtait de courir, elle était fichue.
Trop angoissée, Hermione tenta un rapide coup d'œil en arrière. Ce fut sûrement une erreur qui allait lui coûter la vie. Son pied se prit dans une racine surélevée et Hermione trébucha pour la deuxième fois dans cette forêt maudite, égarant sa baguette dans la chute. Étalée par terre, son cœur semblait marteler le sol de grands coups de poing qui retentissaient jusqu'à ses oreilles. Sa bouche avait un goût de terre humide et la récente blessure au creux de sa paume lui arracha un petit cri de douleur, comme agrandie.
Un rire froid et dangereux résonna quelque part autour d'elle. Hermione bascula lourdement sur le dos pour apercevoir son prédateur trottiner en sa direction.
- Tiens, tiens, ricana-t-il. On dirait bien que l'oiseau s'est froissé une aile en vol ?
Il avança jusqu'à se retrouver au dessus de la jeune femme, une patte de chaque côté de sa tête, le museau à quelque centimètre de son visage. Son haleine fétide lui piquait presque les yeux, mais elle les garda ouverts, incapable de détacher son regard des iris noires qui la dévoraient d'avance.
- Je vais te confier un petit secret, dit-il alors. Une fois la traque commencée, je ne perds jamais la course contre ma proie. Et, si par malheur, elle m'échappe, je n'aurais de repos qu'une fois son cou entre mes crocs.
Il rit de nouveau.
- Mais je suppose que cela n'a aucun d'intérêt pour toi, puisqu'il ne te reste que quelques secondes à vivre...
Hermione regarda avec effroi la mâchoire s'agrandir jusqu'à englober sa tête entière.
- Lève tes sales pattes de là, Greyback.
Hermione sentit son coeur se remettre brusquement en marche. Lorsque Drago parlait de cette voix posée, il était généralement plus dangereux que les instants où ses émotions prenaient le dessus. Le loup referma sa mâchoire sur le vide, contrarié.
- Toujours là au bon moment, hein ? grogna-t-il.
- Vas-t-en de là, dit simplement Drago.
- Et pourrais-je savoir en quel honneur laisserais-je filer mon déjeuner ? dit-il en gardant ses positions.
- En l'honneur que si t'es toujours sur elle dans cinq secondes, c'est moi qui me charge de te faire déguerpir.
Greyback ricana. Cependant, il se retira après avoir murmuré un menaçant « N'oublie pas ce que je t'ai dit » à Hermione. Cette dernière respira de nouveau, soulagée. Elle aperçut sa baguette traîner dans la boue, un peu plus loin, et allongea le bras pour s'en saisir. Au moment où ses doigts allaient se refermer sur le fin bout de bois, celui-ci s'envola jusqu'au mains de Drago. Hermione se redressa, n'aimant pas la tournure que prenait les choses.
- Rends-moi ma baguette, exigea-t-elle sèchement.
Pour toute réponse, Drago la fourra dans sa poche de jean et, comme si Hermione n'existait pas, s'adressa au loup qui se léchait les babines avec regret.
- Je peux savoir ce que tu fiches ici ?
- Vieille querelle personnelle. Je ne vois pas en quoi ça te regarde, Malefoy Junior. Tu devrais plutôt t'occuper de ta petite lionne, parce qu'elle est en train de se tirer.
En effet, Hermione avait profité de leur inattention pour s'effacer tout doucement, reculant légèrement pas à pas. Mais cette tentative ridicule ne fit qu'empirer les choses.
- Viens avec moi, lui ordonna alors Drago.
- Venir avec toi ? répéta Hermione nerveusement. Mais qui es-tu ? Le gentil Drago, ou le méchant Malefoy ?
- Ne me force pas à t'emmener contre ton gré, continua-t-il, ignorant ses remarques.
- Donne-moi ma baguette, et je te suivrai.
- Je ne suis pas aussi stupide qu'Inaya. Tu l'auras voulu.
Drago agita sa propre baguette et une corde jaillit de son extrémité pour venir s'enrouler autour de la jeune femme qui ne put s'en défendre. Il la fit ensuite léviter à ses côtés et entama la marche à travers la forêt en direction du repère de vampires.
Merlin, que se passait-il ? Tout allait trop vite, pour Hermione. Son cerveau refusait clairement et simplement d'accepter le comportement de Drago. Il faisait semblant, il n'y avait aucune autre explication possible. Hermione jeta un coup d'oeil à Greyback ; le loup les suivait d'assez loin pour qu'elle ne soit pas entendue.
- Qu'est-ce que tu fais, bon sang ? murmura-t-elle à l'adresse de Drago. C'est quoi ton plan, là ?
Mais Drago garda la tête droite, et resta muet comme si elle n'avait pas parlé.
- Il ne nous entend pas de là, lui assura-t-elle, agacée. Rend-moi ma baguette et on se débarrasse de lui.
A sa grande surprise, il l'ignora de nouveau. Les voix dans sa tête qui tentaient de faire ressurgir en elle le doute sur son appartenance au mal étaient aussitôt rejetées. Mais elles ne s'éloignaient jamais très loin...
- Fais-moi un signe, mince ! s'énerva-t-elle, toujours à voix basse.
- La ferme, Granger.
Hermione resta interdite. L'espace d'un instant, elle ne pensa plus à rien. Son esprit était vide, préférant le désert au désagréable. Mais, bien qu'elle aurait sûrement voulu rester ainsi, se refusant à comprendre, son cerveau dut tout de même revenir à la réalité. Une réalité dure et douloureuse. « Granger ». Il avait prononcé son nom de la même façon qu'à Poudlard, quelques années auparavant, comme lorsqu'il l'insultait ou la méprisait.
Hermione reprit rapidement ses esprits. Elle refusait de croire à son petit manège, pas après les deux derniers jours qu'ils avaient passé en tant que couple ; il agissait ainsi simplement parce qu'il désirait rester prudent vis à vis du loup-garou qui les suivait.
- C'est bon, arrête ton cinéma, Drago, lui souffla-t-elle.
Celui-ci se stoppa net, et se tourna vers la jeune femme d'un air las.
- Bon écoute, Granger, dit-il les dents serrées, je commence à en avoir marre de tes exigences, d'accord ? Maintenant, tu fermes ta grande bouche de miss je-sais-tout et chacun se portera beaucoup mieux.
Et il se remit en route. Greyback lâcha un petit rire mauvais, derrière eux. Hermione, quant à elle, était loin d'être amusée par la situation. L'espace d'une seconde, ce ne fut plus son Drago qu'elle vit, mais celui de Poudlard, à l'époque où la blessure qu'elle lui avait infligée avait fait ressortir en lui tout ce qu'il y avait de plus mauvais. Mais, une fois de plus, Hermione chassa cette image avec une rapidité aveugle. Elle se revit alors en train de rire et de jouer avec Drago, quelques heures avant leur intrusion chez les vampires, et son coeur retrouva aussitôt de l'assurance.
- Ça suffit, dit-elle sans se soucier de l'animal qui arrivait à leurs côtés. Tu ne me feras pas croire ce que tu essais de me faire croire.
- Et qu'est-ce que j'essaie de te faire croire, miss je-sais-tout ? demanda-t-il avec un sourire en coin.
Hermione hésita.
- Tu veux que je doute de ton appartenance au bien, lâcha-t-elle d'une traite.
Drago éclata d'un rire froid qui la fit légèrement frémir.
- Ça, dit-il, c'est déjà fait. Tu doutes depuis un bout de temps, même. Non, ce que je veux, c'est que tu cesses de rejeter la voix qui te murmure la vérité depuis tout à l'heure.
- C'est la voix du Diable, le contredit-elle.
- Non, c'est la voix de la sagesse, et tu le sais.
Hermione sentit une boule lui monter en travers de la gorge et explosa de colère :
- Tais-toi ! s'écria-t-elle. Arrête ça tout de suite ! Et enlève-moi ces fichues cordes, bon sang !
- Tiens-toi tranquille.
Hermione ne put retenir des larmes d'énervement. Cette situation était insupportable. Elle parvenait de moins en moins bien à conserver des images rassurantes, mais se forçait tout de même à se creuser la mémoire à la recherche de souvenirs. Oui, elle y était. Le jour se levait à peine et Drago était étendu dans l'herbe fraîche à ses côtés, l'observant avec amour. Le sourire qu'il lui adressait était sincère et ses yeux étaient aussi bleus que l'océan. Il lui expliquait sa drôle de théorie sur les étoiles, comme quoi chacune d'entre elle était prédestinée à une autre, sans qu'elle ne puisse forcément découvrir sa sœur jumelle un jour.
- Tu m'aimes, dit-elle alors d'un ton assuré.
- Je ne t'aime pas.
Hermione reçut cette phrase comme un poignard en plein cœur. Non, il ne fallait pas se laisser avoir, elle ne devait pas rentrer dans son jeu. Elle se trouvait à présent dans le vieux lit de la cabane. La chambre était sombre, mais l'après-midi était déjà bien entamée. Logée au creux de ses bras musclés, la tête posée contre son torse, elle écoutait le rythme de son cœur battre pour elle...
- Pourquoi est-ce que tu mens ? insista-t-elle, la voix tremblante.
- Et toi, pourquoi est-ce que tu t'obstines ?
- Parce que ça ne peut pas être faux, avoua-t-elle en cherchant son regard.
- C'est marrant, commenta Drago avec un petit sourire, tu me fais penser à moi, au début. Moi aussi je repoussais les voix que je ne voulais pas entendre. Mais bon, j'ai fini par être raisonnable et, tu vois, je me porte beaucoup mieux maintenant. Toi aussi, tu t'en remettras. Tu verras.
Les beaux souvenirs étaient introuvables, désormais. Hermione tentait vainement de les faire ressurgir, mais tout ce qu'elle obtenait à la place n'était que la voix de Drago qui résonnait dans sa tête, sèche et dénuée d'émotions : « Je ne t'aime pas ». Se pouvait-il réellement que cet homme marchant devant elle ne fut rien d'autre que les restes d'une ancienne blessure impossible à cicatriser malgré le temps ? Tout cela n'avait-il vraiment été que de la comédie pour se venger des actes passés ? Il était tellement dur de s'imaginer Drago jouer la comédie après son acharnement à lui prouver son amour. Justement, se dit alors Hermione, cet acharnement provenait sans nul doute de son objectif, à savoir : la faire tomber amoureuse en l'espace de quelques jours, pour ensuite lui briser le coeur. La situation était parfaitement identique à ce qu'il pensait avoir vécu, quand on y réfléchissait. Seulement, dans son histoire à elle, rien avait été manigancé. Tout s'était déroulé naturellement avant que Voldemort n'ait peur de perdre Drago à cause d'elle...
- Alors, ça y est, murmura-t-elle en tâchant de maîtriser sa haine. Tu as enfin eu ce que tu voulais ?
- Tout arrive à qui sait attendre, Granger.
- Tu n'es qu'une ordure, Malefoy, cracha-t-elle.
- Et toi ? s'écria-t-il soudainement en lui faisant face à nouveau. Tu crois que tu vaux mieux ? Tu ne fais que ressentir ce qui m'a détruit un an durant !
- Tu sais que je le regrette ! cria-t-elle à son tour, au bord des larmes.
- Désolé, mais ça ne suffit pas ! Tu m'as tout pris, Granger, tu comprends ça ? En me volant mon coeur, tu m'as volé ma fierté, mon honneur et tout ce qui faisait de moi un homme respectable !
- Tu n'es devenu un homme respectable qu'après m'avoir connue, et tu le sais bien.
Drago ne répondit pas. Il avait recommencé à marcher d'un pas vif et énervé. Hermione apercevait ses mâchoires se contracter sans cesse. Il souffrait, elle le sentait jusqu'ici. Sa douleur était la même, voire pire. Car elle, au moins, était au courant du lien qui les unissait, et il était dur de le voir se briser si facilement. Elle aurait dû se douter que l'amour n'avait jamais empêcher la haine entre deux personnes, au contraire.
Le repère de vampire apparut enfin au loin. Tout semblait calme, vu d'ici. Ils arrivèrent quelques minutes plus tard au pied du géant de pierre. Des cadavres de loups et de vampires jonchaient l'herbe devenue rouge.
- Wolfast ! appela alors Greyback.
Un loup abandonna sa victime à moitié morte pour venir les rejoindre. Hermione eut l'impression de voir son regard animal s'éclaircir en la voyant.
- Vous avez le Sang De Licorne ? grogna-t-il à l'adresse de son compagnon.
- Pas encore, répondit le loup.
- Quoi ? rugit Greyback.
- Ces maudits vampires ne cessent de déplacer le laboratoire de place ! Je ne sais pas comment ils s'y prennent, mais c'est un vrai labyrinthe ! Même Azaan n'y peux rien, un esprit puissant se charge de sa mobilité !
Hermione ne put s'empêcher de sourire. C'était sûrement un autre des pouvoirs de Leeyame.
- Bon, tant pis, dit Greyback. Ce n'était pas notre mission première, de toute façon. On a la fille, c'est ce qui compte. Rassemble la meute, on rentre.
Wolfast approuva d'un signe de tête et disparut en courant.
- Ramène-la au Seigneur des Ténèbre, dit Greyback en levant son énorme museau vers Drago. Moi, j'ai une dernière chose à faire.
- Si tu penses trouver la Reine à l'intérieur, tu te trompes, l'informa-t-il.
Le loup-garou s'arrêta.
- C'est trop risqué pour elle, reprit-il, une fois qu'il obtint toute l'attention désirée. Elle est cachée dans un endroit, pas loin.
- Et comment tu sais ça, toi ? aboya-t-il.
- Ça fait plus de trois jours que je suis ici, au cas où tu l'aurais oublié. Bon, je te montre ou pas ?
Greyback semblait hésitant, comme s'il ne lui faisait pas confiance.
- D'accord, accepta-t-il.
Toujours fermement attachée par des cordes épaisses, Hermione lévita aux côtés du jeune homme qui semblait l'avoir oubliée de nouveau. Ils contournèrent l'immense rocher pour se retrouver derrière le repère, un endroit encore inconnu pour la jeune femme. Était-ce que Drago avait eu l'habitude de faire durant ses nombreuses absences ? Explorer le repère de vampires pour en connaître tous les secrets une fois le jour venu ? Cela ne serait pas étonnant, il avait toujours aimé connaître son territoire pour mieux le maîtriser. Ils s'enfoncèrent dans une végétation de plus en plus dense, tandis que la pleine lune éclairait leurs pas. Ils débouchèrent ensuite sur un grand carré de terre où toute plante semblait avoir été décimée. Greyback s'avança au centre, jetant des regards intrigués à la forêt qui l'entourait.
- Eh bien quoi ? dit-il. C'est ça, sa super cachette ?
- En fait, répondit calmement Drago, ce n'est pas une cachette. C'est l'endroit qu'ils ont choisi pour leur sacrifice.
- Sacrifice ? répéta bêtement le loup.
C'est alors que des centaines d'émeraudes s'animèrent tout autour d'eux.
- Traître ! rugit Greyback qui venait de comprendre le piège.
Il n'eut pas le temps de tenter la moindre évasion qu'une horde de créatures aux longues dents lui immobilisait les pattes avant et arrière. Les vampires plantèrent leurs griffes dans la peau de l'animal pour l'affaiblir.
- Traître ! hurlait le loup-garou, pris au piège. Je le savais !
Hermione regarda Drago observer son œuvre, le visage impassible. Elle aurait dû sauter de joie à ce moment-là, réaliser qu'il était toujours son Drago. Mais elle ne connaissait que trop bien ce visage pour deviner que rien n'avait changé.
Leeyame surgit de la foule, vêtue d'une majestueuse robe en l'occasion de cet événement probablement rêvé depuis des années. Elle s'approcha de Drago, souriante.
- Nous sommes quittes, annonça-t-elle.
Drago eut un rictus mauvais.
- Je ne crois pas, non.
- Ah, oui. L'incident...devina-t-elle.
- C'est ça, l'incident. Vous n'avez pas respecté votre part du contrat, alors estimez-vous heureuse d'être encore en vie.
- N'allez pas trop loin, jeune humain.
- Je vous ai tout de même livré ce que vous vouliez, poursuivit-il. Vous me devez une dernière faveur.
- C'est légitime, approuva Leeyame. Je vous écoute ?
- Surveillez-là, dit-il en désignant Hermione d'un coup de tête. Elle ne doit en aucun cas quitter ces lieux, c'est compris ? En aucun cas.
- Je ne suis pas une demeurée, j'ai compris.
- Oui, c'est déjà ce que m'avait assuré Inaya avant que je ne la retrouve stupéfixiée dans les buissons.
- Nous veillerons sur elle, promit-elle.
Drago libéra Hermione de ses cordes et, contre toute attente, lui livra un dernier regard.
- Je reviendrai, dit-il alors.
- Je ne veux pas que tu reviennes, répondit Hermione.
Drago la fixa intensément pendant une longue minute. La jeune femme soutint son regard, jusqu'à ce qu'il brise enfin le lien.
Puis, il tourna les talons après avoir hoché la tête pour dire qu'il avait compris.
Hermione sentit son coeur se serrer douloureusement.
- Je veux que tu reviennes, lui lança-elle alors précipitamment, mettant sa fierté de côté.
Mais Drago avait déjà transplané, l'abandonnant, une fois de plus, aux griffes des vampires.
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