🍂14 - SAUVE QUI PEUT🍂
– Ce ne serait pas la troisième fois que nous passons par là ?
Devant la remarque d'Édith, le trio s'arrêta au beau milieu du couloir tandis que dehors la pluie s'abattait déjà avec violence. Depuis combien de temps étaient-ils rentrés maintenant ? Dix minutes ? Quinze peut-être ? Personne ne saurait le dire, c'était comme si toute notion de temps leur avait échappé tandis qu'ils se préoccupaient des détails alentours, cherchant un point de repère.
– Effectivement, ce vieux socle en pierre me rappelle quelque chose, releva Grégory, Kylian ?
Comment était-ce possible ? Jusqu'à présent et depuis leur entrée, Kylian était persuadé de savoir où les mener. Il aurait suffi de tourner à gauche et ils auraient forcément déboulé dans le...
– Grand salon... Se murmura-t-il à lui-même.
Cependant, ce n'était pas dans le grand salon qu'ils arrivèrent, mais une nouvelle fois sur un embranchement de couloirs. Une voie allant tout droit, une autre à leur gauche et une autre à leur droite. Il n'y avait aucune logique là-dedans.
– Quel genre de maléfice est-ce là ? fit Édith, On tourne véritablement en rond !
– Non ! Ce n'est pas possible, fit Kylian en cherchant quelque chose du regard. Il y a forcément une explication logique et rationnelle à cela.
– Vous voyez quelque chose de rationnel dans cela, vous ?
– Grégory, depuis combien de temps sommes-nous entrés ?
– Un petit peu moins d'une dizaine de minutes, pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
Et si c'étaient les effluves de datura portées par le vent qui les atteignaient déjà ? Et s'ils commençaient à perdre l'esprit, car leurs cerveaux se retrouvaient être intoxiqués ?
– Nous ne devrions pas nous attarder. Sortons d'ici.
Pour une fois, aucune protestation ne se fit entendre contrairement à ce qu'il pensait. Il s'imaginait déjà Édith brandissant ses bras en l'air en s'indignant tandis que Grégory lui jetterait son habituel regard de cocker afin de le convaincre du contraire.
– Donc l'endroit est bel et bien étrange, n'est-ce pas ? demanda Édith en suivant les deux hommes devant elle.
– L'endroit est parfaitement normal, ce sont nos cerveaux qui déraillent. Nous nous retrouvons drogués contre notre volonté.
– Comment ça drogué ?
– Je vous ai parlé de la plante tout à l'heure, voilà. Veuillez constater ce qu'elle peut faire !
Mais ce qui rendait l'expérience, le trip, d'autant plus effrayant et mystérieusement étrange, c'est qu'ils partageaient tous trois les mêmes sensations. Qu'ils puissent halluciner, c'était une chose, mais que cela soit une hallucination commune était fort peu probable. Alors quoi ? Édith aurait-elle raison ? Le manoir lui-même leur jouerait-il des sorts ? Non. Ce n'était là qu'un vieux bâtiment qui ne demandait qu'à s'effondrer sur quiconque ayant le culot de s'y aventurer.
Brusquement, quelque chose craqua avec force et un cri retentit dans le couloir : La fougueuse et téméraire Édith venait de passer à travers le plancher. Rien que ça. Elle n'était pas tombée bien bas, peut-être un étage en dessous et encore, néanmoins cela ralentissait considérablement leur course.
"Et si... ?" Kylian chassa immédiatement cette pensée.
– Est-ce que ça va ? demanda Grégory en se penchant légèrement en avant, Nous allons vous sortir de là, ne bougez pas !
Force était de constater qu'aucun d'eux ne savait comment. Ils étaient venus les mains dans les poches quasiment, n'apportant aucune corde, aucun matériel susceptible de pouvoir les aider face à ce genre de situation. D'ailleurs, ils n'auraient même pas dû affronter cette situation si cette fichue bonne femme était restée en ville pour faire ce qu'elle faisait le mieux, à savoir : enquiquiner son monde.
– Édith, écoutez-moi, vous sentez vos orteils ? demanda le commissaire en s'avançant à son tour.
– Pourquoi tu lui poses ce genre de questions ? lui demanda son ami en chuchotant.
– Parce qu'elle peut essayer de grimper les débris et on la tira ensuite. As-tu une meilleure idée peut-être ?
– Je me disais que l'un de nous deux pourrait y aller et l'aider ensuite.
– Le sol nous menace déjà et tu veux en rajouter ? Encore un peu et on serait capable de finir à la cave.
– Ah parce qu'il y a une cave ? s'étonna le jeune homme.
– Ce genre d'endroit a toujours une cave, Grégory, répondit le policier blasé.
Puis, pendant quelques secondes, entre deux pensées délirantes, Kylian eut un éclair de génie : Les lianes. Cet endroit était bourré de végétation !
– On va lui faire une corde avec ça ! Aide-moi.
– Je déteste te dire que tu as des idées discutables mais... Ce n'est que dans les romans que ce genre de manœuvre fonctionne.
– Eh bien prie le Seigneur pour que l'on soit dans un de ces mauvais romans que tu affectionnes tant, car là, vois-tu, je suis à court d'idées. C'est soit on l'aide, soit on l'abandonne pour la nuit. Qu'est-ce que tu proposes ?
– Si vous m'abandonnez, je vous hanterai jusqu'à la fin de mes journées ! cria la jeune femme en les ayant entendus.
Un fantôme pouvait être tolérable, mais deux ? Rien qu'à l'image, Kylian eut un frisson. D'autant plus que si Merry semblait seulement se manifester par moment, il était persuadé qu'Édith serait le genre de fantôme tellement hargneux et méchant qu'elle se transformerait en poltergeist et détruirait sa maison dans un accès de colère.
– Nous n'allons pas vous abandonner, calmez-vous ! Essayez d'attraper la liane et on va tirer. J'espère vraiment que vous n'avez pas mangé de pommes de terre aujourd'hui.
Une fois que l'opération fut sécurisée, les deux hommes échangèrent un regard, comptèrent jusqu'à trois et se mirent à tirer de toutes leurs forces. Quelle mauvaise idée que voilà : Demander au cerveau de faire un effort, lui qui manquait déjà d'oxygène afin de réfléchir clairement. Édith sécurisée à leur hauteur, tout le monde soufflant comme un bœuf, ils remarquèrent qu'un son s'élevait derrière eux.
Encore ce son.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
– Ne tombez pas dans le panneau, tout ce que vous pouvez entendre, c'est dans votre tête, avertit Kylian.
Mais l'était-ce réellement ?
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
– C'est la pluie, c'est la pluie, c'est la pluie, se répéta la jeune femme.
Enfin, d'un seul homme, ils se redressèrent et décidèrent de reprendre leur chemin là où ils l'avaient laissé avant la chute de la jeune femme, n'ayant visiblement que quelques égratignures, oh miracle. Il était certain qu'ils en entendraient parler pendant au moins les six prochains mois, car à chaque blessure qu'Édith se faisait, il fallait qu'elle en parle comme si elle revenait de la guerre en elle-même. Quelque part, de son corps marqué, elle en était fière parce qu'elle savait que chaque blessure était une preuve qu'elle était sur le terrain à faire ce qui lui tenait à cœur.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
Ce n'était pas la pluie, ils l'avaient tous compris. Alors oui, sans doute était-ce le produit de leurs cerveaux détraqués, mais il pouvait y avoir une autre raison à la répétition de cet étonnant claquement. Il devait y avoir une autre raison. Aucun bruit quel qu'il soit ne pouvait se répéter ainsi. Aucun.
– Dites-moi qu'on approche de la sortie, demanda Édith.
– Normalement, c'est à droite, la grande porte ! s'exclama Grégory.
Sauf qu'en prenant à droite, il n'y avait pas de grande porte. À dire vrai, il n'y avait rien si ce n'était un long couloir. Encore.
– Ce n'est pas vrai ! C'est une plaisanterie ou quoi ? s'écria le lieutenant en arrivant devant.
– Restez calmes, ne vous énervez pas... Dites-vous que ce n'est... Qu'une illusion.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
Il était connu de tous que la nature humaine était si fragile qu'un rien ne suffisait pour jouer avec leurs nerfs et c'était exactement ce que le manoir faisait actuellement avec eux. Il jouait.
Il jouait jusqu'à ce qu'ils en perdent la tête.
Littéralement.
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