Les petites annonces

Peter

Je regarde Constance tomber amoureuse chaque jours un peu plus d'Aimé et je le vois lui aussi s'attacher. Je crois que c'est lorsqu'ils dansent ensemble chez Mamé que je me rends compte vraiment que ça y est, je l'ai perdu. Je l'ai aimé Constance, assez mal, mais je l'ai aimé. Je croyais que nous étions un couple libre, je ne pensais pas vraiment la duper ... ou je n'y réfléchissais pas tout à fait. Elle vivait à cent à l'heure entre Paris et New York, son ascension fulgurante me rendait presque un peu jaloux. C'est terrible de jalouser la personne avec laquelle on vit ! C'est encore plus terrible de graviter autour de quelqu'un qui ne vous remarque même plus et ne vit que pour son boulot. Alors j'ai été un triple imbecile, j'ai voulu la blesser mortellement dans son ego, la faire réagir, provoquer une émotion ! Tout plutôt que l'indifférence. J'ai couché avec sa meilleure amie. Je vais être honnête, elle m'a toujours attiré, je n'ai pas eu à me forcer, j'ai juste cédé à une pulsion que je m'étais interdit jusque-là et sa soit-disant copine ne s'est pas trop retenue non plus.

Mais quand elle a été agressée, mon monde s'est écroulé. La vérité, même aujourd'hui, c'est que je ne veux pas d'un monde où elle n'existerait pas. Et la seconde vérité que je découvre depuis quelques temps, c'est que je la veux heureuse. C'est pour cette raison que petit à petit, je la laisse m'échapper. Ce lien ténu qui me relie encore à elle ne cesse de s'effilocher. J'abandonne l'idée qu'elle me déteste ou qu'elle m'aime et considère avec tristesse que nous ne serons jamais plus "Peter et Constance" parce que Constance ça rime aujourd'hui et pour très longtemps avec Aimé. Comme un mauvais jeux de mots qui me heurte la poitrine, broyant mon cœur une première fois avant de le laisser respirer de nouveau.

Là, dehors, assis à côté de mon meilleur pote - car oui, ce type est en passe de devenir mon ami le plus sincère - je lui cède en silence et sans cérémonial la lourde responsabilité d'être l'instrument du bonheur de Constance. Et je m'efface ... Apres avoir partagé la moitié de ma vie avec elle, après nos fous rires et nos larmes, après avoir joué un rôle important dans la chute du brillant docteur Adler.

Je ne dis pas qu'elle est devenue mauvaise, au contraire, je l'ai croisé à la clinique, j'ai la certitude qu'elle en est humainement sortie grandie... Mais Constance ne sera plus jamais l'étoile montante de la chirurgie réparatrice qu'elle promettait de devenir. Elle en prenait le chemin avec la détermination d'un rouleau compresseur, rien ne l'arrêtait. Rien sauf une jeune interne : Anne Geffroy. Ce n'est ni la mort de sa mère, comme elle s'évertue à le penser, ni l'agression violente au bloc qui ont eu raison d'elle.  C'est d'être responsable de la mort de quelqu'un, elle qui a voué sa vie à en sauver d'autres.

Sa mère ... Cela a juste été l'impact final, mais la chute c'est Anne. Ce pardon qu'elle n'aura jamais, cette vie volée... pourtant Anne etait une mauvaise interne, plus d'un aurait été plus dur. Ce n'est même pas ces mots prononcés qui font que Constance ne sera plus un chirurgien de renom, c'est tous ceux qu'elle s'empêchera de prononcer par la suite.
Et moi, avant qu'elle ne m'échappe définitivement j'ai eu l'impression de me battre contre des moulins à vents à essayer de la sauver. J'ai échoué là où eux tous ont réussi.

Marco et Hervé débarquent après le départ d'Aimé et m'encadrent m'arrachant à mes pensées.

— On a une idée.

— Ne m'en dites pas plus, je sens poindre l'idée du siècle ! Ou pas !

Marco hoche la tête mais Hervé lui tape l'épaule.

— Hé laisse-moi au moins expliquer le concept. Voilà on est trois beaux gosses célibataires ce serait idiots de ne pas en faire profiter les filles !

Je fronce les sourcils, j'attends la suite avec scepticisme. S'il croit que j'ai besoin d'aide pour me trouver une nana il rêve en couleur. Objectivement je suis quand même le plus abouti de nous trois, riche, séduisant et intelligent, j'ai une vraie situation comme dirait ma mère.

Marco me dévisage et s'esclaffe.

— Hervé ! Le petit con pense qu'on faire pas le poids.

— Mais quoi c'est vrai entre vous et moi y a un sacré fossé.

— Rempli de pouff sans Coeur qui n'en voudront qu'à ton argent, nous avons probablement plus de chance de trouver de "gentilles filles" que toi.

— ... Des braves filles !

— Des filles biens !

J'éclate de rire.

— Réveillez-vous les pèquenauds j'ai eu Constance moi, toi tu as finis SDF - je pointe Marco négligemment du doigt-  à cause de ton ex et toi tu traduis des romans de gare à cause de la tienne - je me tourne avec un regard entendu vers Hervé.

Marco plisse les yeux, mécontent.

— Même moi j'ai trouvé des amis et une solidarité profonde.

— Cela ne veut absolument rien dire cette phrase !

— Ça veut dire Peter, que le seul ici à être malheureux, c'est toi. Et en plus t'es plus pathétique de jours de jours.

Mais il commence à me chauffer celui-là. Il sait pas faire une phrase correcte pourtant il connait le mot pathétique ?

— Parce que toi, tu es heureux tout juste sorti du caniveau ? A des milliers de kilomètres de ta femme et ta fille ?

— Je faire pas pitié à m'imposer à l'autre bout du pays ! Pauvre type !

Là, je me lève et lui fiche une droite bien méritée. Le hic, c'est que j'avais oublié qu'il était nettement plus baraqué que moi et je m'écroule sous son revers du gauche sans une once de dignité. J'aurais dû prendre exemple sur le "mannequin main" je ne me suis jamais battu avant aujourd'hui ! Qu'est-ce qui me prend ?
Nous finissons dans une mêlée générale avec Hervé qui tente de nous séparer tant bien que mal.

L'ombre de Constance nous stoppe et nous la dévisageons, tous plus penauds les uns que les autres.

— C'est Marco qui ...

En commençant cette phrase je sais d'avance qu'elle est puérile et je ne la termine même pas.
Jésus se rhabille et prend une bière des mains de Constance qui plante ses yeux dans les miens.

— Peter, tu es un con.

Je me renfrogne.

— "La constance engendre ennui et repentir"

Elle secoue la tête et me tacle.

— Tu vois Peter, je te connais tellement bien que je sais que tu as été chercher une citation mesquine depuis des jours et que tu attendais un moment tout à fait hors propos pour la sortir et m'emmerder.

Marco me jète un regard entendu, ok je "faire pitié" comme il dit... je les suis en grommelant et me tourne vers Hervé.

— C'était quoi ton idée ?

Il affiche alors un sourire immense et me tend son téléphone ouverte sur une application de rencontre avec un profil de mec... Bon sang les cons, c'est moi !

Peter, gastrologue, souhaiterait coloniser un coeur et lui faire découvrir le trou du cul du monde pour en découvrir les confins et fondements  ....

Je m'arrête et les dévisage, horrifié. Marco rit et Hervé se tape la cuisse.

— Tu comprends, à la française Peter ça fait "peter" et gastrologue du coup c'est un petit jeu de mot, comme colon-nie et trou du cul...

— Trou du cul toi même ! Je rêve vous avez mis ma photo en plus ! Mais vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ? Je suis réputé dans mon métier ! Si un de mes contacts tombe là-dessus ...

— Attends regarde tu as déjà six likes !

Je lui attrape son téléphone et m'enferme dans les toilettes pour me venger.

Ours mal-léché, hirsute et mutique cherche femme compréhensive et riche pour panser mes plaies et me materner.

Mouais ok c'est assez mauvais mais bon à Hervé maintenant.

Crayon adorable cherche jolie plume pour écrire ensemble une romance haute en couleur et pleine d'humour.

Et j'ajoute une photo de lui digne de la jaquette d'un bouquin à l'eau de rose ou il saute à la corde - en rognant Aya. Et pour Marco une ou le voit de dos en train de bricoler avec la raie des fesses qui dépasse un peu du pantalon.

J'entends à travers la porte un "oh le con" très significatif. Puis je réponds tranquillement à mon premier like. Elle a un super sens de l'humour, la demoiselle a même deviné que c'était une blague de copains idiots. Je supprime lentement le profil mais pas avant d'avoir échanger mon adresse mail avec MissAdelaïdeduGard...
Le rire de Constance résonne dans la maison et me réchauffe le cœur.
J'ai le sourire jusqu'aux oreilles quand je sors et je l'enlace en lui disant que je l'aime pour la dernière fois. Personne ne nous voit et c'est aussi bien, c'est mon au revoir avant d'aller me faire lyncher par mes compagnons de mésaventures.

— Toi tu ne vas pas repeindre ma maison de suite je te le dis !
Je pointe Marco d'un doigt vengeur et il hausse les épaules en souriant avec sa gueule cassée pleine de charme . Ce mec c'est cent pour cent de testostérone !

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J'espère que vous avez passé de bonne fêtes : joyeux Noël à tous et toutes.

Voici un chapitre du point de vue de Peter, j'espère que cela vous aura plu et que ça colle aux personnages.

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