Chapitre 7: L'interrogatoire


Antoine est assis dans une salle assez bien éclairée, avec des plantes vertes un peu partout et un bureau sur lequel trône un écran d'ordinateur, quelques dossiers et une montagne de cadres: Famille Joyeuse à la plage, Famille Joyeuse à la montagne, Famille Joyeuse devant la Tour Eiffel, Les 1 an du bébé de la Famille Joyeuse. Je n'ai jamais voulu mettre des photos de ma famille dans mon bureau, je ne voulais pas exposer notre bonheur aux yeux de mes collègues, je n'en voyais pas l'utilité mais, ici, je trouve cela très chaleureux. Ça donnerait même l'envie de se confier, c'est tout le contraire de ce que l'on pourrait voir à la télévision. 

- Monsieur Hardhell, je suis l'inspectrice O'Hara. Je vais devoir vous poser quelques questions, c'est la procédure. 

Une grande rousse, la même que sur les photos, prend place dans le fauteuil devant Antoine. 

- Pourriez-vous m'expliquer le déroulement exact de la soirée d'hier?

Je m'assois sur le bureau juste devant Antoine, le regard braqué sur lui. 

- Il ne te manque plus que la lampe et tu es parfaite pour faire passer un interrogatoire à la russe, me dit Caliel. 

- J'ai encore espoir qu'une lumière sorte de mes yeux pour l'éblouir et l'obliger à avouer le rôle qu'il a dans mon meurtre. 

Caliel ricane en s'appuyant contre le bureau. 

- Hier soir, j'avais préparé une petite soirée romantique. J'avais quelque chose d'important à annoncer à Simone mais son patron l'a appelée, je pense qu'il devait être 21 heures et elle est partie. Elle n'était pas de très bonne humeur. Je pense qu'elle n'avait pas très envie de retourner au bureau mais elle avait eu un rendez-vous plus tôt dans la journée. Du peu de ce qu'elle m'a dit, il s'agissait d'un écrivain qu'elle devait convaincre de rester aux éditions Fatalités et garantir l'exclusivité de ses œuvres, je pense que son patron voulait un compte rendu de ce rendez-vous. Antoine a la voix chevrotante.

- Savez-vous de quel écrivain il était question ? 

- Non, je n'ai pas demandé. Simone n'aime pas trop parler de son boulot. Heu ... N'aimait pas trop, je suis désolé, je ne sais pas ce qu'il faut dire. Elle est morte... Ma femme... Les yeux d'Antoine commencent à briller, il baisse le regard. 

- Voulez-vous un verre d'eau, monsieur Hardhell ? 

Il renifle et semble se ressaisir, il lève la tête et regarde l'inspectrice. Il me regarde plutôt, puisque je suis positionnée devant lui. 

-Non merci. Simone n'aimait pas trop parler de son boulot, souvent par souci de confidentialité en rapport avec les manuscrits qu'elle corrigeait et j'ai appris à ne pas lui poser de question. Elle aimait son travail et je dois dire qu'elle se débrouillait très bien. 

- Que faites-vous dans la vie monsieur Hardhell? 

- Je suis comptable dans une société d'import/export. 

- D'accord. Donc, si je comprends bien, votre femme retourne à son travail sur le coup de 21 heures, il lui faut plus ou moins 30 minutes pour s'y rendre et pendant ce temps, que faites-vous? 

- J'ai regardé une série sur Netflix et je me suis endormi dans le divan. Je ne sais pas trop quelle heure il était quand je me suis réveillé mais Simone n'était pas encore rentrée. Il me semblait avoir entendu du bruit à l'étage, mes enfants devaient s'être réveillés, j'ai éteint les lumières et la télévision et je suis monté me coucher. Je me suis endormi directement après pour me réveiller ce matin. 

- Vous vous réveillez, vous voyez que votre femme n'est toujours pas rentrée et vous ne pensez pas à l'appeler. C'est un peu étrange comme réaction non ? 

- Je suis parti du principe qu'elle devait être occupée et je ne voulais pas la déranger. Mais j'avoue que j'étais un peu fâché qu'elle accepte de partir, je pense, qu'inconsciemment, je voulais lui faire comprendre que je boudais un peu. 

- Pourriez-vous nous confier votre téléphone afin d'écarter tout soupçon ? 

- Heu... C'est à dire que j'en ai besoin...  Vous comprenez, je dois annoncer la nouvelle à nos proches, à nos amis. Prévenir mon patron que je ne pourrai pas me rendre au travail. L'école ... La crèche... 

Antoine commence à devenir blanc et je vois les tremblements dans ses mains. 

- Caliel, regarde ce petit traître qui va être pris la main dans le sac ! D'excitation, je tire mes cheveux en arrière de mes deux mains. Ils vont voir qu'il a effacé des messages récemment et trouver le numéro d'E.W et remonter à la source et je serai là quand il va devoir avouer ce qu'il a orchestré et ... Caliel ... Tu m'écoutes ? 

Je me tourne vers lui, je vois qu'il a le regard braqué vers le fond de la pièce. C'est bizarre cette zone d'ombre dans ce bureau ultra lumineux.

-Caliel ? Je le pousse du coude

-Quoi ? Tu me parlais ? Caliel a l'air tracassé

- Oui, regarde, Antoine va craquer. La policière lui a demandé son téléphone...

- C'est parfait ça, tu vas pouvoir avancer dans ton enquête. Excuse-moi une seconde... Et pouf ! Il se volatilise... 

Étrangement bizarre mais je n'ai pas le temps de m'inquiéter, il y a plus important ! 

- Ce n'est l'affaire que de quelques minutes, nos techniciens sont des experts et ce n'est que pour quelques petites vérifications. Vous l'aurez à nouveau en sortant d'ici. 

- Bien ... Dans ce cas, je pense ne pas avoir le choix. 

Antoine sort son portable de sa poche et le tend à l'inspectrice qui le saisit en sortant du bureau. 

-Je ne serai pas longue, dit-elle en sortant. 

Antoine se lève et se dirige vers la fenêtre, là, il regarde le parking qu'il a sous les yeux. Je viens me placer à côté de lui et l'observe. 

De profil, il ne fait pas ses 43 ans. Il n'a pas une ride et encore presque tous ses cheveux. Je suis tombée follement amoureuse de ses yeux vert-d'eau, de ses lèvres pulpeuses et de son sourire espiègle. Sa façon de me regarder, de m'embrasser. Le ton qu'il donne à sa voix quand il m'appelle "ma chérie". Les épreuves douloureuses que l'on a traversées ensemble, main dans la main: quand on a failli perdre Hugo à la naissance, quand Valentin est tombé des escaliers chez ses parents et qu'il a eu une commotion, quand mon père a déclaré un cancer du foie l'année passée. Et, bien-sûr, les moments de joie: nos petites victoires, lorsqu'on a réussi a payer le reste de notre prêt pour la maison à la banque, quand on a pu faire construire une annexe pour avoir chacun son petit coin, les premiers pas des enfants, les sourires qu'on reçoit au quotidien et bien d'autres encore. 

Mais là, je ne ressens que de la peine et de la déception, un sentiment de trahison. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour qu'il ait été obligé de me supprimer ? 

- Monsieur Hardhell ? 

Antoine se retourne face à l'inspectrice qui est de retour, elle lui tend son téléphone.

- Vous pouvez rentrer chez vous, nous vous appellerons si nous avons besoin à nouveau de vous.

-Mais je devais aller voir le corps de Simone à la morgue...

- Ses parents sont déjà sur place et procèdent à l'identification. 

-Bon, dans ce cas, n'hésitez pas à m'appeler et à me tenir au courant de l'avancée de votre enquête. 

- Nous le ferons, monsieur Hardhell. 

Antoine sort du bureau, je suis prête à le suivre quand je me rappelle que Caliel n'est pas encore revenu ... Je regarde le fond de la pièce, là où il semblait regarder tout à l'heure. La zone d'ombre a disparu ... C'est étrange ... Encore une nouvelle énigme. 

- Inspectrice, nous avons du nouveau... Un jeune lieutenant passe la tête par l'entrebâillement de la porte.

- Je vous écoute. 

- Il semble que des messages aient été effacés récemment du portable d'Antoine Hardhell. Nous avons réussi à les récupérer, je pense que vous devez venir voir par vous-même. 

- J'arrive tout de suite

Le lieutenant referme la porte et je vois l'inspectrice, un sourire carnassier sur le visage. 

- Je savais qu'il cachait quelque chose ... 




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