Ni Happy ni End, juste une belle histoire qui continue
6 mois plus tard.
Aimé
Son absence se fait cruellement ressentir, surtout aujourd'hui. Sa mort a été un tel choc pour nous tous... Comme des imbéciles, nous pensions avoir la vie devant nous et que rien ne nous atteindrait. Et pourtant c'est arrivé. La vie est parfois tellement injuste et on la regarde impuissant, défiler et faire sa terrible besogne sans nous consulter.
Aujourd'hui, bientôt cinq mois après, je me rappelle des cloches qui sonnent le glas, de la surprise, de ma tristesse et du déni. Je me rappelle de ma colère profonde contre Constance, elle qui savait et qui n'en a rien dit. Et puis ma colère contre lui que j'aimais profondément et qui n'a pas cru bon de me prévenir. Je me rappelle de tout ça et je me souviens aussi de cet instant où mettant ma rage de côté, j'avais laissé l'amour de ma vie me consoler, n'assumant pas de l'aimer et la détester à la fois. Comprenant soudain que moi aussi j'aurais eu ce réflexe de me tourner vers elle si j'avais su que j'allais mourir. Parce que qui, mieux que Constance, sait ce que c'est de mourir ? Qui, mieux qu'elle, sait également que la vie continue et qu'elle offre de belles surprises à ceux qui restent pour les consoler ?
Alors, là, sur la terrasse de la maison de Mamé - enfin finie - je porte un toast silencieux avec mon thé, à celui qui me manque tant.
À Gérard ! So long my friend. Le temps guérira mes blessures, qu'il me laisse en revanche mes souvenirs.
Mamé passe une main dans mon dos et me frotte l'épaule en guise de consolation, je crois qu'elle sait quand je broie du noir. Elle me fait un sourire que je le lui retourne. Après tout, elle aussi a perdu monsieur Henry cette année.
J'entends un plateau, porté maladroitement, qui fait s'entrechoquer les verres entre eux et je souris en enfonçant ma casquette sur ma tête, façon bad-boy rappeur. Peter me siffle.
— Hey Jules, tu bois quelque chose de plus fort ?
Oh mon dieu, j'espérais être plus maître Gims que ce guignol de Jules. Quel petit con ce Peter !
Il pose devant moi un des verres de Gérard et m'annonce avec emphase "martini on the rock" je tique.
— Tu sais faire ça ?
— Bien-sûr, Gégé trouvait que je ne servais à rien au café quand je tenais la superette, il m'avait donné quelques petites techniques. Sophie m'a demandé de lui montrer demain.
Sophie c'est la filleule de Gérard qui reprend le café de la place, une étudiante qui a tout plaqué pour venir prendre sa suite. Elle est minette mais elle a quand même douze ans de moins que Peter qui la drague ouvertement. L'épisode Vanessa n'a même pas commencé qu'il a été tué dans l'œuf.
Il s'installe et coince un truc dans ses lunettes de soleil...
— Tu te fous de moi ?
Levant un sourcil en l'air, il prend la voix du parrain.
— Ma che, tu as cru que j'allais jouer au poker sans argent ?
— C'est des billets de Monopoly Pete.
— Et ?
Ok, il veut jouer à ça ? Je défais ma montre et la pose sur la table. C'est une affreuse montre toute dorée que Basile, mon père, m'a envoyé pour mon anniversaire et je le soupçonne fortement de l'avoir subtilisé à un autre patient de sa cure.
— Ah mais non, je ne voudrais surtout pas te priver.
Mamé s'assoit et pose des pièces du nain jaune, Hervé arrive et prend place en misant des figues alors que Marco a jeté le fond de ses poches sur la table, des visses, joints en caoutchouc et tirefond, tu parles d'un butin !
— Que la partie commence ! J'espère gagner les figues.
Sauf qu'on se fait tous écraser par Mamé sous les regards ébahis de Charles qui est arrivé en cours de partie. Ce brave petit gars s'empresse de manger les figues qu'elle a remportées. Le saligaud.
Une heure plus tard, on en est réduit à manger les cigarettes en chocolat de Peter pour noyer notre dépit. Cadeau d'un de ses petits patients. Mamé nous refait un thé et s'exclame de la cuisine.
— Voilà les filles !
Mon amoureuse va arriver et je suis très "guilleret" en train de m'enfiler des cigarettes en chocolat en faisant semblant de les fumer avec Peter, mon Dieu, la honte ! Ce dernier me donne une tape dans le bras et m'alpague.
— Hey ! C'est ce soir ? Le grand soir ?
Il parle de LA déclaration que j'aurais dû faire à noël, je me suis refreiné voyant qu'elle n'était pas encore prête et les événements qui ont suivi m'ont conduit à repousser ma demande.
J'en ai des frissons, et si elle disait non ?
Je la regarde venir à moi dans sa petite robe rouge tout en déglutissant.
Sublime !
Ma Constance est redevenue LE docteur Adler, pas celui d'avant, mais un ponte tout de même, c'est un défilé de gueules cassées à Saint-Jean. Quand ils arrivent, l'âme en peine et rasant les murs chez Sophie, notre jeune étudiante les chouchoute et leur offre le regard bienveillant qu'elle a hérité de son parrain. Et là, ils passent entre les mains de Super Adler et reviennent chez les vivants petits à petits. Peter avait raison, la réputation de Constance ne l'a pas suivi mais il n'avait pas mesuré que son talent parlerait pour elle et ferait se déplacer les gens jusqu'à Saint-Jean en l'espace de six mois.
Ses lèvres touchent les miennes et je l'entraîne sur mes genoux.
— Alors ma douce, tu as passé un bon après-midi ?
— Pas autant que notre soirée !
Voyant mon air d'incompréhension, elle mordille la lèvre et précise.
— Je te prédis une soirée du tonnerre mon cœur.
Le renflouement de ma veste me rappelle mes projets de ce soir et j'acquiesce. Pendant que je flirte, Fatima et Vanessa piochent dans les cigarettes en chocolat et déposent de grand sacs de soldes par terre.
Ma main se pose sur le léger décolleté de sa robe.
— Cachez-moi ça madame !
Son rire résonne et se répercute dans la colline. Plus sérieuse, le regard perdu dans la montagne en face, elle admire pour la énième fois ce paysage de rêve.
— Je ne suis pas très fière, on a fait les pétasses en n'invitant pas la femme de Marco, c'est pas cool.
— Mais tu n'as rien fait de blessant ?
Elle secoue la tête.
C'est le problème du moment, les filles n'apprécient pas Dona et la laisse un peu à l'écart. Il faut dire que cette femme est vraiment insupportable, bruyante, exagérée et dans la démesure. Mais que voulez-vous, elle rend Marco heureux. Et Constance a dit, avec raison, que seules trois choses importaient :
1 qu'on soit heureux,
2 que nous restions unis,
3 que nous soyons le plus bienveillant possible,
Et tout cela est respecté la plupart du temps. Alors nous faisons avec Dona, nous faisons avec toutes ces petites imperfections.
*
Constance
Mon amoureux me quitte un instant et est vite remplacé par Peter qui porte son chat dans les bras. Pour un mec qui déteste les chats, il se conduit avec Bonny comme un papa poule.
— Y a baleine sous gravillon ?
Traduire : Ça va ? Un problème ?
J'adore ses expressions, je lui jète un regard amusé et refuse le verre de blanc qu'il me tend tout en essayant d'empêcher Bonny de boire dedans.
— Oooo un polichinelle dans le tiroir ?
Je rougie et l'envoie balader avec vigueur, ce n'est pas parce qu'on ne boit pas à cinq heure de l'après-midi qu'on est enceinte non mais! C'était fatiguant à la fin ces préjugés idiots. Je m'énerve sans doute un peu fort pour être crédible, surtout face à quelqu'un qui me connait par coeur. Tant est qu'il ouvre d'immenses yeux, il a compris.
Un infime instant, je vois passer dedans de la tristesse mais il l'étouffe si rapidement que je me traite de folle et me serre contre lui avec force.
— Il est au courant ?
Cela ne sert à rien de nier... je secoue négativement la tête et il m'embrasse sur la joue.
— C'est voulu ?
Je hoche la tête avec gêne, je ne suis pas très à l'aise de parler de ça avec lui.
On a arrêté de se protéger ce mois-ci, s'attendant à ce que cela prenne des mois mais ... il faut croire que je n'avais pas tant à me préoccuper de mes vieux ovaires !
Bonny gigote alors il la lâche vivement.
— La toxo !
Et merde, il va me surprotéger, Aimé aussi, Marco de même... Ça va être l'enfer.
Attendrie, je pose discrètement une main sur mon ventre quand un immense bruit nous sort tous de nos pensées.
C'est une dizaine de tête qui se fige sur la terrasse. Nous voyons avec effarement la colline d'en face... Qu'est-ce que c'est que ce bordel ! Ils sont en train d'abattre les sapins du versant d'en face. Le joyau de cette maison c'est sa vue somptueuse et ils vont La saccager ?
On a retapé cette maison de fond en comble, ça nous a pris quasiment un an pour en faire cette magnifique demeure Cévenole et voilà qu'ils nous abîment tout. Et ce n'est pas juste la vue de la maison, c'est celle de la colline donc de toutes nos demeures.
— On a fait tout ça pour ça ? S'exclame Peter au comble du désespoir.
Et je retiens un rire nerveux devant la colline de conifère qui va devenir dans l'heure la colline tondue... mon regard se porte alors sur eux tous, Si atterrés et dépités que j'en rigole.
Mon fou rire doit être communicatif car ils me rejoignent et rient à leurs tours.
Aimé me serre contre lui, sa main repose sur mon ventre, j'en frissonne, j'ai hâte de lui dire.
Il dit, avec tendresse et amusement.
— Non, on a fait tout ça... pour ça.
Et il nous englobe tous de son geste.
Fin
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Remerciements
Un grand merci à vous chers lecteurs de m'avoir suivi sur cette histoire et sur les autres. Je rencontre sur cette plateforme des gens adorables et fantastiques. C'est toujours un réel plaisir de voir vos votes et vos commentaires, de voir le nombre de vues qui augmentent. On se sent alors sur la bonne voie. J'espère que cette histoire vous a plu, j'ai essayé d'en faire une histoire d'amour mais surtout d'amitié, une histoire "d'ambiance" en essayant d'être la plus réaliste possible et d'avoir des personnages aux émotions aussi diverses qu'humaines. Car personne n'est ni blanc ni noir, nous transportons avec nous notre lot de joies et de tristesses, de qualités et de défauts, notre bagage émotionnel.
À mes sœurs, qui me lisent quand elles le peuvent et m'encourage, la famille c'est sacré !
À Elsa-Emeraud qui me pousse sans cesse à m'améliorer dans l'écriture et a une plume magnifique, quelle joie d'avoir une amie telle que toi..
A @@Marlène merci copine pour ton soutien et ta lecture, je suis tellement touchée ^^
À @Chatidiot, Merci pour ta patience et tes conseils, tes relectures, tu as empêché que Constance finisse avec quelqu'un d'autre, des meurtres et autres infamies.
À vous qui m'ajoutez à vos listes de lectures, commentez et partagez (Merci d'ailleurs à @annesau7 ^^) c'est touchant et re-motivant.
Et ... A toi, mon ami, que le souvenir demeure, à ceux qui partent. Trop tôt.
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