Chapitre 31 : Un risque digne d'un Gryffondor
Elle en avait rêvé tant de fois. Confortablement installée aux creux de deux bras qui l'entouraient avec force, comme pour ne plus jamais la laisser partir. Tant de fois elle s'était réveillée, seule au milieu d'un grand lit dont les draps froids lui rappelaient que les rêves n'étaient pas faits pour être réalisés, mais justement pour espérer.
Et pourtant, cet après-midi là, Hermione n'avait pas froid. Collée contre son corps, la chaleur qu'il dégageait était bien trop réelle pour qu'elle craigne un simple rêve. Ses lèvres posées contre son front étaient bien trop vraies pour qu'elle craigne de se réveiller seule. Elle ne pouvait être plus heureuse qu'en cet instant, et désirait que le temps jamais ne s'arrête.
Elle finit par ouvrir les yeux, et fut heureuse de voir que la réalité n'était autre que ce qu'elle espérait : son visage aux traits parfaits n'était qu'à quelques centimètres du sien et le petit sourire qu'il lui adressait fit chavirer son cœur. Même si Hermione le savait sien à présent, elle continuerait d'être séduite en permanence, car on ne pouvait se lasser de cet homme. Malgré tout, quelque chose était différent. Elle ne sut quoi, mais quelque chose dans son visage avait changé.
Ils se regardèrent intensément pendant un moment avant qu'Hermione ne finisse, comme toujours, par se sentir gênée.
- A quoi penses-tu ? murmura-t-elle.
- Je profite de l'instant présent, répondit-il.
Hermione fronça les sourcils. Il avait dit ça comme si cet instant était le dernier. Il remarqua son trouble et ce fut à son tour de froncer :
- Quoi, tu ne t'apprêtes pas à me dire qu'on vient de faire une erreur, que tu regrettes et que tu dois penser à Richy et à la mission ?
- Pas du tout ! s'offensa-t-elle.
Quoi qu'en y réfléchissant, la réaction de Drago n'était pas étonnante. Ce dernier étira un peu plus son sourire :
- Vraiment ? Alors, toi et moi...on est ensemble ?
Hermione hocha la tête en souriant, ravie de le voir si heureux.
- Pour de vrai ? insista-t-il tel un enfant à qui l'on aurait promis un cadeau.
- Oui pour de vrai ! rit-elle. J'avoue que je me sens coupable vis-à-vis de Richard, mais je suis trop heureuse en ce moment même pour avoir le moindre remord. Et crois-moi si c'était à refaire, je referais. Des centaines de fois même.
Drago caressa sa joue tout en la contemplant, comme s'il n'arrivait pas à réaliser, puis approcha ses lèvres et l'embrassa. Hermione répondit au baiser et le serra un peu plus contre elle. Elle aurait tout le temps de réfléchir plus tard aux conséquences de ses actes, et de les assumer. Elle était avec lui à présent, c'est tout ce qui comptait, et il n'y avait aucune raison pour que cela change tant que Drago continuerait d'ignorer qu'elle l'avait aimé à Poudlard.
- J'ai peur que tout ça ne soit qu'un rêve, avoua Drago en posant son menton sur les cheveux de la jeune femme. Ça ne serait pas le premier où je me réveille dans tes bras.
- Je suis là, et pour longtemps. Je te le promets.
Comme pour appuyer ses propres paroles, Hermione enfonça un peu plus sa tête dans le creux de son cou et huma le parfum du jeune homme pour la centième fois.
- Fais attention à tes mots, dit-il alors. N'oublie pas qu'ils sont les seules choses qui m'effraient.
Hermione en saisissait mieux le sens que la veille ; ses paroles avaient souvent été destructrices et il redoutait à présent la moindre promesse, susceptible de n'être que mensonge.
La jeune femme serait bien restée là des heures entières si Drago n'avait pas soudainement bondi du lit, la mine rayonnante. Elle détourna le regard lorsqu'il s'habilla, les évènements étant encore trop frais selon elle, ce qui ne semblait pas être le cas pour lui vu le manque de pudeur.
- Où tu vas ? demanda-t-elle quand il eut fini.
- Nous préparer le petit déjeuner !
- A cinq heure de l'après-midi ? s'étonna-t-elle.
- On a passé la journée au lit, tu n'as pas faim ?
- Heu, si. Mais je pensais qu'on mangerait ce soir.
Drago la dévisagea.
- Tu veux manger leur viande de nouveau ?
Hermione mit un certain temps avant de comprendre qu'il faisait référence aux vampires, puis s'exclama :
- Non merci pour moi ! La tension du repas est invivable. Je pensais juste qu'on mangerait avant de partir.
Drago secoua la tête fermement.
- Non, dit-il. Si nous mangeons juste avant, il sentiront encore l'odeur de notre repas, et le prendront comme une offense, comme si on voulait éviter de manger avec eux.
- Mais c'est le cas, non ?
- Oui, mais autant qu'ils l'ignorent ! Mieux vaut manger bien avant et prétendre ne plus avoir faim ensuite, fais-moi confiance.
Hermione approuva d'un signe de tête et le regarda sortir de la chambre. Elle se laissa alors retomber sur le matelas et respira le parfum incrusté dans l'oreiller du jeune homme. Son sourire apparût aussitôt, comme un automatisme, une réaction instantanée à l'odeur la plus agréable du monde selon elle. Comment avait-elle réussi à vivre sans durant ce temps ? Merlin qu'elle l'aimait ! Jamais plus elle ne pourrait se passer de lui, et plutôt mourir que de le faire souffrir à nouveau. Plus rien n'avait d'importance maintenant, même le règne actuel de Voldemort qui se renforçait un peu plus chaque jour ne représentait qu'un problème minime au milieu d'un immense bonheur. L'amour est égoïste, Hermione en avait conscience. Elle ne se cachait pas que Drago était sa priorité, son unique raison de vivre et elle avait peur de se savoir prête à tout sacrifier pour lui mais l'assumait pleinement à la fois.
Aujourd'hui, Hermione revivait pour la première fois depuis longtemps, et elle ne laisserait rien gâcher cette joie, pas même un vampire.
C'est le sourire aux lèvres qu'elle s'habilla à son tour et le rejoignit dans la cuisine, où un somptueux petit déjeuner avait été préparé avec soin sur la table de bois. Les assiettes regorgeaient de gaufres, de toast et de pancakes, l'odeur appétissante de bacon grillé s'échappait d'un petit bol, tandis que des confitures et un chocolat chaud étaient disposés dans un coin. Mais le plus surprenant restait la décoration : des guirlandes vertes et argentées longeaient les vieux murs, de petites branches de sapin recouvraient la table dont la nappe avait également été décorée aux couleurs des Serpentards.
Hermione avait devant elle un vrai petit déjeuner de princesse. Les mots mirent du temps à sortir, mais lorsqu'elle y parvint, ce fut pour ne plus s'arrêter :
- Qu'est-ce que c'est que tout ça Drago ? Pourquoi cette décoration ? Et puis comment as-tu réussi à créer une telle nourriture ? Ne me dis pas que tu as par je ne sais quel miracle fais venir un Elfe de Maison en mon absence ! Et puis pourquoi seulement vert et argent ?
Hermione dût s'interrompre car Drago venait de faire un pas en avant et de l'embrasser soudainement. Lorsqu'il décolla lentement ses lèvres des siennes, il savoura le silence qui avait été le but premier de son baiser.
- Joyeux Noël, murmura-t-il alors.
Hermione haussa les sourcils, incertaine. Noël ? Aujourd'hui ? La notion du temps lui était complètement étrangère depuis un bon moment maintenant, mais de là à oublier ce jour si particulier !
- Oh, souffla-t-elle.
Encore secouée, elle se laissa entraîner par la main de Drago qui la fit asseoir. Devant le silence de la jeune femme, il finit par expliquer qu'il lui avait suffi de tapoter une page de magazine représentant un déjeuner pour que celui-ci devienne aussitôt réalité.
- Quel magazine ? s'étonna-t-elle quand elle eut retrouvé la parole.
Drago sembla soudain mal à l'aise.
- Le tien, avoua-t-il. Que j'ai trouvé par hasard dans ton sac hier.
- Tu as fouillé mon sac ? Que cherchais-tu ?
- Mais rien ! s'énerva-t-il. Apprécie au lieu de poser des questions.
Cette soudaine colère fit réaliser à Hermione qu'effectivement, elle n'avait peut-être pas eu la réaction souhaitée, car lorsqu'un Malefoy faisait des efforts pour une autre personne qu'elle-même, ne pas le récompenser était surestimer sa capacité de survie.
- Excuse-moi, dit-elle en se levant. Ce que tu as fait c'est...merveilleux. Je...
Mais elle s'interrompit tandis qu'il la fixait du regard. Hermione resta interdite un instant : elle venait de trouver le petit quelque chose qui avait changé chez lui, ce détail intriguant sur son visage.
- Tes yeux, murmura-t-elle. Tes yeux Drago, ils sont bleus ! Complètement bleus ! Oh ils sont si beaux maintenant ! Comme à Poudlard !
Elle ne put s'empêcher de se jeter dans ses bras pour célébrer cet événement qu'elle attendait depuis très longtemps. Les diamants bleus n'avaient gardé qu'une infime trace grise due à un passé à jamais gravé en lui, mais l'azur dominait largement et l'espace d'un instant, elle eut l'impression d'avoir en face d'elle le garçon blond d'une époque lointaine, encore jeune et arrogant.
Drago demeura rigide quelques secondes avant de refermer son étreinte sur la jeune femme, affichant un air à la fois surpris et incertain. Hermione leva la tête vers lui en souriant de toutes ses dents.
- Tu es heureux ? chuchota-t-elle.
Drago hocha lentement la tête en signe d'approbation. L'ancienne gryffondor posa sa tête contre son torse et ferma les yeux au contact de ses lèvres sur son front. Elle se sentait libérée d'un poids énorme qui n'avait jamais cessé de la tirer vers les profondeurs d'un passé douloureux, car à présent elle avait la certitude qu'il ne lui en voulait plus. Evidemment, il n'oublierait jamais la déchirure qu'il avait subite, mais au moins il laissait sa haine derrière lui pour ne lui offrir qu'un amour jamais éteint malgré les épreuves, ses yeux en étaient la preuve.
- La couleur de mes yeux t'importait tant ? demanda-t-il.
- C'est ce qu'elle signifie qui m'importait, Drago.
Elle le sentit sourire et s'écarta de lui pour pouvoir le questionner du regard. Drago y répondit de lui-même :
- C'est juste que ça faisait une éternité que j'attendais le moment où tu m'appellerais de nouveau par mon prénom sans haine dans la voix. Je commençais sérieusement à saturer d'entendre sans arrêt crier « Malefoy », d'un ton de reproche qui n'annonçait rien de bon.
Hermione ne put s'empêcher d'éclater de rire. Malgré tout, elle savait qu'au fond, ce ton autoritaire lui avait manqué durant tout ce temps.
Ils passèrent à table et le silence qui s'installa ne put paraître qu'étrange après cet échange. Des coups d'œil en coin, des petits sourires, des gestes parfois confus, on aurait pu croire à un tout jeune couple qui se découvrait, comme ils l'avaient fait un an plus tôt.
- Dis, tu crois que c'était vraiment de la viande humaine ? demanda soudain Hermione.
Alors qu'elle s'attendait à des éclats de rire moqueurs, Drago se contenta d'hausser les épaules avant de répondre d'un ton détaché :
- Aucune idée, je n'en ai jamais goûtée.
La jeune femme eut un haut le cœur et reposa son toast beurré sur la table. C'est ce moment là que Drago choisit pour rire.
- Allons ne fais pas cette tête, les vampires n'oseraient pas enfreindre la loi devant une représentante du ministère, tu ne crois pas ?
- Sans doute, répondit-elle, peu convaincue. N'empêche, ils n'ont pas peur de moi. Je me sens presque ridicule avec toutes leurs farces qu'ils ne réservent que pour mon compte !
- Réjouis-toi, s'ils agissent ainsi c'est qu'ils t'apprécient. Car si ce n'était pas le cas, ce ne seraient pas des blagues qu'ils te réserveraient, crois-moi.
Un frisson lui parcouru la colonne vertébrale. Cela lui rappela la question qu'elle n'avait pas osé poser à Soane, au sujet des précédents messagers ministériels envoyés dans le but de négocier. Voyant qu'elle affichait un air peu rassuré, Drago la tira de ses pensées :
- Tu aimes la décoration ? sourit-il.
- Hum, un peu trop...vert, à mon goût.
- Eh bien il va falloir t'y habituer désormais, sourit-il. Bienvenue chez les miens.
Hermione resta perplexe, ne sachant si c'était de l'humour.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-elle en se forçant à prendre un air détaché.
- Je crois que tu le sais mon amour...
Surprise par cette nouvelle appellation, mais loin de lui déplaire, elle finit par secouer la tête, confuse.
- Non, dit-elle. Désolée, je ne te suis pas là.
C'est alors que Drago se leva et s'agenouilla devant les yeux exorbités d'Hermione.
- Qu'est-ce que tu fais, bredouilla-t-elle, redoutant le pire.
A genoux devant elle, il lui prit délicatement la main et plongea ses yeux dans les siens avec cette nouvelle intensité de bleu profond. Son regard n'avait plus la couleur de l'acier mais avait cependant conservé ce pouvoir hypnotique qui empêchait de détourner le regard. Ses traits paraissaient beaucoup plus doux, il semblait avoir rajeuni tout en gardant une certaine maturité.
- Hermione, dit-il d'une voix grave qui fit frémir la jeune femme. Tu sais à quel point je t'aime, et je ne sais même plus comment te le prouver. Mais j'ai besoin de savoir que tu m'aimes également. Pas autant que moi, car je sais bien que personne n'en est capable, mais suffisamment pour que je ne doute plus.
- Je t'aime Drago, assura Hermione avec force, déterminée à le convaincre de la vérité de ses paroles.
- Je sais, murmura-t-il. Mais pour combien de temps ?
Hermione reçut cette question comme un poignard dans le cœur. Il l'avait désirée depuis longtemps et longtemps elle s'était acharnée à refuser ses avances. Après avoir fait preuve d'un courage osé dont elle ne se savait pas capable, elle s'était enfin donnée à lui. Et que faisait-il à présent ? Il remettait en cause son amour contre lequel elle avait dû se battre sans jamais être sûre de voir un jour la fin du combat !
- Pour toujours, répondit-elle d'un ton plus vexé que romantique.
Drago sourit :
- C'est ce que je voulais entendre.
Sa colère s'évanouit aussitôt pour laisser place à une panique nouvelle.
- Tu vas me demander en mariage ? lâcha-t-elle alors en grimaçant.
Pour toute réponse, il laissa échapper un petit rire et joua avec leurs doigts entrelacés. Mais Hermione le fixait du regard, attendant une réponse.
- Non, finit-il par dire.
Le cœur de la jeune femme retomba lourdement dans sa poitrine, et l'air fut soudain plus facile à respirer. Ce n'était pas l'idée de vivre sa vie avec Drago qui l'aurait embêtée, bien au contraire, mais l'idée du mariage en lui-même la mettait mal à l'aise. Premièrement par rapport à Richard et ses enfants, elle n'aurait jamais l'audace ni l'envie de le quitter pour se marier avec un autre une semaine plus tard. D'autant plus qu'il avait hébergé, nourri et accordé sa confiance en cet autre. Deuxièmement parce que penser à un événement aussi heureux que le mariage en ces temps sombres où des centaines de sorciers se faisaient tuer chaque jour, ne lui apparaissait pas comme primordial pour le moment.
- Mais si ça ne tenait qu'à moi, reprit Drago, tu serais déjà ma femme. Je n'ai aucun doute sur mon désir de passer le reste de ma vie avec toi.
L'entendre prononcer ainsi « ma femme », provoqua une nouvelle excitation dans son estomac et elle ne put réprimer un sourire.
- Mais ne t'en fais pas, lui dit-il. Je suis parfaitement conscient que nous sommes officiellement ensemble que depuis hier, et que tout ça est un peu rapide.
- « Officiellement ensemble » ? répéta-t-elle en haussant les sourcils. Parce qu'avant, nous étions ensemble de façon non officielle ?
- Avoue-le, tu craquais déjà pour moi bien avant hier, s'esclaffa-t-il.
Espérant qu'il ne faisait pas référence à l'époque de Poudlard (bien qu'elle savait cela improbable elle ne pouvait s'empêcher d'angoisser à cette idée), Hermione ne trouva rien à répondre pour son plus grand malheur.
- Bon je peux savoir ce que tu fais à genoux devant moi Malefoy ?
Le retour au nom de famille indiquait clairement qu'il avait raison et qu'elle le savait, mais s'en amusait en réalité. Drago sembla retrouver son sérieux lorsqu'ils revinrent au sujet principal de conversation, puis fouilla maladroitement sa poche à la recherche de quelque chose que, malgré les propos rassurants du jeune homme, Hermione espérait ne pas être une bague.
C'est alors qu'il sortit un bijou qu'elle reconnût aussitôt. Des flashs défilèrent dans sa tête à la manière d'un vieux film oublié ; des robes majestueuses, des lumières éclatantes, une musique douce, des yeux bleus, des mains lui enserrant la taille...
Hermione prit entre ses doigts le collier d'argent qu'il lui présentait, puis observa le pendentif en forme de serpent comme si ça avait été de l'or pur. Une bouffée de nostalgie s'empara d'elle tandis que le passé refaisait lentement surface. Lorsqu'elle avait porté ce collier, le soir du Bal de Noël, elle ignorait encore ses sentiments pour Drago, elle ignorait le lien qui les unissait. Elle s'était rendue compte de son amour quelques heures plus tard seulement, alors qu'elle faisait une virée nocturne après qu'elle ait cru avoir perdu Ron.
- Ce collier appartenait à ma...
- A ta mère oui je sais, le coupa-t-elle doucement sans lâcher le pendentif des yeux.
Le silence s'installa puis elle reprit, le sourire aux lèvres, l'esprit au loin :
- Je l'avais trouvé dans la salle de bain. J'ai cru qu'il était à l'une de tes conquêtes, je ne me suis même pas posé de questions lorsque je l'ai mis autour de mon cou. Je me suis sentie si bête quand tu m'as dit que c'était celui de ta mère !
- Il t'allait très bien, assura-t-il.
Son sourire s'étira. C'est déjà ce qu'il lui avait dit ce soir-là, tandis qu'elle bredouillait une excuse, rouge de honte.
Je veux que tu le gardes, déclara-t-il en la regardant intensément. Il est à toi maintenant.
- Drago non je ne...
Mais il leva la main d'un geste vif et elle se tut aussitôt. Il devinait que porter le collier de Narcissa Malefoy devait être embarrassant pour elle. Aussi, il ajouta :
Ma mère réprouvait mes sentiments pour toi, c'est vrai. Mais uniquement parce qu'ils me mettaient en danger vis-à-vis des miens, même si elle ne l'a jamais formulé ainsi. Au fond, je sais qu'elle était fière de me voir m'éloigner de Voldemort pour faire ma propre vie, même si c'est avec toi que je désirais la construire.
Hermione hocha timidement la tête, espérant sincèrement qu'il ait raison sur sa mère, car elle ne supporterait de porter ce collier sans son consentement. Ne comprenant toujours pas très bien la signification de ce geste, Hermione l'interrogea du regard pour l'encourager à poursuivre.
Depuis ce qu'il s'est passé hier, expliqua-t-il en baissant les yeux sur leurs mains jointes, j'ai sans arrêt peur. Je n'ose pas me réjouir, ni réaliser mon bonheur parce que je redoute la chute. A chaque instant je m'attends à t'entendre m'annoncer que rien n'est vrai, que tu ne m'aimes pas et aussitôt des souvenirs de cet été reviennent me hanter. Je ne survivrai pas une seconde rupture, Hermione. Alors je voudrais que tu acceptes ce collier, pas comme une union de fiançailles, mais comme une promesse ; la promesse que tu ne me laisseras jamais. Je ne veux plus jamais être seul, je te veux dans ma vie chaque minute de chaque jour, ou alors je ne pourrais jamais être heureux.
Il sembla hésiter une seconde puis finit par dire :
- Je ne supporte pas dépendre de quelque chose ou de quelqu'un, ça me donne l'impression d'être emprisonné. Pourtant ma vie dépend entièrement de la tienne désormais, et je ne me suis jamais senti aussi libre. J'aimerais qu'à chaque fois que je regarde ce pendentif briller autour de ton cou, ça me rappelle que je n'ai aucune raison d'être inquiet, ça me rappelle ta promesse d'être toujours là.
Hermione scruta le fond gris de ses yeux, noyé dans le bleu qui semblait toujours s'éclaircir un peu plus. Pour la première fois, elle eut réellement le sentiment de connaître la nature de cette couleur qui refusait de laisser place à l'homogénéité, de connaître la raison de cette persistance. Longtemps elle avait cru que cette couleur terne et froide reflétait les restes d'une blessure impossible à soigner malgré le temps, et qu'elle demeurerait toujours dans son regard.
Mais à ce moment là, Hermione n'en fut plus sûre. Et si le gris représentait la confiance qu'il avait en elle ? Jusque là elle ne s'était jamais vraiment posé la question, car les seuls problèmes de confiance restaient ceux de Hermione envers lui et il était étrange à présent de réaliser qu'au fond, elle avait toujours été persuadée qu'il avait une entière confiance en elle. Mais il apparaissait clair qu'elle avait surestimé les sentiments de Drago à son égard, car ils étaient peut-être sincères mais restaient tout de même fragiles. Il était effrayé à l'idée de revivre une rupture, de se replonger dans des illusions qui l'avaient anéantis et dont il avait dû puiser toute la force du monde pour s'en remettre. Elle devait le rassurer à présent, lui promettre qu'elle ne le ferait plus souffrir et qu'elle ne le quitterait jamais plus, même si elle-même ne le réalisait pas encore. Cela faisait tellement longtemps qu'elle mettait une barrière à tout ce qui touchait à Drago Malefoy que ses récents choix lui apparaissaient irréels.
A son tour, elle se pencha vers lui et serra ses doigts autour des siens plus fermement.
- Je t'aime Drago, et demain je t'aimerai encore. Les jours passeront mais pas mes sentiments, je t'en fais la promesse.
Joignant le geste à la parole, Hermione passa les extrémités du collier autour de son cou. Drago se leva et vint se placer derrière elle avant de lui prendre la chaîne des mains et de l'attacher lui-même. Ses mains glissèrent ensuite le long de ses épaules et son souffle chaud vint chatouiller le creux de son cou. Hermione frissonna de plaisir lorsque ses lèvres parsemèrent sa peau de petits baisers très tendres auxquels il mit fin sans prévenir, avant de s'éloigner vers la porte d'entrée, la laissant se remettre de sa frustration.
- On va s'entraîner ? proposa-t-il alors joyeusement.
- Maintenant ? s'étonna-t-elle en débarrassant la table d'un coup de baguette magique.
- Pourquoi pas, il nous reste quelques heures avant la tombée de la nuit et j'aimerais que tu réussisses enfin le sortilège de décapitation. Je sais à quel point tu détestes cette attaque mais crois-moi, sa particularité de n'avoir aucune formule si ce n'est le désir est très utile en situation d'urgence, quand tu n'as pas le temps de réfléchir.
Hermione hochait paresseusement la tête, il lui avait déjà dit tout ça mais elle restait convaincue que le résultat serait le même : sa volonté de...trancher une tête, n'était pas assez déterminé pour que le sort fonctionne. Néanmoins, elle ne refuserait pas d'essayer de nouveau, c'était Noël et Drago avait été bien trop adorable pour qu'elle fasse l'enfant.
Elle le suivit à l'extérieur et attendit d'être en bas de l'échelle pour lui avouer ce à quoi elle réfléchissait depuis la veille.
- Drago ? Je me disais que peut-être, nous pourrions aller voir les vampires un peu plus tôt aujourd'hui...
Il se retourna vers elle, le sourire en coin :
- Qu'es-ce que tu mijotes, devina-t-il.
- Eh bien, c'est peut-être trop risqué mais j'avais pensé infiltrer leur repère pendant qu'ils dormiraient, afin de retrouver l'endroit où l'arme est cachée et de s'en emparer. C'est le seul moyen, Soane m'a bien fait comprendre qu'ils ne me laisseraient jamais l'approcher.
Elle ne s'attendait pas à ce que le visage de Drago soit aussi hésitant et sérieux à l'annonce de son plan.
- En effet, c'est risqué, dit-il en contemplant l'horizon. Je ne sais pas si c'est une bonne idée Hermione, c'est vraiment dangereux.
- Je pensais que tu approuverais, dit-elle en tentant de masquer sa déception.
- Je ne sais pas, souffla-t-il. Infiltrer un repère de vampires n'est pas un projet qui doit être pris à la légère, il faut du temps pour mettre au point un plan...
- Mais nous n'avons plus de temps Drago ! s'exclama-t-elle. Cela fait déjà trois jours que nous sommes ici et les vampires ne m'ont toujours pas donné l'occasion de leur exposer la proposition du ministère ! Je ne compte pas m'éterniser jusqu'à ce qu'ils acceptent, notre but premier était de découvrir l'arme, leur liberté n'était qu'un prétexte souviens-toi. En acceptant cette mission je savais que les dérober était suicidaire, mais je n'avais pas prévu que tu sois là, avec moi. Tous les deux on est bien plus fort qu'eux...
- N'en sois pas si sûre, ils sont nombreux Hermione, vraiment nombreux.
- Alors on fait quoi hein ? On attend gentiment jusqu'à ce qu'ils aient assez confiance en moi pour me révéler leur secret ? Ça ne prendrait que quelques siècles après tout !
- D'accord ! D'accord, calme-toi c'est bon, on ira les voir tes vampires. C'est vraiment un risque digne d'un Gryffondor ça, on se jette dans la gueule du loup et on improvise après...Bon, on s'entraîne un peu et on va jouer aux touristes, ça te va ?
Hermione souffla longuement puis acquiesça. Qu'est-ce qui lui avait pris de s'énerver ainsi ? Depuis le début, Drago prenait toutes les initiatives sans la consulter, elle devait se contenter de lui faire confiance et jusque là ils avaient réussi. Mais peut-être avait-elle le besoin de se sentir utile elle aussi, c'était sa mission après tout, et le fait qu'il remette en question la seule décision qu'elle s'était permise de prendre l'avait sûrement vexée.
Elle s'apprêtait à s'excuser mais Drago s'avançait déjà à travers l'immense plaine verte. Hermione courut pour le rattraper et, une fois arrivée à sa hauteur, à peine eut-elle glissé sa main dans la sienne qu'il la serrait déjà avec fermeté. Puis, elle posa sa tête contre son épaule tout en marchant. Drago s'excusait avec des mots, elle avec des gestes.
L'heure qui suivit fut très différente de leur précédent entraînement. Drago s'acharnait beaucoup moins à la voir réussir, et ça ne devint vite plus qu'un jeu pour les deux sorciers. Se battant l'un contre l'autre, ils ne cessaient de rire, de courir dans l'herbe, de tomber, de se relever, puis de recommencer à attaquer. Leurs sortilèges restaient primaires, comme ceux que l'on subirait à cause de farces et attrapes.
C'était comme s'ils laissaient enfin éclater leur amour au grand jour, enfermé depuis bien trop longtemps. Ils redécouvraient la joie d'être ensemble, le plaisir de pouvoir se toucher sans interdiction, de pouvoir se sourire sans retenue. L'espace d'une heure, Hermione et Drago n'avait été que deux adolescents normaux qui jouissaient de leur amour, oubliant le noir extérieur et les dangers qui menaçaient leur bonheur.
Hermione ne cessait de progresser, car même si les sortilèges lancés étaient inoffensifs, sa vivacité et ses réflexes s'étaient largement améliorés et Drago n'eut plus le dessus aussi souvent. Elle réalisa que, même si Drago était incroyablement doué en magie, la technique y était pour beaucoup. Maintenant qu'il la lui avait enseignée, elle était moins impressionnée par ses performances car elle-même comprenait l'esprit de son adversaire avant même qu'il agisse, et de ce fait pouvait anticiper les attaques. Drago était fier d'elle, et même s'il avait des difficultés à le montrer, elle le sentait. Mais malgré tous ses progrès, l'ancienne Gryffondor ne parvint toujours pas à réussir le sortilège de magie noire qu'il voulait tant lui faire faire.
Alors qu'Hermione réussit enfin à le plaquer au sol, elle se releva en vitesse et commença à courir, remontant difficilement la plaine pentue, mais Drago lui jeta le sortilège bloque-jambe et la jeune femme trébucha. Elle dévala alors la petite pente et vint s'écraser en bas, contre le corps du jeune homme. Riant à plein poumon, Hermione exigea un temps mort. Allongés dans l'herbe l'un contre l'autre, tous deux regardaient à présent le ciel s'assombrir, et seul le bruit de leur respiration essoufflée empêchait un silence parfait. Hermione se sentit observée et tourna la tête pour apercevoir en effet, deux yeux bleus azur la scruter avec intérêt. Toujours muets, ils s'observèrent avec le sourire, gravant à jamais cet instant dans leur mémoire. Drago approcha alors sa main et retira doucement les quelques brins d'herbe qui s'étaient logés dans les cheveux de la jeune femme. Puis il pivota sur son coude et embrassa ses lèvres avec cette même tendresse qu'Hermione n'avait connue nulle part ailleurs.
- Tu lui ressembles tellement...murmura-t-il entre deux baisers.
Hermione se redressa doucement pour l'interroger du regard.
- A celle que tu étais à Poudlard, répondit-il à sa grande surprise. Je sais que ce n'était qu'un rôle, et que cette Hermione n'a jamais vraiment existé. Je pensais que tu serais différente, que je ne retrouverais jamais l'ancienne Hermione dont j'étais tombé amoureux, et cette idée m'effrayait. Pourtant tu es la même, en tout point.
Drago posa un doigt sur ses lèvres lorsqu'elle voulu parler.
- Non, dit-il. Ne dis rien, je ne veux pas te mettre mal l'aise. Simplement, le fait de constater à quel point tu n'es pas différente de la comédienne que tu étais me rassure, ainsi je me dis que peut-être, tu ne t'es pas trop forcée à jouer. Je me dis que peut-être, ce n'était pas si horrible d'être en ma compagnie à Poudlard.
- Drago...
Mais il l'interrompit de nouveau.
- Désolé on n'en parle plus. Je sais que tu n'aimes pas parler de ça mais c'est un passé bien trop gros pour moi pour que je l'oublie. La seule façon de ne plus en souffrir est de le partager avec toi, de me poser certaines questions.
- Quelle genre de questions ? redouta-t-elle.
Drago haussa les épaules.
- Je ne sais pas, par exemple en ce moment je me demande souvent pourquoi ton cœur n'a jamais battu pour moi en sept ans, alors qu'il s'y met avec force en quelques jours seulement. Ou pourquoi, quand je nous revoie tous les deux dans ma chambre le soir du Nouvel An, tu m'as soudainement embrassé alors que tu étais en état de choc après ce que Sid t'avais fait. Ce soir-là tu aurais été incapable de jouer la comédie, tu étais bouleversée, et je sais que le baiser que tu m'as donné était un vrai.
A présent Hermione le regardait comme s'il s'apprêtait à la manger, effarée parce qu'elle était en train d'apprendre. Combien de souvenirs encore s'amusait-il à analyser ainsi ? Et depuis combien de temps ? Devant son expression étrange, Drago se força à sourire et dit :
- Écoute, tu n'as pas besoin de me répéter que tout était faux, je le sais et ne t'inquiète pas. Mais je n'y peux rien, parfois des souvenirs remontent dans ma tête comme si...comme si on me forçait à y repenser alors que je ne le veux pas. Je revoie certaines scènes, des moments qui ne collent pas et même si je sais au fond que je crois sûrement ce que je désire croire, je ne peux pas m'empêcher d'essayer de comprendre, de trouver une autre issue. Hermione, ça va ?
Cette dernière avait détourné la tête pour masquer la grimace de douleur due à son bras. La cicatrice était en train de se rouvrir, elle le sentait, tout comme elle sentait Drago se rapprocher d'une vérité dangereuse. Elle se mordit les joues jusqu'au sang pour rester immobile et ne pas tenir son bras brûlant, geste qui la trahirait.
- Il faut...absolument, dit-elle la respiration hachée, que tu arrêtes Drago. Cesse d'y repenser, s'il te plaît.
Ils se fixèrent longuement, puis Drago finit par acquiescer. Mais Hermione n'avait pas besoin d'être son âme sœur pour savoir qu'il mentait. Sa réaction l'avait encore plus intrigué, et la jeune femme redoutait réellement de sa crédibilité à présent.
- Il faut qu'on y aille, annonça-t-il.
Il se releva et s'épousseta légèrement avant de lui tendre une main pour la relever.
- A quelle heure les vampires se réveillent-ils ? demanda-t-elle en frottant à son tour son jean sale.
- Vers dix heures je crois. Ça nous laisse deux heures environs, c'est assez court. Une fois là-bas il faudra faire vite, si on ne retrouve pas où Soane t'as emmenée au bout d'une heure, on s'en va. Il faut qu'on soit parti avant leur réveil.
Hermione approuva. Mais son cœur sembla soudain s'arrêter de battre en réalisant qu'ils ignoraient l'endroit où vivaient les vampires, le transplanage avait été bien trop rapide. Tout son enthousiasme retomba brutalement. Lorsqu'elle confia son angoisse à Drago d'un air désespéré, celui-ci la rassura :
- Lors de notre première rencontre avec eux, expliqua-t-il, j'ai utilisé le sortilège de Tracement, on n'aura aucune difficulté à les retrouver. Je m'étais dit qu'on en aurait besoin si les choses tournaient mal et qu'il nous fallait nous enfuir et retrouver la cabane.
Hermione souffla de soulagement, puis lui offrit un immense sourire, admirative. Le sortilège de Tracement permettait de retrouver son chemin à la façon du Petit Poucet, en laissant une trace rouge après soi. Une fois de plus, l'expérience de Drago avait utile et une fois de plus, Hermione se contenta d'apprendre de quelqu'un qui était sorti depuis bien longtemps de l'école pour entrer dans la jungle terrifiante qu'était le monde.
Main dans la main, ils remontèrent à la cabane pour récupérer quelques affaires chaudes, car le soir tombait à une vitesse impressionnante. Tandis que Drago renforçait les sortilèges de protections qu'il espérait efficaces durant leur absence, Hermione partit fouiller son sac à la recherche de son grand pull de laine noire, ignorant la voix sarcastique qui lui assurait qu'elle était bien idiote de croire que la nuit les dissimulerait aux yeux des vampires, un pull jaune n'aurait pas fait la différence. Alors qu'elle s'apprêtait à ranger son sac, Hermione se figea, incertaine de ce qu'elle avait vu. Préférant être sûre, elle reposa son sac sur le lit et le rouvrit précipitamment.
Son cœur cessa de battre. Immobile, les yeux écarquillés d'horreur, Hermione contempla ce qu'elle avait redouté : une poche vide. La poche intérieure de son sac, d'une façon inexplicable, inconcevable, impensable, était...vide.
- Ça va ? interrogea Drago qui venait d'entrer dans la chambre. Tu fais une tête bizarre.
Hermione ne répondit pas tout de suite, refusant la réalité pourtant exposée sous ses yeux.
- Hermione ?
- Le collier, souffla-t-elle dans un murmure. Il a disparu.
- Quel collier ?
- LE collier ! s'écria soudain Hermione en refermant ses griffes sur le sac. Je n'ai pas trente-six mille colliers Drago ! Celui que je portais hier encore, celui dont le pendentif est un cœur de Bulborbus ! Ça te parle mieux maintenant ?
Drago resta muet devant cet excès de colère, et regarda Hermione fermer les yeux d'exaspération avant de fouiller son sac pour la troisième fois.
- C'est impossible, gémit-elle. Qui ? Pourquoi ? Pourtant ce collier n'a de valeur pour personne bon sang, je ne comprends pas...
Hermione se parlait à elle-même, et Drago hésita un moment avant de lui parler de nouveau :
- Peut-être que tu l'as égaré ? tenta-t-il.
- Non ! rugit-elle, agacée de son incompréhension. Je ne l'ai pas perdu il était là Drago ! dit-elle en pointant son doigt sur la poche vide. Je l'avais rangé ici je le sais !
- Ecoute, si tu veux on pourra le chercher plus tard. Après tout, ce n'est qu'un collier sans valeur tu l'as dit toi-même, alors pourquoi te mettre dans un état pareil ?
Ce furent les mots de trop. Hermione tourna vers lui un regard assassin, et le jeune homme recula de quelques pas, se promettant de ne plus ouvrir la bouche au risque de libérer à nouveau la lionne dont la cage semblait déjà entrouverte.
- Premièrement, siffla-t-elle en maîtrisant sa voix, si j'ai envi de m'énerver, je m'énerve Malefoy, c'est clair ? Je méprise par-dessus tout le vol, et encore plus quand j'en suis la victime. Deuxièmement, j'ai dit que je ne voyais pas en quoi ce collier pourrait avoir de la valeur pour les autres, ça ne veut pas dire qu'il n'en a pas pour moi. Troisièmement, au cas où tu n'aurais pas fait le lien, la disparition implique un vol, un vol implique la présence temporaire d'un intrus dans notre cabane ! Tu comprends mieux pourquoi je suis quelque peu hors de moi ?
Drago hocha vivement la tête, ne désirant la contredire pour rien au monde, et attendit qu'elle se calme dans un coin reculé de la pièce. Mais Hermione ne semblait pas vouloir passer à autre chose, et commença à réfléchir tout bas.
- Pourquoi...qui pourrait ? Il était là hier...je ne comprends pas...
Puis, soudain, elle releva la tête et transperça Drago du regard. Son visage était dissimulé dans l'ombre, mais l'éclat de ses yeux brillait toujours.
- Toi ? souffla-t-elle d'une voix douloureuse, les sourcils froncés en signe d'incompréhension. C'est toi qui l'as pris ?
Les mots avaient franchis ses lèvres avant même qu'elle n'ait pris le temps de réfléchir aux conséquences.
- Fais attention à ce que tu vas dire, Hermione...dit-il d'une voix calme mais froide.
Mais cette dernière ne l'écoutait pas et continuait d'avancer vers lui, le visage grave.
- Tu le voulais, poursuivit-elle. Tu me l'as demandé je me souviens, avant...l'incident. Mais j'ai refusé de te le donner.
Tandis qu'elle était plongée au cœur d'une réflexion désagréable autant pour elle que pour lui, un souvenir nouveau émergea :
- Le magazine, dit-elle. Ce n'était pas le magazine que tu cherchais quand tu as fouillé mon sac...
Les yeux de Drago étaient gris à présent, d'un gris sombre et dangereux. Son visage avait perdu toute trace de gaieté et ses mâchoires fortement contractées étaient presque aussi mauvais signe que la veine palpitante au niveau de sa tempe. Il n'avait jamais apprécié être accusé, son père l'avait bien trop de fois tenu pour responsable de ses malheurs, et aujourd'hui, le moindre reproche n'était pas le bienvenu, quel qu'en soit l'émetteur.
Hermione sembla soudain réaliser la gravité de ses accusations. Venait-elle de traiter Drago de voleur ? La fureur qui l'avait aveuglée retomba aussitôt devant les yeux gris qui la fixaient intensément, patients, comme s'ils la défiaient de poursuivre sa phrase. Hermione se tut. Silence.
- Drago excuse-m...
Mais il l'interrompit d'une voix posée, surprenant contraste avec l'air menaçant de son visage d'habitude si doux.
- Tu as raison. C'est vrai, c'est moi.
- Non, ce n'est pas toi, contredit-elle aussitôt, désirant à jamais effacer les dernières minutes de sa vie.
- Si, insista-t-il en sortant lentement de l'ombre. Tu vois, hier je t'annonce une fois de plus à quel point je t'aime, cette nuit je te le prouve, ce matin je te demande de ne plus jamais me quitter car ma vie en dépend. Entre temps, je suis allé voler la femme que j'aime, j'ai pris un collier dont je ne vois même pas ce que je pourrais en faire, puis j'ai eu la brillante idée de lui prendre un magazine dans son sac pour qu'elle puisse m'accuser aussitôt si elle venait à se rendre compte de la disparition du collier. Ca me ressemble n'est-ce pas ? Et tout ça bien sûr, je l'ai fais sous ses yeux, me croyant assez malin pour berner la femme la plus intelligente que je connaisse.
Il s'était rapproché lors des derniers mots prononcés, et son ton n'était plus ironique mais déçu, simplement déçu. Hermione laissa tomber sa tête contre son torse, se maudissant intérieurement, s'excusant à haute voix. Comment avait-elle pu croire que son âme sœur eut fait une chose pareille ? Et puis, à quoi lui servirait ce collier ? Ce n'était qu'un symbole qui représentait leur amour, rien de plus.
- J'ai si honte Drago, murmurait-elle en se cachant dans le creux de son cou, debout sur la pointe des pieds.
- C'est bon Hermione, répétait-il depuis un certain temps maintenant. On oublie ok ? Simplement la prochaine fois écoute-moi, et fais attention à ce que tu dis.
- Oui, oui je te le promets. Ce sont ces fichus vampires qui finissent par me rendre folle ! maugréa-t-elle, heureuse de trouver une raison à son comportement. Ils m'angoissent sans arrêt !
Puis, pour la seconde fois, Hermione releva la tête d'un mouvement vif. Drago sursauta et contempla les grands yeux noisette qui le regardaient sans le voir.
- Mais oui bien sûr, murmura-t-elle. Les vampires !
- Quoi les vampires ?
Mais la jeune femme s'écarta brusquement de lui et sembla repartir dans une tornade folle d'accusations.
- Hermione, souffla-t-il, épuisé par tant d'énergie. Tu pourrais articuler et cesser de bouger dans tous les sens ?
- Ce sont eux Drago ! s'exclama-t-elle d'un air évident. Les vampires ! Ils sont venus ici ! Tu te souviens de la vaisselle apportée le premier soir ? Les assiettes dans lesquelles on nous a servi la viande, c'étaient les nôtres ! Ils les ont prises dans nos placards, ils nous l'ont dit !
- Et tu crois qu'ils en ont profité pour prendre ton collier ? demanda Drago, peu convaincu.
- Bien sûr que oui ! « Cela partait d'une bonne intention », imita alors Hermione d'une petite voix, refaisant la Reine. Tu parles ! Ce n'était qu'un prétexte, ils ont fouillé nos affaires !
Hermione semblait prise d'un élan de rage et Drago l'immobilisa d'un mouvement de baguette. Lorsqu'elle comprit ce qui lui arrivait, elle jeta à Drago un regard qui lui confirma de ne pas la libérer tout de suite au risque de se faire bouffer.
- Calme-toi, dit-il, on réfléchit mieux quand on se concentre. Pourquoi ces vampires auraient-ils volé ton collier ?
Hermione respira profondément et ordonna à Drago de lui rendre sa mobilité sur le champ, car ça n'arrangeait absolument rien à son état. Il s'exécuta après s'être assuré qu'elle s'était calmée.
- Tu te souviens du laboratoire secret dont je t'ai parlé ? demanda-t-elle alors. J'ai vu là-bas toute une plantation de Bulborbus, je ne sais pas ce qu'ils comptent faire de mon pendentif, mais ils vont sûrement faire des expériences où je ne sais quoi.
- Comment auraient-ils pu savoir que tu portais ce collier ? Tu l'as enlevé juste avant notre rencontre avec eux. D'ailleurs, pourquoi l'as-tu retiré après...l'incident ?
Hermione haussa les épaules en essayant de paraître le plus naturel possible, puis avoua :
- J'ai pensé que c'était peut-être la raison de cette étrange pulsion, j'ai voulu éviter les risques c'est tout.
Drago ne sembla pas comprendre le rapport mais ne s'attarda pas sur le sujet.
- Pourquoi voudraient-ils ton collier ? interrogea-t-il. Tu viens de me dire qu'ils en ont toute une plantation ! Ce n'est pas compliqué de trouver un humain qui déclare sa flamme à un autre avec un cœur de Bulborbus, ce n'est peut-être pas courant mais je ne suis pas le seul à l'avoir fait !
Hermione se figea, son cerveau chauffant à toute vitesse pour réfléchir à une réponse plausible, car Drago venait juste de lui rappeler qu'il ignorait à quel point ce collier valait des millions de gallions, et qu'il était le seul propriétaire d'un tel cœur depuis plusieurs siècles...
- Eh bien peut-être que ce sont nous justement ces humains, inventa-t-elle. Peut-être qu'ils en ont besoin de plusieurs ou je ne sais quoi ! Franchement ce n'est pas l'important, je me fiche du pourquoi je veux juste le récupérer. Allons-y.
Sans lui laisser le temps de répondre, elle traversa la cabane et retrouva au dehors l'air frais d'une nuit nouvelle. Il la rejoignit sans un mot et tous deux marchèrent en silence jusqu'à l'endroit où ils avaient rencontré les vampires pour la première fois. Une fois arrivé, Drago leva sa baguette et révéla la présence d'une fine corde jusqu'alors invisible. Au contact de la baguette qui l'avait créée, cette dernière s'illumina dans la nuit. Elle paraissait infinie et disparaissait à travers la forêt proche.
- Donne-moi ta main, dit Drago.
Hermione s'exécuta et après avoir assuré être prête, saisit la corde en même temps que l'ancien Serpentard. Celle-ci se mit aussitôt en mouvement, et Hermione dût s'enfoncer les ongles dans la paume de la main pour ne pas la lâcher tandis qu'ils se faisaient tirés vers la cime des arbres à une vitesse folle. Ses pieds volaient derrière elle et plusieurs fois elle crut prendre un arbre, mais la corde semblait avoir une agilité tout aussi remarquable qu'un transplanage de vampire.
Enfin, tout sembla ralentir et ses pieds commencèrent à heurter le sol plusieurs fois avant de pouvoir se poser réellement. Incapable de la porter, ses jambes s'écroulèrent et Hermione tomba à genoux sur le sol dur, tout comme Drago. Lorsqu'elle releva la tête, un sourire victorieux étira ses lèvres : l'immense ruche de pierre s'élevait devant eux, le sommet caché dans la brume. Toujours en silence, Drago lui prit la main et tous deux s'avancèrent avec prudence vers l'impressionnante montagne, prêt à infiltrer secrètement un repère de vampires avec l'espoir d'en sortir vivant...
Terrifiant. A glacer le sang. Hermione avait l'impression d'avancer dans une caverne de glace tant ses mouvements étaient lents. L'atmosphère elle-même était aussi froide que le silence était angoissant. Avançant à travers les cases identiques, Hermione s'attardait sur chacun des visages des ces créatures endormies, raides et droites, comme mortes. Même leur souffle semblait inexistant, ils se fondaient presque avec la pierre. Drago lui avait assurée qu'un vampire ne se réveillait qu'à la tombée de la nuit, à un moment précis et en aucun cas à cause d'un bruit sonore. Malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher de traverser les dortoirs en retenant sa respiration et en frôlant les parois pour contourner le propriétaire de la case. Les yeux clos et le visage paisible, tous ces vampires, qu'ils soient blonds ou roux, grand ou petit, ne ressemblaient à rien d'autre qu'à des humains en cet instant, et Hermione frissonna à l'idée de savoir qu'ils avaient tous eu une vie, une famille, une époque, avant de se faire mordre et d'intégrer un clan éternel.
Drago lui fit signe d'approcher et le rejoint dans un petit couloir, entre deux cases.
- Ça te dit quelque chose cet endroit ? demanda-t-il.
- Non, chuchota-t-elle tout bas, inutilement.
- Mais c'était bien un tunnel n'est-ce pas ?
- Chut ! supplia-t-elle. Tu parles trop fort !
Drago leva les yeux au ciel.
- C'était un tunnel oui, dit-elle, mais beaucoup plus spacieux, et plus sombre aussi. De toute façon on est encore trop bas, ce n'était pas loin de la Case Royale, et elle se trouve plusieurs étages au-dessus.
Ainsi, Hermione et Drago arpentèrent les cavités rocheuses pendant près d'une heure, sans résultat. Aucun endroit ne ressemblait à celui qu'elle avait vu avec Soane, elle ne ressentait pas non plus cette étrange attirance qui l'avait incitée à entrer dans le laboratoire ce jour-là. Perdus au milieu de ce gigantesque labyrinthe, épuisés à force de se courber à chaque tunnel reliant les dortoirs, Hermione et Drago se reposèrent un instant, assis dans une case vide. Ils étaient haut dans la ruche maintenant, et les vampires étaient tous noirs, c'étaient donc l'étage de la famille royale.
- Pourquoi personne ne dort ici à ton avis ? demanda-t-elle.
- Aucune idée, avoua-t-il.
Hermione distingua alors une gravure dans la pierre sombre, et en plissant les yeux elle parvint à voir un prénom :
- Azaan, lut-elle à haute voix. Azaan ? C'est sa case ? Pourquoi n'y est-il pas ?
- Je n'ai pas réponse à tout Granger, informa Drago avec un sourire.
Il se leva difficilement et annonça :
- Il nous reste une bonne demi-heure avant leur réveil, je fais un dernier tour et on y va. Je ne préfère pas m'attarder.
- Moi non plus, souffla-t-elle, bien que l'opportunité de découvrir l'arme risquait de ne pas se représenter.
Il sortit de la case tandis qu'Hermione se levait à son tour. Un peu plus loin, Drago lui lança :
- Je crois qu'on devrait...
Mais elle ne put entendre la fin de la phrase. Un souffle rauque vint lui glacer la nuque, et chaque parcelle de son corps se pétrifia au contact de la main roide qui lui encercla le cou avec force. Sa tête cogna violemment contre la paroi dure et, le cou toujours fermement emprisonné par une étreinte douloureuse, une odeur fétide vint lui brûler les narines. C'était une odeur très différente de celle habituelle des vampires, elle avait quelque chose d'animal...comme un fauve. Hermione ouvrit les yeux et ne vit que deux diamants verts étinceler.
- Vous avez une invitation mademoiselle ? ronronna la voix grave de Azaan.
Hermione ne put articuler quoi que ce soit, la main lui enserrant la gorge étant bien trop forte.
- Hermione tout va bien ? résonna la voix de Drago, quelques cases plus loin.
Cette dernière fixa Azaan, le cœur battant à tout rompt. Le vampire finit par desserrer légèrement son étreinte, afin qu'elle puisse parler. Elle n'eut pas besoin du regard menaçant de Azaan pour savoir ce qu'elle devait répondre.
- Tout va très bien, lança-t-elle d'une voix un peu rouée, articulant du mieux qu'elle pouvait.
- Bien, souffla Azaan. Maintenant dis-moi ce que vous cherchez tous les deux.
Tandis qu'Hermione gardait le silence, les ongles sales de la créature vinrent se planter dans ses joues à la manière d'un rasoir. Rassemblant le peu de courage qui lui restait, elle décida de prendre les devants puisque, de toute façon, s'il ne lui laissait pas la vie sauve bientôt, son cœur la lâcherait avant.
- On fréquente les chiens ? cracha-t-elle avec toute la hargne possible.
Le visage du vampire parût se décomposer. Hermione s'essaya à sourire.
- L'odeur des loups garous laisse des traces, expliqua-t-elle.
Les ongles du vampire s'enfoncèrent un peu plus et Hermione sentit alors un filet chaud couler sur sa peau. L'entaille qu'il venait de lui faire sur la joue ne l'impressionnait pas, car elle avait les cartes du jeu en main.
- Je me demande ce qui se passerait si ta Reine venait à apprendre que tu es en contact secret avec des partisans de Voldemort...
- Malheureusement tu n'auras pas l'occasion de le lui en faire part. Dès l'instant où tu as mis ton pied d'humaine ici, je savais qu'on ne pouvait pas te faire confiance, que tu chercherais à nous trahir comme tous les autres. La Reine ne me reprochera pas ta mort...
Hermione vit alors avec horreur une immense mâchoire plonger vers son cou, et lâcha un cri aigu. Mais le son de sa voix fut couvert par un hurlement bien plus puissant et douloureux, déchirant le silence de la nuit. Le vampire s'écroula à ses pieds, secoué de violents spasmes. Son dos était rougeoyant et une odeur de brûlé s'en dégageait. Hermione leva les yeux vers Drago qui se tenait devant elle, le visage tiré par la colère et la baguette tendue dont un filet de lumière s'échappait encore.
- Hermione ne répondrait jamais qu'elle va très bien lorsqu'elle se trouve dans un repère de vampires, précisa Drago d'un ton évident.
Il leva les yeux vers elle et lui fit signe de le rejoindre. Hermione récupéra sa baguette magique qui était tombée à terre et enjamba avec prudence la créature agonisante.
- Pourquoi était-il réveillé lui ? paniqua-t-elle.
Mais ce fut la voix essoufflée du vampire qui ricana :
- Vous arrivez avec vos grands airs de sorciers appartenant à une importante hiérarchie magique, vous faites semblant de vous intéresser à des créatures telles que nous, de vous soucier de notre devenir concernant la guerre, mais en fait, votre fond est noir et crasseux, empli de mauvaises intentions. Vous ne pensez qu'à vous et votre fichu ministère, et ignorez complètement le monde qui vous entoure.
Au fur et à mesure qu'il parlait, Hermione remarqua que la peau de son dos, brûlée par la lumière blanche de Drago, était en train de se reconstituer peu à peu. En effet, le vampire reprenait de sa mobilité et Drago le pointa de sa baguette tandis qu'il se relevait.
- Si vous portiez un peu plus d'attention à notre peuple, continuait Azaan, vous auriez su que ce soir n'était pas le bon pour nous rendre une petite visite.
Il leva les yeux vers le bout de ciel qui apparaissait au loin à travers une case, et Hermione suivit son regard. Une lumière blanche et éblouissante envahissait le repère à une vitesse impressionnante.
- La pleine lune, lâcha Hermione dans un souffle.
Elle se souvenait à présent avoir lu quelque chose à propos de cette période dans l'un des nombreux livres qu'elle avait emmené. Elle ne savait plus quoi exactement, mais un avertissement écrit en italique en bas de la page lui était resté gravé en mémoire : « Ne jamais approcher un clan lorsque les quatre quartiers éclairent la mer noire... ».
Hermione sentit son sang ne faire qu'un tour. A présent l'éclat de la lune avait atteint la case où ils se tenaient tous les trois, et la jeune femme observa avec horreur la lumière blanche parcourir la peau sombre du vampire. La transformation commençait. Plus l'obscurité fuyait chaque parcelle de son corps, plus la créature se courbait. Ses ongles s'allongèrent en griffes acérées, et ses canines parurent soudain plus aiguisées et tranchantes.
Absorbée par sa contemplation du phénomène, Hermione ne réalisa que très tardivement les vingtaines de yeux verts qui avançaient à pas lents derrière le dos de Drago. Vu l'expression quelque peu crispée de ce dernier dont le regard était jeté à l'opposé, Hermione devina aisément qu'il en avançait également derrière elle, et n'osa pas faire le moindre geste pour confirmer qu'ils étaient bel et bien encerclés et pris au piège...
Les vampires ne semblaient pas les reconnaîtrent, et Hermione comprit que la mutation dont ils étaient victimes les transformait en bête assoiffée de sang, complètement indépendante de toute raison, n'écoutant que leur désir de se nourrir.
Elle reporta son attention sur Azaan, dont la mutation allait s'achever. Désormais accroupis au sol, ses lèvres rougies s'étirèrent en un sourire glacial et assassin. Il plongea ses émeraudes dans les yeux de Hermione, puis déclara d'une voix incroyablement grave et rouée :
- La chasse commence. J'espère que vous courez vite...
Puis ses pupilles virèrent au rouge.
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