Chapitre 21: Pas les enfants !
- Je suis mort, n'est-ce-pas ?
Je hoche la tête et sens Caliel se déplacer légèrement devant moi.
- Un chandelier a mystérieusement percuté mon crâne et je suis mort, dit-il calmement.
- Vous vouliez tuer cette femme, expliquai-je, je ne pouvais pas vous laisser faire ça.
- Une vie pour une vie, donc !
L'homme se frotte le menton tout en regardant autour de lui. Son regard effleure le corps évanoui de Manon sur le sol avant de revenir sur moi.
- Et maintenant, que se passe-t-il ?
Je suis étonnée du calme et de la manière sereine dont il aborde les choses. Il a été tué par un fantôme (moi), il se réveille et se découvre lui-même spectre. Il énonce les faits tels qu'ils se sont passés sans rancœur, sans haine et surtout sans désir de vengeance. Tout le contraire de moi.
- Caliel, je te laisse lui expliquer ? Demandai-je.
- Je vais plutôt prendre la parole, si vous le permettez ?
Je vois une ombre s'étirer sur le sol, lécher le tapis plain du salon où nous sommes regroupés et une superbe femme se matérialise sous mes yeux éberlués.
L'homme clignote plusieurs fois des siens face à cette apparition théâtrale. La femme s'approche de lui, la main levée devant elle.
- Je suis Kéresse, une des deux dernières sœurs infernales, se présente-t-elle.
L'homme saisit sa main, sans trop savoir quoi faire avec. L'apparition lui fait signe qu'il doit baiser sa main d'un signe de tête et d'un haussement de sourcil. Elle se prend pas pour un étron, celle-là.
- Bien, bien, reprend-elle en retirant sa main, si je ne m'abuse, tu es Silas Curtis, 32 ans. Pas de femme, pas d'enfant, pas même un chat.
Elle lui tourne autour tel un vautour, sans même une attention pour nous.
- Un joli petit palmarès: vols en tout genre, agressions multiples, meurtres à répétition et même viol. Une belle âme bien sombre, comme je les aime.
Elle se rapproche de lui, le nez en avant et semble inspirer profondément. Elle s'arrête subitement derrière son épaule et le renifle un peu plus fort. Curieuse, je flaire l'air à mon tour et je sens encore cette odeur du parfum "Chrome" et de nicotine émanant de l'homme appelé Silas.
- C'est étrange, dit Kéresse en s'écartant de lui, tu ne sens pas comme une âme déchue. En fait, ton odeur me dégoûte.
Elle le contourne lentement, lui caresse sensuellement les épaules au passage mais se détourne de lui pour s'approcher de nous.
- Enfin, je te rencontre ma petite Simone. J'ose espérer que Caliel t'ai parlé de moi ?
- Heu ...
Caliel se met carrément devant moi et en me poussant légèrement derrière lui.
- Kéresse, ne l'approche pas, ne lui parle pas. Reste loin d'ici, loin de nous et tout ira bien.
- Petit Caliel ! Petit Ange tombé . Que peux-tu contre moi ? Tu n'es plus rien, sache-le !
- Qu'en sais-tu ?
Dans une gerbe d'étincelles, mon ange fait apparaître une magnifique épée du néant, une superbe armure recouvre entièrement son corps. Il prend une position de combat, l'épée levée au dessus de sa tête.
- Tu veux te battre contre moi, Caliel ? Penses-tu avoir assez de force ? Penses-tu pouvoir me vaincre ?
- Si je dois en arriver là, Kéresse, je le ferais. Sans hésiter !
- Qu'il en soit ainsi.
D'une grâcieuse pirouette sur elle-même, sa robe moulante se change en une armure en cuir noire se rapprochant beaucoup d'une armure viking que j'ai pu, un jour, voir dans la vitrine du musée d'histoire naturelle de ma ville. Un camail en fer lui couvre la tête, une énorme hache à double fers complète la parure. Elle prend, à son tour, une position de combat.
- Je suis prête !
Elle avance lentement vers nous, tenant sa lourde hache d'une seule main, un sourire cruel sur le visage. Arrivée à notre hauteur, elle accélère le mouvement et lève la hache au dessus de sa tête avant de la rabattre massivement sur Caliel qui pare habilement le coup.
- Simone ! Va-t'en ! Tout de suite !
- Et Manon ?
- Elle ne risque rien, dit-il en repoussant Kéresse, On ne peut pas la toucher. Pars d'ici, dépêche-toi ! Je sais où te retrouver !
Au moment où je vais m'évaporer, une énorme main s'abat sur mon épaule. Silas et moi apparaissons tous les deux dans ma pièce, dans ma maison. Entraîné par notre poids, nous roulons tous les deux au sol. Je tente de m'écarter rapidement mais il attrape ma cheville et me tire vers lui.
- Que fais-tu ? Lâche-moi !
- Pourquoi ferais-je ça ? J'ai bien compris l'intérêt que j'avais à me lier avec cette femme. Je compte te ramener à elle. Dès que j'ai compris comment faire !
Je lui envoie un coup de talon dans le visage afin de me libérer de lui. L'homme me lâche un instant, que je mets à profit pour me relever.
Lui faisant face, je me mets dans une position de combat approximative que j'ai vu à la télévision.
- C'est pitoyable, dit Silas en se relevant.
Il se dirige lentement vers moi, les poings en l'air. Il lance le premier coup que j'arrive à parer, je ne sais comment. Il enchaîne avec un uppercut que je me prends dans le menton. Je vacille sur mes jambes et je vais percuter lourdement la porte juste derrière moi qui s'ouvre subitement. Evidemment, je perds l'équilibre et me retrouve, encore une fois, au sol. L'homme me chevauche et me soulève par le t-shirt, son visage à quelques centimètres du mien.
- Tu veux bien être gentille et nous "téléporter" sans faire d'histoire ? Me souffle-t-il.
- Ça serait beaucoup trop facile, lui rétorquai-je.
Nous sommes distraits par des bruits provenant du salon. Des babillages et une petite mélodie de dessins animés nous parviennent. L'homme s'immobilise et semble être aux aguets.
- Hugo et Valentin, ça va bientôt être l'heure du bain ! Préparez-vous !
Je reconnais la voix d'Antoine.
Le visage de Silas reprend sa place initiale avec un énorme sourire diabolique sur le visage.
- C'est tes enfants et ton mari, n'est-ce pas ? Crois-tu qu'il soit possible de noyer deux enfants ? Ou peut-être de les électrocuter dans leur bain en tant que fantôme ?
- Ne touches pas à un seul de leur cheveux !
- Sinon quoi ? Tu vas me tuer ? Tu l'as déjà fait, ma belle !
J'entends qu'Antoine coupe la télévision sous les cris de protestation des enfants. Je sais que d'une minute à l'autre, il monter les escaliers avec les petits pour se rendre dans la salle de bain. Silas ne connaît pas la maison, il va devoir les suivre pour savoir où elle est. J'ai donc une chance d'y être avant lui et de bloquer la porte du mieux que je peux. L'idée m'a effleurée de nous matérialiser autre part mais je n'arrive pas à me concentrer sur un endroit en particulier. J'ai tellement peur pour eux.
Me repoussant au sol, Silas se rue dans les escaliers. Je mets mon plan en action et apparaît dans la salle de bain au moment où Antoine, portant Valentin, et Hugo passent la porte. Brusquement, je la referme et tourne le loquet à l'instant où Silas émerge dans le couloir. Je l'entends jurer et profaner. Je compte bien profiter de son ignorance en matière de fantôme pour me jouer de lui, pour l'ancien humain qu'il est: une porte fermée reste une porte fermée, même s'il ne va pas tarder à comprendre la supercherie.
- Qu'est-ce que c'est ?! Hurle Antoine.
Il dépose précipitamment Valentin par terre et court vers la porte que je maintien fermée. Dès qu'il tourne le loquet, je m'empresse de faire l'effet inverse. Tout à coup, elle s'ouvre brutalement, envoyant valser Antoine qui se cogne la tête contre la baignoire et ne se relève pas. Les enfants hurlent en secouant leur père qui ne réagit pas.
- Arrêtons de jouer ! Ma patience a des limites ! Rugit Silas en entrant dans la salle de bain.
Je me mets entre ma famille et lui, prête à reprendre le combat. Je sens la peur tordre mon ventre, la panique de ne pas être assez forte pour les défendre me fait trembler. Je ne sais absolument pas quoi faire. J'attends qu'il fasse le premier pas.
Silas bondit sur moi en m'attrapant la gorge, il me balance contre le miroir au dessus de l'évier, qui éclate sous le choc. Mes enfants, voyant mystérieusement le miroir exploser, hurlent de plus belle, terrorisés.
Silas n'est qu'à quelques pas de Hugo qui protège Valentin de son petit corps. Je me relève péniblement et tente de les rejoindre.
- Arrête ! Ne les touches pas !
Je hurle de rage et de désespoir.
- Alors, viens avec moi !
- C'est bon, tu as gagné! On va retourner auprès de Caliel et de Kéresse. Tu peux t'éloigner d'eux, je serais docile.
- Très bien, dit-il en faisant mine de s'éloigner de Hugo.
Je m'approche de lui pour lui prendre la main afin de nous évaporer ensemble. Du coin de l'œil, je suis soulagée de voir la poitrine d'Antoine se lever et s'abaisser.
Au moment où mes doigts vont s'entrelacer avec les siens, il se saisit rapidement de Valentin.
- Je prends un otage, en cas de coup fourré.
Cette fois-ci, en voyant la tête de mes enfants terrifiés et impuissants. Une terrible rage s'empare de moi. Je sens la peur et l'angoisse disparaître pour faire place à une puissante colère. L'odeur émanant de l'homme est de plus en plus forte, de plus en plus écœurante.
Sans réfléchir, je lui saute dessus en lui arrachant Valentin des bras pour le déposer dans ceux de mon ainé, abasourdi. Une fois en sécurité, je me concentre sur l'homme en face de moi.
- Que ... Tes yeux ! Qu'est qu'ils leur arrivent ? Ils sont rouges ! C'est... La seule couleur que je peux voir !
Sa voix est chancelante, il a perdu son arrogance et son assurance. Je n'écoute plus rien de ce qui m'entoure, mon seul objectif est de détruire cette âme devant moi. De la broyer, la faire souffrir et, enfin, la détruire.
Je lui saute dessus. Nous roulons au sol et je prends, miraculeusement, le dessus sur lui. Je m'assois sur sa poitrine, mon visage touchant le sien. Ses yeux sont écarquillés, j'y sens la peur.
- Tu ne feras plus jamais de mal !
Instinctivement, j'ouvre la bouche et, je ne sais pas pourquoi je fais ça, j'aspire comme un spaghetti l'homme sous mes cuisses. Je gonfle mes poumons, qui n'ont plus besoin d'air, et je continue d'aspirer, aspirer, aspirer jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien... Haletante, je tente de reprendre mes esprits.
Une toute petite main se pose sur mon épaule...
Quand je me retourne, Hugo me sourit à travers ses larmes. Valentin court vers moi ...
- Je savais que c'était toi, maman !
Prenant la chair de ma chair dans mes bras, je hume le sommet de sa tête avant de faire signe à Hugo de nous rejoindre ...
Mes enfants dans les bras, l'homme détruit, je me détends un peu.
Tout danger semble écarté... Pour l'instant !
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