🍂13 - SIX PETITS PAS🍂
La porte ne s'ouvrit qu'à l'aide de deux coups d'épaule et d'un petit peu d'élan de la part de Grégory tandis que celui-ci faillit trébucher quand cette dernière accepta enfin de les laisser entrer à l'intérieur. Le grincement produit un tel écho dans le vaste hall d'entrée qu'il aurait pu alerter quiconque se trouvait entre les murs du manoir, mais heureusement pour eux, il n'y avait là pas une âme qui vivait.
– Quel cliché, souffla Édith en entrant à son tour, Une porte qui grince et après qu'est-ce que cela sera ? Le sifflement du vent à travers les trous dans la charpente ? Ce bâtiment a tout pour effrayer les enfants.
– Heureusement que nous n'en sommes plus alors, mais sachez que si l'envie vous en prenait de m'attraper la main afin de vous sentir rassurée...
– Touchez-moi et je vous briserai les noix.
– Tant de violence. Vous savez, j'essayais d'offrir un petit peu de réconfort, bouda Grégory.
– Offre-lui ta main et elle te bouffera le bras, rajouta Kylian en fermant la marche comme à son habitude.
– Dis celui qui aboie constamment sur les gens ! N'est-ce pas là l'hôpital qui se fiche de la charité ? siffla Édith en le dévisageant.
Kylian préféra ne pas relever, encore une fois. Désormais, tout ce qui lui fallait faire était de se concentrer sur son enquête, sur de potentielles traces, ou bien même des indices pouvant attester que les six victimes gisant dans la morgue du poste étaient bel et bien passées par là. Encore une fois, il ne comprenait pas comment six personnes auraient pu venir jusqu'ici en sachant que le cadenas n'avait pas été forcé, que la clôture n'avait pas été sautée et que rien ne laissait penser qu'une quelconque présence humaine eut le courage de venir jusqu'ici. Mais dans ce cas, comment expliquer les traces de sciure sur leurs vêtements ? C'était le seul élément qui les reliait tous à cet endroit. De toute évidence, ils n'étaient pas venus en même temps et ils n'avaient pas trouvé la mort de la même façon. Alors quoi ?
Tandis que le commissaire était perdu dans ses réflexions, Grégory et Édith profitèrent de ces secondes pour commencer une petite exploration, à commencer par le hall d'entrée offrant un espace pouvant contenir au moins une vingtaine de personnes. Le sol était recouvert de poussière, de petits cailloux, de feuilles mortes et la végétation s'était visiblement attaquée aux murs alentours. Juste en face, un escalier en bois dont chaque planche menaçait de céder à tout moment et sous le poids de quiconque s'y aventurerait. Pourtant, malgré tout cela, le manoir semblait étrangement calme. Ils se seraient attendus à rencontrer des squatteurs ou bien des bestioles de la forêt aux alentours, mais rien. Juste le calme.
– Vous ne trouvez pas que ça sent bizarre ? releva la journaliste en reniflant comme un chien pisteur, On dirait une pointe de...
– De datura, coupa Kylian, et à votre place, j'éviterais de respirer trop fort.
– Parce que vous allez me dire que même respirer m'est interdit ? pesta la jeune femme, Merveilleux !
– Non, vous pouvez, mais ne vous étonnez pas si vous vous faites un petit trip dans une autre dimension. Le datura est une fleur aux propriétés hallucinatoires.
– Donc je présume que l'on ne devrait pas traîner dans les passages ?
– Ah ! Enfin quelque chose d'intelligent venant de votre part. C'est étonnant.
– Je vous méprise chaque seconde un peu plus, sachez-le.
– Sentiment partagé.
Kylian ouvrit la marche et déambula à travers tout un dédale de couloirs, menant le groupe qui, pendant un temps, ne posa aucune question bien qu'Édith et Grégory échangèrent à plusieurs reprises quelques regards inquiets. Où allaient-ils ? Et surtout comment Kylian pouvait connaître aussi bien cet endroit ? C'était comme s'il était déjà venu ici.
Pire, c'était comme s'il y avait déjà vécu, car même lui ne devait pas se rendre compte qu'il avançait par automatisme.
– Vous croyez... Que l'on pourrait tomber sur... Sur eux ? chuchota Édith en regardant autour d'elle.
– Sur qui ? la questionna le lieutenant piqué de curiosité.
– Eh bien, vous savez bien ! Sur... Les corps des gens qui sont morts ici. On dit qu'ils n'ont jamais été retrouvés. Tout ce qu'il restait de la première famille fut une mare de sang, ensuite pour les bonnes sœurs c'étaient des touffes de cheveux et d'ongles et enfin pour Margarette Heelz...
– Rien, ajouta le commissaire, C'est la seule personne pour qui on ne retrouva aucune trace.
En fait non, elles étaient trois partageant cette particularité : Margarette, Merry et Chloé. Aucun corps. Aucune trace.
– Ça me donne la chair de poule, je les imagine toujours quelque part entre les murs du manoir, poursuivit Édith.
– Peut-être qu'avec votre poisse légendaire, vous saurez être notre chat noir personnel et que, d'une façon ou d'une autre, vous nous conduirez à eux ! Quelle macabre découverte cela serait.
– Ne comptez pas sur moi pour cela !
– Pensez au superbe article que vous pourrez alors écrire et à toute la gloire que vous pourrez en tirer.
– Ce n'est pas pour cela que je suis venue aujourd'hui ! Je n'ai que faire de la gloire.
– Ah oui ? Dans ce cas, pourquoi teniez-vous tant à nous accompagner si ce n'est pour avoir l'avantage sur vos petits camarades ? Vous êtes une jeune femme particulièrement ambitieuse, Édith, cela n'a échappé à personne, croyez-moi.
– Vous...
Édith fut soudain interrompue par un bruit sourd la figeant sur place. Ce n'était pas dû au vent. Ni à la pluie probablement battante.
– Vous devriez voir votre tête très chère, c'est à se gausser ! ricana le commissaire en lui tapotant l'épaule amicalement.
– Je vous interdis de vous moquer de moi ! Qu'est-ce que c'était d'ailleurs ?
– Probablement la charpente ou quelque chose du genre, intervint Grégory, Cet endroit tombe en ruines donc ce n'est pas étonnant d'entendre ce genre de bruits.
–On aurait pourtant dit...
Une porte qui claque ? Peut-être bien. Mais quelle porte ? Et où ?
– Vous devriez vous détendre, vous n'êtes pas seule, rajouta Kylian en soupirant.
Effectivement, elle ne l'était pas.
Mais, l'étaient-ils... Seuls ? Allez savoir. Après tout, comme Kylian le disait si bien, les histoires de fantômes n'étaient réservées qu'aux enfants. Aux enfants et à ceux qui y croyaient aveuglément.
– En tout cas, je constate que vous vous déplacez dans cet endroit comme si vous étiez chez vous, commissaire. C'est remarquable. Êtes-vous déjà venu ?
Devant cette remarque, le jeune homme marqua un temps d'arrêt. Il s'était contenté de sortir du hall d'entrée, mais n'avait pas fait attention au reste, car comme à son habitude, Kylian naviguait seul, du moins dans sa tête. Était-ce quelque chose qui allait le trahir ? Allaient-ils le questionner ? Ne le faisaient-ils pas déjà chacun de leur côté ?
– Comment pourrais-je être déjà venu ? reprit-il en se raclant la gorge.
– Eh bien, sait-on jamais, vos relations avec le Maire auraient pu vous amener à...
– Vous avez tort ! coupa-t-il sèchement, D'ailleurs puisque vous trépignez tant d'impatience pour explorer cet endroit, vous devriez me passer devant !
– Je ne trépigne pas.
– Je vous entends taper du pied.
– Ce n'est pas moi, insista-t-elle.
– Ne me mentez pas... Grégory ?
– Ah non ! Promis, je n'ai pas bougé.
Et pourtant, il y avait bien un bruit de pas provenant du plus profond du couloir, celui se trouvant dans l'obscurité des décombres. Il y avait bien quelque chose qui s'approchait.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
Six petits pas en avant. Six petits pas claquants.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
– Police de Toleni, manifestez-vous ! fit Grégory en braquant sa lampe torche, tentant de percer à jour le secret des pas.
Soudain, plus aucun bruit.
– Ce n'est probablement que la pluie qui doit s'abattre sur quelque chose. Après tout, c'était un bruit plutôt régulier, enchaîna le lieutenant en rangeant sa lampe torche.
– Précisément.
Clic, clic, clac.
Clic, clic, clac.
Cependant, il n'y avait pas que la pluie qui pouvait claquer, n'est-ce pas ?
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