Jambes légères ou Nuit tranquille ?

Constance

La sonnerie de mon réveil résonne assez désagréablement dans mes oreilles, il doit être l'heure d'aller bosser, avaler vite fait un café, d'emmener un Thermos pour tenir la journée et en préparer un pour Peter...

Une musique étrange et folk me tire des brumes du sommeil et je m'assieds, droite comme un i sur le canapé !

Où suis-je ?

Ce n'est pas pas MON réveil ni MON lit, la réalité me rattrape, je ne vais pas au travail et Peter est loin.

Je me souviens m'être endormie comme une masse chez Aimé, ça doit être son réveil que j'entends. Je me lève et  gagne la cuisine pour lui préparer un Thé, je farfouille dans la dizaine de boite devant moi et ne peux m'empêcher de le trouver un peu "bobo" quand même. Ce type qui se veut campagnard n'est pas loin d'avoir le look bio parisien en plus il s'habille vaguement en hypster ... j'ai une crise de fou rire devant un alignement de tisanes "les 2 marmottes" les boites "frissons d'hiver" et "cocktail transit" m'amusent beaucoup.
Cela me rappelle une réflexion de Peter sur un de ses collègues qu'il avait surnommé le Docteur BCBG - Beau Cul Belle Gueule - et qui avait comme tactique de séduction d'inviter les femmes à boire "une eau chaude pour finir la soirée" mais comme il était amateur de femmes mûres (et riches) Peter disait que l'expression pisse mémé prenait tout son sens...

— Qu'est-ce qui te fais rire ?

Je sursaute, Aimé me regarde, perplexe. Et alors que je tente de lui expliquer, son expression ne varie pas, il doit me prendre pour une folle.

Il a même cet air complètement interloqué que ma mère adoptait parfois avec moi quand j'étais petite ma fille est bizarre semblait-elle penser.

En redescendant en bas, j'ai encore le sourire aux lèvres et je pense que je l'aurais eu encore longtemps si la raie des fesses me Marco ne m'avaient accueilli avec enthousiasme dans la cuisine.

Plus d'enthousiasme que lui toujours est-il.

Il se retourne et me fait signe de partir en me montrant la pendule : sept-heure.

— Euh non Marco il est huit-heure !

Il lève les yeux au ciel et me pousse dehors en me montrant le sol de la cuisine qu'il ragrée et l'autre pan du bout du salon qu'il a attaqué à la masse.
Je comprends alors qu'il ne veut pas me revoir avant sept heure ... du soir.

Je me décide à passer la journée avec Mamé dans la maison de retraite et en profite pour prendre la tête de son vieux médecins. J'obtiens qu'il change l'ordonnance, plus pour avoir la paix que par conviction. Je suis du genre tenace. Quand j'étais interne mon surnom c'était le Pitbull car lorsque j'avais saisi quelque chose je ne le lâchais jamais avant d'avoir eu ce que je voulais.

Mamé est remontée comme un coucou par la cantinière qui leur cuisine que des plats pour -je cite- diabétiques. Quand je l'aurais réhabilité à Aveyrolles le haut, j'espère qu'elle m'apprendra à cuisiner. D'ici là je me contente de hocher la tête face à ses récriminations.

— Ma chérie ? Tu sais ce que j'aimerais pour mon anniversaire ?

Je relève la tête de ma gelée rose bonbon et attends patiemment sa réponse.

— J'aimerais aller pique niquer au lac des Pises avec Henry, Hervé et Aimé.

— Mais il fait super froid Mamé !

— On prendra tous un pull.

Le lac des Pises c'est mon enfance quand mon grand-père nous emmenait pique niquer là-bas, c'était toute une expédition. On adorait y aller avec mon ami Simon.
On se racontait des histoires horribles de séminaristes qui se seraient tous noyés dedans car le centre est très profond. Mamé avait beau nous dire que ce n'était pas ici que l'affreuse anecdote avait pris vie, nous y tenions mordicus.

On s'entendait bien avec Simon. Jusqu'à ce qu'on se perde de vue, ainsi va la vie... Le temps est peu clément avec les amitiés enfantines.

*

Aimé

Le soir quand je rentre je vois, posé négligemment sur l'une des marchés de mon perron, une boîte de tisane "jambe légère" Je souris et la ramasse. Je suis conscient que ma collection de thés et tisanes ne fait pas très viril mais avec l'alcoolisme de mon père j'avais quasiment banni l'alcool de ma vie très jeune et développé une passion pour les différentes sortes de boissons alternatives. J'étais, je crois, je seul type capable d'apprécier autant le café que le thé, une espèce d'olibrius dans l'éternel guerre des amateurs de l'un ou l'autre.

Je pense à elle qui est en bas avec Marco et j'ai soudain envie de la voir cependant je n'ai aucune excuse ou prétexte. Pathétique, voilà l'adjectif qui me vient en tête pour caractériser mon comportement d'adolescent libidineux à chaque fois que cette fille pointe le bout de son nez depuis quelques jours.

— Aimé ?

Je tourne la tête et me retrouve face à elle. Vêtue d'un petite tunique, un brin décolletée, qu'elle porte sur un jean serré, Constance fait son effet.

— Tu m'invites à boire une tisane ?

Mon cœur bat la chamade, je m'approche d'elle et lui tends la boite "jambes légères"

— Il y avait un message subliminal ?

Elle rougit et se balance d'un pied sur l'autre avant de répondre avec son sourire éclatant.

— C'est à base de queue de cerises, j'imaginais quelqu'un en train de manger des cerises et de recracher les noyaux pour faire une tisane. Ça m'a juste fait rire de t'imaginer boire ça... je ne me suis pas attardé sur le côté indécent de la proposition.

Je me retiens de rire, cette fille est étrange, elle fait froide au premier abord et quand on apprend à la connaître, on découvre une personne complètement différente.

— Je suppose que pour calmer mes ardeurs suite à ta fausse proposition d'une partie de jambe en l'air, il va falloir que je boive une tisane "nuit tranquille"

— Ça existe vraiment ?

Je la laisse passer et lui montre la dite boite qu'elle attrape en riant.

— Ce n'est pas une "2 marmottes"

— Non, un autre cadeau d'une soupirante désespérée.

— Je me demande quel message elle essayait de te faire passer alors ? Tu es sûr que ce n'est pas un cadeau post rupture remettant en cause tes performances ?

Je secoue la tête et lui tend une boite que j'ai mis de côté ce matin après son départ. "Peace mémé" elle me regarde interloquée et éclate d'un grand rire sonore.

— Aimé, toi aussi tu es un BCBG.

C'est quoi déjà...  Beau Cul Belle Gueule ?

— Tu me complimente sur mes fesses à ce stade de notre relation ?

— C'est tout un concept dans lequel tu rentres à merveille, je vais te trouver une cougar.

Sa main touche la mienne et tous mes sens sont en alertes, cette fille me fait tourner la tête. Je caresse doucement son petit doigt avec le mien et j'entends son souffle qui s'accélère. Avec prudence, elle recule juste ce qu'il faut pour que le contact soit rompu.

Son téléphone sonne et elle décroche prestement.

Oui ... Ah Fatima ! ... Super, j'arrive... Tu as vu Marco ?

Avec grâce, elle s'approche de moi et me fixe longuement avant de dire.

— J'aime bien flirter avec toi Aimé mais c'est une mauvaise idée.

Je déglutis, est-ce parce qu'elle est plus âgée que mes autres conquêtes que je ne suis pas habitué à cette franchise ? Ou c'est simplement elle qui a un déficit en relation social.

— Éclaire-moi, pourquoi donc serait-ce une si mauvaise idée.

— De un, tu es chiant, de deux, tu es un peu trop beau malgré ton nez tordu, ça fait docteur de série télé et de trois on ne cherche pas la même chose.

Mon nez tordu ?

Et parce que nous les mecs, nous n'aimons pas les grands discours, je lui attrape la taille et comme elle ne se débat pas, je l'embrasse timidement.

— Et alors ?

Je sens son sourire espiègle sur mes lèvres avant qu'elle ne me repousse. Tout en me regardant, elle tire quelque chose derrière mon dos pour me le coller dans les bras.

Je la regarde repartir, le sourire aux lèvres puis je baisse les yeux et déchiffre le nom de la tisane :

"Nuit tranquille"

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