Chapitre 2 : Nouvel homme

« Je suis enceinte. D'un garçon que nous appellerons Noah. Et vous allez rire, le terme est prévu pour le 3 avril. ». Elle avait littéralement balancé un pavé dans la marre.

Tous les gars s'arrêtèrent d'un coup de ce qu'ils étaient en train de faire. Ils étaient sur scène, en train de régler les lumières, le son, le choix des chansons, la tracklist... Pour elle, c'était le meilleur moment, car tout avait commencé précisément à cet endroit. Il lui faisait confiance.

Et étrangement, ceux qui avaient été immédiatement ravis lors de l'annonce du mariage furent tout à coup choqués. Il s'agissait de Nabil, Ken, Fabrice, Deen, Sneazzy, Eddy, Roméo, Antoine, Florian et Olivio. Naturellement, son frère se lança le premier : « Quoi ? Tu nous avais dit que... Comment c'est possible ? ».

Mais avant qu'elle ne put expliquer les raisons, Ken l'interrompit : « Nabil, on s'en balek de tes questions car l'info la plus importante à mes yeux, c'est que ce bébé que tu portes va naître le même jour que moi ? C'est énorme ! Toutes mes félicitations ! ».

Et pour la première fois, Tarik le remercia silencieusement de savoir détendre aussi vite l'atmosphère, même si elle et lui sentaient qu'ils devaient répondre à beaucoup d'interrogations.

« Merci Ken !!! Mais avant que vous sautiez tous de joie comme vous avez envie de le faire, je vais être claire une bonne fois pour toute car vous savez que je déteste être au centre de l'attention : le médecin m'a dit que parfois, la stérilité n'était que d'ordre psychique. Je suis vraiment désolée de vous faire subir tout ça... ». Elle baissa les yeux, les mains sur son ventre.

« Du coup, pour le restant de tes jours, on sera obligé de t'appeler Marie ? Parce que votre histoire, déjà qu'elle ressemblait à un miracle mais là... Par contre, Noah. Ce n'est pas cool. Votre gosse, je ne pourrai jamais l'embêter. Ainsi, je me dois dans l'obligation de lui trouver un blaze. ». A ce moment, Fabrice devient officiellement pour eux le meilleur des punchliners.

« Deen, Sneazz... », commença-t-elle à les supplier. « En fait, nous on t'en veut parce que t'aurais au moins pu nous laisser un indice. Comment vouliez-vous qu'on s'en doute alors que tu portes continuellement les sweats de nos labels ? », lui répondit Sneazz. Il y avait un peu d'amertume dans sa voix, mais rien de rancunier. Il devait plus être sous le choc qu'autre chose.

« Perso, je suis très heureux pour vous car dans la logique, c'était l'une des meilleures choses qu'il pouvait vous arriver. Et à partir de maintenant, je vais prendre la parole pour tous : vous savez que nous serons toujours là pour vous aider et vous soutenir. ». Ils remercièrent Deen.

C'était Noël. Le miracle de cette période s'exprimait quand il regardait sa femme s'arrondir. Petit à petit, elle n'avait plus eu le choix : elle était obligée de s'habiller selon la grosseur de son ventre. Et ce soir-là, quand elle fit irruption dans le salon pour commencer à dresser la table, il vit qu'elle s'était mise en robe. Chose très rare, surtout qu'elle l'avait choisi près du corps.

Alors, naturellement, il s'approcha d'elle, surtout pour mettre son nez dans son cou et depuis peu, caresser son ventre. Parfois, il lui semblait qu'il sentait son fils bouger sous ses doigts. Son fils. Il se le répétait souvent pour vraiment se rendre compte de ce qu'il l'attendait.

Déjà, semaines après semaines, il aimait la voir se transformer. Grâce aux conseils de Nora pour cuisiner des petits plats légers, elle n'avait pas pris beaucoup de poids, et lui en avait même perdu. Ensuite, tous les week-ends, ils gardaient toujours Adam. Le petit avait déjà bien grandi.

Ils aimaient le voir s'épanouir. Ce que Tarik préférait le plus, c'est quand elle le prenait dans ses bras, dont il ne fallait pas oublier qu'il était encore un bébé, elle-même en attendant un dans le ventre. Et chose fascinante, son neveu avait dû le sentir, car il adorait quand elle l'allongeait sur sa poitrine. Il la trouvait tellement belle.

Le problème, c'est que d'ordinaire très tactile, elle ne supportait plus d'être touchée. Or, il lui avait aussi découvert un défaut qui le faisait rire : elle était devenue parano. Elle n'avait pour l'instant fait le minimum des démarches obligatoires, en omettant par exemple tous les achats.

« Noah, Nabil, Yanis. », chuchota-t-il. Ses prénoms avaient été une évidence, autant pour lui que pour elle. Ses parrains. Même s'il avait confiance en ses gars, il aimait secrètement rester casanier : toujours et à jamais QLF.

« Je comprends enfin ce que Inès voulait dire la première fois que je l'ai rencontré. En plus, j'ai mal au dos de ouf... ». En l'entendant grogner, il eut impression que son fils parlait déjà à sa place. « Et viens m'aider pour organiser la table. », continua-t-elle à bougonner.

Mais au moment où il se dirigea vers la cuisine, la sonnette retentit. Ça ne pouvait que ses frères, Inès et bien sûr Adam. Il alla ouvrir et se retrouva finalement face à tout le groupe, s'écriant joyeusement : « Joyeux Noël !!! ». Et en une seconde, leur appartement fut rempli de 16 nouvelles personnes. Adam lui tendit les bras, avec son bonnet de père Noël sur sa petite tête.

Ils n'avaient pas décoré de sapin car ils estimaient que la table surchargée suffirait. Ils eurent raison, car Ken, Mikael, Eddy, Roméo, Antoine et les frères Ordonez déposèrent sur les assiettes des cadeaux pour chacun d'entre eux. Et il fut surpris que lui en ait plus que les autres : « Les mecs, c'est demain mon anniversaire ! ». Comme s'ils avaient oublié.

« Comme avant, comme demain ou comme avant Dieu, rien ne change à part que j'suis encore plus vieux, putain d'sa mère, j'suis toujours gang, à la trentaine, j'dis toujours bang ». Elle le réveilla avec ses paroles. « Joyeux anniversaire Tarik. ». Elle lui caressait tendrement la joue.

Il ouvrit les yeux. Elle se tenait au-dessus de lui, chose surprenante depuis le début de sa grossesse. Il commença à rire quand il vit que son ventre s'interposait déjà entre eux.

« Merci... Mais toi, je ne te le dis pas encore, parce que même si t'es pas encore là, tu interfères dans la distance que normalement j'ai avec ma femme. ». Il mit sa main sur son ventre.

« Qu'est-ce que tu veux faire aujourd'hui ? », lui demanda-t-elle en ouvrant les volets. « Oh non, il a neigé cette nuit, y'a au moins quinze centimètres dehors. ». Elle détestait la neige.

Il se leva d'un coup. Ce temps dans la région parisienne, c'était très rare, surtout avec ce nombre de centimètres. Quand il alla la rejoindre, il vit que les gamins étaient déjà descendus jouer.

« Ça te dit d'aller faire un tour ? J'en suis sûr que Phoenix n'a encore jamais vu la neige. Mais merde, je sais pas si j'ai des affaires d'hiver... ». Il se dirigea vers son placard et trouva quand même une veste bien épaisse, un sweat et un T-shirt en cotons qui gardaient bien la chaleur, un survet rembourré et des Timberland. Quant à elle, est était toujours bien équipée.

« Cette année, nos premières vacances de Noël auront vraiment été clichées : on est déjà marié, installé, on a un chien, on s'est tous réunis alors que tous les deux on déteste cette fête et surtout, nous allons être parents. Ce n'est pas toi-même qui rappait l'année dernière que cette vie te semblait loin ? », grogna-t-elle en préparant le petit-déjeuner.

« T'oublie des détails : je n'ai toujours pas acheté ma villa sur la mer, Nabil vit encore tout seul chez lui, on va douiller pour jongler entre notre vie privée et professionnelle et surtout, rien n'est encore prêt pour l'arrivée de notre fils. ». Il avait enfin verbalement comptabilisé ce qu'il pensait depuis longtemps.

« Ne te plains pas, tout ça signifie qu'on a encore pleins d'objectifs et surtout, ce sont de beaux défis à relever. Perso, tant que je t'ai à mes côtés, je suis prête à tout pour toi, pour vous tous. », lui répondit-elle en regardant son ventre. Phoenix venait d'ailleurs d'y poser ses pattes.

« Brr, il fait froid dehors. », s'adressa-t-il en même temps à elle qu'à son chien, dont il venait de poser la gamelle pleine de croquettes sur le balcon. Puis, en relevant la tête, il s'attarda sur les gamins qui jouaient toujours dehors. Bonhommes de neige, batailles de boules de neige et surtout, leurs grands frères avaient sorti leurs voitures pour faire des dérapages. La belle vie.

« Ce qui vous fera un total de... », leur indiqua la caissière. Face au montant exorbitant, ils se regardèrent de stupeur. Heureusement qu'ils avaient les moyens. « Cependant, en ce jour spécial des amoureux, vous avez le droit à une remise de... ». Pendant qu'elle sortait la carte bancaire, il se demanda de quoi elle parlait. Puis, il regarda la date sur son portable : 14 février.

Il n'y avait même pas pensé, elle non plus d'ailleurs, parce qu'il avait la chance d'avoir une femme qui lui ressemblait : ils se foutaient de toutes les fêtes du calendrier. Aujourd'hui, ils étaient enfin allés faire toutes les courses pour l'arrivée prochaine de leur enfant. Plus que deux mois, même si il restait encore beaucoup de choses à faire, comme peindre la chambre d'ami.

Ils sortirent du magasin les bras chargés autant l'un que l'autre. Heureusement qu'ils avaient gardé leur rythme de travail, parce qu'en ce moment, ils dépensaient presque tout ce qu'ils gagnaient. Tarik venait de changer sa voiture, pour acheter une Volkswagen Tiguan. « Voiture de daron. », l'avaient gentiment chambré ses frères. Mais Tarik savait que devenir père était synonyme de quelques sacrifices et une petite voix lui chuchotait que ça en valait la peine.

Il ne se reconnaissait plus par rapport à celui qu'il avait été dans le passé. Mais après tout, ce qu'il lui arrivait, il l'avait toujours secrètement désiré. Était-ce ça de réaliser l'un de ses rêves ?

En janvier, après quatre mois de repos par rapport à leur dernière tournée, ils avaient tous repris le chemin de la scène. Difficilement, jusqu'à ce qu'ils retrouvent leurs publics. Ils termineraient les dates françaises fin mars, et tous avaient naturellement convenus qu'ils partiraient tous ensemble se produire en outre-mer et au Maghreb après la naissance de Noah.

Elle en était à 7 mois et demi de grossesse. Infatigable, toujours volontaire et le mieux dans tout cela, c'est qu'elle allait bien, et le bébé aussi. Après que les fêtes soient passées, elle s'était de nouveau rapprochée de Tarik. Ça faisait longtemps, et leurs retrouvailles avaient été plus que complices. Malgré tout, ils attendaient Noah avec une très grande impatience.

« Crois-moi ou pas mais je ne savais même pas qu'aujourd'hui, c'était le 14 février... Putain de fêtes commerciales à la con, même si cette année, je vais pas cracher dessus car on a eu le droit à une remise de 25%... Tarik, mon dieu, arrête-moi quand je dis des conneries pareilles, on dirait une daronne. », dit-elle en s'installant à côté de lui dans la voiture.

En réponse, il tourna la tête vers elle et lui sourit : « Et moi, avec ma nouvelle vago, on ne dirait pas un daron peut-être ? Quand je vais devoir repeindre les murs, je ne vais pas ressembler à un daron ? Quand je vais monter le berceau et la poussette, je ne serai pas un daron ? Comme d'habitude, tu n'as pas l'air de te rendre compte que tu bouleverses tout dans mon quotidien. ».

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