Chapitre 26 : 24h sur 24

- Je n'arrive pas à croire que je vais devoir te supporter tout ce temps ! maugréa Hermione.

En réalité, derrière cet emportement Hermione tentait d'empêcher un immense sourire de se dessiner sur son visage. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été heureuse, sentir sa présence lui donnait à nouveau l'impression de respirer et le savoir à ses côtés en permanence lui emplissait le cœur de joie. Pourtant, l'autre partie d'elle-même, raisonnable, l'implorait de trouver une solution pour éviter que Drago reprenne place dans sa vie, au risque que son cœur ne puisse supporter une nouvelle déchirure.

- Ne t'inquiète pas, répondit-il avec un triste sourire. Je vous embêterais pas longtemps toi et...ta nouvelle famille.

Il avait mis tous les efforts du monde dans cette phrase pour ne rien laisser paraître de sa peine, mais ses doigts tapotant nerveusement le tableau de bord et son regard fuyant les yeux noisette en permanence, trahissait son masque indéchiffrable qu'il savait si bien porter autrefois.

- Hermione elle est pas de notre famille, dit alors Jaffrey depuis l'arrière qui semblait avoir entendu leur conversation. C'est Charlie qui a dit. Hermione elle essaye de voler la place de maman, même que elle est vilaine et que c'est une peste. C'est Charlie qui a dit.

Il avait répété joyeusement ces mots, comme s'il n'en comprenait pas vraiment la signification mais où la fierté d'écouter sa grande sœur transparaissait. Hermione poussa un long soupir, habituée.

- Je ne suis pas sûr que la rencontrer serait une bonne idée, avoua alors Drago en contractant les mâchoires.

- Elle n'est pas méchante au fond, assura Hermione en mettant le contact. C'est une adolescente perturbée par la mort de sa mère, elle a besoin de se retrouver et elle masque sa peine par la méchanceté.

- Ah Hermione, rigola Drago. Tu ne changeras jamais, toujours en train de défendre même ceux qui te méprisent. Ne fais pas cette tête, c'est l'une des nombreuses choses qui m'ont faites craquer chez toi.

Hermione appuya un peu trop brutalement sur la pédale de frein et la voiture piqua du nez devant le feu rouge.

- Qu'est-ce que c'est que ce bruit ? dit soudainement Drago en se raidissant.

- Quel bruit ? s'inquiéta-t-elle en tendant l'oreille, priant pour que le bruit ne soit pas celui de son cœur cognant contre sa poitrine.

- Ce bruit ! Enfin tu n'entends pas ? On dirait...une bombe !

La jeune femme explosa alors de rire avant de lui expliquer brièvement la fonction du clignotant. Vexé, Drago se tut pendant le reste du voyage malgré son évidente curiosité pour les chiffres du compteur qui ne cessaient de changer.

- Où peut-elle bien être, rumina Hermione en scrutant les rues à travers la vitre.

- Quel âge a-t-elle ? demanda-t-il alors.

- Quinze ans.

- Voyons, où est-ce qu'une adolescente de quinze en pleine crise peut-elle bien se réfugier ? ricana-t-il en connaissant apparemment la réponse.

- Ne me regarde pas comme ça, avec cet air rieur qui me rappelle tant notre époque de Poudlard, ça m'énerve. Moi, étant jeune je me réfugiais à la bibliothèque quand mes parents se disputaient.

- Evidemment, j'aurais dû m'en douter. Mais là je te parle d'une fille tout ce qu'il y a de plus normal Hermione, une jeune fille qui laisse parler ses hormones...

- Logan ! s'exclama Hermione en accélérant.

- Je suppose que c'est le nom du petit copain, sourit Drago en examinant la bande noire qui lui barrait étrangement le torse et qu'il avait entendu Hermione appeler « ceinture ».

Quelques minutes plus tard, cette dernière claquait la portière devant un portail blanc, qui donnait sur une petite maison très élégante, Drago sur ses talons. Elle monta les trois marches qui menaient à la porte de bois sombre et sonna deux fois d'affilée, puis n'attendit que quelques secondes avant de laisser son doigt enfoncé sur la sonnette. La porte s'ouvrit brusquement sur un jeune homme à la peau aussi sombre que la nuit, des traits fins et des yeux noirs transperçant. A en croire sa carrure, il devait bien avoir dix-neuf ans.

- Bonjour Logan, déclara fermement Hermione.

- Oh, c'est vous Miss Mason, dit-il de sa voix grave.

- Granger ! corrigea-t-elle, irritée. Charlie est là ?

- Heu...c'est que, non...non elle n'est pas là, bégaya-t-il mal à l'aise.

- Logan, s'il te plaît c'est important, insista-t-elle.

- Elle n'est pas ici je vous dis et...Hé ! Mais qu'est-ce que vous faîtes !

Sans prévenir, Drago avait forcée l'entrée et s'enfonçait déjà à l'intérieur d'un pas décidé.

- Drago non ! tenta Hermione en sachant très bien que parler à un mur aurait été tout aussi efficace.

Mais elle n'eut même pas le temps de s'excuser auprès du garçon que l'ancien Serpentard revenait déjà, portant en travers de son épaule une Charlie complètement hystérique, une vraie furie qui se débattait furieusement en lui martelant le dos de coups de poings et en criant d'une voix si aigue qu'il était difficile de comprendre comment son kidnappeur le supportait.

- Moi aussi j'avais l'habitude de planquer mes petites copines dans le placard. Je la dépose où ? demanda naturellement Drago, une fois arrivé au pas de la porte.

- Lâche-moi espèce de malade ! hurla Charlie.

- Malefoy dépose-là à terre immédiatement ! ordonna Hermione, horrifiée.

- Oh toi je vais te tuer ! rugit l'adolescente en entendant la voix de sa belle-mère.

Drago leva un sourcil vers cette dernière qui hésita avant de changer d'avis :

- Ok met-la dans la voiture, dit-elle à toute vitesse en dévalant les marches à sa suite.

- Attendez ! s'écria enfin Logan qui sembla réaliser.

- Vite vite ! pressa Hermione à l'adresse de Drago, galopant vers la voiture tout en ignorant les cris de Charlie et les protestations de son petit copain.

Alors que celui-ci se précipitait vers la portière qui lui claqua au nez, Hermione enfonça l'accélérateur et décampa à toute vitesse avant de se souvenir de respirer...

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- Mais bon sang c'est qui ce type ! De quel droit vous m'emmenez ! Faite tout de suite demi-tour, vous m'entendez ? Quand mon père saura que...

- Que quoi ! explosa Hermione qui ne supportait plus ses jacassements depuis une bonne dizaine de minutes maintenant. Que tu as séché les cours ?

Le silence qui s'installa, bien qu'il fut de courte durée, fut délicieusement savouré par Drago qui était de nouveau assis à l'avant.

- Tu ne lui diras pas ! menaça alors Charlie.

- Ah oui ? Voyez-vous ça...

- Très bien, fais ce que tu veux. Je me demande quel sera le pire : que sa fille ne soit pas allé en cours, où que sa copine l'ait viré injustement de la voiture, l'obligeant à faire le chemin à pied, affrontant les dangers de la rue et...

- Ca va, ça va ! la coupa Hermione qui ne supportait pas le chantage.

Pourtant la gamine venait de marquer le point. Chacune ne dirait rien à Richard, et tout irait pour le mieux. Du moins elle l'espérait...

Son attention se reporta sur Drago qui rêvassait. Et dire que ce Dieu vivant était son âme sœur... Pourquoi elle ? Comment une fille qui avait passé son enfance avec pour seuls amis des livres que même les adultes trouvaient trop complexes, qui n'était pas fêtarde mais ennuyeuse à mourir, pouvait correspondre à un homme tel que lui ? Un homme dont les qualités aussi bien physiques que mentales devraient ravir des milliers de femme bien mieux qu'elle...

Mais Hermione ne s'en plaignait pas, loin de là. Consciente qu'il devrait quitter définitivement sa vie à la fin de la mission, elle se trouva heureuse de savoir que, quelque soit son avenir, chaque femme qu'il rencontrera n'obtiendra jamais pareil amour qu'il lui portait à elle, jeune Gryffondor pourtant longtemps méprisée. La jeune femme sourit à ce souvenir ; qui aurait pu croire une telle chose il y a quelques années seulement ?

- J'aime bien te voir sourire après m'avoir contemplé Granger.

Mince, ses coups d'œil rapides qu'elle pensait discrets se faisaient à chaque fois attrapés par ses yeux gris. Hermione réalisa l'appellation par son nom de famille, un retour qui signifiait clairement qu'il rentrait dans un jeu verbal comme à l'époque de Poudlard. Devait-elle y participer, sachant que par l'humour elle ne ferait que renforcer des liens qui devaient disparaître ? La tentation de le faire sourire était malheureusement bien plus forte, comme si la blessure au cœur qu'Hermione lui avait infligée à vie pouvait se rattraper avec le peu de choses qu'elle avait à disposition.

- Je ne te contemplais pas du tout Malefoy, répondit-elle avec un demi sourire. Ta soit disante beauté est la pire des sottises que je n'ai jamais entendue de toute ma vie.

C'était plutôt le plus gros mensonge de toute sa vie oui !

- Ah vraiment ? dit-il, ravi de la voir jouer le jeu. Pourtant ce n'est pas ce que m'ont dit toutes les filles du collège avec qui...

- Il y a un enfant ici, l'interrompit-elle avec un air de reproche. Et puis toutes ces filles n'étaient avec toi que pour ta popularité, tu le sais bien.

- Pourquoi ne pas avouer que je te fais craquer ?

« Fondre », aurait même été un terme plus approprié.

- Ne rêve pas petite fouine, s'amusa Hermione.

Contrairement à ce qu'elle pensait, il ne s'offusqua pas de ce vieux surnom, il le prit même à la rigolage ; décidément il avait réellement changé.

- Je suis sûr que même en fouine j'étais à croquer, rigola-t-il.

- Tu plaisantes ! Miss Teigne ne t'aurait pas approché.

- Défend-toi comme tu peux après tout, mais je reste convaincu que j'étais le plus bel homme de Poudlard, mon nom et mon argent n'auraient servis à rien sans mon physique parfait. Et Merlin sait que les filles l'aiment !

- Je ne vois vraiment pas ce que tu pouvais apprécier chez toutes ces filles si superficielles ! riposta Hermione en s'emportant légèrement.

- Jalouse, Granger ?

Cette dernière reporta son attention sur la route, évitant ainsi d'être aveuglé par la magnificence du sourire éblouissant qu'il lui adressait.

- Et de quoi ou de qui pourrais-je bien l'être ? répliqua-t-elle finalement. Ces filles avaient toutes un vernis à ongle en guise de cervelle. Ne touche pas à ça, c'est l'allume-cigare.

- Et c'était beaucoup mieux ainsi.

- Que veux-tu dire ?

- Au moins, avec elles, il n'y avait aucun risque que je m'y attache.

Nouveau missile qui explosa en plein sur la cible fixée à son coeur. Hermione le savait pourtant, les jeux avec un Malefoy étaient dangereux. Elle regrettait d'avoir pris ce risque, son chagrin fit à nouveau surface mais elle préféra garder le silence sur cette allusion, une fois de plus. Le cri douloureux qui s'échappa de la bouche de Drago la tira de ses pensées. Hermione leva les yeux au ciel et lui prit l'allume-cigare des mains avant de le remettre à sa place, faussement exaspérée.

- Mais d'où il sort ce type ? s'effara Charlie.

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Hermione gara la voiture devant le portail noir en fer forgé, identique à tous les autres qui longeaient la rue habitée par des petites maisons de briques plus ou moins rouges selon l'ancienneté des lieux.

Elle vit Drago jeter un rapide coup d'œil au quartier, et se sentit malgré elle un peu honteuse d'inviter un Malefoy à rentrer dans un endroit aussi banal que celui-ci. Charlie se précipitait déjà à l'intérieur, claquant toutes les portes sur son passage, tandis que son frère restait sur le trottoir, immobile, fixant Drago de ses petits yeux noirs inquisiteurs.

- Qu'est-ce que t'as toi ? lança ce dernier avec un évident manque de tact, étrangement mal à l'aise d'être scruté ainsi par un tout petit moldu.

- T'es le nouvel amoureux de Hermione ? demanda-t-il de sa voix accusatrice.

Surpris, Drago afficha un petit rictus avant de répondre :

- Et si c'était le cas, qu'est-ce que ça te ferait ?

Jaffrey se tut un instant, fixant intensément ce nouvel inconnu qui lui rendait son regard.

- Moi je ne t'aime pas ! s'écria-t-il soudain en tapant brusquement du pied.

Hermione regardait la scène avec stupéfaction. Bien qu'elle savait que Drago n'avait au grand jamais attiré la sympathie des hommes quels qu'ils soient, elle fut néanmoins étonnée que l'on puisse ressentir de la haine à cet âge. En effet, les yeux de Jaffrey n'avaient plus rien d'enfantin à ce moment-là, et si la couleur grise de Drago était hypnotisante, la couleur noire du garçon, elle, était pétrifiante.

- Ça tombe bien moi je n'aime pas les mômes, rétorqua Drago nullement impressionné.

- Arrêtez ça vous deux, intervint Hermione qui sentit son vieil instinct de Préfète en Chef reprendre le dessus. Malefoy, comporte-toi en adulte veux-tu ?

- Alors qu'il se comporte en enfant, répliqua-t-il sans détacher son regard du petit être qui lui arrivait un peu plus haut que les genoux.

Soudain, Drago poussa un nouveau cri de douleur, plus fort cette fois-ci.

- Drago ! s'inquiéta Hermione en se demandant pourquoi il se tenait le bras de cette façon.

Elle se mordit aussitôt la langue pour cet élan spontané qui lui avait fait prononcé le prénom qu'elle refusait d'employer, histoire de garder des distances.

Celui-ci remonta sa manche et la jeune femme retint une exclamation. Son bras gauche, dont la peau était d'une couleur rouge flamboyante, était tout fripé, comme brûlé. Hermione posa un instant ses yeux sur le petit garçon qui à présent regardait Drago avec des yeux ronds, toute trace de colère ayant disparue. Elle secoua la tête pour chasser l'hypothèse complètement absurde qui s'était emparée d'elle et se précipita vers Drago pour l'aider. Mais celui-ci serrait si fort les mâchoires que la jeune femme se stoppa net et se contenta de lui suggérer une pommade qui s'appelait « Biafine », dont les bienfaits étaient médicalement reconnus.

- Ta crème moldue ne pourra rien contre une blessure magique, répondit-il en levant ses yeux gris vers elle.

- Blessure...magique ? bafouilla-t-elle, confuse.

- Drôlement perspicace pour son âge, maugréa Drago avant de passer le portail pour rejoindre la maison.

Hermione prit Jaffrey par la main et l'entraîna à l'intérieur. Clôturant son esprit aux voix qui lui criaient la vérité sur ce qui venait de se passer, Hermione ignora les insinuations de Drago et le rejoint dans le salon, alors qu'il s'affalait sur un vieux fauteuil miteux.

- Alors va à St Mangouste, déclara-t-elle. Jaffrey monte dans ta chambre s'il te plaît.

Celui-ci regarda Hermione, puis Drago. Il paraissait analyser la situation, incertain de laisser sa belle-mère entre de bonnes mains. Finalement, il s'exécuta, adoptant à nouveau l'air innocent d'un véritable enfant de cinq ans.

Drago eut un flash de son enfance, qui reflétait le même genre de situation ; à peine plus âgé que Jaffrey, il plongeait son regard bleu azur déjà intense dans celui de sa mère, alors que Lucius, en colère contre elle, venait de lui demander d'aller dans sa chambre. Inquiet, il n'avait pas bougé. Lui aussi, pourtant si jeune, comprenait beaucoup plus de choses qu'un enfant normal. Le regard rassurant de sa mère s'était inondé de larmes lorsqu'il reçut une punition pour ne pas avoir obéit assez vite.

- Malefoy tu m'écoutes ?

Ce dernier sortit de son souvenir pour se replonger dans la réalité. Quand cesserait-elle de l'appeler par son nom de famille ? Son ton, il se souvient, n'était pas le même à l'époque de Poudlard où elle avait l'habitude de l'appeler Drago, il était plus doux. A présent, elle l'appelait avec cette même rancune dans la voix, il ne supportait plus son nom de famille quand il était prononcé par elle.

- Je n'irai pas à St Mangouste, trancha-t-il.

- Mais pourquoi ? Enfin regarde l'état de ton bras !

- Je reste ici.

Au bout d'un long moment de silence, Hermione sembla réaliser la raison de son obstination parce qu'elle se dirigea vers la cuisine en hochant la tête :

- Non mais vraiment...lâcha-t-elle dans un souffle. Tu prends ton rôle de garde du corps bien trop au sérieux.

- Et toi pas assez.

- Je ne sais vraiment pas pourquoi tu t'entêtes à ne pas me lâcher d'une semelle, mais crois-moi je ne risque rien du tout ici !

S'il répondit, elle ne l'entendit pas. Hermione s'installa à la table de la cuisine et entreprit d'éplucher quelques pommes de terre pour le repas, tandis qu'elle laissait tranquillement son esprit vagabonder.

Cette journée avait été plutôt riche en émotion, et quelque chose lui disait que c'était loin d'être finie. En effet, le repas de ce soir annonçait des tensions à venir ; déjà entre Drago qui, comme lui seul en était capable, s'était mis à dos les deux enfants en moins d'une heure, et ensuite entre Drago et Richard, dont elle redoutait la confrontation. Oh elle n'était pas inquiète pour Richard, loin de là, cet homme était si docile et polis que le connaissant, il préfèrerait se taire plutôt que de contrarier Drago. Ce dernier, en revanche, savait être blessant quand il le voulait, et Hermione craignait que la jalousie le fasse agir de façon arrogante et irréfléchie. Mais malgré tout, il avait changé, c'était indiscutable. Drago, déjà doté d'un sang froid hors du commun que seul Hermione réussissait à lui faire perdre, semblait en posséder encore d'avantage, la maturité peignait ses traits, même si de temps en temps il était facile pour elle de deviner sa colère.

- Ton Richy, il est au courant que son fiston est un des l'un des nôtres ?

Absorbée dans ses réflexions, Hermione ne l'avait pas remarqué, épaule adossée contre l'encadrement de la porte.

- Ne l'appelle pas comme ça, dit-elle agacée. Et qu'est-ce que tu racontes, Jaffrey n'est pas un sorcier.

Drago haussa les sourcils, puis entra dans la cuisine avant de tirer bruyamment une chaise en face et de s'y installer.

- Hermione, dit-il de sa voix grave.

Celle-ci ne répondit pas, faisant mine d'être concentrée sur l'épluchement de ses patates. Or, tous deux savaient pertinemment qu'elle évitait la conversation.

- Hermione, répéta-t-il.

Elle ferma les yeux, contrariée de lui avoir décrit un tel changement alors que sa fâcheuse habitude de ne pas supporter d'être ignoré était toujours aussi intacte.

- Quoi...

- Pourquoi cela t'affecte-t-il tant que ce soit un sorcier ?

- Qu'est-ce qui t'assure que c'en est un ! s'exclama-t-elle soudain.

Pour toute réponse, Drago releva à nouveau sa manche, découvrant sa peau rougeâtre et abîmée.

- Tu devrais soigner ça, finit-elle par dire.

- Ne change pas de sujet. Je l'ai senti au plus profond de moi que ce sortilège venait de lui. Dans le livre consacré à Potter, « l'Histoire du Survivant », c'est raconté qu'à l'âge de onze ans, il coince involontairement son cousin dans un zoo avec un serpent, simplement parce qu'il l'avait énervé.

L'image de Harry lui revint en tête et une douleur lui empoigna l'estomac. Penser à son ami revenait aussitôt à penser à Ron. Comment aurait-il réagit, en apprenant qu'elle travaillait avec Drago ? Mieux que Harry sûrement, Ron l'avait même encouragée à le rejoindre plusieurs fois, alors qu'il ne supportait plus de la voir pleurer chaque soir pendant des heures.

Patient, Drago semblait attendre qu'elle sorte de sa rêverie.

- Je n'aurais jamais penser que tu avais lu le livre sur Harry, dit-elle finalement.

- Apprend à connaître tes ennemis, sourit-il. C'est l'une des premières choses que mon père m'a enseignée.

Un silence s'installa pendant lequel Hermione fixait le bras de Drago, se demandant s'il était possible qu'il réussisse à dissimuler aussi bien la douleur d'une brûlure d'une telle envergure.

- Ne t'inquiète pas pour ça, dit-il alors en suivant son regard. Dis-moi plutôt où ton copain travaille, au ministère de la magie ?

Hermione baissa la tête, ses joues s'empourprèrent.

- Oh, lâcha-t-il gêné, ou du moins il en prenait l'expression. Il travaille dans une petite entreprise, à Pré-au-Lard ? Il ne travaille pas du tout ?

Hermione déglutit difficilement sa salive, puis respira un grand coup, abordant le sujet inévitable tôt ou tard :

- Richard n'est...comment dire...pas de notre monde.

L'expression horrifiée qu'elle redoutait défigura son beau visage.

- Un moldu ! s'exclama-t-il. Tu vis avec un moldu ?

Hermione le fusillait du regard à présent :

- Et alors ? se défendit-elle. Je ne vois pas en quoi c'est mal et encore moins en quoi ça te regarde. Je te rappelle que je viens moi-même d'une famille de moldus !

Mais il ne semblait pas l'écouter, son esprit était totalement ailleurs et si son visage restait illisible, ses doigts ne cessaient de taper nerveusement contre la table de bois.

- Pourquoi te mets-tu dans un état pareil ? s'impatienta Hermione.

- Tu es restée tout ce temps sans protection ! finit par lâcher Drago plus à lui-même qu'à Hermione. Tu te mets en danger permanent et tu vis avec des moldus qui sont complètement incapables de te protéger !

- Mais quand vas-tu cesser avec ces histoires de protections ! Je sais très bien me défendre et jusqu'ici je ne me suis jamais fait attaquer chez moi ! Si tu sais quelque chose que j'ignore...

- Non, trancha-t-il.

Hermione le scruta du regard, tentant vainement d'y trouver ne serait-ce qu'une réponse aux centaines questions qu'elle se posait. Pourquoi s'inquiétait-il autant pour elle ? Risquait-elle vraiment un quelconque danger ou l'aimait-il au point de la surprotéger de la sorte ? Etait-il réellement un Mangemort comme elle en était encore persuadée ce matin, ou avait-il dit la vérité en prétendant s'être éloignée de la guerre ? Après tout, cette dernière hypothèse expliquerait sa réaction à l'annonce de sa nouvelle vie pourtant étalée dans les journaux. Et que penser de cette coïncidence du retour de Malefoy à quelques jours près de sa future mission ?

Il était si dur de voir le bien en cet homme, mais encore plus d'y voir le mal...

Hermione était littéralement perdue.

- Tu lui caches ta nature de sorcière ? demanda alors Drago, plus calme.

- Non, il le sait. Mais ses enfants l'ignorent, il est mieux pour eux de ne rien savoir.

Une voix s'éleva alors dans l'entrée :

- Chérie ?

- Richard ! lâcha Hermione dans un souffle.

Après avoir ordonné à Drago de visser ses fesses sur la chaise jusqu'à nouvel ordre, la jeune femme sortit de la cuisine et vint embrasser le nouvel arrivant.

- Tu as passé une bonne journée ? s'enquit-il.

- Pas vraiment, avoua-t-elle.

- Et bien laisse-moi te remonter le moral, je nous ai réservé une table au restaurant français de Londres !

- Mais il faut réserver des mois à l'avance pour cet endroit !

- Oui, et je l'ai fait.

- Oh Richard, c'est tellement adorable ! J'aurais adoré, crois-moi, mais...ce soir ça ne va pas être possible, je suis vraiment désolée !

- Oh...c'est...c'est p...pas grave.

Hermione sentit son cœur se serrer affreusement. Richard recommençait à bégayer, signe qu'il se sentait gêné et confus. Et dire qu'il avait prit soin de réserver au restaurant qu'elle adorait et qu'elle allait gâcher une soirée qui s'annonçait romantique à cause de ce fichu Drago Malefoy qui débarquait dans sa vie.

- Papa !

Le petit garçon brun courut vers son père avec un immense sourire. Ce dernier le fit joyeusement voler dans ses bras avant de le reposer a terre.

- Hermione a ramené un vilain monsieur ! déclara-t-il alors.

Celle-ci lui fit les gros yeux puis se tourna vers Richard d'un air désolé.

- Un gros naze, ajouta une voix d'adolescente depuis l'escalier. Il est sûrement l'amant de ta copine chérie !

- C'est mon garde du corps, rectifia aussitôt Hermione.

- T...ton garde d...du corps ?

- Oui. Tu sais la nouvelle mission dont je t'avais parlé, et bien le ministère a décidé de m'envoyer un protecteur.

- Cette mission est si d...dangereuse que ça ? demanda-t-il.

- Oui, je vais devoir rencontrer des vampires.

- Des...des v...vampires ! Oh S...Seigneur Marie Jésus ! C'est hors de qu...question, bien trop dangereux !

- Ne t'en fais pas Richy, elle ne craint rien avec moi.

Hermione ferma les yeux d'exaspération en entendant sa voix. Il n'écouterait donc jamais ? Elle se retourna vers le jeune homme blond qui venait d'apparaître dans le salon, son air moqueur sur le visage.

Mais qu'est-ce que c'était que ça ? Drago n'en revenait pas. Il s'était vraiment tout imaginé, sauf...ce genre d'homme. Il était très facile de lire à travers Richard : c'était le raté par excellence.

Sa vieille chemise à carreaux marron assortie à son pantalon vert kaki, une cravate rayée aussi démodée que ses chaussures, une coiffure vieillotte dont l'immense raie sur le côté luisait à la lumière et les lunettes rondes posées sur son petit nez, indiquaient clairement sa personnalité.

Petit garçon, c'était celui qui se faisait racketter ses sandwiches à chaque récréation, celui que l'on poussait dans la boue en cours de sport, celui sur qui on envoyait des boulettes de papier mouillées en classe et encore celui qui faisait les devoirs de ses camarades sans rien dire, au risque de se faire taper à la parents ambitieux qui le poussaient au travail en lui répétant que le métier de médecin était fait pour lui, une mère aimante mais un père stricte, enfant unique pour seul ami un poisson rouge à qui il se confiait le soir lorsqu'une horrible journée de plus venait de se terminer. Un adolescent sans petite copine, bien trop timide et des filles bien trop belles pour lui. Une gentillesse et une naïveté qui le poussent néanmoins à aider une jolie fille pour son cours de maths, cette même fille qui lui faisait porter son cartable lorsqu'elle en avait marre et le tenait dans ses filets grâce aux nombreux petits bisous sur son visage boutonneux. Mais elle sortait avec le garçon populaire du lycée et lui expliquait gentiment que le fréquenter ruinait sa réputation. L'adolescent comprend qu'il a été utilisé et pleur sa solitude auprès d'amis qui passent leur journée à parler de jeux vidéos. Il passe son bac haut la main et entre vite dans la vie active, toujours aussi seul. Au travail, ses collègues lui demandent des sous pour se payer un café, promettant de le rembourser dès que possible, et repartent rieurs de cet imbécile qui prête de l'argent chaque semaine sans jamais protester. Mais Richard sait très bien qu'ils ne lui rendront jamais ce qu'ils lui doivent, seulement demander l'argent est très malpoli et plutôt se taire que de se faire des ennemis. C'est la bonne poire qui un soir de Noël accepte finalement de remplacer son collègue qui lui parle de problèmes de santé alors que quelques heures plus tard, il se retrouve avec ses potes autour d'une bonne bière, leur racontant comme il a été facile de berner cet idiot de Richard.

Voilà comment apparaissait cet homme aux yeux de Drago : bon, généreux...et looser. Il n'en revenait pas, comment Hermione avait-elle pu choisir pareil phénomène ? Mis à part une évidente passion pour les livres, ces deux là n'avaient rien en commun ! Il sentit vraiment sa fierté prendre un bon coup ; sortir avec ce minable après l'avoir connu, lui, Drago Malefoy ?

- Richard, je te présente Drago Malefoy. Malefoy, voici Richard...

- Bon...bonjour ! lança joyeusement Richard en lui tendant une main chaleureuse.

Le regard noir de Hermione l'incita à se montrer un minimum vivable, et Drago serra la main de ce drôle d'homme.

- Hermione chérie, ne serait-ce pas cet homme longtemps recherché par votre monde ? murmura-t-il loin des oreilles de ses enfants.

- Si, répondit-elle. C'était d'ailleurs la mauvaise nouvelle de ce matin, il a été jugé et le verdict a joué en sa faveur.

- Oh je vois.

- Mauvaise nouvelle ? répéta Drago, amusé.

- Oui, déclara-t-elle fermement. Un Mangemort en liberté, j'appelle ça une très mauvaise nouvelle.

Sans lui laisser le temps de répondre, Hermione prit Richard par la main et l'entraîna dans la cuisine. Elle demanda à Charlie de l'aider à mettre la table mais, comme elle s'y attendait, l'adolescente s'assit à table et attendit le repas sans un mot.

- Malefoy met cinq assiettes s'il te plaît, dit-elle alors.

Ce dernier la regarda, outré.

- Tu n'es pas sérieuse ? dit-il en explosant de rire.

- Navrée de ne pas avoir d'Elfes de Maison, ironisa-t-elle. Mais si tu veux loger ici, tu participes, c'est comme ça.

Voyant qu'il ne bougeait toujours pas, Hermione s'apprêta à se fâcher mais Richard intervint :

- Hermione voyons c'est notre invité ! Laissez Monsieur Malefoy, je me charge de la table, prenez une chaise.

Surpris, Drago lui sourit aimablement, et lança un regard de victoire à Hermione avant de s'asseoir en face de Charlie, Jaffrey à sa gauche. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous installés autour d'un gratin de pomme de terre, Hermione n'ayant que de très simples notions de cuisine.

- C'est dégueulasse, cracha soudain Charlie en lâchant sa fourchette dans l'assiette avant de se laisser retomber contre le dossier de sa chaise.

- Charlie ! râla Richard.

- Non laisse, décréta Hermione. C'est pas grave je t'assure.

Un silence pesant tomba dans la cuisine, seul Jaffrey chantonnait sa comptine apprise à la maternelle :

- Escargot de Bourgogne montre moi tes cornes ! Si tu ne me les montre pas je le dirais au Maître, qui te coupera la tête ! Je le dirais au loup qui te coupera le cou !

- T'as pas autre chose ? maugréa Drago.

L'enfant ne l'écouta pas et poursuivit sa chanson en fixant Drago, comme pour le provoquer. Si ce dernier était persuadé qu'il le faisait exprès, Hermione, elle, tentait de se convaincre que cet enfant n'avait tout simplement pas entendu.

- Alors, dit enfin Richard pour détendre l'atmosphère. D'où venez vous exactement Monsieur Malefoy ?

- D'un autre monde, répondit aussitôt Charlie sous l'œil paniqué des deux sorciers ainsi que du père. Quoi, qu'est-ce que j'ai dit ? Non mais c'est vrai, on dirait qu'il n'a jamais vu de micro-onde de sa vie, ça fait une heure qu'il s'éclate à faire chauffer son assiette ! Et je ne parle même pas de sa passion pour le robinet qu'il s'est amusé à ouvrir et fermer pendant dix minutes tout à l'heure !

Hermione fusilla Drago du regard pour son manque de discrétion, mais celui-ci n'y prêta guère attention et se tourna vers Charlie en fronçant les sourcils :

- En parlant d'étrangeté, dit-il, je n'avais jamais vu quelqu'un avec le nez troué par un caillou.

- C'est un piercing ! corrigea-t-elle, vexée.

- Et bien c'est moche, dit-il simplement en se servant à boire.

- Malefoy ! s'indigna Hermione.

- Je n'ai pas besoin que tu me défendes ! riposta alors Charlie à l'adresse de sa belle-mère. Mais apparemment tu aimes jouer ton rôle de mère avec tout le monde ?

- Charlie ça suffit ! pesta son père, son teint habituellement très blanc prenant une couleur violacée. Hermione n'est p...peut-être p...pas ta mère, mais elle fait de son m...mieux pour vous, et quoi que tu dises elle reste ! Alors tu as intérêt à faire des efforts !

Richard, dont le visage avait viré au rouge avec une facilité déconcertante, avait prononcé les dernières phrases sans bégayer, signe qu'il prenait une réelle assurance et que ses paroles devaient être prises au sérieux. Il était extrêmement rare qu'il ose s'énerver contre sa fille, et cette dernière en resta bouche bée un moment. Puis, à la grande surprise de Hermione qui aurait du prévoir sa réaction, Charlie trouva comme toujours un moyen de reporter la faute sur sa belle-mère et déballa à toute vitesse :

- Hermione m'a viré de la voiture ce matin !

- Quoi ? dit Richard, abasourdit.

- Charlie a séché les cours ! rétorqua Hermione sur le même ton.

- Moi je veux une compote, déclara Jaffrey avec de la patate plein la serviette.

- Charlie a fait quoi ?

- Papa ce n'est pas ma faute ! Je suis arrivée en retard parce que ta copine m'a lâché dans la rue toute seule !

- Elle ne voulait pas mettre sa ceinture et a réagit comme une gamine ! se justifia Hermione.

- Moi je veux une compote ! répétait le petit garçon.

- C'est toi la gamine ! répliqua l'adolescente. Tu m'as fait tout un cinéma pour une fichue ceinture alors que l'école n'était qu'à dix minutes !

- Et c'est bien pour ça que tu n'avais qu'à y aller à pied ! rugit alors la jeune femme.

- Ma compote !

- Crois-moi je préfère mille fois la solitude plutôt que de supporter le voyage avec toi !

- On ne pourrait pas lui donner sa compote à l'autre ? suggéra alors Drago, agacé.

- Hermione je n'en reviens pas que tu sois partie sans elle ! s'écria Richard, incrédule. Je pensais pourtant que tu avais compris l'importance pour moi de les déposer jusqu'à l'école !

- Oui je sais je n'aurais pas du la laisser, s'excusa-t-elle à contre coeur.

- T'as pas à t'excuser Hermione.

L'écho du brouhaha qui cessa soudainement résonna encore quelques secondes aux oreilles de tous. Drago n'avait pas parlé fort, mais sa voix grave et posée avait suffit à imposer le silence et à présent, toute l'attention portait sur lui.

- Hermione n'est pas en tort dans tout cela, reprit-il. Ce matin Charlie a voulu jouer à l'adulte, et elle a perdu. Hermione a fait ce qu'il fallait, la prochaine fois elle saura qu'on ne s'attaque pas à une lionne telle que Granger, et j'en sais quelque chose.

Cette dernière ne put dissimuler son petit sourire, quelque part heureuse qu'il la soutienne contre tous, ignorant sa dernière remarque.

- Excusez moi monsieur Malefoy, répondit Richard d'une petite voix. Mais je ne p...pense pas que cela v...vous concerne.

Hermione constata qu'il ne devait pas être indifférent à l'imposante franchise de Drago, car il se remettait légèrement à bégayer.

- Au contraire. Je me dois de la protéger à présent.

- Loin de moi l'idée de lui faire du mal, répondit Richard, étonné par de tels propos.

- A elle peut-être pas, mais à son cœur oui. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que Hermione souffre de cette situation, qu'elle refoule tous ses sentiments de colère et de chagrin depuis plusieurs mois dans le seul but de s'empêcher de craquer face à ces nouveautés, et ainsi conserver un faux sourire pour faire bonne figure, tout ceci pour toi. Elle encaisse sans arrêt la mauvaise humeur de cette adolescente, les caprices de ce petit monstre et tes accusations injustifiées. Elle a récemment subi la perte douloureuse d'un proche et se voit aujourd'hui confiée d'une nouvelle miss...d'un nouveau travail dangereux, et de nouvelles tâches pour lesquelles elle n'est pas encore prête, à savoir gérer une famille. Et tout cela, Hermione l'accepte sans protester, une fois de plus, pour toi.

- Je ne voyais pas, je...

Mais Richard s'interrompit, ne trouvant pas les mots pour justifier autant d'inattention de sa part.

- Ta fille est pire que moi à son âge, continua lentement Drago. Et crois-moi, c'est plutôt hors du commun. Elle est insolente, irrespectueuse et surtout immature. Je ne vois aucune autorité parentale ici si ce n'est celle que Charlie se donne, et votre peur de la contrarier vous pousse inconsciemment à reporter chaque faute sur Hermione. Tu devrais être heureux Richy, elle doit vraiment beaucoup t'aimer pour supporter un fardeau pareil...

Hermione avait le souffle coupé par son intervention. Il avait lu en elle comme dans un livre ouvert, lui avait même fait comprendre ce que elle-même tentait de se cacher, avait résumé tous ses sentiments dissimulés depuis plusieurs mois à la perfection alors qu'ils ne s'étaient revus que quelques heures plus tôt. Personne, si ce n'est une âme sœur, n'aurait pu la déchiffrer avec autant d'exactitude, et Hermione sentit son estomac se nouer en se rappelant que jamais elle ne pourrait être avec lui, que désormais une nouvelle vie et un nouvel homme s'offrait à elle, bien que son cœur n'appartiendrait toujours qu'à Drago Malefoy...

La jeune femme osa lever les yeux vers lui, mais il ne la regardait pas. Il fixait Richard avec intensité et elle savait exactement ce qu'il ressentait pour en avoir été elle-même victime : sa gorge était noué, ses membres tremblaient, sa respiration était retenue et son cerveau avait du mal à tout assimiler, gêné par la pénétrance glaciale de la couleur grise de ses yeux.

- Ma compote ? tenta Jaffrey qui mit fin à l'hypnotisme de son père.

- Ma fille n'est pas facile tous les jours, admit-il enfin en baissant tristement les yeux. Mais Hermione sait qu'elle est libre de partir quand elle le souhaite, elle sait que je ne veux pas lui imposer plus de problèmes qu'elle n'en a déjà, et Dieu sait combien de fois j'ai tenté de le lui expliquer. Mais elle se borne à rester, je ne comprendrais jamais pourquoi...

- Moi non plus...marmonna alors Drago en mettant son assiette au micro-onde pour la cinquième fois.

Richard adressa un sourire timide à Hermione :

- Je suis désolé ma chérie, je n'aurais pas du m'emporter, je suis un idiot. J'aurais du voir que...

Hermione le fit taire d'un geste doux, sourit à son tour, ne pouvant résister à un regard aussi tendre et sincère.

- Bien sûr, dit froidement Charlie. On lui pardonne tout à elle, il lui suffit de...

- Tais-toi Charlie, coupa sèchement Richard. Il faudra qu'on parle sérieusement de l'école toi et moi. Monte dans ta chambre à présent.

Cette dernière était consternée. Elle fusilla Drago du regard tandis qu'il lui rendait un grand sourire.

- Ce martien débarque et tout change d'un coup, railla-t-elle. Je vous le dis moi, il n'est pas d'ici ce fou.

Elle sortit de la cuisine et, comme à son habitude, claqua la porte.

- Moi j'attends ma compote ! se plaignit Jaffrey.

- Tu sais où je vais te la mettre ta compote ! explosa alors Drago, irrité par cette voix enfantine.

- Malefoy ! Tu...

Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que pour la troisième fois de la journée, Drago poussa un juron sous l'effet d'une nouvelle douleur, au pied cette fois.

- Ah tu veux jouer à ça, siffla Drago.

- Non Malefoy ! s'énerva Hermione qui savait parfaitement qu'un Malefoy ne restait pas passif aux défis.

Mais trop tard. Une substance jaune, qui sentait la pomme, s'écoula de nul part au dessus de la tête de Jaffrey et dégoulina partout sur ses petits cheveux noirs.

- Tiens la voilà ta compote ! s'exclama Drago, satisfait.

Le garçon se mit à sangloter, puis explosa en sanglots bruyants et insupportables à l'oreille du blond.

- Malefoy ! s'écria l'ancienne Gryffondor d'une voix aigue par la colère.

- Ça va, ça va je m'en vais !

Il se leva et, avec un pied dont la taille avait enflée de plusieurs centimètres, passa en boitant devant une Hermione furibonde et un Richard ahuri.

000000

La tension était redescendue dans la maison, le silence régnait et chacun se préparait à aller au lit. Vêtue de sa chemise de nuit blanche, Hermione était dans sa chambre et attendait le retour de Richard qui couchait les enfants. Lorsqu'il revint, il paraissait triste et elle le lui fit remarquer.

- Ce n'est rien, la rassura-t-il.

- Richard, ne prend pas trop au sérieux ce que t'a dit Drago tout à l'heure, ne me dispense pas de tes problèmes, je veux savoir.

- C'est « Drago », maintenant ?

Hermione rougit et bafouilla quelque chose comme quoi sa langue avait fourché. Richard l'ignora et expliqua :

- C'est Charlie, elle faisait semblant de dormir quand je suis allé lui dire bonne nuit. Je suis persuadé qu'elle était éveillée, elle m'en veut.

Hermione s'approcha et l'enlaça tendrement.

- Ne te reproche rien, lui murmura-t-elle doucement à l'oreille. Demain ce sera oublié, laisse-lui un peu de temps.

- J'ai peur d'avoir été trop dur, avoua-t-il.

- Tu as simplement joué ton rôle de père, tu n'as pas à t'en faire, elle s'habituera.

La porte s'ouvrit soudainement et Drago s'immobilisa devant leur étreinte. N'importe qui se serait excusé d'avoir « oublié » de toquer et aurait immédiatement refermer la porte, mais pas lui. Son visage s'assombrit aussitôt et il serra les mâchoires, planté sur le seuil. A sa grande surprise, ce fut Richard qui parut gêné : il toussota légèrement et s'écarta de la jeune femme avant de bégayer :

- Pardon vous...vous voulez qu...quelque chose ?

- Un lit, répondit-il froidement.

- Je t'ai installé le canapé Malefoy, précisa Hermione, agacée de ses interruptions fréquentes.

- Je dors ici.

- Quoi ? s'étrangla-t-elle.

- Vingt quatre heure sur...

- ...Sur vingt quatre oui je sais ! coupa-t-elle sèchement. Navrée mais on va devoir faire exception à la règle, il est hors de question que tu dormes ici.

- Navré, répéta-t-il d'un ton glacial qui surprit Hermione. Mais je ne te lâche pas d'une semelle que tu le veuilles ou non, va falloir reporter vos ébats amoureux.

La jalousie trahissait sa voix qu'il désirait assurée, mais Hermione n'arrivait pas à se montrer compatissante lorsqu'il agissait de la sorte :

- Écoute Malefoy, reprit-elle d'une voix maîtrisée. J'ai supporté bien des choses jusque là, mais que tu dormes dans notre chambre, c'est trop. Il ne m'arrivera absolument rien cette nuit, et je te rappelle que je sais me défendre. Alors maintenant, va t'installer sur le canapé s'il te plaît.

- Non.

Hermione souffla d'exaspération. Son obstination, en plus d'être insupportable, était ridicule.

- Ça suffit Malefoy, sors d'ici.

- Hors de question.

Sans vraiment réfléchir, Hermione se laissa guider par sa colère et saisit sa baguette posée sur la table de nuit. Drago ricana, exactement comme quelques années auparavant.

- Tu n'es pas sérieuse Granger ? sourit-il. Je suis censé te protéger, pas te tuer.

- Si tu ne t'en vas pas, c'est moi qui prends le canapé, déclara-t-elle fermement.

- Hermione chérie, tenta alors Richard. Il n'est peut-être pas utile d'en venir à la violence, peut-être pourriez-vous trouver un terrain d'entente et...

- Ne t'en mêle pas Richard, l'interrompit Hermione sans lâcher son adversaire des yeux.

- Ouais c'est ça Richy, ajouta Drago d'un ton mauvais. Laisse ta copine choisir entre le beau lit et le vieux canapé.

Sous-entendu auquel Hermione riposta avec assurance :

- Te fatigues pas, j'ai déjà choisi depuis longtemps.

- Il n'est pas trop tard pour te rendre compte que le lit vaut beaucoup mieux.

- Non tu vois il est trop dur et trop froid, le canapé est confortable et chaleureux.

- Tu sais bien que le lit paraît dur de l'extérieur, mais enfonce-toi dedans et il te réchauffera beaucoup plus qu'un vieux canapé miteux.

- Je préfère le canapé, garantit-t-elle.

- Qu'est-ce qui me prouve que tu ne me mens pas ? dit-il en tenant fermement sa baguette. Après tout, toi et moi on connaît tes talents d'actrice, n'est-ce pas ?

Hermione se mordit les joues pour empêcher les larmes de monter. Elle aurait voulu lui crier qu'elle n'était pas ce qu'il pensait, qu'elle l'avait toujours aimé et qu'elle le trouvait stupide de l'avoir cru aussi facilement alors qu'elle n'avait jamais pensé aucune de ses paroles. Mais il fallait se rendre à l'évidence, Hermione avait joué son rôle bien mieux qu'elle ne le soupçonnait, et Drago en souffrirait à jamais. Depuis Poudlard, Hermione avait pris le temps de réfléchir, et lorsqu'elle avait réalisé que, de toutes manières, Drago ne devrait jamais savoir ce qu'elle avait fait avec Lisa, elle s'était promis de profiter de sa vie sans se morfondre sur un amour impossible. Mais son récent retour avait bouleversé tous ses efforts pour oublier, toutes ces nuits où elle s'était empêchée de pleurer, gâchés par les sentiments qui luttaient pour remonter à la surface. Alors plus vite la mission serait achevée, plus vite Drago disparaîtrait définitivement, et commencerait alors sa vraie vie...loin de lui.

Hermione se rendit soudain compte de l'absence de Richard. Emportée par la colère, elle ne l'avait même pas vu quitter la pièce, tout comme Drago apparemment. Elle rangea sa baguette et passa devant lui sans un mot, avant de sortir de la chambre. Drago se maudit intérieurement de son comportement, sentant très bien qu'il l'avait blessée, l'une des choses qu'il supportait le moins au monde.

Hermione descendit au salon et resta figée devant le canapé. Richard s'y était allongé, seulement couvert d'une fine couverture verte.

- Richard, murmura Hermione d'une voix douce en s'approchant. Par Merlin mais qu'est-ce qu'il te prend ?

- Je pense que ce serait mieux que je ne fasse pas obstacle à votre mission, répondit-il avec un petit sourire rassurant.

- Mais non ne dis pas n'importe quoi...

Hermione, profondément attendrie par ses bonnes intentions, lui parlait comme l'on parle à un enfant qui croit être la source de dispute de ses parents.

- Il ne faut pas se laisser faire par Malefoy, expliqua-t-elle en s'accroupissant à son niveau. Il est manipulateur et très malin, mais il n'a pas son mot à dire ici et...

- Hermione, sourit Richard. Pourquoi vois-tu le mal en cet homme ? Tout ce qu'il veut c'est te protéger, et la façon dont il a parlé de toi à table me prouve qu'il te respecte et je suis prêt à parier qu'il donnerait sa vie pour te sauver dans ta mission.

- Tu ne le connais pas, grogna-t-elle.

- En tout cas lui a l'air de te connaître, et maintenant qu'il est là je ne m'inquièterai plus pour toi. Il est normal que tu sois protégée avec une telle guerre, d'autant plus que je suis parfaitement inutile à ta protection...

- Je t'ai déjà dit que tu n'avais pas à culpabiliser à ce sujet, c'est à moi de vous protéger, que la situation te paraisse ridicule ou non. Oh Richard ne me laisse pas seule avec lui s'il te plaît !

- Voyons ce n'est qu'une seule nuit ma chérie, et puis j'ai confiance en lui.

- Comment diable peux-tu accorder ta confiance aussi facilement à une personne que tu connais à peine ?

La réponse lui vint d'elle-même et Hermione poussa un soupir.

- Ta bonté te perdra un jour, dit-elle.

- Allez va dormir, tu te lève tôt demain.

- Mais c'est avec toi que je veux dormir, bouda-t-elle comme une enfant.

Richard sourit et lui déposa un baiser sur le front.

- Bonne nuit, souffla-t-il.

Hermione se releva péniblement et se dirigea vers la chambre d'un pas rageur. Lorsqu'elle entra, Drago, torse nu, était déjà couché dans le lit.

- Alors là c'est sûr je rêve, paniqua-t-elle. Non, je cauchemarde ! Oui c'est ça je suis en train de faire un gros cauchemar où un Serpentard stupide et encombrant s'est incrusté dans ma vie, a embrouillé nos relations familiales, viré mon petit ami et à présent s'installe dans mon lit !

- Ne te plains pas, ricana-t-il. Moi j'ai fichu le bordel en une soirée, je l'avoue, mais demain ce sera oublié. Toi, c'est en dix jours que tu as transformé ma vie en bordel.

Cette réplique refroidit aussitôt la jeune femme. Comprenant vite qu'il n'avait pas l'intention de dormir par terre, Hermione se résigna à venir se coucher à ses côtés. Sans un mot, elle éteignit la lumière et se glissa dans les draps, lui tournant aussitôt le dos pour masquer sa peine.

- Excuse-moi, chuchota-t-il quelques minutes plus tard.

- Tu as de bonnes raisons de m'en vouloir.

Hermione avait mis tout son courage dans ces mots débordants de vérité. Il ne répondit pas et un silence apaisant régna de nouveau.

Quelle étrange situation, songea Hermione. La dernière fois qu'elle avait dormi avec lui remontait à si longtemps, au soir où il avait choisi de rester à ses côtés plutôt que de fuir la dette du Mage Noir. Sacrifice inutile puisque, de toute évidence, il était en train de la rembourser en ce moment même. Etrangement, le savoir, ou du moins le supposer fortement du côté du mal, ne l'effrayait pas autant que ça devrait.

Hermione ferma les yeux et écouta la respiration lente et régulière du jeune homme. Merlin qu'il était dur de rester ainsi immobile alors que son corps entier se faisait enivrer par son parfum, priant sa propriétaire de céder à cette tentation charnelle et destructrice. Etait-ce aussi douloureux pour lui de ne pouvoir la toucher ? Est-ce que comme elle, à ce moment même, n'était-il pas en train de se faire violence pour ne pas succomber au désir de l'embrasser ? Hermione se retourna légèrement pour lui jeter un coup d'œil, et la réponse à ses questions lui apparut clairement : allongé sur le dos, Drago aurait pu paraître parfaitement détendu si ses fréquentes contractions de mâchoires et ses yeux fixant le plafond ne trahissaient pas sa nervosité. Sans vraiment savoir si elle le faisait plus dans l'intérêt de Drago ou du sien, Hermione se décala au maximum vers le bord du lit, agrandissant la distance qui les séparait.

Dans le but d'apaiser ses battements de cœur, elle décida de penser à sa mission. Mauvaise idée. Deux grandes dents blanches aiguisées lui apparurent et elle fut secouée d'un frisson imperceptible. Ses pensées dérivèrent alors vers Harry, quand allait-il cesser de se morfondre ? Le monde avait besoin de lui, et bien que la perte de Ron soit inconsolable, Hermione était persuadée que ce dernier n'aurait pas voulu qu'on baisse les bras. Elle le revoyait tout jeune encore, lors de leur première année, alors qu'elle lui apprenait à prononcer une formule correctement. Qu'est-ce qu'il était susceptible ! Mais si courageux lorsqu'il avait fallut combattre le Troll. Ron, couvert de morve verte, riait aux éclats aux côtés de Harry. Molly était avec eux, proposant une grosse part de gâteau au chocolat fait maison, tandis que le professeur Mc Gonagall leur priait d'être plus prudent. Hagrid apportait ses propres gâteaux aussi durs que la pierre, au même moment où, fermement accroché à l'hippogriffe, Sirius atterrissait derrière eux, ses lèvres étirées en un sourire joyeux. Hermione courut vers eux, et quand il l'aperçut, Ron ouvrit grand les bras pour l'accueillir. Mais la jeune femme courait longtemps sans que la distance ne diminue, le chemin semblait infini et lorsque enfin elle allait atteindre ses bras, Ron recula. Il ne riait plus, comme aucun autre autour d'ailleurs. Tous la regardaient avec un air d'incompréhension, de peur peut-être. « Ron ! », cria-t-elle. Pourquoi reculait-il ainsi ? « Ron ! », répéta-t-elle, plus fort. Elle comprit alors qu'ils regardaient derrière elle, cette chose qui leur faisait peur se trouvait juste derrière elle. Brusquement, Hermione se retourna et sursauta devant un immense Mangemort encagoulé. Ses yeux gris la transpercèrent et son petit sourire en coin lui glaça les sangs. Elle se retourna vers Ron mais il n'y avait plus personne. Hermione l'appela, cria, gesticula mais il avait disparut, la laissant seule avec Drago Malefoy...

Hermione ouvrit les yeux. Elle mit du temps à réaliser où elle se trouvait, et encore d'où venait le bruit de ces soufflements. Lorsque la jeune femme comprit que c'était sa propre respiration saccadée, elle voulut tenter de se calmer mais la chaleur sur laquelle reposait son visage mouillé de larmes ne fit qu'augmenter sa vitesse cardiaque. « Merlin faîtes que cette peau si douce qui sèche mes pleurs ne soit pas celle de son torse, que la main que je tiens avec une force douloureuse ne soit pas la sienne... ». Paniquée, Hermione leva discrètement la tête.

Horreur !

Dans le noir, elle distingua deux yeux perçants qui la regardaient. Affreusement confuse, Hermione se dégagea rapidement de lui pour reprendre sa place initiale.

- Je suis désolée, lâcha-t-elle dans un murmure presque inaudible.

Drago ne répondit rien. On aurait pu penser qu'il dormait si deux lueurs grises ne la fixaient pas avec cet air indéchiffrable. Hermione se sentait gênée et honteuse de son silence, qu'avait-elle pu faire ou dire à travers son cauchemar ? Et s'il avait profité de cette étreinte inconsciente ? Hermione chassa cette dernière pensée, ce n'était pas du tout son genre. Elle ne put néanmoins s'empêcher de poser la question :

- Pourquoi ne m'as-tu pas réveillée ?

- J'ai essayé, dit-il d'une voix rauque, signe qu'il n'avait pas du beaucoup dormir. Mais tu criais le nom de Weasley en serrant ma main, alors j'ai attendu que tu te calme.

- Je suis désolée, répéta-t-elle, ne sachant où se mettre.

- Ça t'arrive souvent ?

- Je faisais le même rêve toutes les nuits, avoua-t-elle.

- « Faisait » ?

- Oui. Cela fait maintenant plus de deux mois que je ne l'avais plus fait.

Un silence très explicatif s'installa, chacun en déduisant bien la même chose : son retour dans sa vie.

- Il faut que je prenne l'air, déclara-t-elle soudainement en dégageant le drap. Seule, rajouta-t-elle en le voyant également sortir du lit.

- Hermione...

- Non Malefoy ! trancha-t-elle. J'ai réellement besoin d'être seule, tu peux comprendre ? Enlève ton masque de garde du corps et fais appel à ton côté humain, juste pour une heure. C'est possible ?

Elle le regardait avec un mélange de détermination et de tristesse. Drago s'abstint de lui préciser que, s'il voulait la suivre, ce n'était pas pour sa mission, mais parce qu'il n'aimait pas la voir ainsi et aurait voulu la consoler. Mais voilà, cette fichue barrière qu'elle mettait entre eux de façon si froide et si certaine l'empêchait de la prendre dans ses bras, de la serrer contre lui toute entière. Alors il se contenta d'hocher doucement la tête, et elle lui adressa un petit sourire de remerciement avant de quitter la chambre.

000000

Hermione passa devant Richard qui dormait d'un sommeil agité. Il était secoué de violents tremblements : apparemment la petite couverture n'était pas suffisante et Hermione se maudit de ne pas lui avoir proposé d'autres couettes. La jeune femme voulut lui jeter un sort de réchauffement mais elle réalisa qu'elle avait laissé sa baguette à l'étage. Quelques minutes plus tard, elle déposait sur lui deux couvertures de plus, puis enfila la robe de chambre de Charlie qui traînait avant de sortir dehors sans faire de bruit.

L'air glacé de la nuit lui frigorifia les poumons, mais bien qu'elle eut très vite froid, cela lui fit du bien et ses soucis s'envolèrent l'espace de quelques précieuses minutes.

Affolée de s'être retrouvée agrippée à Drago en pleine nuit, Hermione n'avait pas vraiment pris le temps de se remettre de son cauchemar. Les images lui revinrent très rapidement en tête et elle ne put retenir quelques larmes si froides qu'elles gelèrent sur ses joues humides. Deux mois qu'elle ne souffrait plus de ses affreux rêves, et voilà qu'ils revenaient la hanter ! De plus, elle n'avait jamais pu voir qui était ce Mangemort encagoulé qui faisait si peur à Ron et aux autres, mais cette nuit son visage lui était apparue très clairement et elle se trouva même bête de ne pas l'avoir deviné plus tôt.

Pieds nus, la jeune femme se rendit compte qu'elle ne sentait plus ses orteils et décida qu'il était temps d'aller dormir, demain serait une longue journée. Elle espérait que Drago fut endormi quand elle rentrerait dans la chambre, évitant ainsi les regards gênés et les battements de cœur trop rapides.

Mais alors qu'elle tournait la poignée de la porte, résonna dans la nuit noire l'un des bruits qu'elle détestait le plus au monde...

Hermione eut à peine le temps de se retourner qu'elle fut aveuglée par une lumière jour avant de tomber lourdement sur le sol, la joue écrasée contre le trottoir gelé. Ses membres étaient totalement paralysés, seules ses prunelles s'agitaient de panique. Un petit rire grave s'éleva dans son dos, et il fut vite rejoint par deux autres qu'Hermione n'avait pas entendu transplaner. Elle entendit l'un d'eux s'approcher et sentit alors un violent coup de pied qui la fit permuter sur le dos, telle une poupée de chiffon. Elle put enfin apercevoir les trois Mangemorts encagoulés qui lui apparaissent immense au dessus d'elle, leur longue cape noire parfaitement lisse recouvrant jusqu'à leurs pieds.

Celui qui l'avait retournée prit alors la parole, une voix qui lui était familière et pourtant, elle ne sut la reconnaître :

- Regardez-moi ça...La célèbre Hermione Granger, si douée m'a-t-on dit, va mourir d'une façon pitoyable et d'une facilité presque écoeurante.

Il redevint silencieux pour quelques secondes qui semblèrent infinies à l'ancienne Gryffondor, puis s'accroupie à terre, si près qu'Hermione put sentir son souffle rauque érafler son visage. Sa bouche apparut à la lumière, tirée en un affreux rictus. Si Hermione n'avait pas été paralysée, elle aurait sursauté au contact du bâton rigide qui s'enfonça dans sa joue.

- Quelle horreur...murmura-t-il en lui faisant pivoter la tête avec le bout de sa baguette magique. Comment une telle chose peut-elle naître ? Les gens de sa race me répugnent, ils sont encore plus faibles que les moldus, leur place n'est pas dans le monde de la magie, ou alors au même rang que les elfes de maisons.

- On devrait se dépêcher, pressa alors une autre voix.

Mais le Mangemort qui fixait intensément Hermione ne sembla même pas l'entendre, comme absorbé par sa proie qu'il prenait plaisir à affaiblir, tout en cherchant des réponses à ses propres questions. Sa voix glaciale était empreinte d'un dégoût si profond qu'Hermione pouvait même le ressentir à travers la pression douloureuse de sa baguette qui appuyait de plus en plus fort.

- Comment a-t-il pu tomber amoureux de ça ? poursuivait-il sans jamais s'adresser à elle, comme s'il inspectait un cadavre. Qu'est-ce qu'elle a bien pu lui faire pour qu'une telle immondice ose ne serait-ce que rentrer dans sa vie ? Comment est-il possible de s'attacher à quelque chose qui répugne naturellement ? De trouver de l'intérêt à ce qui ne peut en avoir ?

- N'oublie pas qu'il n'est pas loin, avertit la troisième voix. On ferait mieux d'en finir maintenant.

- Mais ce qui me perturbe le plus dans tout ça, continua le Mangemort sans prêter la moindre attention aux deux autres. C'est qu'ils osent nous attribuer le rôle des méchants. Ces choses ne sont pas assez intelligentes pour comprendre que dans l'histoire, ce sont nous les gentils, et eux les monstres...

Hermione, dont les yeux au début n'arrêtaient pas de s'affoler, avaient cessé tout mouvements pour tenter de regarder ceux de l'ennemi. Mais sous la cagoule noire, ils ne pouvaient que fixer un point imaginaire et pourtant, elle sentait qu'ils échangeaient le même regard.

- Pourquoi toi...murmura-t-il alors si doucement qu'elle fut seule à l'entendre.

- Yaxley ! s'écria soudain l'un des Mangemorts, apeuré.

Ce dernier finit par s'arracher à sa contemplation pour bondir sur ses pieds, baguette tendue. Hermione entendit des cris de peur et de douleurs, mais il lui était impossible de se tourner vers l'action. Tout à coup, elle aperçut ce qui semblait tant effrayer ses ennemis : une lueur rouge flamboyante passa à toute vitesse devant ses yeux, dont le bruit d'une lame tranchante siffla à ses oreilles. Un des trois Mangemorts pénétra alors dans son champs de vision : harcelé par cette même lumière rouge qui semblait la griffer au sang, il hurlait en lançant des sorts à tort et à travers, se protégeant le visage de son autre main. Mais elle ne put voir la scène plus longtemps, car l'autre Mangemort qui était parvenu à immobiliser sa propre lueur assassine mais dont le sang s'écoulait en abondance sous sa capuche, s'était posté devant elle avec la baguette pointée en sa direction :

- Je savais qu'il fallait te tuer vite sale Sang-de-Bourbe ! Tu n'attires que les ennuis !

- Non ! hurla alors une voix qu'elle reconnût comme celle de Yaxley.

Le Mangemort se tourna vers lui, effaré.

- Quoi ? Serais-tu devenu fou ! Elle n'a aucun intérêt pour nous !

- Elle en a pour moi ! s'éleva alors une voix grave qui enflamma le cœur de la jeune femme, toujours allongée à terre.

Elle vit le Mangemort qui était devant elle voltiger avec une telle puissance qu'il alla s'écraser contre le toit de la maison voisine, faisant tomber au passage des tuiles rouges dans un tonnerre de fracas. Elle vit Yaxley reculer prudemment vers son autre compagnon en sang qui luttait contre la mort, le visage défiguré par la peur. Ils transplanèrent de justesse, évitant l'éclair vert qui vint s'exploser contre le mur. Drago pesta de rage. Un autre « pop », signifia que le troisième Mangemort venait de s'enfuir. Les deux lueurs rouges qui volaient encore dans l'air ne semblaient pas en vouloir à Drago et disparurent à l'horizon à la vitesse d'une étoile filante, tandis que ce dernier se précipitait vers Hermione. Elle fut surprise de lire autant d'inquiétude sur son visage.

- Enervatum, prononça-t-il.

Malgré le fait qu'Hermione ait retrouvé sa mobilité, elle ne bougea pas d'un centimètre, pétrifiée par ce qu'elle venait de vivre. Et alors que des centaines de questions se bousculaient dans sa tête, elle réalisa soudain que Drago l'avait légèrement relevée et qu'à présent, il la serrait fort contre lui

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