Premier secret
Art : Windclan (Warriors) by By-Amberflame sur DeviantArt
Le premier secret de Museau de Craie est quelques chose d'insignifiant, de minuscule, de si nul qu'il ne mérite pas d'être révélé.
Ce secret est lié à un souvenir anonyme, clandestin. Ses racines mènent à une enfance tranquille dans une pouponnière calme, et pourtant pleine de sentiments étranges, inexplicables, qui n'avaient pas leur place ici.
Museau de Craie se nommait alors Petite Craie. Il somnolait contre Petite Ombre, sa sœur, qui elle dormait profondément. Ils n'avaient pas encore ouvert les yeux et on se fichait bien de ce qu'ils pouvaient comprendre. Les reines parlaient, tendues.
Le début de la conversation, Petite Craie ne l'avait pas écoutée. A ce moment là, il préférait se concentrer sur la chaleur rassurante que sa sœur provoquait en se collant à lui. C'était nouveau – tout l'était pour lui – mais aussi très familier, comme si cela en avait toujours été ainsi et cela le serait toujours. Comme si ce contact resterait à jamais la seule chose éternelle. Petite Ombre respirait régulièrement et il sentait le mouvement de son corps quand elle inspirait, puis quand elle expirait. Cette sensation aussi lui procurait une impression de bien être, il se sentait en sécurité.
Ensuite, il avait fait attention aux odeurs. Il y avait, bien sûr, celle du lait. Alléchante, familière, ce parfum lui donna faim et il poussa un petit miaulement aigu. Immédiatement, la voix qui parlait s'était interrompue et on lui avait léché le crâne avec affection. Ce n'était pas ce qu'il attendait, mais Petite Craie s'en contenta tout de même. Un peu d'attention, cela lui allait parfaitement.
Après le lait, le jeune chaton sentit l'effluve de sa sœur. Celle-ci, à l'image de Petite Ombre, dégageait une douceur maladroite, quelque chose qu'il assimilera plus tard à la senteur des jeunes pousses dans la prairie. Petit Ombre portait sur elle l'odeur de la jeunesse et de l'innocence, teintée d'une bienveillance sans précédent. C'était une odeur qu'on n'oubliait pas. Elle calma immédiatement la faim du petit mâle, qui s'effaça aussi vite qu'elle était apparue.
Après le lait et Petite Ombre, ce fut au tour de la mousse de se présenter à son odorat explorateur. Il trouva ce parfum amusant, prometteur d'aventures et de découvertes. La mousse évoquait le dehors, l'immensité du monde, les secrets de l'univers qu'il fallait encore découvrir.
Les autres effluves se mélangèrent : les chats présents, la puanteur des déjections dans un coin qui attendaient d'être emmenées hors de la tanière, les rares courants d'airs porteurs de fumets inconnus, une lointaine odeur de gibier... Tout cela agaça Petite Craie, qui n'aimait déjà pas l'agitation et les trop-pleins. Il décida alors de se rabattre sur ses oreilles et d'écouter.
Petite Craie écouta attentivement les bruits plus discrets : le souffle de sa sœur, les ronronnements de quelqu'un plus loin, les miaulements étouffés dehors, les chamailleries de deux chatons...
Il avait le sentiment qu'il n'avait pas le droit d'écouter les paroles brusques des reines.
Il céda un long moment plus tard, quand il ne trouva plus rien à entendre à part ces miaulements incessants qui l'entouraient.
La première voix était la plus énervée, la plus forte aussi. Petite Craie devina quelque chose qui ressemblait à sa mère, il en conclut donc que c'était elle.
— On ne peut pas continuer ainsi ! Je refuse que les chatons grandissent dans un environnement pareil !
La deuxième voix, plus douce, paraissait plus sage et raisonnée.
— Je suis d'accord avec Plume d'Aurore. Je suis prête à quitter le clan si c'est pour la sécurité de Petite Grenade et Petit Rapace.
La troisième et dernière voix fut celle d'un mâle, plus grave, un peu tremblante. Petite Craie la trouva familière et en fit donc, tout naturellement, la voix de son père.
— Personne ne partira. Nous allons remettre Étoile Rapide sur le droit chemin.
— Tu ne comprends pas le problème, toi, tu es un guerrier ! Mais les guérisseurs, les reines, les chatons et les anciens n'ont plus leur place dans ce clan, tout le monde le voit !
— Personne ne nous respecte plus, ici. Et, si c'est comme ça que doivent vivre mes chatons en restant ici, je préfère partir.
— Laissez-moi une chance ! Je peux essayer d'arranger les choses.
— Tu ne pourras pas toujours régler tous les problèmes, Cœur de Zénith. Parfois, même les plus grands héros n'arrivent pas à combattre le mal.
Plume d'Aurore se montra ensuite plus douce et laissa même un ronronnement discret s'élever quand elle effleura la truffe de son compagnon. L'autre chatte resta tendue, sceptique.
— Si demain rien n'a changé, alors nous partirons. En attendant, personne ne nous a entendu, personne ne sait rien de notre discussion. Les chatons ne doivent rien savoir du Clan du Vent, cela sera plus simple si nous partons.
Petite Craie se blottit plus confortablement contre Petite Ombre, troublé. Il n'avait pas bien compris la discussion, mais cela paraissait grave. Il prit soin de se remémorer chaque détail de cette scène et ne l'oublia jamais. Il n'en parla d'ailleurs à personne.
Ce fut son tout premier secret, initiateur de nombreux autres par la suite.
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