Instant de Répit

-Vous dites que vous êtes un ami de mes parents, murmurais-je d'une voix enrouée par les cris que j'avais poussé ?

-En effet. Je travaille en étroite collaboration avec eux sur la plupart de leurs travaux, du moins, de loin. Je n'ai que peu d'occasion de quitter l'endroit où je vis, de ce fait, nous correspondons quant à l'avancée de nos ouvrages respectifs.

-Et vous pouvez m'expliquer ce que vous faites ici au moment même où je me fais attaquer ?

Mon ton n'était malheureusement pas aussi décidé que je l'avais voulu. Ma voix était faible, j'étais à peine capable de parler sur un ton normal. La douleur engourdissait ma jambe et agissait sur mon esprit à un point tel que je me retenais constamment de grogner ma souffrance. Je ne suis pas le genre de personne à croire aux coïncidences. Ce genre de choses n'arrivent jamais. C'est bien trop beau pour être vrai. Kassian sembla ne pas oser me répondre et finit par lâcher du bout des lèvres :

-Il y a des choses que je ne peux pas révéler en présence des non-initiés, si tu arrives à suivre ma pensée.

Je me contentai de faire "oui" de la tête, ce qui déclencha les protestations de mon frère :

-De quoi il parle ? Pourquoi moi je ne peux pas être mis au courant ?

-Les parents auront quelques petites choses à t'avouer au sujet de notre famille quand tu auras grandi, répondis-je d'une voix qui était miraculeusement plus forte. Ce n'est qu'une question de temps, ne t'en fais pas. Tu sauras tout bien assez tôt.

-Bien sûr, on me dit jamais rien à moi !

-As, c'est pas le moment de t'énerver.

-Pour sûr, les personnes qui vous pourchassent ont des airs de tueurs psychopathes, intervint Kassian. Vous devez vous rendre dans la zone de sûreté pour le moment, c'est tout ce qui compte.

-Dans quel état sont les types qui ont attaqué Célestia, demanda Asphodèle d'un ton toujours aussi grognon ?

-J'ai réussi à en blesser deux, ça a suffi à les faire fuir.

Le ton de Kassian exprimait clairement la fierté, et, malgré la situation dans laquelle nous nous trouvions, j'arrivais à trouver cela presque comique. Il avait l'air d'être quelqu'un de sympathique, je comprenais pourquoi il était ami avec mes parents.

Néanmoins, il faudrait que j'ai une discussion à son sujet lorsqu'ils rentreront.

-Kassian, vous avez la possibilité d'appeler la police ?

-Je n'ai pas de téléphone portable, cela risque d'être plutôt compliqué. Néanmoins je peux vous conduire dans une zone où vous pourrez vous reposer et surtout, où je pourrais m'occuper de ta jambe. Cette folle te l'as mise dans un état plus qu'inquiétant.

Je ne répondis pas. Qu'aurais-je pu dire de plus ? Il avait raison. Ma jambe me faisait souffrir, et elle était dans un tel état que je me demandais comment elle pouvait rester accrochée au reste de mon corps. Je ne pouvais plus bouger la cuisse, ce qui me faisait craindre un os cassé, et la chair était dans un tel état que je craignais sincèrement de la perdre.

Ce n'était probablement pas un sort pire que la mort. Mais il n'en était pas moins affreux.

Je serrais les dents pour retenir un gémissement de douleur, ne souhaitant pas devenir geignarde, sachant que j'étais déjà physiquement un poids. Mais bordel que ça faisait mal...

Nous finîmes par arriver dans ce qui semblait être une clairière, dans laquelle attendait sagement Hazel. Il tenait son renard dans les mains et l'observait avec un air triste. En nous entendant arriver, il nous offrit un grand sourire :

-Célestia !!

Il allait s'approcher mais se retint quand il me vit mieux. Son visage se décomposa et il commença à pleurer. Me doutant qu c'était à cause de l'état de ma jambe, je lui répondis avec un sourire forcé que je tentais de rendre le plus naturel possible :

-Ne t'en fais pas, mon grand, ce n'est qu'une égratignure, je vais bien.

-Elle peut pas marcher, mais elle va bien, rétorqua Asphodèle d'un ton bougon.

-As ! Ne ment pas à ton frère !

La franchise de mon frère était légitime, mais je ne voulais pas qu'il inquiète notre cadet. Je voulais qu'il ait le moins possible conscience de l'importance de ma blessure, cela le paniquerait plus qu'autre chose.

Kassian me posa au sol et déchira en partie mon bas de pyjama avant que nous ne puissions atteindre Hazel, sans que je ne comprenne pourquoi. Il examina ma plaie, et, au bout de quelques secondes, je le vis fouiller dans son manteau pour en ressortir un bandage et des bouts de bois, avec lesquels il entoura ma jambe pour créer une forme d'attelle de fortune, serrée comme un garrot. Il m'expliqua :

-Je n'ai trouvé que cela à faire pour arrêter le saignement et maintenir ta jambe en place. Tu ne devras pas l'utiliser. Quand la situation sera calmée, il faudra t'emmener d'urgence à l'hôpital.

-Pourquoi ne pas le faire maintenant, intervint Asphodèle ?

-L'endroit n'est pas sûr, on ne peut pas risquer de se balader ici à pieds avec une blessée. J'ai pu me débrouiller pour les faire fuir, néanmoins je doute de pouvoir réitérer cet exploit si je dois porter Célestia et vous garder, toi et Hazel, vers moi.

Il me releva et passa mon bras autour des épaules de mon frère en déclarant :

-Je ne peux pas me rendre directement là où se trouve Hazel, je vous laisse vous débrouiller entre vous. Je vais ratisser la forêt et essayer de faire dégager le plus de monde possible. Je reviens dans quelques instants, ne sortez surtout pas de cette zone.

Au vu de la façon qu'il avait de décrire l'endroit, je devinais que le sort utilisé pour sécuriser la zone était semblable à celui de ma maison. Asphodèle me fit tituber jusqu'à la zone que je réussis à passer sans le moindre problème... mais pas lui.

-As ?

-Mais... Comment ?

-J'y arrive pas, s'énerva-t-il !!

-C'est quoi ces conneries ?!?! Normalement tu peux passer !!

Hazel regardait ce qu'il se passait, un peu en retrait, et eut une idée :

-Et si je... sortais ?

-C'est dangereux, Hazel, fait pas ça !!

Pour une fois, une très rare fois dans sa vie, Hazel ne m'écouta pas et sortit de la zone de protection. Aussitôt après, Asphodèle put entrer sans le moindre problèmes.
J'étais perplexe. Il était vraiment possible de configurer ce genre de protections pour y laisser entrer un nombre maximum de personnes ? C'était dangereux pour eux, il vaudrait mieux que je sorte pour laisser ma place à Hazel.

Je commençais à ramper sur l'herbe, sentant pour la première fois, une fois l'excitation et la peur retombés, le froid traverser mon pyjama. Asphodèle me vit faire et me tira vers l'intérieur :

-Tu restes là !

-Mais laisse-moi !! Vous devez rester à l'intérieur, moi je peux me débrouiller à l'extérieur !

-Avec une jambe en compote ? Je suis pas sûr que tu réussisses, moi. Je te préviens, si tu persistes à essayer de sortir, je t'attache à l'arbre.

Je me retins de lui dire qu'Hazel me libèrerait dès que je lui en donnerait l'ordre, mais il sembla lire dans mes pensées et répliqua :

-Et je ferais la même chose à Hazel, histoire de vous protéger tous les deux.

-C'est pas ton boulot, As !

-Je suis celui qui court le plus vite, je ne risque rien, moi.

Je continuais de ramper, malgré le froid et la douleur, décidée à ne pas l'écouter. Il m'attrapa par le bras pour m'empêcher de bouger et me retourna sur le dos, avant de déchirer un bout de son pyjama et de m'attacher les deux mains avec. Il ne fit pas attention à mes protestations et me traina jusqu'à l'arbre le plus proche pour accrocher mes liens de fortune à une branche suffisamment basse que je ne pouvais atteindre, à l'aide d'autres bandes. Bientôt, cet imbécile était torse nu dans le froid et moi, je ne pouvais plus bouger.

Pourquoi mes parents ont eu la bonne idée de faire un gamin aussi borné... ?

Asphodèle sortit de la bulle de protection et ordonna à Hazel d'y entrer. Notre cadet ne mit pas longtemps à obéir et s'assit en tremblotant légèrement sur le sol humide.

Je ne savais pas Asphodèle aussi courageux. Voilà qu'il se mettait à jouer les sacrifiés sous prétexte que j'étais blessé, cet imbécile...

-As, tu exagères. J'ai réussi à nous faire survivre jusqu'à maintenant, tu devrais pas faire ça.

-T'inquiètes, je vais chercher Kassian, il pourra probablement régler ce problème sans trop de soucis normalement. Je reviens vite, vous en faites pas trop pour moi.

Avant que je n'ai eu le temps de réagir, il partit en courant, me laissant seule avec Hazel.

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