Surprise !

Constance

Quelques jours après cette journée bizarre, j'ai rencontré Charles en prévision de son intervention. Le personnel clinicien commence à s'habituer à mon étrange présence "à la carte" Ils ne chuchotent plus sur mon passage, Vanessa est même devenue une copine et me traite aux petits oignons. Ce n'est tout de même pas demain la veille que je serais prête à reprendre le rythme infernal de ma vie d'avant mais j'apprécie ce lien tenu qui me maintient à mon ancienne raison de vivre. Celui qui m'inquiète ici c'est le vieux directeur qui me semble proche de la momification, on dirait le bon vieux grand-père mais dès qu'il ouvre la bouche c'est Ebenezer Scroodge en mode Alzheimer... Très déroutant ...

Je suis donc face à Charles quand il fait irruption dans la pièce que l'on me prête ponctuellement.

— Adler !

Il connait mon nom, c'est déjà ça. Je lui accorde donc une attention substantielle.

— Oui monsieur le directeur ?

— Vous êtes de garde aux urgences à compter de ce soir pour la semaine.

Et il me dépose tout son attirail.

— Vous savez que je vais dire non ! Je ne fais pas même pas partie de votre personnel.

Mi-agacé, mi-dépité, il reprend son barda au terme d'un long duel de regard.

— Je vous aurais Adler, Je vous aurais.

Charles nous dévisage et chantonne "c'est la MAF que je préfère ..." et je ne peux m'empêcher de sourire, il a du potentiel ce gamin !

Le vieux snock repart et je finis la consultation à peu près correctement, je dois faire de la pédagogie pour expliquer à ce gosse que je vais lui prendre un bout d'os dans le péroné pour refaire la mâchoire, il s'affole et panique.

— Charles, je peux te faire rencontrer un patient si cela te rassure ? C'est le seul moyen de reconstituer une partie de la mandibule.

Il hoche misérablement la tête avant de me dire d'une petite voix.

— Tu m'en reparleras ce soir ?

— Comment ça ce soir ?

— Je suis à l'hôtel, mon père m'a dit que tu serais avec moi.

Je note deux choses, il est suffisamment à l'aise pour me tutoyer ce qui est rarement le cas de mes patients et deuxièmement Beldari me parasite même quand il est absent.
Je soupire et l'entraîne avec moi en dehors de la clinique vers le bourg.

Nous aidons au passage une sublime jeune femme et sa fille à changer une roue sur le bord de la route. Je suis fière de moi et de ma BA et nous auto congratule dès que nous redémarrons.

— Canon la nana !

— Charles !

— Ben quoi ! C'est vrai que c'est pas un thon.

Il m'observe un moment.

— T'es pas un thon non plus remarque, mais elle ... Wahou !

— Oui bon ça va j'ai compris, Je grommèle, un brin vexée.

Je suis à peu près dans le même état d'esprit en le déposant à l'hôtel. Je m'arrête juste cinq minutes pour papoter avec Gérard et Peter quand la sublime blonde, escortée de sa miniature entre et crée un grand silence. C'est Gerard qui le rompt en sortant de derrière le comptoir.

— Anna ?

Mon attention est entièrement focalisée sur elle à présent. LA Anna ? La Anna de Aimé ? Mon coeur se morcèle alors qu'elle hoche fébrilement la tête.

— Tu sais où je peux le trouver ?

Elle fouille dans son sac et en sort une longue enveloppe. Même d'ici j'en reconnais l'écriture si inhabituelle de Peter. Une écriture de médecin, somme toute.

— J'ai reçu une lettre.

Mon cerveau bouillonne, mes phalanges sont tellement serrées que j'enfonce mes ongles dans ma peau profondément. Aucun son ne sort de ma bouche. Je vois derrière elle, la silhouette d'Aimé se profiler. C'est sa pause déjeuner. Il a le sens du moment.

Il ne me voit même pas, il pose juste son regard sur Blondie et mini Blondie et je vois son visage entier s'illuminer. En minaudant, Anna, replace une de ses mèches derrière son visage.

— Aimé !

— Anna ! Eugénie !

Et il les sert à les étouffer contre lui.

Et voilà, ce qu'il restait de mon cœur est en miette, je n'ai même pas de colère pour Peter. J'aurais dû m'y attendre. Mon regard est attiré par Gerard, il me guette, lui aussi est triste. C'est donc une telle évidence ?

Je sors en les bousculant, j'entends vaguement Aimé m'appeler. Je fonce là-haut dans ma montagne, voir Marco. Je me précipite dans son étreinte et lui raconte tout en pleurant.

— Constance, il ne s'être rien passé !

— Je ne suis pas aveugle Marco !

Je hurle presque. Autant pour le convaincre que pour couvrir la sonnerie de mon téléphone. On reste assis l'un contre l'autre sans rien dire pendant que je pleure en silence contre lui.

— Je suis vraiment trop conne.

— Je ... ça veut dire quoi ?

— Que je suis la dernière des imbéciles.

Il hoche la tête, ne me réconfortant guère. Peter se matérialise devant nous, il n'a même pas l'air coupable. Véhémente, je lui aboie dessus.

— Y avait quoi dans ta putain de lettre ?

Petit joueur, il détourne le regard et me montre Charles qu'il a amené avec lui.
Merde ! Je l'avais complètement oublié.

— Frankenstein ne savait pas trop quoi faire !

J'aimerais alors décrire la tête que Charles affiche mais ce serait peine perdue, à la place, il lui fait un doigt d'honneur et s'installe à l'autre bout de la pièce, manipulant les outils de Marco qui s'est légèrement crispé. Il faut dire que nous avons investi dans du très bon matos.

— Trop de la balle. Je peux rester ici avec lui ?

Son index désigne Marco, au cas où j'aurais eu un doute. Je sais que Peter, malgré ce qu'il est, lui a rendu service en le taquinant. Il lui a donné une tendance, ici, nous ne le traiteront pas comme une bête de foire, à le dévisager sans un mot, nous ne ferons pas non plus faussement semblant qu'il ne s'est rien passé. C'est, contrairement à ce qu'on pourrait penser, une certaine marque de respect.

Un énième bip de mon téléphone m'arrache à cette pensée.

{Aimez-moi}
Constance, est-ce que tu comprendrais que je passe l'après-midi avec les filles ?

Vas-te faire voir !

{Super Adler}
Oui, bien sûr...

Peter me regarde encore.

— J'ai pas voulu te faire du mal Constance, je l'ai fais pour lui et peut-être qu'une part de moi a voulu s'assurer qu'il t'aime pour ce que tu es, je ne veux pas que tu sois le bonhomme pansement de cette histoire. Tu mérites d'être chérie et aimée pour ce que tu es.

— Et bien sûr, toi tu es là si ce n'est pas le cas.

— Non. T'es devenue chiante.

Son "non" tranchant et incisif me cloue le bec et toute ma hargne se transforme en dépit, même Peter ne veut pas de moi. Plus de moi, je rectifie en silence.

J'étais venue ici pour apprendre de mes erreurs, vivre enfin, m'aimer moi même plutôt que m'aimer au travers du regard des autres. Finalement, j'avais raison, je n'ai que mon travail sur lequel compter et même ça je l'ai perdu ! L'étreinte de Marco me rappelle à la raison.

— Constance, tu vas trop vite à la conclusion ! Il doit voir il pour tourner la page.

— ... ?

— Il, Anna !

C'est surement ça. Et je tente de m'en convaincre.

— Du coup quand est-ce qu'on mange ? Et t'es sûre que tu es en état pour m'opérer ?

Charles m'apparaît tout à coup comme tout aussi incongru que Peter.

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