Lex Luthor plutot que Clark Kent

Constance

Arrivée en bas, je croise l'air goguenard de Marco mais en une fraction de seconde, il se renfrogne et fonce vers moi.

— Hijo de puta ! Il faire pleurer toi ?

Il poursuit sa tirade en l'agrémentant de pleins de noms d'oiseaux et je le contemple, sidérée avant de l'interrompre.

— Je lui ai dis une vérité sur moi qu'il n'a pas encore digéré...

Les grands yeux bruns chocolats de Marco me dévisagent.

— Que tu as caractère de chienne ?

...

— Tu veux dire de chien ? Pourri ? Parce que chienne c'est un peu vulgaire ... Et malgré les apparences je suis plutôt pudique ...

— Si, si caractère pourri.

— Merci Marco !

Je m'assois sur les marches de l'escalier, peu désireuse d'aller dans la salle du bar qui a souffert des inondations et demeure un peu spongieuse.

Avec Marco je partage un truc, une sorte d'entente tacite, de complicité née de l'adversité. À lui je peux tout dire. Même si, pour être honnête, ça l'intéresse rarement de m'écouter.

Et pour la deuxième fois je raconte une histoire triste, celle d'Anne.
Marco ne réagit pas comme Aimé, il me prend dans les bras en une accolade virile qui m'étouffe.

— La vida est chienne ... Nadie es perfecto. Chacun avoir sus demonios.

Personne n'est parfait... si tu savais mon pauvre Marco ! Tout ce que j'ai vu et entendu.

Je soupire et je crois qu'il s'apprête à partir mais semble avoir quelque chose à me dire, je me tourne vers lui à l'écoute.

Et là j'apprends une infime partie de la vérité de Marco. Comment il a accepté d'aller travailler à l'autre bout de l'Espagne car le chômage était élevé, comment il vivotait pour tout garder pour sa femme et sa fille et pour finir comment il est rentré un soir, soûl et qu'il a trouvé sa femme au lit avec son meilleur ami. Il a cogné si fort et tant hurlé que sa femme et l'amant ont porté plainte et qu'il a eu interdiction de les approcher elle et la petite. Il a perdu son travail, sa famille ... ce en quoi il croyait et a commencé à errer. Jusqu'ici, jusqu'à moi.

— Nadie es perfecto, conclu t'il. Mais toi as sauvé moi.

Et je me jure de l'aider car il ne se rend pas compte que c'est lui qui me sauve la mise avec Aveyrolles.

Quelle bande de bras cassés !

Aimé descend et nous regarde épaules contre épaules pensifs et bouchant le passage.

— Vous avez cru que c'était la pause ! Allez au boulot.

On s'écarte mollement et le regarde aller jusqu'à son cabinet. Marco est attendu par les pompiers et finit lui aussi par partir.

Mais moi personne ne m'attend. Ah si ! Mon regard s'égaille et je me lève.

Direction le Vigan, Mamé me voici.

La route est encore très mauvaise mais tout à fait acceptable. Le Vigan a autant souffert que Saint-Jean d'après les journaux mais visiblement ils sont plus efficaces pour la remise en état. Car si ce n'est le Super U avec son parking devenu piscine, sa tonnelle de la station-service et la place du marché saccagée, dans l'ensemble la ville est à peu près présentable.

La maison de retraite est en pleine effervescence, je crois que les pensionnaires sont presque contents d'avoir eu un peu d'activité. Je sors avec Mamé pour une promenade dans le bourg et on discute de l'épisode Cévenol et des trois jours de fous que je viens de vivre. De son côté, Elle me raconte comment Henry a réparé le compteur de la maison de retraite et que le regard du personnel a changé sur lui, le considérant comme une personne à part entière. Avec elle je découvre l'envers du décor de cette endroit que ma mère trouvait si charmant, en tout cas assez charmant pour y envoyer vivre sa mère.

Je passe sous silence que je me suis envoyé en l'air avec le beau Docteur Bastien, son chouchou. Je rougis comme une gosse à cette idée avant de rire discrètement en trouvant un parallèle douteux avec l'histoire d'Opaline ! Ça me fait penser que Hervé attend toujours mes corrections de ce bouquin.

J'envoie discrètement un texto à Aimé, une part de moi tente de savoir dans quel état d'esprit il est après ce matin.

[Super Adler]
Mais comment vais-je gagner l'affection d'Opaline ?

[Aimez-moi]
? J'espère que c'est de la bonne Constance !

Heu j'avoue l'avoir renommé hier soir et avoir tenté un jeu de mot pourri. En tout cas aussi nul que son humour visiblement.

[Super Adler]
Laisse tomber, c'était sûr que tu n'avais pas d'humour :(

[Aimez-moi]
Prend-lui des bonbecs et on parle plus.
Docteur Giovanni

[Super Adler]
^^

Je tourne à la dérision ma terrible révélation matinale.

[Super Adler]
Le docteur Giovanni serait civilisé et ferait abstraction de ce qu'il s'est passé ce matin et il continuerait sur sa lancée !

La réponse se fait attendre.
Complètement déconcentrée, je réponds à Mamé un truc à côté de la plaque. Mon téléphone bip à nouveau.

[Aimez-moi]
Le bouquin fait cent-trente pages Constance pas deux. Bien évidement qu'il ne lui fiche pas la paix et qu'ils apprennent à se découvrir sans s'arrêter à la moindre révélation. Giovanni c'est juste un con qui sur le moment n'a pas su quoi dire...

J'ai un sacré doute tout à coup, Aimé l'a lu ? Il parle de lui ou de Giovanni ?

Mon coeur fait un bon dans la poitrine.
Je poursuis la lecture du texto

... c'est vrai que ça m'a secoué d'apprendre ça, je ne vais pas te mentir mais qui suis-je pour te juger ? Tu le fais déjà avec sévérité. Nous vivons avec nos erreurs, elles nous forgent et nous poussent à devenir meilleurs et c'est ça que j'ai vu aujourd'hui... j'ai rencontré Super Adler ! Apprendre qu'avant tu étais  Lex Luthor plutôt que Clark Kent c'est une surprise que je vais encaisser avec un peu de temps.

Je fronce les narines... est-ce positif ce texto ?

Mamé m'enlève le téléphone des mains et claque de la langue.

— Jeune fille, je veux profiter de ta présence et non pas te partager avec
Peter.

— ... Peter ? Mamé qu'est-ce qui te fais croire que c'est lui.

Elle a l'air embarrassée.

— Comme tu n'as pas l'air d'avoir beaucoup d'amis j'ai supposé que c'était lui. Je l'aime bien, il est drôle.

Ah oui, j'en pleure encore de rire de sa dernière blague d'ailleurs. Je rigole tellement que je vais même m'abstenir de faire un commentaire.

Pfff, Peter a toujours été un fayot qui savait exactement comment parler aux gens. Ça faisait la moitié de son succès d'ailleurs. L'autre moitié étant sa personnalité hors norme.
Physiquement, il n'était pas laid non plus, loin de là ! Ce qui embobinait facilement les filles. Personnellement je m'étais lassée de sa plastique ou plus précisément ma rencontre avec Aimé avait été décisive, il avait mis la barre haute.

Comment décrire Peter ... C'est le stéréotype du docteur jejoueaugolf : polo croise sur les épaules et chaussures bateaux.

Je me rappellerais toujours comment, pendant un de nos stages en maternité, il avait débarqué aux visites post natales en tenue de golf avec son caddie encore à l'épaule et qu'un jeune papa l'avait suivi pour "faire une petite partie" devant l'air atterré de sa femme

Je ne sais pas pourquoi ce souvenir m'a autant marqué mais je lui ressortais souvent et lui ne voyait jamais le mal.

Mamé me demande si je serais là à noël, voyons c'est dans un mois, évidemment que je serais là !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top