Chapitre 3

Le jour arriva, et avec lui, les réelles retrouvailles des maraudeurs. Tout de même, cela faisait un mois et demi qu'ils ne s'étaient pas vus, et même si les lettres ou les miroirs leur permettaient de communiquer, ce n'était définitivement pas la même chose. Et cela méritait d'être fêté dignement. Les garçons décidèrent d'emmener un pique-nique à manger sur la plage, James agrémentant le panier de quelques petits ajouts de sa composition.

Et lorsque les trois garçons partirent devant, bras dessus bras dessous, les cheveux au vent et le rire au soleil, Remus se demanda vaguement ce qui se passerait quand Poudlard serait fini. Penser qu'il ne restait plus qu'un an, une toute petite année, lui donna un étrange vertige, comme s'il venait de réaliser quelque chose. Évidemment ce ne serait pas la fin de leur amitié, mais ce serait très certainement la fin de quelque chose. Il essaya de repousser cette pensée dans un coin de son cerveau, n'y parvint pas, courut rejoindre ses amis.

Ils étaient beaux, tous les quatre, sous la lumière crue d'août, dans l'odeur de la mer. Ça aurait mérité une photo, pensa Peter. Mais aucun d'eux ne possédait d'appareil photo. Dommage. Il n'aurait qu'à le dessiner, plus tard, d'après ses souvenirs. Il n'avait pas un style extraordinaire, mais possédait un certain talent pour retranscrire une scène de mémoire. C'était d'ailleurs lui qui avait dessiné la carte, des années plus tôt. Peter pensait souvent qu'il ne serait rien sans ses amis, ce qui était faux. Mais il est vrai que les maraudeurs avaient réussi à faire ressortir le meilleur chez lui, et à lui faire oublier qu'il n'était censé être qu'un petit cancre pas très sûr de lui. Peter Pettigrow était un maraudeur, et c'était ce dont il était le plus fier dans sa vie. Et personne n'avait encore réussi à lui faire penser autre chose.

Ils s'installèrent sur le sable, en discutant pour rattraper le temps perdu. Sirius évitait soigneusement de parler de son été, et tout le monde comprit que l'épisode d'hier était clôt. Sauf peut-être Remus, qui voyait la plaie encore ouverte de Sirius. Il ne savait jamais quoi faire dans ces moments-là, à part être là, et écouter. Mais Sirius n'était pas le garçon le plus communiquant que la terre ait connue, et Remus ne pouvait pas le lui reprocher, préférant lui-même éviter les sujets difficiles, plutôt que d'en parler librement. On espère toujours un peu que les choses dont on ne parle pas finiront par disparaitre, ou au moins par s'effacer un peu, faute d'attention. Mais malheureusement -ou pas-, la vérité et les défauts sont toujours beaucoup plus visibles sur les autres.

Encore une fois, sa beauté le frappa. Le col de la chemise défait et froissé, le sourire aux lèvres et les yeux lumineux, Sirius rayonnait.

James, qui rigolait avec lui, qui rigolait pour lui, savait que ça ne durerait sûrement pas, que la joie des retrouvailles finiraient par se faner, trop vite, pour ne laisser que la colère, la culpabilité et l'éternelle douleur du départ. Mais pour le moment, il se contentait de profiter, en sachant qu'il lui faudrait recoller les morceaux du coeur du Sirius plus tard. Plus tard.

James était vraiment enchanté de pouvoir revoir ses amis avant la rentrée, et encore plus heureux d'avoir pu organiser cette fête. Frank lui manquait, et les filles aussi. Lily un peu plus que les autres bien sûr -son estomac fit un saut dans son ventre à l'idée de la revoir le lendemain-, mais chacune des autres aussi, même s'il ne se l'avouait qu'à moitié. Il s'était attaché profondément à chacune d'elles, comme seul James Potter savait le faire, en y mettant toute son âme sans penser une seule seconde aux risques encourus.

Alice, son calme et sa lumière rassurante, lui manquait. Marlene, sa voix trop forte, sa bonne humeur et son insolence, lui manquait. Dorcas, son regard qui vous fouillait au fond de l'âme, ses réparties et son intelligence, lui manquait. Lily, ses cheveux roux, ses yeux vert, ses tâches de rousseur, son sourire, sa gentillesse, son émerveillement, son courage, lui manquait, évidemment. Quant à Emmeline, il n'avait encore eu l'occasion de la connaitre, mais de ce qu'il avait pu voir d'elle, son indépendance et son impulsivité lui plaisaient.

Oh oui, tout ce beau monde manquait à James, et s'il fallait dire la vérité, les maraudeurs n'auraient certainement pas été les mêmes sans les amis et les filles qui les entouraient.

- Cette fête est définitivement une idée de génie. Qui a proposé ça, déjà ? demanda-t-il à ses amis.

Un silence, seulement rempli par un soupir de Remus, qui avait anticipé la prochaine réplique de James.

- Ah oui, bien sûr, c'est moi, fit James en se recoiffant dans un geste d'arrogance parfaitement insupportable.

- T'aurais pas oublié ta modestie en sixième année, Prongs ? questionna Sirius en riant.

- Mais pas du tout !

- Pour la bonne et simple raison qu'elle n'a jamais existé, le coupa Remus d'un air mi-excédé mi-amusé.

L'expression habituelle de Remus, quoi.

- Je te trouve un peu dur, Moony, relança Peter.

- Vraiment ? Cite moi une fois où James a fait preuve de modestie.

- Personnellement, je considère le fait qu'il n'ait pas encore une seule fois mentionné qu'il a été nommé préfet-en-chef comme un véritable exploit.

- Tu quoi ?! s'étrangla Remus en recrachant la moitié du jus de citrouille qu'il venait de boire.

- Sérieux, James ? demanda Sirius, effaré.

- Faut croire, oui. J'ai vérifié quinze fois que ce n'était pas une blague, mais l'insigne a l'air trop brillant pour être un faux. Et puis la signature de McGonagall est assez inimitable.

- Mais c'est...

- Complètement dingue ! compléta Sirius, soudain très excité.

- Je n'arrive pas à savoir si c'est un compliment ou pas...

- Tu rigoles ?! C'est génial ! On va pouvoir rentrer dans la salle de bain des préfets-en-chef, maintenant !

- Pads, je te rappelle qu'on l'a déjà fait.

- Je sais, mais là ce sera en toute légalité ! Enfin, pour toi.

- Ouais, je ne sais pas, ça enlève tout le côté amusant, non ?

- En tout cas, je vois d'ici les mille et une façons dont on va faire tourner Minnie en bourrique.

- Ça, aussi, on l'a déjà fait.

- Tu marques un point. Mais on innovera !

Les deux complices se tapèrent dans la main, les yeux brillants de tous les mauvais coups qui leur restaient à fomenter.

- Par les fondateurs de Poudlard, qu'est-ce qui a bien pu pousser McGonagall et Dumbledore à te nommer préfet-en-chef, toi ? demanda Remus, abasourdi.

- Fais attention, Moony, je vais finir par être vexé, fit James avec un clin d'oeil.

Remus lui tira la langue, pour répondre quelque chose.

- Mais tu ne m'en veux pas de t'avoir volé ta place, j'espère ? reprit le nouveau préfet-en-chef, soudain inquiet.

- Bien sûr que non, James. De toute façon, j'en avais parlé avec McGonagall, et on avait convenu que ce ne serait pas une bonne idée de me rajouter une charge de travail, entre les ASPICs en fin d'année, et les métamorphoses... Mais alors si j'avais su qu'ils pensaient à toi !

- Eh oui, Remus, tout le monde ne me voit pas comme un petit con arrogant, il faut croire !

- Ils doivent avoir besoin de lunettes, alors, répliqua Sirius avec un sourire.

- Va te faire foutre, Black. Et n'oublie pas que je peux te mettre en retenue, si tu me tapes trop sur les nerfs, maintenant !

- Oh non, monsieur le préfet-en-chef, pardonnez moi, je vous en prie, je ne voulais pas vous contrarier. Vous voulez que je cire vos chaussures, aussi ?

- Boarf, puisque tu me le proposes... Je vais pas dire non !

Les quatre maraudeurs éclatèrent en même temps d'un grand rire, qui libéra leur poumons et leur esprits. Ils étaient tellement bien, tous les quatre, sur cette plage. Si seulement ça pouvait durer toujours. Ou du moins une petite éternité.

Un peu plus tard, ils se retrouvèrent à déambuler sans but, cherchant l'endroit parfait pour la fête du lendemain soir, rêvassant au soleil.

- C'est quoi, la chose que vous aimeriez vraiment, pour notre septième année ? demanda soudain Peter.

Les trois autres restèrent silencieux, surpris par la profondeur de leur question, et la soudaine importance qu'allait avoir leur réponse.

- On n'est obligés de dire que des choses réalistes, ou...? vérifia James, et on pouvait voir à son visage qu'il avait déjà une liste assez conséquente en tête.

- Bah oui. Ça ne sert à rien d'espérer que des choses irréalisables se réalisent, répondit Remus.

- Tu sais, Moony, si tout le monde pensait comme toi, on aurait raté beaucoup de découvertes, et encore plus de folies.

- Ce n'est pas plus mal, non, pour les folies ?

- Au contraire. La folie et le génie sont deux choses incroyablement proches, et il faut souvent un peu de la première pour créer le second, professa James d'un air très sérieux.

- Bon, en attendant, vous n'avez toujours pas répondu à ma question, s'impatienta Peter.

Sirius n'avait encore rien dit. D'habitude, il évitait de se pencher sur ce qu'il voulait, surtout à long terme, parce que ça dérapait beaucoup trop vite. Il voulait que Regulus redevienne son frère, il voulait que sa famille abandonne leurs idéaux, il voulait revoir sa cousine, il voulait aimer Remus librement, il voulait passer sa vie avec les maraudeurs, il ne voulait pas grandir, il voulait que les choses redeviennent simples même s'il elles ne l'avaient jamais été, il voulait que le monde change, il voulait changer le monde, et changer lui, il voulait arrêter d'avoir peur, et mal, tout le temps. Oui, Sirius voulait beaucoup de choses, mais il faisait semblant de ne pas savoir quoi, c'était plus facile comme ça.

- Sortir avec Lily, j'imagine, dit enfin James.

- Des choses réalistes, on a dit, répondit Sirius, goguenard.

- Oh la ferme, Pads. Cette année, ce sera la bonne, j'en suis sûr.

- J'espère pour toi, parce que c'est ta dernière chance.

- Merci des encouragements, en tout cas.

- Et toi, Remus ?

- Je ne sais pas... Vivre heureux, je suppose. C'est ce que tout le monde veut, non ?

- Je crois que le bonheur est beaucoup trop surcôté. À mon avis, il suffit de trois amis géniaux, d'un château à foutre en l'air, d'une bonne dose de conneries, et le tour est joué ! contredit Sirius.

Derrière la blague, James sentit nettement la blessure affleurer, jamais bien loin, toujours prête à ressurgir.

- C'est juste parce que tu viens de donner la définition du bonheur, Pads, renchérit-il pour oublier le reste.

- Et toi, Peter ? Qu'est-ce que tu voudrais ?

- Réussir mes ASPICs, ce serait déjà pas mal, répondit-il, songeur.

- Oh, mais c'est que Remus déteint sur toi, mon petit Pete !

- Sirius ?

Un silence. Un sourire. Il était prêt.

- Je veux vivre la meilleure année de toute mon existence. Et je veux m'assurer que Poudlard ne nous oubliera jamais, jamais.

- Compte sur moi pour t'aider, Pads, dit James, déjà enthousiaste.

- Et vous ? Remus ?

- Ai-je vraiment le choix ? soupira théâtralement ce dernier.

- Oui, bien sûr ! Tu nous aimes juste beaucoup trop pour refuser.

- Peter ?

- Eh ben, je ne sais pas, il va y avoir beaucoup de travail, cette année, et...

- Tu rigoles ou quoi ? Tu ne vas pas nous lâcher maintenant ! s'indigna James.

- Mais bien sûr que je rigole ! Je ne raterais ça pour rien au monde.

- Ah, tu m'as fait peur !

- Mais enfin, vous savez ce qu'on dit : quand on est un maraudeur, c'est pour la vie, et c'est jusqu'à la mort.

- Ah bon, on dit ça ? demanda Sirius, dubitatif.

- Non, je viens juste de l'inventer, répondit Peter en riant.

- Je me disais aussi, que ça ne sonnait pas si bien.

Un rire général, qui prenait tout l'espace et qui résonnait longtemps après qu'il se soit éteint.

- Mais James, tu ne crois pas qu'avec ton nouveau rôle de Préfet-en-chef, tu devrais y aller mollo ? tenta tout de même Remus.

- Boarf, ils connaissaient les risques, quand ils m'ont nommé. Et puis, je me dis qu'être écorché vif par McGonagall, c'est aussi une bonne manière de rester dans les mémoires !

Les maraudeurs riaient ensemble, mais au fond de leurs yeux, on pouvait clairement voir une étincelle. L'étincelle qui rendait leur amitié si hors norme, si fulgurante et si intense. L'étincelle qui les faisait tenir quand c'était trop difficile. L'étincelle qui éclairait déjà leur existence, et l'étincelle qui allait définitivement mettre le feu au château.

***

NDA : Si vous aviez encore des doutes, je vous confirme que je les aime du plus profond de mon coeur.

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