Chapitre 18

En pensant exclusivement au fait que la plupart des étudiants seraient rentrés de leurs vacances en famille, et absolument pas à une certaine pleine lune qui tombait mal, James eut la brillante idée de vouloir organiser une fête du nouvel an.

- C'est parfait, argumenta-t-il. Ça nous laisse une petite semaine pour nous remettre de Noël, dit-il en appuyant sur le mot en regardant Remus, et puis tout le monde sera là puisque les cours reprennent deux jours plus tard.

- C'est peut-être ça, le problème. Les cours reprennent deux jours plus tard. Est-ce que c'est vraiment raisonnable ?

Remus ne voulait évidemment pas que tout le monde change son emploi du temps juste à cause de lui.

- Oh Remus. Je croyais qu'on était au-dessus de ce prétendu comportement de préfet, on sait tous très bien qui va nous aider à trouver le lieu parfait pour cette fête.

- Oui, en fait tu es préfet en chef, James Potter, et tu devrais avoir ce comportement à ma place.

- Au moins, moi je ne fais pas semblant de m'inquiéter de notre état de concentration le matin de la rentrée.

- Ça, personne n'en doute, rigola Sirius.

- Bref, maintenant qu'on est tous d'accord sur le fait que c'est une idée géniale, on peut commencer l'organisation.

Les maraudeurs, tous acquis à l'idée finalement, ne parlèrent plus que de ça pendant les jours suivants, peut-être aussi pour oublier le reste. James se fit réprimander trois fois par McGonagall pendant un double cours de Métamorphoses parce qu'il discutait des différents endroits possibles pour leur fête avec Sirius au lieu de s'investir dans la transformation de son chapeau de sorcier en corbeau. Comme ils passaient leurs ASPICs, leur professeur les faisaient travailler la métamorphose d'objet à forme vivante au lieu de l'inverse. Trois réprimandes, pour la directrice de Gryffondor, c'était trois de trop.

- Potter, ça suffit ! Vous viendrez me voir dans mon bureau pendant la récréation. Et que Mr Lupin, Black et Pettigrow viennent aussi, ça ne pourra pas leur faire de mal.

- Mais Professeure, ils n'ont rien fait ! C'est injuste de les punir avec moi !

- N'aggravez pas votre cas en discutant mes consignes, lui répondit-elle de son ton qui ne souffrait pas de contradiction.

Mais James s'en fichait d'aggraver son cas s'il pouvait éviter ça à ses amis.

- Vous ne pouvez pas...

- Je ne peux pas ? répéta McGonagall avec un sourcil levé, ce qui était déjà assez effrayant. Essayez encore une fois de m'expliquer ce que je peux ou pas faire dans mon propre cours, Potter, et j'enlève cinquante points à Gryffondor. Me suis-je faite comprendre ?

- Parfaitement, Professeure, déglutit James.

C'était une chose d'avoir une semaine de retenue en plus, mais il ne pouvait pas pénaliser aussi lourdement toute sa maison, même pour les beaux yeux des maraudeurs. Il se résolut à prendre son mal en patience et transforma son chapeau en oiseau d'un coup de baguette négligent, ce qui lui attira quelques regards envieux. Sirius à côté de lui, lui mit un coup de coude affectueux pour dire « eh, on s'en fout, tant qu'on est dans cette galère ensemble ». James eut un petit sourire et se tint à carreau pour le restant du cours. Comme quoi, il en était capable (on en venait parfois à en douter).

Les maraudeurs coururent dans le bureau de leur directrice après leur cours. Elle avait réussi l'exploit d'arriver avant eux alors qu'elle était sortie de la classe après eux, ce qui fit dire à Sirius qu'elle connaissait un passage secret dont ils ignoraient l'existence, et qu'il était de leur devoir de le trouver. Les quatre garçons se présentèrent devant leur professeur l'air moitié désolé et moitié malicieux, comme toujours. Lorsque McGonagall les regarda là, alignés comme une fratrie devant leur mère, elle ne put empêcher son coeur de faire un petit bond très embarrassant dont elle ne parlerait jamais à personne. Le sentiment de voir des étoiles filantes traverser le ciel, éblouissant tout sur leur passage, la transperça avec force. Elle avait juste peur qu'ils finissent par se consumer et par disparaitre. Ils deviendraient des légendes, elle le sentait. Elle espérait simplement que ce serait pour les bonnes raisons. Mais pour le moment, ils avaient 17 ans, et les visages d'enfants pris en flagrant délit.

- Mr Potter, commença-t-elle de son habituel ton sévère, on peut dire que vous avez été particulièrement dissipé pendant le cours de ce matin.

- Oui, Professeure, mais -

- Laissez moi parler, Potter. Il me semble que le sujet de vos préoccupations était une certaine célébration que vous vouliez organiser, n'est-ce pas ?

- En effet, répondit James, un peu surpris (il était moins discret qu'il ne le croyait).

Il pensait qu'elle allait le réprimander pour avoir des occupations si futiles au lieu de se concentrer sur la Métamorphose, mais c'est un tout autre discours qu'elle lui servit.

- Il est coutume d'autoriser les septièmes années à célébrer les fêtes hivernales, et si j'ai bien compris cette année il serait judicieux que la fête se déroule pour le nouvel an ?

Elle appuya un regard à Remus qui rougit mais hocha la tête en regardant ses pieds.

- Eh bien, je pense qu'il serait possible de vous laisser occuper la tour d'Astronomie pour ce soir-là.

Les quatre maraudeurs ouvrirent des yeux grands comme des billes. Ils s'attendaient à beaucoup de choses, mais certainement pas à ça.

- Sérieusement ?! éclata Sirius en tapant dans la main de James. Mais c'est... absolument génial !

- Par contre, attention, il y a certaines conditions, les calma McGonagall avec un léger sourire à leurs réactions.

- Tout ce que vous voudrez, Professeure, promit James, des étoiles dans les yeux.

- Tout d'abord, tous les septièmes années doivent être invités. Libres à eux de choisir s'ils viendront ou pas, mais chacun doit être accepté et intégré. Oui, Mr Potter, même les Serpentards.

Ils se renfrognèrent un peu, mais qu'importait. Les serpents ne gâcheraient pas la meilleure nuit de l'année, même s'ils essayaient.

- Ensuite, aucune boisson alcoolisée sera tolérée, excepté la Bièreaubeurre.

- Mais Professeure...

- Nous sommes majeurs, fit timidement remarquer Peter.

- Seul Sirius l'est, si je ne me trompe, répondit sèchement McGonagall en transperçant Peter de son regard si profond. En tout cas, reprit-elle, si l'équipe enseignante en trouve la moindre trace, sachez que la punition ne sera pas prise à la légère.

- On fera en sorte que vous ne le trouviez pas alors, rétorqua Sirius avec son sourire insupportable et irrésistible.

- Faites attention à ne pas trop jouer avec le feu, ou vous vous brûlerez, les prévint la professeure.

- Oh, ne vous inquiétez pas pour nous. Tout ira bien.

McGonagall soupira.

- Enfin, sachez que tout dégât causé au matériel de l'école sera suivi d'une punition collective destiné à réparer les dommages sans magie.

- C'est noté ! Merci Professeure !

Les quatre garçons se ruèrent en dehors, tout excités par la nouvelle, déjà exaltés par tout ce qu'ils allaient pouvoir faire, toutes les règles qu'ils allaient pouvoir transgresser et tout le bonheur que ça leur apporterait. Ils allaient sûrement prendre plus de plaisir à imaginer la soirée qu'à la vivre réellement, mais qu'importait. McGonagall les regarda se bousculer dans le couloir, les mains croisées, se demandant si c'était réellement une bonne idée sans réussir à regretter la décision qu'elle avait prise. S'ils n'étaient pas heureux, quand le seraient-ils ? Elle savait ce qui les attendait en dehors de Poudlard, et elle leur offrait tout ce qu'elle pouvait en prévision de ce qui s'annonçait. Les souvenirs joyeux seraient peut-être tout ce qui leur resterait, alors. Mais elle ne voulait pas y penser tout de suite. Plus tard, se disait-elle. Chaque chose en son temps.

Les maraudeurs répandirent la nouvelle dès qu'ils entrèrent dans la salle commune, et l'information circula dans tout Poudlard en un rien de temps. Étonnamment, ce genre de nouvelles étaient mieux retenues par les élèves que les dates d'examen.

- James, demanda Lily le lendemain, c'est vrai que tu as réussi à convaincre McGonagall de nous laisser fêter le nouvel an dans la tour d'Astronomie ?

Celui-ci prit une posture dramatique de héros tragique.

- En effet, j'ai accompli cette quête au péril de ma vie. J'ai du utiliser mes talents de négociateur, faire valoir mes performances en Métamorphose et peut-être aussi mettre à profit mes beaux yeux, mais j'ai réussi. Je l'ai fait pour nous.

- Pfff, n'importe quoi, Sirius m'a raconté que vous croyiez que vous alliez vous prendre une retenue mais que McGonagall vous avait proposé ça à la place, rétorqua Marlene. Y en a vraiment qui sont favorisés, dans cette école.

- Oh, sois pas jalouse Marlene, toi aussi tu vas en profiter, répondit Peter.

- Mouais, c'est le moins que vous puissiez faire.

Dorcas leva les yeux au ciel mais sourit.

- En gros, la seule chose dans ce que tu as dit, James, c'est que McGonagall vous a laissé la tour d'Astronomie, recentra Lily.

- C'est une manière de voir le choses, se rendit élégamment le concerné. Mais on est obligés d'inviter les Serpentards. Même Rogue pourra venir, s'il a envie, fit-il avec un regard vers Lily et presque pas d'animosité.

La jeune fille haussa simplement les épaules pour montrer que le sujet la touchait peu. Elle en avait marre que chaque fois que ses amis abordaient le sujet, ils se comportent comme si elle était une bombe sur le point d'exploser. Severus l'avait déçue, plusieurs fois, et elle avait essayé de l'aider, elle l'avait pardonné, mais elle était trop intelligente pour ignorer les signes qui s'accumulaient. Ç'avait été un choc pour elle, qui croyait fermement que le bon était en chacun, et qu'il fallait simplement avoir le courage, la force et l'intégrité de le choisir. Réaliser que ce garçon, qui avait été son premier ami, qui l'avait aidée à accepter sans honte qui elle était, qui lui avait tenu la main quand elle pleurait, avec qui elle avait passée des après-midi entières, simples et belles, étendus dans l'herbe à regarder passer les nuages. Elle avait pleuré la perte de son ami, mais plus encore la disparition de la personne en qui elle avait autrefois eu confiance et à qui elle pouvait tout dire.

Lily était généreuse, compréhensive, loyale mais elle n'était ni aveugle ni complaisante. Et surtout, elle était intègre. Elle connaissait parfaitement ses valeurs et elle ne voulait faire aucune concession pour les respecter. C'était son combat, et si elle laissait tomber cette promesse, elle se laissait tomber elle-même. Alors, la mort dans l'âme et le coeur brisé, elle s'était éloignée de Severus. Elle voyait toujours ses regards, ses cheveux sombres derrière lesquels il se cachait pour l'observer, ses sourcils qui se fronçaient quand elle s'approchait, ses longs doigts pâles qui martelaient la table sans relâche quand elle était à proximité. Malgré tout, elle le connaissait toujours aussi bien, et rien qu'en l'observant elle aussi, elle pouvait savoir s'il allait bien ou pas. De loin, l'air de rien, elle avait toujours écouté les rumeurs des Serpentards pour vérifier son état. Elle n'avait pas entendu beaucoup, car même parmi les élèves de sa propre maison, il n'était pas très populaire, mais le peu d'informations qu'elle avait recueillies l'avait glacée. Des implications dans des actions anti-moldus, des réunions avec les partisans des Ténèbres, même des intimidations des élèves né-moldus de Poudlard. Les Serpentards impliqués ne s'en cachaient pas, ils s'en vantaient même haut et fort. Les professeurs ne pouvaient que les réprimander sévèrement lorsqu'ils s'en prenaient à d'autres élèves ou leur jeter des regards réprobateurs et faire des discours de prévention à demi-mots dans leur classe.

Lily se doutait bien que seul le pire était relaté, et que la plupart du temps Severus était un simple étudiant de Poudlard, mais le simple fait qu'il soit impliqué de près ou de loin dans des histoires comme celles-ci la faisait frissonner. Certains jours, elle se disait que c'était de sa faute, que si elle était restée à ses côtés elle aurait pu lui montrer la voie et l'empêcher de tomber aussi bas. D'autres jours, elle se rappelait qu'elle avait essayé. Il y avait eu un long moment, où Severus commençait à trainer avec des noms peu recommandables, où il lâchait parfois des phrases dérangeantes. Et Lily avait essayé de le rappeler à l'ordre, de lui expliquer, de lui dire qu'elle était comme ces gens qu'il méprisait, qu'elle était ces gens, et de lui dire à quel point ça la blessait et la mettait en colère qu'il puisse penser de telles choses. Elle avait plus ou moins tout essayé. Et Severus se renfrognait, à mesure qu'elle s'ouvrait comme un bourgeon, trouvant sa place dans le monde de la magie et chez les Gryffondors. Au début, elle avait été mal regardée par ses camarades parce qu'elle trainait avec un Serpentard, et preuve encore qu'elle respectait ses valeurs, elle s'en était foutue royalement. Elle avait décidé que ceux qui n'arrivaient pas à tolérer son amitié avec Severus ne méritaient pas d'être ses amis. Ceux que cette amitié ne dérangeait pas plus que ça l'avaient prévenue aussi, pourtant. Ça ne va pas durer, il va mal tourner, il va rejoindre tous ces sangs-purs qui n'ont de pur que le nom. Il n'est pas comme ça, leur avait-elle dit, lui, il est différent. Je sais, je le connais. Pas assez bien, apparemment. Elle avait détesté admettre qu'ils avaient eu raison. 

Ces jours là, Lily se rappelait aussi que Severus et ce qu'il pensait n'étaient pas de sa responsabilité. C'était un grand garçon, capable de s'éduquer et de réfléchir, et s'il refusait de le faire, c'était de sa faute. Et pas de celle Lily. Elle ne pouvait pas prendre en charge tous les problèmes du monde sur ses épaules, et elle n'était pas responsable du mauvais comportement de Severus. La bonne décision était de s'éloigner de lui pour se préserver, elle. Elle n'avait pas à se sentir coupable. Et pourtant, c'était le cas. Ce qui la mettait encore plus en colère contre le jeune homme. Elle s'en voulait de ne pas réussir à être rationnelle, même après tout ce temps. Mais devant les autres, elle ne montrait pas ce conflit intérieur. Elle se contentait de faire comme si elle était passée à autre chose, et elle prétendait presque qu'elle ne connaissait pas Severus. Ce qui était un peu vrai, en un sens : elle ne connaissait pas cette nouvelle personne qui avait pris la place de son ami, et qui n'avait plus grand-chose à voir avec celui qu'elle avait côtoyée.

Tout ce qu'elle avait vécu avec Severus ne changeait pas son avis à propos du comportement de James et des maraudeurs. La façon dont ils avaient agi était immature, brutale et digne des partisans des Ténèbres, jugeait sans complaisance Lily. Le même comportement que Severus. Et pourtant, elle parlait toujours à James. Il était vrai que contrairement au Serpentard, il avait viré du bon côté après quelques idioties grandioses. Il avait changé, lui aussi. Mais en bien. Elle en avait l'impression. Et autant dire qu'elle ne laissait rien passer à James. Après Severus, elle était bien déterminée à ne pas reproduire les erreurs du passé et à ne pas s'entourer de gens qui ne partageaient pas ses valeurs. Pendant bien longtemps, elle avait refusé de parler à James aussi, le rembarrant d'une réplique sèche, ce qui le laissait pantelant et déçu. Mais il avait compris. Il l'avait laissé tranquille, un peu. Il avait fait des efforts. Il avait différencié les farces amusantes et étonnantes des humiliations publiques, et s'était concentré sur les premières en laissant définitivement tomber les deuxièmes. Il avait quelque peu perdu le besoin que tout le monde le regarde tout le temps, et avait arrêté de se pavaner partout comme s'il était la chose la plus intéressante du coin, et de s'en prendre aux gens qui pensaient qu'il ne l'était pas. Bref, il avait grandi, mûri.

Mais cette dualité qu'il y avait toujours eu entre Severus et lui perturbait Lily plus qu'elle ne voulait l'avouer, et elle avait la désagréable impression d'être forcée à faire un choix entre les deux, alors qu'il n'aurait jamais dû s'agir de ça. L'amour n'était pas un choix, encore moins entre deux camps, c'était une combinaison qui fonctionnait, une harmonie entre deux âmes. Et dans ces conditions, Lily avait beaucoup de mal à dire ce qu'elle ressentait, puisqu'elle restait bloquée dans cette confrontation idiote entre les deux garçons, comme deux chevaliers qui se battait pour son coeur tandis qu'elle restait prisonnière du dragon. Et autant dire que Lily Evans détestait ce rôle, et qu'elle se serait débarrassée toute seule du dragon avant d'aller diriger son royaume dans son château sans attendre l'autorisation des chevaliers.

Ces deux relations étaient sabotées dès le départ, et Lily ne pouvait s'empêcher de douter de leur capacité à fonctionner sainement malgré tout.

Et pourtant, elle devait l'avouer, elle cherchait James du regard, elle s'illuminait à son sourire d'enfant quand il était excité, elle l'applaudissait plus fort que les autres aux matchs de Quidditch, elle aimait entendre ses blagues et le voir rougir quand elle lui portait une attention inattendue. Tout indiquait que la relation était destinée à prendre un nouveau tournant, mais elle freinait toujours avant de sauter le pas. James avait fait les mêmes choses qui, amplifiées chez Severus, l'avaient poussé à s'éloigner de lui. Certes, il avait changé, mais jusqu'à quel point ? Et en quoi cela effaçait-il les actions du passé ? Est-ce que tout cela était une bonne idée ? Lily n'en savait fichtre rien, et ça la dérangeait énormément.

***

NDA : Je ne voulais pas que Lily réalise en un instant qu'elle était amoureuse de James. Parce que ça ne collerait absolument pas avec le reste de sa personnalité et de l'histoire. Alors voilà une Lily qui réfléchit, qui doute et qui hésite. Et une Lily qui en a marre d'être dans un monde d'hommes et de faire les efforts à leur place.

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