🍂15 - ENSEMBLE🍂
Il existait un adage que Kylian affectionnait tout particulièrement et qui lui servait de mojo dans tout ce qu'il pouvait entreprendre depuis qu'il était en âge de comprendre le monde : "Aux grands maux, les grands remèdes" et si le remède en question devait se faire dans la violence alors tant pis !
Prit dans l'angoisse de la situation et l'horrible impression que quelque chose jouait contre lui, voire quelqu'un, Kylian avait décidé d'aborder le problème de la sortie disparue sous un autre angle en fonçant dans tous les murs qu'il pouvait croiser. Après tout, l'un d'eux ne devait pas en être un. L'un d'eux devait forcément n'être là que pour leur faire croire que...
– Mais vous êtes complètement fou !
Peut-être. Peut-être l'était-il devenu par le fait de respirer les effluves d'une plante reconnue comme dangereuse ou bien, l'était-il devenu à force de travailler sur une enquête lui faisant perdre tous ses moyens et le ridiculisant aux yeux de tous. Ou alors... Oui, cela devait forcément être le cas : fou, il l'avait toujours été. Ne voyait-il pas le fantôme d'une morte ? N'entendait-il pas l'étrange mélodie provenant de la montagne et l'avertissant telle une funeste prophétie ? N'était-il pas le coupable d'un odieux crime ? Oui, c'est cela, il fallait être fou pour vivre dans ses bottes. Fou pour croire que le monde était normal et sain. Ce n'était pas le cas. Il y avait, en ce bas monde, des démons qui se cachaient parmi les Hommes.
– Dis-moi que l'on sortira d'ici avant que tu ne te fasses une commotion cérébrale comme le grand garçon idiot que tu es, fit Grégory qui n'avait jusqu'à lors même pas essayé de l'arrêter d'une façon ou d'une autre.
– Je suis certain que c'est quelque part par là. Cela ne peut être que par là. Je ne vois pas d'autres explications.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
Et ce bruit ! Ce bruit qui semblait les poursuivre où qu'ils aillent. Ce bruit qui paraissait constamment les menacer sans pour autant se manifester. C'était comme si quelque chose se tenait là et attendait, caché dans la pénombre, que l'un d'eux craque.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
– Silence à la fin ! Je n'arrive pas à réfléchir ! s'écria-t-il.
Étonnamment, ça s'arrêta.
– Oh, recommence ! Recommence ! le pressa Grégory excité.
– Quoi ?
– Le fantôme du bout du couloir a arrêté de faire du bruit. Je crois que même lui a peur de ton côté grincheux.
– Les fantômes n'existent pas... Continue et c'est avec TA tête que je vais enfoncer les murs.
Si seulement cela pouvait être vrai.
– Tu risquerais d'abîmer mes beaux neurones et on sait tous les deux très bien qu'entre nous, c'est moi le cerveau. Donc vas-y, je te prie, continue ce que tu faisais très bien jusqu'à maintenant, à savoir : t'éclater la tête contre les murs encore non détruits du manoir. À force, tu finiras peut-être même par en faire tomber un ou deux.
Néanmoins, quelle ne fut pas leur surprise quand Kylian réussit à passer littéralement à travers le mur, les entraînant tous les trois avec lui dans sa chute tandis qu'ils s'étalèrent par terre.
– Je le savais !
Le hall d'entrée. Le hall d'entrée est couvert de ces foutues fleurs. Le hall d'entrée donnant sur cette foutue porte. Le hall d'entrée ou plutôt... De sortie pour le trio.
Ni une, ni deux, ils foncèrent à travers la porte et déboulèrent comme des bœufs à même les flaques de boue se trouvant à l'extérieur.
– Liberté, chérie ! cria Grégory.
– Nous sommes sortis... Nous avons réussi... Murmura Édith aux anges.
Évidemment que tout le mérite revenait à Kylian, étalé de tout son long dans la boue, mais aucun d'eux n'était prêt à le reconnaître, ni n'en possédait les moyens, tandis que leurs cerveaux encore sous emprise peinaient à réaliser ce qu'il venait tout juste de se passer.
Une chose était pourtant certaine, ils étaient entrés dans le manoir de Castelroc et le reste semblait soudainement s'évaporer tel un rêve disparaissant au petit matin. Allaient-ils en discuter ? En reparler ? À quoi bon ? Kylian leur avait suffisamment fait comprendre que tout ceci ne devait être qu'un délire paranoïaque et même s'il leur plaisait de croire aux phénomènes paranormaux, il serait plus juste que de lui donner raison.
– Maintenant, vous savez pourquoi personne ne vient ici ou n'approche cet endroit, finit-il par dire en se relevant dans un grognement.
Avec cette petite expérience, tout ce qu'il pouvait espérer fut que cela suffirait pour les tenir à l'écart de cet endroit. Mais les avait-il accompagnés en connaissance de cause ou parce que, depuis le début, celui-ci avait un plan ?
– Qu'est-ce que l'on dira au maire alors ? demanda Grégory en se relevant.
– La vérité. Ces gens ont probablement essayé de visiter les lieux malgré le danger que pouvait réserver un lieu abandonné et cela leur a coûté cher. Nous pouvons nous estimer heureux de n'en ressortir qu'avec des égratignures et des bosses.
– Tu penses qu'ils furent aussi... Disons victimes de leur propre délire ?
– Peut-être ? Le manoir a toujours fasciné les curieux et les fans d'étrange...
La seule question qui demeurait néanmoins dans l'esprit du commissaire concernait la façon dont chacune des six personnes avait pu trouver la mort. Cela ne faisait que trop de coïncidences, mais avec un brin de logique et beaucoup de baratin, Kylian savait qu'il réussirait à convaincre n'importe qui avec son explication et ainsi, plus personne ne viendrait fouiner par ici. L'endroit resterait clôt et le demeurerait à jamais.
En soi, il pouvait presque se sentir soulagé de ne pas avoir à redoubler d'efforts pour convaincre son entourage et encore moins ces deux "cas" que représentaient Grégory et Édith. Individuellement, ils étaient chiants et suffisamment casse-pieds pour lui faire regretter tout ce qu'il décidait, mais mis ensemble ? Quel redoutable duo cela aurait pu former.
Heureusement pour lui, Kylian avait ce petit train d'avance sur eux et cette visite suffirait certainement à les maintenir séparer l'un de l'autre ainsi que de leur obsession commune pour découvrir les secrets et les mystères du manoir de Castelroc.
Pour le reste, le retour à la civilisation se fit dans le plus grand des calmes. Grégory s'était mué dans un silence quasi religieux et Édith semblait avoir perdu l'étincelle qui jusqu'à maintenant brillait dans ses yeux. C'était sans doute l'expérience de trop, mais il leur fallait au moins cela. Quant à Kylian, il avait le drôle de sentiment de pouvoir souffler à nouveau, comme si les problèmes retournaient d'où ils venaient au plus profond du puits. Ce n'est qu'à mi-chemin, au milieu des pins, que ceux-ci s'agitèrent tandis qu'une bourrasque se leva. Le temps se gâtait et il allait assurément pleuvoir davantage sur eux s'ils n'apprenaient pas à accélérer le pas.
" Quand viendra le vingt-quatrième jour de l'hiver, la maison dissimulée dans la poudrière ouvrira les portes de ses mystères.
De nouveau retentira alors la voix de Lucifer s'élevant à travers les feux de l'enfer.
Prends garde, toi l'enfant qui jadis le condamna par une prière au-dessus du puits bercé de lumière."
De nouveau, cette horrible comptine se fit entendre entre feuillages et buissons, mais fidèle à lui-même, Kylian joua parfaitement la carte de la sourde oreille. Tout ça, ce n'était que des conneries. Des conneries et rien d'autre que des conneries.
Ou bien c'était tout simplement la migraine qui le rendait vulnérable ? Atteignable ? Sans doute un juste mélange des deux. Il n'y avait rien là-haut. Rien si ce n'était deux terribles secrets.
L'un étant le fruit d'un accident et l'autre, eh bien, disons que l'autre était le fruit d'un désir non assouvi.
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