Chapitre 26: caméra
Maureen ramassa le paquet de biscuit pratiquement vide à ses pieds. Elle rouspéta contre les pollueurs et toutes les personnes qui sont incapables de mettre leurs détritus dans une poubelle. Elle se dirigea vers le fond de l'entrepôt où un salmigondis de policiers, d'hommes de la scientifique et, à son grand malheur, beaucoup trop de civils l'attendaient.
- Bonjour, dit-elle à son collègue le plus proche, nous savons qui c'est?
- Bonjour inspectrice O'Hara. Nous pensons qu'il s'agit d'Aurélien Mouton. Une femme l'a reconnu, elle habite à quelques pâtés de maison d'ici. Vous pouvez l'interroger, elle est juste là.
L'homme dirigea son doigt vers une femme d'une trentaine d'année ayant l'air égarée. Maureen observa un moment la femme en question. De long cheveux filasses et ternes encadraient un visage ravagé par de l'acné et une mauvaise hygiène de vie. L'inspectrice détestait de devoir interroger les drogués et les alcooliques. La plupart du temps, ils mitonnaient ou répondaient à côté de la plaque. C'était du temps gâché.
- Inspectrice O'Hara, dit-elle en montrant rapidement sa plaque, j'ai quelques questions à vous poser au sujet de la victime.
La junkie observa longuement Maureen. Ouvrant et fermant sa bouche comme un poisson, lui donnant l'air d'une vraie imbécile.
- Madame ? Vous êtes en état de parler ? S'énerva légèrement l'inspectrice.
- J'ai pas envie de parler à une fliquette de bas étage.
- J'ai pas envie de parler à une paumée non plus et pourtant, je dois faire mon travail. Première question, pouvais-vous me dire qui se trouve sous ce tas de bois ?
- Je vous interdis de me parler comme ça, répliqua la femme en tanguant d'avant en arrière.
Maureen la regarda avec mépris et s'adressa au policier à côté d'elle.
- Pouvez-vous faire sortir tout ces voyeurs ?
- Bien sûr, chef !
Quand Maureen leur tourna le dos pour rejoindre l'équipe de la scientifique, la junkie hurla:
- J'ai perdu ma fille ! Vous devez m'aider à la retrouver. Elle n'a que cinq ans !
Maureen se retourna pour faire face à la jeune femme.
- Puisque vous ne voulez pas parler à une fliquette, je vous conseille de vous rendre au commissariat le plus proche et de vous adresser à la personne de votre choix. Je suis certaine qu'ils se feront un plaisir de retrouver votre fille, si elle existe vraiment.
Quelques années plus tôt, Maureen a dû chercher pendant six mois un petit garçon qui avait, d'après la mère, été kidnappé dans un centre commercial. En fin de compte, l'enfant n'avait jamais existé et la femme terminera probablement sa vie dans un centre psychiatrique. Merci ecstasy.
- Elle s'appelle Juliette et elle a cinq ans, hurla la femme.
Maureen continua son chemin vers les hommes qui l'attendaient déjà.
- Vous avez du nouveau ? Questionna-t-elle.
- Pas grand chose, lui répondit un des agents, tout indique un accident. L'homme se serait peut-être appuyé contre la pile et elle se serait effondrée sur lui. Nous devons dégager le corps.
- Quelqu'un sait à qui appartient cet entrepôt ?
- Pas encore mais ça ne serait tarder, inspectrice.
- Très bien, je veux les rapports le plus rapidement possible sur mon bureau.
Après avoir refait le tour de l'entrepôt une dernière fois, Maureen décida de198 retourner au poste de police et d'appeler l'inspecteur Mulongo pour en savoir plus sur Isabelle Bulbé.
En arrivant dans le hall du commissariat, elle découvrit une petite fille assise sur un banc, seule. Maureen passa devant elle, en lui jetant un rapide coup d'œil et rejoignit son bureau dans le fond du couloir.
L'inspectrice composa le numéro de son ancien supérieur, une fois confortablement installée dans son fauteuil.
- Ici Robert Mulongo, j'écoute.
- Salut Robert, c'est Maureen. Comment vas-tu ?
- Oh Maureen, quel plaisir de t'entendre ! Je vais comme un vieil homme doit aller, du cholestérol, un ventre bedonnant et une mystérieuse passion pour la pêche qui, entre nous, est une bonne excuse pour vider quelques bières.
- Je suis ravie pour toi, sourit-elle, je ne vais pas tourner autour du pot, Robert. J'aimerais que tu me dises tout ce que tu sais sur l'affaire Isabelle Bulbé, disparue depuis en 1987.
Il y eut un long blanc. Quand, enfin, l'inspecteur Mulongo parla, c'était d'une voix chevrotante.
- Hum ... Je ne peux pas parler de cette affaire au téléphone, Maureen, pourrais-tu venir à la maison dès que tu as un moment ?
- Bien sûr, Robert, je passerais en fin de journée, si ça va pour toi ?
- Oui, oui, répondit-il avant de raccrocher précipitamment.
Maureen observa longuement le cornet de téléphone dans sa main. Son cerveau fusait à toute allure. Elle avait besoin d'un café bien chaud de toute urgence.
Quelques petits coups discrets retentirent à la porte, un jeune homme entra timidement dans le bureau de l'inspectrice qui le regardait sans rien dire.
- Heu... Bonjour ... Je suis Fabien, l'informaticien .... Vous devriez venir voir les caméras de surveillance de l'entrepôt que je viens de recevoir. C'est assez troublant.
Au même instant, un policier surgit derrière l'informaticien.
- Inspectrice, si vous avez un moment, je souhaiterais que vous discutiez avec cette jeune demoiselle.
Tout en disant cela, il poussa gentiment la gamine qui était dans le couloir.
L'informaticien devint soudainement tout blanc, ses yeux menaçaient de sortir de leur orbite.
- C'est toi ! Je te reconnais ! C'est toi sur les caméras ! Comment as-tu fait ?
- Fabien, je vous en prie ! Le gronda Maureen. Tenez -vous, vous allez l'effrayer.
Tout en se tournant vers la petite, Maureen s'abaissa à sa hauteur.
- Bonjour, je m'appelle Maureen. Comment t'appelles-tu ?
La petite fille leva ses grands yeux bleus vers l'inspectrice.
- Je m'appelle Juliette.
- Nous avons reçu un mystérieux appel, très tôt ce matin, nous disant qu'une petite fille se trouvait près de l'entrepôt où vous avez découvert le corps de l'homme. Une voiture de patrouille est venue la récupérer, expliqua le policier.
L'inspectrice regarda tour à tour la petite fille et le jeune homme. L'informaticien semblait mal à l'aise et se dandinait.
- Vous pouvez partir les gars, je m'occupe de la petite.
Fabien hésitait à sortir tandis que le policier passait déjà la porte.
- Inspectrice, je me permets d'insister. Il faut vraiment que vous veniez voir les caméras de surveillance.
- Dans un instant ! S'il vous plaît, cette petite a besoin d'un peu d'attention, rétorqua l'inspectrice d'une voix ferme.
- Très bien.
L'informaticien sortit à son tour en prenant soin de fermer la porte du bureau.
- Alors Juliette, tu dois être très fatiguée et mon petit doigt me dit que tu dois avoir, aussi, très faim. Je vais te commander un hamburger et des frites, ça te ferait plaisir ?
Les yeux de la petite s'illuminèrent et elle hocha plusieurs fois la tête. L'inspectrice sourit.
- Quel âge as-tu ?
- J'ai dix ans, bientôt onze, répondit-elle timidement.
- Peux-tu me dire, pourquoi tu étais près de l'entrepôt ?
Juliette baissa la tête, honteuse.
- Le copain de ma maman voulait qu'on aille voir une assistante sociale.
- Pourquoi vouliez-vous voir une assistance sociale.
Juliette ne répondit pas, la tête toujours baissée.
- Tu peux me faire confiance, ma belle. Je te promets de te protéger.
- C'est à cause de ma maman. Elle n'est pas gentille avec moi.
- Pourquoi elle n'est pas gentille ? Qu'est-ce qu'elle fait ?
- Elle laisse ses amis me faire du mal.
Maureen regarda Juliette, elle avait compris ce que cela signifiait. Elle devait appeler, en urgence, le service de la protection des enfants.
- Pourquoi aller dans cet entrepôt et pas aller directement à la police.
Juliette releva la tête et répondit d'une voix beaucoup plus assurée.
- Parce qu'il m'a menti. Il a dit qu'il voulait me tuer mais la pile en bois est tombée sur lui et une dame m'a aidé.
Maureen commença à faire le lien entre son affaire et la petite Juliette.
- Une dame ? Tu la connaissais avant ?
- Non mais c'est elle qui a appelé la voiture qui est venue me chercher. Elle a disparue tout de suite après.
La petite bailla longuement et se frotta les yeux. Maureen l'allongea sur le divan et la couvrit d'une couverture. La petite s'endormit aussitôt et Maureen décida d'aller voir ce que l'informaticien lui voulait.
Les caméras ne donnaient que sur l'extérieur de l'entrepôt. Fabien et Maureen visionnaient pour la vingtième fois, la vidéo sur laquelle ils distinguèrent d'abord la petite fille avec l'homme retrouvé en dessous du tas de palettes entrer dans le bâtiment et, environ quinze minutes plus tard, la petite Juliette sortir de l'entrepôt, une main en l'air, comme si elle la donnait à quelqu'un d'invisible. Elle s'arrêta près de la route et indiqua une cabine téléphonique du doigt. Sa main s'abaissa aussitôt. Environ une quinzaine de minutes plus tard, une voiture de police arriva à sa hauteur.
- Je ne trouve aucune explication. La standardiste qui a reçu l'appel confirme qu'elle a bien parler avec une dame mais il n'y a personne sur la caméra, dit l'informaticien.
Maureen réfléchissait en silence. Elle non plus n'avait aucune explication...
Mais une idée, un peu folle, germa dans sa tête ...
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