Il l'a oublié
Je suis née dans une famille franco-asiatique, de mère française et de père chinois. Moi-même française je n'ai pas de mal à savoir d'où je viens de ce côté ; mais du côté de mon père c'est plus compliqué.
Il faut savoir qu'il y a deux types de migrants après l'intégration. Il y a ceux qui en parlent, qui témoignent. Et il y a ceux qui « oublient ». Ma famille fait partie de ceux qui préfèrent oublier. Je sais très peu de chose sur d'où je viens et sur ce qu'il s'est passé. Je sais seulement que mes grands-parents étaient chinois et qu'ils travaillaient comme commerçants à Phnom-Penh, au Cambodge. Ma mère m'a raconté qu'il y eut une révolte dirigée par les khmers rouges et qu'ils dirigeaient ce qui deviendra le génocide cambodgien. Quand les khmers prirent Phnom Penh, toute la population se retrouva sur les routes dans les 24h pour partir et tenter de quitter le pays ; ma grand-mère, mon oncle et mon père en faisaient partie. Mon grand-père, lui, fut prisonnier de guerre, mais je ne sais même pas ce qu'il a bien pu endurer.
Si peu d'information sur quelque chose qui fait partie de son histoire personnelle mène forcément à se poser des questions. Le fait de ne pas parler de ce qui s'est passé est justifiable par le traumatisme que cette épreuve a dû être, mais c'est aussi une perte de mémoire. Un oubli des origines.
Le problème qui se pose, est que, nous, les descendants, on ne peut même pas répondre à nos propres questions. Alors, dites-moi comment pourrions-nous répondre à celles de nos enfants ? Pourquoi ne dit-il jamais qu'il voudrait aller au Cambodge ? Pourquoi ne parle-t-il jamais d'aller voir son pays natal ?
« J'aimerais aller en Chine, en Thaïlande ou au Japon »
Cette phrase, je l'ai entendue tellement de fois quand mon père parlait de ses projets de vacances, mais il ne parla jamais d'aller au Cambodge.
Je pense que ce pays, il l'a oublié, laissé derrière lui dans la fuite face aux khmers rouges. Il n'en parle pas la langue et n'en partage pas la culture comparée à ses origines chinoises.
Il est Français. Il n'est pas Cambodgien ni même Chinois. Il est Français. Français, oui, mais né à Phnom-Penh et de parents chinois. Il n'a jamais vu son pays, et sans doute ne voudra-t-il jamais le voir. C'est comme ça, il l'a oublié. Il l'a oublié, mais pas moi.
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Voilà un court texte sur l'immigration, ici l'immigration Cambodgienne.
Comme vous avez dû le comprendre, c'est en quelque sorte l'histoire d'une fille qui parle de la façon dont elle vit le silence de sa famille face à ce qu'il s'est passé.
J'espère qu'il vous à plu!!
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