Chapitre 19
McGonagall n'ayant rien dit à propos d'inviter des élèves plus jeunes, les septièmes furent encouragés à inviter leurs amis des années en dessous s'ils le souhaitaient.
- Plus on est de fous, plus on rit, avait dit James avec un grand sourire.
Les trois autres avaient haussé les épaules ; tant que les quatre maraudeurs étaient là, c'était l'essentiel. Ils auraient sûrement du se douter que James Potter ne faisait rien au hasard et avait toujours une idée derrière la tête. Ce ne fut que quelques jours plus tard que James leur révéla son plan, avec une phrase en l'air, mine de rien. Tu parles.
- Sirius ?
- Hum ?
- Tu penses que ses amis de Serpentard ont invité Regulus à la fête du nouvel an ?
- Pardon ? dit Sirius en relevant la tête de son livre de Potions.
Il n'était pas habitué à ce que ses amis abordent le sujet de sa famille, et particulièrement de son frère avec autant de légèreté. Mais James se permettait tout, surtout avec Sirius, et s'il y avait bien une chose qu'il avait en quantité, c'était de la légèreté. ll répéta sa phrase comme si de rien n'était, alors que Remus et Peter écoutaient la conversation avec prudence.
- Aucune idée, répondit Sirius, pas sèchement mais pas doucement non plus. Comment voudrais-tu que je sache ?
- Oh, je ne sais pas, tu aurais pu entendre des bruits de couloir...
- Je n'ai rien entendu, et de toute façon, Regulus fait bien ce qu'il veut, ça ne me concerne plus.
- D'accord, d'accord. Je me demandais juste.
Sirius fronça les sourcils, mais il ne voulait plus en parler. Malgré tout, James ne lâchait pas aussi facilement.
- Mais dans l'idée, tu voudrais qu'il soit là ?
- Dans l'idée ? Où est-ce que tu veux en venir, James ?
- Eh bien... Si tu me le demandes...
Sirius le regardait avec de l'orage dans les yeux, et il se sentit soudain étrangement proche de tous ces gens qui trouvaient James agaçant.
- Est-ce que tu m'en voudrais vraiment beaucoup si j'avais invité Regulus à la soirée de l'année ?
- Tu as fait quoi ? demanda Sirius, pris de court.
- Écoute, ce n'est pas parce que vos relations ne sont pas toujours au beau-fixe qu'il mérite de rater cette fête historique. Alors j'ai pris cette liberté. Tu me remercieras un jour, tu verras, acheva-t-il avec un ton de mère poule.
Sirius ne dit rien pendant un moment, et James eut - peut-être - un peu peur. Mais il finit par secouer la tête, et avoir un éclat de rire.
- Je doute de te remercier un jour, Prongs, mais Merlin sait que je te pardonnerais toujours tout. Tant mieux pour Regulus s'il peut s'amuser, j'imagine. Mais j'espère que tu ne lui as pas dit que l'invitation venait de moi, quand même.
- Oh non, j'aurais pas osé ! répondit James, largement soulagé.
Sirius leva un sourcil, comme pour dire « Y a-t-il une seule chose dans ce monde que tu n'oserais pas ? » puis il rit encore un peu et retourna à son devoir de Potions. Remus lança un regard à James en riant lui aussi, peut-être parce qu'il était soulagé aussi de voir le ciel de Sirius se dégager aussi, ou parce que l'indécence et l'inconscience de James ne pouvaient qu'être admirées. Son ami lui rendit son sourire lumineux qui les faisait tous fondre de l'intérieur. Et Remus crut voir une étincelle de malice comploteuse briller encore dans ses yeux, sans en être sûr.
Il avait raison, bien entendu, car nul n'était plus observateur que Remus Lupin. James était encore en train de préparer un de ces plans qu'il affectionnait tant. En vérité, il n'avait pas soufflé un mot à Regulus à propos de la fête, il n'avait même pas vu le jeune homme depuis plusieurs jours. Il ne voulait absolument pas faire ça avant d'être sûr que Sirius le supporterait, au moins. Peut-être qu'il avait déjà été invité par d'autres Serpentards, mais James n'allait pas laisser une opportunité de voir les deux frères se côtoyer reposer sur la chance. Et puis, d'après ce qu'il avait observé, Regulus n'avait pas beaucoup d'amis proches, mais principalement des camarades qui partageaient de près ou de loin ses idées. Et encore, il était rare de le voir participer aux défilés ridicules de la clique des Ténèbres, arborant fièrement leurs tatouages pour ceux qui en avaient, ricanant et se sentant supérieur sans aucune raison. Ce qui rassurait James, pour être honnête.
Depuis qu'il avait rencontré Regulus, quand Sirius les avait présenté au détour d'un couloir lorsqu'ils s'entendaient encore à peu près bien, James avait en quelque sorte pris le jeune homme sous son aile. Enfin, c'était beaucoup dire, puisqu'ils se parlaient rarement, mais James gardait toujours un oeil sur lui, et il était arrivé plusieurs fois qu'il vienne lui parler de Sirius ou d'autre chose. Il l'avait toujours trouvé touchant, dans sa solitude et son obscurité, comme si ce n'était qu'un masque pour cacher sa lumière intérieure. Il lui faisait parfois penser à Sirius, et pour être tout à fait sincère, James pensait que Sirius aurait pu devenir exactement le même s'il avait été envoyé à Serpentard. Mais bien sûr, son ami ne verrait jamais les choses comme ça. Il ne voyait que la lâcheté de Regulus, qui refusait de renoncer à tout comme il l'avait fait, ou plutôt non justement, de prendre tout ce qu'on lui avait refusé. James, lui, ne considérait pas ça comme de la lâcheté. Il n'arrivait pas bien à savoir pourquoi, mais il avait une immense empathie pour Regulus, et il avait l'impression qu'il le comprenait. N'importe qui d'autre aurait peut-être cherché à en savoir plus, mais c'était James Potter, et il se contentait de suivre son coeur là où il le menait.
En se rendant à son cours de Sortilèges, il croisa Regulus, qui le regarda puis baissa les yeux comme s'il avait fait quelque chose de mal. James fit un pas de côté, et tout d'un coup, patatras, il avait bousculé le jeune homme qui en avait fait tomber son sac. Regulus le regarda avec de grands yeux, ne comprenant pas. James se baissa immédiatement pour ramasser son sac, se confondant en excuses et maudissant sa maladresse.
- Regarde un peu où tu vas, Potter, cracha un des acolytes de Regulus.
- Oh, excuse moi, McNair, c'est de me retrouver face à un tel talent du Quidditch, ça m'a fait tourner la tête, répliqua le jeune homme.
Il était notoire que McNair s'était fait renvoyé de l'équipe de Serpentard après y être entré grâce à sa famille, tellement il était une catastrophe sur balai. Le jeune homme fronça les sourcils, et chercha quelque chose à dire.
- Et loquace, avec ça. Tu ne veux pas me signer un autographe ? taquina James, juste parce qu'il pouvait.
- La ferme, Potter, finit par grommeler McNair.
- À vos ordres, capitaine !
James fit un grand sourire au Serpentard qui fulminait, et rendit son sac avec un clin d'oeil à un Regulus perdu.
Peter, qui était avec James, lui lança également un regard d'incompréhension.
- C'était quoi, ça, exactement ?
James se contenta de joyeusement hausser les épaules et entra dans la classe de Sortilèges.
Retrouve moi à minuit au septième étage, près de la statue de Berthe l'Enchanteuse de Lutins (si tu ne sais pas laquelle c'est, elle a l'air de se curer le nez (Sirius dit qu'elle ressemble à votre grande-tante)). C'est ce que disait le mot que Regulus avait trouvé dans son sac en rentrant dans son dortoir après les cours. Il était signé d'un simple J, ce qui lui avait fait levé les yeux au ciel. Quand Rodolphus lui avait demandé ce qu'il lisait, il avait haussé les épaules et avait froissé le bout de parchemin avant de le brûler à une bougie. Rodolphus n'avait pas insisté. Regulus ne parlait jamais beaucoup et il était toujours un peu imprévisible.
Il considéra ne pas y aller, juste pour lui montrer qu'il s'en fichait, mais la vérité, c'est ce qu'il ne s'en fichait pas du tout. Au contraire, il était incroyablement curieux de savoir ce qu'il pouvait bien avoir à lui dire. Ça faisait même battre son coeur un peu fort. Et puis toutes ces précautions, toutes ces idioties, Regulus savait que James le faisait pour lui, parce que le Gryffondor n'aurait eu aucun problème à parler avec Regulus devant tout Poudlard. Mais la dernière fois qu'il l'avait fait, ses camarades de Serpentard l'avait regardé bizarrement pendant toute la semaine qui avait suivi. Enfin, plus bizarrement que d'habitude en tout cas. James avait dû en entendre parler. C'était bête, mais Regulus n'avait pas l'habitude que quelqu'un fasse tout ça pour lui. Il n'avait pas l'habitude que quiconque fasse quoique ce soit pour lui, en fait. Et c'était dangereusement plaisant, il devait l'avouer. Et puis penser que James abandonnerait son dortoir en pleine nuit, pour lui parler à lui, ça le faisait sentir spécial. James avait ce don, juste en donnant un peu d'attention aux gens, c'était comme s'il leur transmettait un peu de sa lumière. C'était en partie pour ça que tant d'élèves lui tournaient autour comme des insectes, d'ailleurs. Et Regulus, malgré sa personnalité taciturne, malgré son apparence de détachement complet, ne faisait pas exception. Alors, il se retrouva devant la fameuse statue du septième étage à attendre James, à penser que Sirius avait raison parce qu'elle ressemblait vraiment à leur grande-tante (ce qui n'était absolument pas un compliment).
- Oh, tu es venu ! dit soudain James en apparaissant quasiment de nulle part. J'étais pas sûr.
- Moi non plus, répondit froidement Regulus.
- Désolé du retard, reprit James comme s'il n'avait rien dit. Je devais remplir mes devoirs de Préfet-en-Chef, enfin, tu sais.
- Non, je ne sais pas, mais ce n'est pas grave.
James le regarda avec un sourire, comme s'il le trouvait intéressant. Et c'était le cas. C'était aussi ça que James aimait chez Regulus : il arrivait toujours à le surprendre. Et il y avait peu de gens qui réussissaient à surprendre James Potter.
- Enfin bon... Allez viens, on va pas rester dans le couloir.
Le Gryffondor prit les devants et ouvrit une porte proche, puis s'inclina devant Regulus comme s'il était noble pour le laisser passer. Il leva les yeux au ciel mais entra. C'était une classe qui apparemment n'était plus utilisée depuis longtemps, vu l'état du matériel et la poussière qui recouvrait tout.
- On l'a découvert y a pas longtemps, confia James. Ça avait l'air d'être une salle de Métamorphose, d'après les antisèches gravées sur les tables.
Regulus ne dit rien et se contenta de lever un sourcil, comme pour dire « bon, tu as fini de jouer ? ». James se mordit les lèvres et sourit encore.
- Bon, si je t'ai donné rendez-vous...
- Rendez-vous ? le coupa Regulus. Et sérieusement, signer J ?
- Oui, rendez-vous, monsieur, et oui, signer J. Tu n'aurais quand même apprécié que tous tes camarades sachent que tu vois un Gryffondor dans un endroit sombre au milieu de la nuit ?
- D'abord, je ne fais pas lire ma correspondance à toute ma maison, surtout quand elle me parvient de manière si... peu conventionnelle. Ensuite, je fais ce que je veux.
- Ah oui ? Comme c'est mignon.
- Ne commence pas à te moquer de moi, Potter, sinon je repars tout de suite. Tu as déjà de la chance que je sois venu.
Les deux jeunes hommes se regardèrent, un peu surpris que la tension ait éclatée si vite. Un peu déçus.
- C'est Sirius qui t'a demandé de venir me parler ? demanda finalement Regulus.
- Quoi ? Non, pas du tout, répondit James, presque blessé. Il n'est même pas au courant que je suis là.
Regulus eut une pointe de satisfaction qu'il regretta aussitôt.
- Bon, alors pourquoi ?
- Je voulais juste... Je ne sais pas si tu es au courant, mais les septièmes années font une fête pour le Nouvel An, et on s'est mis d'accord pour inviter qui on voulait des années en dessous, tant qu'ils étaient sympas. J'imagine que tes amis de Serpentard t'ont déjà invité, mais...
Le jeune homme hésita à mentir pour garder la face, mais ne vit pas l'interêt. Et puis, on n'arrive pas à mentir à James.
- Non.
- Bon, eh ben, c'est moi qui le fait alors ! dit James avec un sourire, sans aucun jugement. Tu veux bien venir ?
- Je suis quelqu'un de sympa, moi ? répliqua Regulus, sceptique.
- Bien sûr, quand on te connait.
- Tu ne me connais pas.
- Mieux que la plupart des tes camarades de maison, je crois.
- C'est quoi ton but, James ? soupira Regulus, acculé, ne se rendant même pas compte qu'il l'appelait par son prénom.
James avait une manière de dire la vérité si simplement qu'on pouvait difficilement s'en sortir face à lui.
- T'inviter à la soirée, je te l'ai dit.
- Mais pourquoi tu voudrais m'inviter à votre soirée ? On n'est même pas amis, et tu sais que Sirius va le prendre mal. Et puis qui te dit que j'ai envie d'y aller ?
- Sirius ne le prendra pas mal, je te le jure.
- Comment tu le sais ?
- Je le sais. Je connais ton frère au moins aussi bien que toi, tu ne peux pas le nier. Et puis, rien ne t'oblige à venir. Mais tu passeras juste à côté de la fête de l'année. Et puis ça pourrait aussi être l'occasion de repartir sur des bonnes bases, avec Sirius.
- Ah, c'est donc ça, lâcha simplement Regulus.
James sentit qu'il lui filait entre les doigts, il s'empressa de se justifier.
- Non, non, non, ce n'est pas que pour ça, enfin, évidemment que je préfèrerais que vous ne soyez plus aussi éloignés, parce que je sais que ça vous fait souffrir tous les deux, mais ce n'est pas la seule raison. Enfin, Regulus, viens, et on verra peut-être qu'on n'est pas si différents. On le sait déjà. Tu dis qu'on n'est même pas amis, et ben justement, pourquoi pas ? Qu'est-ce qui nous en empêche ? Je te trouve sympa, tu me trouves sympa, alors pourquoi est-ce qu'on ne serait pas amis ? Viens, et on leur fait un gros doigt d'honneur à tous, et on devient amis.
Regulus sentit quelque chose de dangereux lui monter dans la gorge. Quelque chose comme de l'émotion, ou peut-être de l'envie. Regulus ne savait pas que James ne devait pas souvent convaincre les gens, parce que les gens étaient convaincus dès le début, il ne savait pas que le jeune homme venait de lui offrir quelque chose de rare. Mais Regulus était perdu, confus, et il ne savait pas quoi faire de toutes ces choses qu'ils ressentaient en même temps. Comme il ne savait pas gérer ses émotions, parce que personne ne lui avait jamais appris, il les faisait taire.
- On... murmura Regulus, et se rendit compte que le pronom était déjà un pas de trop. Toi et moi, on ne peut pas être amis. T'es à Gryffondor, je suis à Serpentard...
- Oh, s'il te plait, Regulus, on a 17 ans, enfin, 15, je croyais qu'on était au dessus de ça.
- Bien sûr qu'on n'est pas au dessus de ça, James, et tu le sais, et nos enfants ne seront pas au dessus de ça non plus. C'est là depuis trop longtemps pour que ça change en un claquement de doigts.
- Et ça devrait nous empêcher d'essayer ?
- James, je... Tu ne devrais même pas me trouver sympa, je suis tout ce contre quoi tu te bats.
- Et pourtant je te trouve sympa. Alors qu'est-ce qu'on fait ?
Regulus ne répondit pas. Parce qu'il ne savait pas. Et qu'il avait peur. Il se sentait au bord d'une falaise et n'était absolument pas prêt à sauter. Ou l'était-il ?
- Allez, Regulus. Juste dis oui. C'est facile.
- C'est tout sauf facile, et tu le sais très bien.
Il le savait.
- Hey, Sirius a...
- Je ne suis pas Sirius, coupa brusquement le jeune homme.
- Je suis au courant. Et c'est ce que je m'apprêtais à dire. Sirius a fait de choix, et tu n'as pas à faire les mêmes. Tu n'as pas à être Sirius, à suivre sa voie. Ni celle de tes parents. À toi de créer la tienne. Il y a tellement de possibilités, Regulus. De quoi t'as peur ?
De tout, il avait peur de tout. De décevoir, surtout. De ne pas être la hauteur.
- Quand est-ce que tu vas arrêter de vivre ta vie pour les autres ? On n'en a qu'une, tu sais.
- Sans blague, Potter, répliqua le jeune homme pour dire quelque chose.
- Je te promets. T'as pas envie de mourir en ayant raté la fête de ta vie, pas vrai ?
Regulus laissa passer un silence, puis un sourire. Le premier. Timide, mais une victoire.
- La ferme, Potter.
- Ouch. McNair t'a transmis son talent d'orateur, ou quoi ? dit James avec un grand sourire.
Ils eurent un petit éclat de rire commun, qui sonna étrangement intime.
- Je vais venir, annonça-t-il avant de faire une pause. Mais ça ne veut pas dire qu'on est amis, vu ?
James le regarda avec un tel plaisir qu'il illumina quasiment la pièce. Regulus faillit rougir.
- Pour moi, si ! C'est trop tard, tu ne peux pas revenir en arrière !
Le Serpentard quitta la classe, un petit rire soulevant ses épaules. Tandis qu'il marchait dans le couloir pour revenir à son dortoir, il entendit James crier dans la salle vide :
- Je suis ami avec Regulus Black !
***
NDA : Je ne pouvais pas résister à la tentation de mettre un peu de Jegulus dans cette histoire. C'est improbable, et c'est pour ça que c'est beau. (Ça se voit que je ne sais pas faire de choix ? Parfait.)
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