24| Ciel d'hiver
Would anyone care, would anyone cry
If I finally stepped off of this ledge tonight ?
Would Anyone Care - Citizen Soldier
<< ...stez...ec...no...mademoiselle...restez...nous...Mademoiselle ? MADEMOISELLE !! >>
C'est de la neige, sur mon visage ? Probablement.
Je lève la main pour attraper un flocon, mais mon bras ne répond pas. Rien ne répond, en fait.
<< Allez, ça va aller, tenez bon, l'ambulance est presque là, d'accord ? >>
Je tourne péniblement la tête vers celui qui me parle.
- Ça a marché...
<< Hum ? >>
Une larme brûlante sur ma peau glacée dévale ma joue.
- Les voix...dans ma tête...elles se sont tues, murmuré-je en souriant faiblement.
Et je ferme les yeux pour de bon.
<< Eh ? Non, non, mademoiselle, ouvrez les yeux, les secours sont presque là ! Ouvrez les y...all...Regard...moi. >>
Mais je garde les yeux clos.
C'est une belle nuit, pour mourir.
Comment annonce-t-on une telle nouvelle à quelqu'un ? Peut-on regarder quelqu'un dans les yeux en leur disant que leur sœur, leur fille, leur meilleure amie, ne verra pas le soleil se lever demain ? Je ne crois pas. Je ne sais pas, en fait.
Je sais que celui qui a annoncé ça au jeune homme avec des cheveux d'un rouge éclatant et à sa mère aux yeux inquiets ne l'a pas fait en les regardant franchement. Il était honteux, d'être arrivé trop tard, de n'avoir rien pu faire. Il ne s'est pas défendu face aux mots durs du frère, n'a pas démenti les propos de la mère n'y croyant pas, sachant qu'elle le constaterai par elle-même. Il a baissé les yeux et a encaissé chaque parole, entendant les voix se briser un peu plus chaque seconde.
Je crois que personne ne peut annoncer les yeux dans les yeux la mort de quelqu'un à ceux qui l'ont aimé.
Une main tremblante attrape le combiné, compose un numéro, hésite.
<< Je vais le faire, maman. >>
Kaen tend la main vers le téléphone, les yeux rougis par les larmes.
<< Ce sera...plus simple pour moi, je la connais mieux. >>
<< Rien n'est facile dans tout ça, souffle sa mère en lui tendant malgré tout le portable après un court instant d'hésitation. >>
Le jeune homme lui frotte le dos en cercles réconfortants, laissant les sonneries s'égrener une à une. Enfin, quelqu'un décroche. Il prend une profonde inspiration et débite quelques phrases à toute allure, terminant par un faible :
<< ...Est-ce que tu pourrais prévenir les autres, s'il te plaît ? >>
Il hoche la tête.
<< Super, merci. Désolé, pour tout. >>
Il raccroche et enlace sa mère, retenant ses pleurs.
À l'autre bout, Saki fixe son téléphone, les yeux écarquillés. Une perle salée roule sur sa peau jusqu'à son menton et s'écrase au sol.
<< C'est pas possible...tremble-t-elle. C'est pas réel, hein ? >>
Et puis, brusquement, elle réalise que, si, c'est vrai, que Kaen ne lui mentirait jamais là-dessus. tandis qu'elle tente de se calmer, son répertoire défile sous ses doigts, et, après un instant d'hésitation, elle sélectionne un nom.
<< Saki, ça va ? demande une voix féminine d'un ton paniqué. Pourquoi tu m'appelles à cette heure, il y a un problème ?? >>
<< Liloo, écoute, je... >>
Un sanglot étouffé l'étrangle, l'empêchant de finir sa phrase.
<< Eh, calme-toi, ça va aller... >>
<< Non, ça n'ira pas. Rien n'ira plus jamais bien. >>
Et elle explique tout, ses mots de moins en moins assurés à mesure que la discussion se poursuit.
<< Tu...Saki, c'est...bredouille la jeune fille une fois l'explication finie. Est-ce que tu...est-ce que tu voudrais que je vienne chez toi ? >>
<< Non, ma mère est à la maison, répond la terminale. Et tu...ne devrais pas venir. >>
Un court silence lui répond, puis Liloo reprend la parole.
<< Je préviens Ace. >>
<< Merci. >>
La violette termine l'appel et s'effondre sur son lit, laissant ses larmes couler librement.
Liloo appelle quelqu'un à son tour, le coeur battant et les mains tremblantes. Son ami décroche, un sourire au coin des lèvres malgré l'heure tardive.
<< Je sais que je suis absolument irrésistible, mais m'appeler à 2h du mat', ça frise l'obsession... >>
<< Ace... >>
Il écoute sans dire un mot, puis prend la parole d'une voix brisée.
<< Tu te fous de moi, hein...? Dis-moi que c'est une mauvaise blague, supplie-t-il. >>
<< Je suis désolée... >>
Le Kirishima met fin à la conversation, ses pupilles tremblantes sous les larmes qui menacent de déborder à tout instant.
Une sonnerie résonne dans le silence de la petite chambre, une main se tend, attrape le portable pour le porter à son visage.
Saki...Depuis quand elle a mon numéro ?
La lumière de l'écran se reflète dans ses yeux couleur de ciel, illuminant une mèche blanche. Il attend un instant, comme figé, puis accepte l'appel d'un geste peu assuré.
- Allô ?
*
La pluie ruisselle sur les vêtements du petit groupe qui se tient là, devant le morceau de pierre qui émerge du sol.
Une dame d'un certain âge pleure, appuyée sur l'épaule de son mari. Pour dire vrai, tous, ou presque, ont le visage trempé par autre chose que la pluie.
Le seul dont les yeux restent parfaitement secs est un peu à l'écart, et finit pas reculer, quittant les autres pour s'enfoncer entre les arbres jusqu'à une petite clairière, protégée des intempéries. Là, seulement, il s'adosse à un arbre, et retire sa capuche.
Un bruissement derrière lui l'alerte, mais il ne se retourne pas. Peu importe qui ça peut être, après tout.
<< Ça va ? demande une voix douce derrière lui. >>
Il ne répond rien, ses phalanges se serrant simplement en un poing crispé.
<< Question débile, pardon. >>
Elle s'assied à côté de lui, laissant quelques mètres de distance entre eux.
<< Tu veux en parler ? >>
- Non.
L'unique mot tranche le silence, brutalement. Sa voix est froide, vide. La voix de quelqu'un qui n'a plus d'espoir.
<< Ok. >>
Elle marque une courte pause.
<< Tu veux juste parler ? >>
- Tu peux pas te taire ?!
Il se tourne brusquement vers elle, un éclat meurtrier dans ses yeux bleus.
- Elle est morte, putain ! Ça vous tuerai de vous arrêtez cinq minutes, vous aussi ?! Il s'est passé deux jours, et il faut déjà l'enterrer, faire une cérémonie, mais est-ce que vous avez seulement pensé à ce qu'elle aurait voulu ??
La jeune fille attend en silence la fin de sa tirade, le regard perdu dans le vide.
<< Comme tu l'as dit, elle est morte, murmure-t-elle enfin. Et on ne sait pas ce qu'elle aurait voulu, on n'a pas encore vidé sa chambre, personne ne sait si elle a laissé quoi que ce soit. Mais tu ne peux pas demander à ce qu'on s'arrête, surtout pas à sa famille. Si elle ne s'occupe pas l'esprit, je crois que sa mère va devenir folle...>>
Une grimace de mépris déforme les traits du jeune homme.
- Vous êtes tellement égoïstes...
<< Oui, c'est égoïste, le coupe-t-elle en se plantant devant lui. L'être humain est égoïste, c'est comme ça, et parfois, on a besoin de l'être. Va falloir que tu t'y fasses. >>
Il se détache de l'arbre et s'avance d'un pas vers elle.
- C'est faux. Vous dites ça pour vous convaincre qu'au fond vous n'êtes pas si mauvais.
<< T'es pas le seul à souffrir, c'était ma meilleure amie ! >>
- Donc t'es plus légitime que moi ? réplique-t-il d'un ton sec.
<< J'ai pas dit ça, et tu le sais ! >>
- Personne ne comprend ! Y'a même pas une semaine, j'étais avec une fille formidable qui me comprenait comme personne, et maintenant, je suis censé, quoi, continuer ma vie comme si de rien n'était ?!
Saki recule d'un pas, la colère se peignant sur son visage.
<< Tu t'entends, sérieux ?? Qui est l'égoïste dans cette histoire ? Elle avait de l'estime pour toi, Tora Todoroki, crache-t-elle, mais plus je te parle et moins je comprends pourquoi ! >>
Elle repart vers le cimetière d'un pas furieux, et l'adolescent lâche un soupir de frustration.
Je ne suis même pas capable de m'entendre avec ceux que tu aimais.
Parler d'elle au passé lui semble si peu naturel, si douloureux, qu'il lève les yeux vers la cime des arbres. La pluie a depuis longtemps cessé, le soleil se couche désormais, parant les nuages de légers reflets oranges et rosés.
Le ciel est si beau, si calme, pense-t-il. Est-ce que c'est parce que tu l'as rejoint ? Est-ce que tu voudrais remplacer la pluie par mes larmes ? Je suis désolé, je n'y arrive pas, j'ignore pourquoi. Elles refusent d'apparaître le seul jour où j'aurais voulu qu'elles soient là.
Je suis pathétique.
Et il reste là, les yeux tournés vers le ciel, en laissant passer le temps, jusqu'à ce que sa mère l'appelle doucement.
<< Excusez-moi...Il me semblait...Enfin, je crois, que vous étiez proche de ma fille, et j'ai pensé, que, peut-être, vous voudriez venir à la maison. Pour...vous savez, partager des souvenirs, ou peu importe ce que vous voulez faire, mais...Je suis persuadée qu'elle aurait voulu vous donner certaines choses. Elle vous aimez énormément, achève-t-elle d'une voix tremblante, timide mais aux accents irremplaçables de vérité pure. >>
Il ferme les yeux, dos à elle, puis se retourne.
- Je viens.
À suivre...
~~~
Je-
Hey ?
Désolée ?
JE M'EXCUSE, PARDON, MAIS EUH...Scénario ? Voilà ?
Bon, allez, sérieusement : oui, elle est morte. Si vous vous demandez pourquoi elle est pas décédée sur le coup, quelqu'un a ralenti le train, pas assez malheureusement.
M'en voulez paaaas, ça me fait mal de me dire qu'elle est plus en vie, mais c'est comme ça, je suis sincèrement désolée.
Par contre, y'en a plein qui croyaient qu'elle allait survivre, que Tora allait lui sauver la vie, euh, guys, c'est Noël, Tora il était chez lui tranquillou.
( Sérieusement, faites pas ça, ça ruine des vies, outre que la votre et celles de vos proches, c'est traumatisant.)
Donc, des avis ?
Sur ce, bonne soirée, je retourne m'enterrer sous ma couette.
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