Un malheur n'arrive jamais seul

Aimé

Je suis tout juste à l'heure pour mon premier rendez-vous, pourtant j'aurais bien eu besoin de quelques minutes pour remettre les idées en places.
J'ai proposé de conduire au retour mais elle a négligemment posé sa main sur ma cuisse pendant que je conduisais dans les virages de montagnes.

— Tu fais quoi ce soir ?

Et voilà, j'avais lâché l'invitation, de façon anodine et proposé le petit restaurant sur la place de Saint-Jean.

Tout y est fait maison et il y a une ambiance intimiste qui convient tout à fait à un rendez-vous que j'aurais préféré "non galant" si je n'avais pas eu cette attraction si forte pour elle.
Ça me fait peur, je ne veux pas revivre ce qui s'est passé avec Anna, il a fallu l'arrivée de Constance pour me faire oublier le sentiment d'échec et d'abandon que j'ai ressenti depuis son départ.
Et si Constance laissait un vide semblable ? Et si je ne m'en remettais pas ?

Anna ... Dieu que j'ai aimé cette femme, je ne suis pas prêt pour une femme comme Constance.

Il faut que j'annule le rendez-vous, je sais qu'elle déjeune au bar ce midi, j'irais lui dire. Et après, délicatement, je m'éloignerais d'elle.

Rassuré, je me concentre et écoute monsieur Durand me demander de lui établir un certificat pour faire de la piscine.

La matinée passe vite, même trop vite, je n'ai même pas eu le temps de chercher mes mots que je me retrouve en face de Gérard au bar de la place.

Avant même que je n'ouvre la bouche, il m'indique l'étage tout en prenant la commande des représentants venus démarcher la clinique privée.

— Elle est là-haut !

Je gravis les marches quatre à quatre et toque en m'annonçant, sa voix me parvient au travers de la porte me disant d'entrer.

Je crois qu'à ce moment là je sais déjà que rien ne va se passer exactement comme j'ai prévu.

Déjà, parce que quand je l'aperçois, Constance porte juste une serviette de bain enroulée autour de la taille. Je déglutis.

— Tu viens de prendre ta douche ?

— Non, je savais que tu viendrais, je me suis dis que ce serait plus rapide pour me déshabiller !

Je déglutis de nouveau pendant qu'elle éclate de rire.

— Mon Dieu Aimé, si tu voyais ta tête ! Bien sûr que je viens de prendre ma douche.

Elle défait sa serviette au moment où elle passe derrière la porte de la salle de bain. Elle l'a laissé ouverte et continue de me parler de notre sortie de ce matin. Bien entendu, je n'écoute rien, je ne vois que son reflet dans le miroir fixé sur la porte ouverte. Je ne suis pas sûr qu'elle ai tilté qu'il y en avait un d'ailleurs. Alors qu'elle parle, je la vois mettre sa culotte et je souris, je l'imaginais string ou shorty dentelle mais pas culotte coton taille haute. Cette fille vient de rendre sexy les culottes à l'ancienne. Je retiens mon souffle alors qu'elle enfile les bretelles de son soutien-gorge a balconnet et là je craque, je m'avance.
Le bip d'un téléphone à ma droite interrompt mon geste, je jette un coup d'œil rapide, plus par réflexe que par curiosité.

Le nom de l'interlocuteur est assez parlant, je ne peux m'empêcher de lire les premiers mots.

{mon Coeur}
Tu me manques, combien de fois devrais-je l'écrire pour ...

Le texto est coupé et mon élan aussi.

J'entends la voix de Constance me parvenir.

— J'ai croisé Fatima et Salim, ils ont une soirée sans enfants et voulaient la partager entre "copains" j'ai proposé qu'on aille au ciné plus au restaurant ensemble ce soir ? Ça ne t'embête pas j'espère ?

— Hein ?

Je relève les yeux et croise son regard, elle est habillée maintenant.

— Je veux dire ... Ce n'était pas un rendez-vous galant ?

Je m'apprête à la rembarrer et je me dis soudainement qu'après tout, c'est ce que je voulais ! Pourquoi ai-je ce goût amer en bouche alors.

— J'étais justement venu annuler, vas-y avec eux.

Et je tourne les talons.

Dire que j'ai été à deux doigts de lui sauter dessus !

*

Constance

Je le regarde tourner les talons sans trop comprendre ce qui vient de se passer. Ce garçon est étrange quand même !
Je passe la main dans les cheveux, ils sont encore humides. Je me tourne vers la salle de bain pour les sécher et tombe nez à nez avec le miroir... J'ai oublié sa présence ! La honte, il a dû me voir a poil ! Ça ne lui a pas fait d'effet en tout cas a en juger son départ précipité !

Et je réalise qu'il aura vu les cicatrices dans leur intégralité ...

Je hausse les épaules, les cicatrices c'est ma vie, s'il n'apprécie pas qu'il s'en aille ! Et je me sèche les cheveux un peu trop énergiquement avant de me brosser les cheveux avec plus de douceur, ce geste m'apaise.
Une vague de tristesse me saisie, je repense que lorsque j'étais petite, ma mère passait des heures à me coiffer. Parfois quand Mamé était là elles rivalisaient toutes deux d'ingéniosités et me faisaient des coiffures de princesses.

Bon sang qu'est-ce qui a bien pu se passer entre elles deux ?

Mais elles étaient aussi buttées l'une que l'autre et pour être complètement honnête j'avais de qui tenir.

Je regarde l'heure j'ai dis à Gérard que je mangeais à treize heures, après ça il faut que j'aide Marco a essayer de faire tenir les plaques de placo plâtre sur la voiture riquiqui d'Aimé sans les casser.

Ah ! Encore un texto de "Docteur pot de colle" Peter est tenace, autant que je suis bornée. Et dire qu'aujourd'hui je devrais être en train de célèbrer mon premier trimestre de femme mariée ! Aurais-je été comme beaucoup de femme tentée d'être rapidement mère ? Mais comment aurais-je pu m'absenter le temps de l'accouchement avec le métier que j'exerçais ?

Je descends et m'installe tranquillement à ma table quand soudain une ombre recouvre la table.

— Docteur Adler ! Mais quel plaisir de vous voir ici !

Dans un soupir je lève la tête vers mon trouble fête et découvre le sourire angélique de Beldari, l'ancien directeur adjoint de la clinique Barthélemy-luce où j'avais réalisé mon internat.

— Je suis étonné de vous trouver ici, vous travaillez à la clinique de Saint-Jean ?

Il a cette expression choquée qui me laisse à penser qu'il trouverait - si c'était le cas - que j'étais tombée bien bas. Son regard s'éclaire soudain.

— Impossible, vous devez être de passage !

Ce qui est bien avec Beldari c'est qu'il a cette manie, si propre à lui, de converser seul.

— De la famille ? Des amis ? Vous savez que je viens d'être promu directeur de la clinique la plus réputée de Montpellier. Je ne suis pas sur une l'on pourrait rivaliser avec votre salaire mais si vous vouliez changer de mode de vie, un profil comme le votre serait un atout de taille. Et il y a fort à parier que votre réputation vous suivant vous nous apportiez de gros client...

Eh oui Beldari ne parle pas de patient, lui parle toujours de client... Ça nous a toujours amusé.

— ... Ce qui est bien avec votre spécialité c'est que vous ne serez jamais au chômage !

Je lève un sourcil interrogateur et il s'empresse de répondre à ma question muette.

— Les accidents de la route, les blessures diverses ne sont pas prêtes de s'arrêter !

J'ai un petit rire nerveux.

— Effectivement... Que faites-vous ici ?

— On doit rencontrer le directeur de la clinique de Saint-Jean pour un différent nous opposant.

Mon côté tatillon a envie de lui répondre qu'un différent oppose forcément, ma prof de français de seconde n'aimerait pas beaucoup l'utilisation de cette figure de style dans un langage courant. Mon prof de droit de la santé lui répondrait que c'est le terme communément utilisé ...

Gerard pose une assiette chaude devant moi et je suis sure qu'il entend les phrases faussement empathiques que Beldari ne peut s'empêcher de prononcer.

— J'ai appris votre agression et le décès de votre patiente par son fou furieux de mari, j'ai fais envoyer des fleurs, j'espère qu'elle vous auront mis du baume au cœur... surtout que j'ai appris qu'un malheur n'arrivant jamais seul vous aviez perdu plus que votre patiente ce jour-là.

Je le fusille du regard mais il n'en remarque rien et finit par s'en aller que dix minutes de monologue plus tard.

Je t'en foutrais du baume au coeur !

Je ne le déteste pas, il est doué, même très doué. Il paraît qu'il n'a ce comportement étrange qu'avec les chirurgiens. Sophia disait qu'avec les infirmiers et les aides soignants il était plus naturel et moins pompeux. Somme toute : abordable.
Mais il nous voit comme des compétences plus que comme des hommes et des femmes.

Je n'ai plus faim, il m'a coupé l'appétit cet andouille.

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