🍂9 - L'ETAU SE RESSERT🍂

« Vous avez peur que si le manoir venait à être rouvert, quelqu'un puisse découvrir votre sordide petit secret. En effet, que penseraient alors vos collègues qui vous estiment tant ? Que penseraient-ils du fait que leur chef est un assassin ? Je vous le demande. »

Quand bien même, il ne voulait pas y penser, les mots du Maire continuèrent de résonner en lui. Combien de fois s'était-il lui-même posé la question en sachant pertinemment qu'à un moment ou un autre la vérité resurgirait ? Il s'était maintes et maintes fois imaginé, allongé dans son canapé, voyant Grégory débouler avec quelques gars braillant des mots qu'il ne comprendrait pas si ce n'était celui qu'il attendait tant : arrestation. Cela lui pendait au nez. Aujourd'hui plus que jamais avec cette enquête qui, visiblement, le poussait vers le manoir.

Passant les portes du poste de police, Kylian eut le droit aux mêmes regards pleins de méfiance, de curiosité et d'admiration auxquels il avait le droit depuis bientôt deux ans. Certains hommes ne s'étaient toujours pas faits à sa présence, ni même à sa nomination en tant que Commissaire, d'autant plus que celle-ci était due à l'intervention du Maire en personne. Depuis, les rumeurs en tout genre allaient de bon train concernant son alcoolisme, sa négligence sur les scènes de crime, sa défiance générale et quand cela ne le concernait pas, tout tournait autour de ce fichu manoir.

– Alors ? toqua Grégory.

– Alors quoi ? pesta Kylian, jetant son manteau dans un coin de la pièce.

– Est-ce que tu as les clés ? Il serait temps qu'on y aille !

Les clés, toujours les clés, encore les clés ! Il n'avait que ça à la bouche.

– Est-ce que j'ai l'air de les avoir selon toi ?

– Laisse-moi deviner : Tu as débarqué dans le bureau du Maire et au lieu de demander gentiment, tu l'as envoyé sur les roses ?

Cela ne s'était pas tout à fait déroulé ainsi, mais encore une fois, Grégory n'était pas loin de la vérité.

– Je ne l'ai pas envoyé sur les roses, soupira le commissaire, Et j'ai fait de mon mieux pour être le plus aimable possible, crois-moi.

– Pourquoi les mots « aimable » et « Kylian » ne vont pas ensemble dans mon oreille ?

– Dois-je te rappeler que c'est toi qui m'a demandé d'y aller ? Si tu n'es pas content, tu n'as qu'à tenter ta chance si tu veux !

C'est à peine si Grégory aurait plus de chance, mais avec son petit air de chien battu, il pouvait au moins essayer d'amadouer le Maire.

– Tu as raison, ma mère dans toute sa sagesse disait : nous ne sommes jamais mieux servis que par nous-mêmes !

Quoi ?

– Grégory... Tu sais aussi bien que moi que le Maire n'acceptera pas. Il garde ses foutues clés plus précieusement qu'un coffre de banque ne garde de l'argent.

– Oh, mais je n'ai jamais dit que j'irais voir le Maire.

Il le vit alors quitter son bureau, disparaissant une dizaine de minutes avant de revenir tout sourire, armé d'une énorme pince coupante.

– Mon cousin chez les pompiers m'a laissé ce petit bijou ! s'exclama le lieutenant, Admire-la. Son petit nom est la Belle Betty.

– Je ne veux absolument pas savoir ce que tu vas faire avec et je tiens même à être gardé en dehors de toutes tes plus folles idées.

– Allez, Kylian ! Ne me dis pas que tu n'es pas un petit peu curieux ?

– Non.

« Vous avez peur que si le manoir venait à être rouvert, quelqu'un puisse découvrir votre sordide petit secret. En effet, que penseraient alors vos collègues qui vous estiment tant ? Que penseraient-ils du fait que leur chef est un assassin ? Je vous le demande. » Que se passerait-il une fois qu'ils seraient tous les deux là-haut ? Est-ce que Grégory découvrirait son secret ? Non. Cela faisait deux ans maintenant. Il ne devait plus rester grand-chose de...

– Tu sais, parfois, je te trouve vraiment fascinant, releva Grégory.

– Dans ce cas, intervint une voix féminine, si Grincheux ici présent refuse le petit voyage, je peux prendre sa place, non ? Personne n'y voit d'inconvénient ?

Bon sang, il ne manquait plus qu'elle.

– Je croyais vous avoir mise en garde ce matin, Édith.

– Oui, vous m'avez spécifiquement dit que vous me ferez arrêter si l'un de vos hommes était à même de voir ne serait-ce qu'un bout de mes jupons, répéta-t-elle fièrement, Fort heureusement pour vous, votre avertissement n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde.

Édith entreprit alors un petit défilé à l'intérieur même du bureau, dévoilant l'échange habile qu'elle avait opéré entre ses jupes et un pantalon. Un pantalon d'homme visiblement étant donné qu'il taillait beaucoup trop grand pour elle et qu'elle avait été obligée de s'équiper d'une ceinture et de bretelles.

Devant le déploiement de toute son ingéniosité, Grégory gloussa.

– Vous savez que c'est aussi un crime que de dépouiller un honnête homme de son habit le plus simple ? releva Kylian complètement blasé.

– Pour votre tranquillité d'esprit, commissaire, je n'ai pas volé ce pantalon. Je l'ai simplement disons emprunté, se justifia la jeune femme.

– Donc vous l'avez volé.

– Il séchait à l'extérieur. Personne ne remarquera son absence.

Finalement, Grégory céda le premier et éclata de rire.

– Alors, je savais que c'était un numéro à part entière vue comment tu me l'avais dépeinte, mais je ne pensais pas que c'était à ce point-là !

– Par pitié, Grégory, n'en rajoute pas.

– Oh, mais si, allez-y lieutenant, dites-moi donc ce que le commissaire vous a dit sur moi ! insista Édith.

Étant donné les regards sinistres que lui lança Kylian, Grégory fit vœu de silence.

– Je vois, reprit la jeune femme, la fameuse solidarité masculine. Comme c'est touchant. En attendant, soyez mignon et donnez-moi cette pince si vous ne voulez pas y aller.

– Qui a dit que je ne voulais pas y aller ? Ne me confondez pas avec... Eh bien avec lui ! se défend Grégory en pointant son ami du doigt.

– Dans ce cas, qu'attendons-nous ? Sauf si vous avez besoin qu'il vous signe un petit mot d'excuse à votre âge.

– Vous savez, je pourrais presque vous apprécier !

Grégory et Édith étaient à deux doigts de partir bras dessus, bras dessous en direction du manoir de Castelroc et Kylian ne les connaissait que trop bien pour les deux pour savoir ce qu'il se passerait là-bas une fois qu'ils y seraient. Ils finiraient indéniablement par découvrir la vérité. Toute la vérité. Tout ce que le manoir renfermait, tous ses secrets, Grégory et Édith avaient l'esprit suffisamment aiguisé pour les percer à jour et avec eux tous ceux concernant Kylian.

Et peut-être même ceux concernant Merry aussi.

– Je ne peux décemment pas, en mon âme et conscience, laisser deux idiots s'aventurer là-haut, grommela-t-il.

Et que ferait-il le moment venu ? Que ferait-il s'il savait la vérité à deux doigts d'être révélée ? Les laisserait-il le faire ou interviendrait-il tout comme il est intervenu il y a deux années de cela ?

Jusqu'où ses sacrifices iraient-ils ?

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