Chapitre 18: Encore une proposition
Une sonnerie retentit dans l'habitacle de la voiture.
- Allô ? ...Gaëtan ? Tu voudrais me voir ? Après le SMS que tu m'as envoyé ? Je pense que ton message était clair !
Manon replace une mèches de ses cheveux châtains derrière son oreille. Elle se regarde dans son rétroviseur. Du bout de son majeur peint en rouge cerise, elle efface la bavure que son rouge à lèvre carmin à laisser trainer sur le coin de sa lèvre inférieure.
- Mais je ne sais pas si moi, j'ai envie de te voir. Après tout, ça va peut-être un peu trop vite entre nous ? Dit-elle, sarcastique.
Elle sait très bien qu'elle va accepter de revoir cet homme. Elle a besoin de compagnie. Après ce qu'elle a entendu dans le bureau de son patron, elle n'ose pas rentrer chez elle, dans son appartement, vide et froid.
- Non, attends ! Ne raccroche pas, je te taquinais ! Panique-t-elle quand l'homme fait mine de mettre un terme à la communication, on peut se donner rendez-vous dans le restaurant en bas de chez toi? Disons, dans 20 minutes ? Très bien, à tout de suite !
Manon met son clignotant avant de changer rapidement de bande, sans un regard pour les voitures derrières elle. Sous un déluge de klaxons, elle fonce rejoindre son amant, Kéresse sagement assise derrière elle.
***
L'homme rejoint précipitamment le parking souterrain des éditions Fatalités, une boîte sous le bras. La lançant négligemment sur le siège arrière de son Audi, il prend place derrière le volant et se dépêche de rejoindre la sortie. Mieux vaut ne pas trop rester dans les parages !
Il enclenche le Bluetooth reliant son portable à sa voiture et appuie sur le dernier appel:
- Mission accomplie, Patron ! J'ai la boîte mais je dois m'occuper d'un minuscule petit problème avant de vous rejoindre. Rien de grave mais comme vous me l'avez répété bien souvent : "jamais de témoin, même insignifiant ! ".
Tout en coupant la communication, l'homme fouille dans sa poche afin d'en sortir la carte que Manon Steel lui a donné un peu plus tôt.
Il compose le numéro tout en observant prudemment la route devant lui.
Tut tut tut ...
Occupé !
- Merde ! S'énerve l'homme, fait chier, putain de bonne femme !
Il retente sa chance mais l'appareil sonne encore occupé. Il va se garer dans une ruelle discrète et prend son ordinateur rangé sous le siège arrière de sa voiture. Il entre le numéro de la plaque d'immatriculation de la jeune femme dans la base de données piratée de la police et obtient son adresse.
Un sourire cruel sur les lèvres, il prend le chemin des quartiers chics. Il a très envie de jouer un peu.
***
Quand Manon entre dans le restaurant, elle a la désagréable surprise de constater que son bonhomme n'est pas encore arrivé. Elle prend place sur le tabouret du bar et commande un verre de vin blanc pour patienter.
Kéresse se matérialise quelques minutes après l'entrée de Manon et s'installe gracieusement à côté d'elle.
- Bonsoir, dit l'ombre, charmeuse, puis-je vous accompagner ?
Manon se tourne vers cette femme, d'une beauté exquise mais étrangement inhumaine qui vient de lui adresser la parole. Elle sent une jalousie maladive monter en elle. Si l'homme qui doit la rejoindre, d'un instant à l'autre, voit cette créature, elle est bonne pour passer la nuit seule, chez elle. C'est hors de question !
- Vous devriez aller voir plus loin si j'y suis cocotte, lui lâche-t-elle, dans un autre bar, peut-être !
Kéresse la regarde dans les yeux, sans se démonter. Elle adore ces petits jeux malsains et plus la proie est farouche et plus elle y prend plaisir.
- Oh mais je suis très bien où je suis ma jolie, murmure-t-elle, j'adorerais prendre un verre en votre belle compagnie et échanger quelques mots avec vous. Vous me semblez un peu seule.
- J'attends mon petit ami, réplique sèchement Manon, il est un peu en retard mais il va bientôt arriver.
À peine à t-elle terminé sa phrase, qu'un petit brun moustachu et bedonnant fait son entrée. Il visualise la salle bondée, quand son regarde s'arrête sur les deux jeunes femmes assises au bar. Manon est très jolie mais l'autre femme est carrément splendide. Il s'empresse de les rejoindre en s'installant entre elles.
- Et bien, Manon, tu ne me présentes pas ton amie? Demande-t-il en claquant un baiser sonore sur sa joue.
- Elle n'est pas mon amie, réplique-t-elle sèchement, honteuse d'avoir avancé ses lèvres dans l'espoir d'être embrassée, je ne la connais pas mais maintenant que tu es là, pouvons-nous aller nous asseoir à une table ? Je meurs de faim.
L'homme ne détourne pas son regard de l'ombre qui lui offre son plus beau sourire, malgré les tentatives ridicules de Manon pour capter son attention.
- Gaëtan ? Tu m'écoutes ? Insiste-t-elle.
- Mais je viens d'arriver, laisse moi le temps de commander une boisson ! Je meurs de soif, moi ! Chef, apostrophe-t-il le serveur, une petite mousse bien fraîche, je te prie et deux verres de vin ...
- Rouge, termine Kéresse.
- Et deux verres de vin rouge pour ces dames par la même occasion.
- Je ne bois que du blanc, râle Manon.
- Et ben, tu feras l'effort de boire le verre que l'on t'offre sans rouspéter, rétorque l'homme.
Kéresse observe le visage fermé de la femme devant elle. Elle se dit que tout compte fait, ça allait être un jeu d'enfant de manger cette âme. Manon n'aspire qu'à être aimée et elle est prête à tout pour ça.
- Très bien, acquiesce à contrecœur Manon.
Le serveur revient avec les boissons qu'il dépose devant chacun d'eux. Manon le remercie vaguement, fixant le comptoir. L'homme appelé Gaëtan s'empare de son verre de bière et trinque avec Kéresse, qui elle, fixe Manon.
- Comment vous appelez-vous, si je puis me permettre ? Interroge lourdement l'homme.
- Kéresse.
- Quel drôle de nom, siffle Manon en sirotant une gorgée de son vin.
- C'est un très vieux prénom, continue L'ombre.
- C'est un magnifique prénom, rebondit Gaëtan, que faites-vous dans la vie jolie Kéresse ?
- Je voyage à gauche et à droite, on peut dire que je suis en quelque sorte dans le commerce alimentaire, dit-elle énigmatiquement, un sourire vorace sur les lèvres.
- Et bien, et bien... Que de mystère !
- Je vous dérange peut être ? S'insurge Manon. Dans ce cas, je vais aux toilettes le temps que vous papotez...
Sur ce, elle descend de son tabouret et se dirige furieusement vers la porte donnant sur les WC.
- Elle est un peu jalouse. On vient de rompre, voyez-vous. On n'était pas vraiment ensemble de toute façon, si vous voyez ce que je veux dire, dit-il en faisant un clin d'œil entendu à Kéresse.
- Je vois, réplique-t-elle.
Et sans laisser le temps à l'homme d'en rajouter, elle glisse à son tour du tabouret et se dirige, elle aussi, vers les toilettes.
Quand Manon sort de la cabine, elle est surprise de voir sa rivale adossée contre le lavabo, les bras croisés, la fixant intensément du regard.
- Qu'est-ce que tu me veux ? Agresse-t-elle.
- Je veux te faire une proposition.
- Une proposition ? Désolée ma grande mais je ne suis pas de ce bord là !
- De ce bord là ? Demande Kéresse, en haussant un sourcil parfaitement épilé. Tu as cru que j'allais te demander de coucher avec moi ?
Kéresse s'esclaffe.
- Tu te trompes, reprend-elle, méprisante. Quoi que ? Une petite partie de jambe en l'air avant de souper n'est pas une mauvaise idée, pense-t-elle.
- Je te propose de faire un choix, continue L'ombre, j'ai le pouvoir de te donner tout ce que tu désires, tous les hommes que tu souhaites, être aimée par n'importe quel mâle au monde et ne jamais te faire quitter ou alors, tu peux continuer ta petite vie solitaire et te faire une raison, apprendre à t'aimer pour ce que tu es et ne plus attendre l'amour impatiemment.
- Sérieusement ? Mais tu es qui, toi ? Une barge sortie d'un asile? Je vais te dire ce que je désires plus que tout au monde: c'est que tu dégages d'ici, immédiatement et que tu laisses mon homme tranquille !
- Ton homme ? Interroge Kéresse, le sourcil relevé. Mais quel homme, Manon ? Es-tu aveugle au point de ne pas voir quel genre de personne est ce gars ? N'as-tu pas une once d'amour propre ? Sois raisonnable ! Accepte ma proposition.
- Comment oses-tu me juger ? Et d'ailleurs, comment connais-tu mon prénom ? Peu importe, cette conversation est trop bizarre. Mais tu as raison sur une chose : Je vois très bien quel genre de mec il est, d'ailleurs, je te le laisse. J'irais m'en trouver un autre. Dans un autre bar. Là, où tu ne seras pas ! Tu peux mettre ta proposition là où je pense !
Elle se détourne de Kéresse, ne voyant pas l'intense excitation dans son regard. Claquant la porte des toilettes, elle se dirige d'un pas rageur vers le tabouret qu'elle occupait. Sans un regard pour Gaëtan qui terminait sa bière tranquillement, elle attrape sa veste et son sac et sort du restaurant avec un brin de dignité.
Arrivée dans sa voiture, elle sort son téléphone portable de son sac, bien décidée à rappeler un de ses anciens plan d'un soir. Tout, sauf terminer la nuit seule ! Elle constate avec surprise qu'elle a reçu deux appels manqués. Bien qu'elle ne reconnaisse pas le numéro, elle décide de rappeler. Peut-être, enfin, une bonne nouvelle ?
- Allô ? Ici Manon Steel, vous avez essayé de me joindre, à deux reprises ? Puis-je savoir qui vous êtes ?
- Allô ? Manon ? Ici, Mr. X ! Je vous appelais pour savoir si vous voudriez qu'on aille prendre un verre un de ces soirs ?
- Boire un verre ? Oui, avec plaisir !
La chance semble être de son coté ! Snobée par un ventripotent pour être consolée par un bel homme. Jackpot ! Se dit-elle.
- Pourquoi pas ce soir ? dans 30 minutes au Arlo bar, sur la Grand Place ? Propose-t-elle.
- J'espérais un coin un peu plus calme, moins bruyant. Un endroit où l'on pourrait discuter tranquillement ?
Manon comprend bien le sous-entendu et c'est rayonnante qu'elle lui propose d'aller acheter une ou deux bouteilles de vin blancs, de quoi grignoter et de la rejoindre chez elle. Proposition acceptée d'emblée.
En chemin, dans l'euphorie de cette soirée plus que prometteuse, Manon ne se rend pas compte qu'elle ne lui a pas donné son adresse ....
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