Tonnerre et vent

Art by (peut-être) Noodler's (image trouvée sur Pinterest)
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Le Clan du Tonnerre était régulièrement responsable lorsqu'il s'agissait de bousculer les habitudes. Cette histoire ne fait pas exception à cette règle implicite, jamais dite mais toujours confirmée au travers de l'histoire des chats sauvages, encore et encore, sans relâche.

De jeunes chats se tenaient face à l'hostilité de Cœur de Zénith. Nuage de Craie, tapit dans les herbes derrière la silhouette de son père, railla dans ses pensées l'imprudence de ces inconnus. Ils sentaient fort le bois et la terre, rien qui ne vienne de ce que l'apprenti connaissait. Ne savaient-ils pas dans quel danger ils s'avançaient en défiant le meilleur guerrier qu'il connaisse ? N'étaient-ils pas conscients du douloureux décalage entre les arbres et la lande dans laquelle ils se trouvaient ?

En réalité, les trois étrangers n'avaient pas fière allure. Nuage de Craie l'aurait su, s'il n'avait pas passé tant de mois isolés des autres. Il aurait également su que ces individus venaient du Clan du Tonnerre et étaient probablement que de très jeunes guerriers. Ils ne devaient pas avoir beaucoup de lunes de plus que lui, au vu de leurs corps encore petits et de leurs regards hésitants. Aucune hostilité n'émanait d'eux.

Mais comment pouvait-il le savoir, lui qui connaissait un monde limité à une poignée de connaissances et seulement des souvenirs brouillons de son clan d'origine ?

À la place, Nuage de Craie observait la manière dont la fourrure épaisse de ces chats était malmenée par le vent. Il observait leur pattes tremblotantes, leurs mines fatiguées, leurs allures un peu maigres. Ils devaient avoir faim. Il pensa au lapin qu'il avait dévoré, juste plus tôt. Il se demanda si, si le temps avait été de leur côté, il leur aurait offert un bout de son repas. Il se dit qu'il n'aurait jamais la réponse. Il se dit que son père chasserait bientôt les étrangers de toute façon.

— Que fabrique le Clan du Tonnerre ici ?

Aux mots de Cœur de Zénith, la fourrure de Nuage de Craie se hérissa. Il jeta un regard à ses camarades. Les moustaches de Nuage de Rapace s'agitèrent, trahissant indéniablement son anxiété. Le Clan du Tonnerre ? Que faisaient des guerriers ici ? Nuage de Grenade se regroupa sur elle-même, comme si elle s'apprêtait à bondir. C'était la position défensive qu'ils avaient appris en s'entraînant au combat. S'attendait-elle à une bataille ? Affolé, Nuage de Craie recentra son attention sur les étrangers, prêt à réagir au moindre mouvement, quoiqu'il ne sache pas exactement comment. Si le danger venait, son premier instinct serait-il de fuir ? Pour l'empêcher, le jeune apprenant enfonça ses griffes dans la terre avec la volonté de contenir sa peur, de bloquer son corps pour l'empêcher de s'échapper contre sa volonté.

Un silence pesant s'étendait entre Cœur de Zénith et les guerriers. Le vent hurlait dans leurs oreilles, seul bruit environnant. Finalement, après avoir échangé un regard avec ses camarades, un chat s'approcha. Ses oreilles étaient rabattues en arrière, signe d'hostilité ou d'inconfort face aux bourrasques qui tentaient de le bousculer, Nuage de Craie ne savait pas. Sa fourrure blanche dansait au rythme de l'air agacé. Plusieurs fois, déjà, le guerrier avait tenté de contourner la colère évidente des éléments, mais Cœur de Zénith l'en dissuadait, conservant son allié naturel à ses côtés, dans son dos.

— Nous ne sommes que de passage, nous ne voulons pas de problème.

Un autre regard énigmatique. Les chats semblaient être capables de communiquer par la pensée. Était-ce une particularité du Clan du Tonnerre ? En fuyant son clan, Nuage de Craie avait-il perdu une occasion de développer de telles compétences ?

N'importe quoi, le rabâcha la voix imaginaire de Plume d'Aurore. Vous apprenez bien plus dehors, loin des concepts idiots d'un chat qui ne mérite pas de diriger un clan.

D'ailleurs, Nuage de Craie la voyait s'approcher. La silhouette fine de sa mère s'arrêta aux côtés de celle de Cœur de Zénith. Plus qu'un couple, on voyait en eux un front uni, un barrage contre tout type de menaces. Il leur manquait une pièce, comme s'ils ne fonctionnaient bien qu'à trois, comme si Regard de Houx était la dernière part de cette union. Cette dernière ne manqua pas de les rejoindre bien vite, l'allure calme et sévère.

— Je peux vous escorter en dehors de votre territoire, annonça Plume d'Aurore.
— À l'avenir, nous vous demanderons de ne pas y remettre les pattes, ajouta Regard de Houx. Nous ne serons peut-être pas si cléments.

Un autre chat, de ceux qui n'avaient pas encore parlé, fourrure noire et regard vert, s'esclaffa. Sa queue battit l'air. Il ne semblait pas être autant dérangé par le vent que son camarade ; au contraire, la situation paraissait l'amuser. Il sourit et dévoila ses crocs. Son œil vif se posa sur Nuage de Craie. Immédiatement, le chaton se sentit frémir. Il s'aplatit un peu plus contre la terre, espérant encore passer inaperçu, bien qu'il sache qu'il était déjà repéré.

— C'est plutôt vous qui devriez vous inquiéter. Le Clan du Vent recherche les voleurs de ses chatons depuis des lunes. À ce que je vois, ils sont tous ici, ce qu'Étoile Rapide sera heureux d'apprendre. Si j'étais vous, j'éviterai de proférer tant de menaces.

Le chat blanc soupira. Il tourna son regard mi-clos (le vent l'empêchait de totalement ouvrir les yeux, et il avait l'air de s'empêtrer de plus en plus dans sa propre fourrure) pour le poser sur son camarade. Le troisième chat, fourrure grise, comme un mélange des deux, leva les yeux au ciel. Il n'avait pas parlé jusqu'ici et ne le fit pas maintenant, se contentant d'étudier du regard les chatons dissimulés dans l'ombre des trois solitaires. Son attention vola sur chacun d'eux, puis se désintéressa vite quand son compagnon de route à la fourrure blanche s'exprima.

— Pelage d'Ours ? Tais-toi, cracha-t-il.
— Quoi ? Je vois bien que c'est eux ! Ce sont des traîtres qui ne respectent pas le code du guerrier, je ne vois pas pourquoi on devrait faire comme si on ne savait pas alors qu'ils osent nous menacer ! Je connais même vos noms : Plume d'Aurore, Cœur de Zénith et Regard de Houx.

Les anciens membres du Clan du Vent étaient comme pétrifiés. Nuage de Craie ressentait la colère qui émanait de son père, la peur qui paralysait sa mère. Comme en réponse à leur sentiments, le vent redoubla de violence, ce qui fit ronchonner les combattants. Même Pelage d'Ours baissa la tête pour combattre les rafales, la mâchoire serrée. Malgré tout, le chat blanc s'approcha encore, sans doute dans l'espoir de se faire entendre.

— Pardonnez Pelage d'Ours. Nous sommes de jeunes guerriers du Clan du Tonnerre, mon nom est Ecorce de Tremble. Voici Cœur Rusé. Nous sommes nous-mêmes en faute puisque nous nous sommes éloignés de notre territoire. Si vous nous autorisez à quitter votre territoire sans encombres, nous pouvons vous assurer que votre secret ne sera pas révélé.

Les chats du Clan du Tonnerre bousculaient les habitudes, mais ils n'étaient pas réputés pour être malhonnêtes. Et pourtant, ils n'auraient jamais du leur faire confiance. Peut-être que le Clan du Tonnerre ne promouvait pas la tromperie, mais ces chats là étaient bien des menteurs. Après tout, pourquoi croire un chat dont le nom est Cœur Rusé ?

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