14. Mouchoirs

Je dépose Alessandro devant chez ses parents en réalisant petit à petit ce qu'il vient de se passer. Un rencard avec un enfant, littéralement...

Vingt-et-un an, qu'est-ce qui m'a pris ?!

L'âge ne fait pas la maturité et mes précédentes relations ont pu me le prouver, mais je vais désormais me jurer d'au moins les prendre après le départ du foyer familial, et avec un permis en poche...

J'avise le reflet de mes yeux dans le rétroviseur en me demandant si une divinité accepterait de me rendre les deux dernières heures de perdues.

Tout ce beau maquillage pour un sicilien de deux centimètres plus grand que moi, bien moins de neurones et un discours homophobe, raciste et machiste...

Le point positif ? Mes amis ne sont pas encore rentrés, je les rejoins au bar en moins d'un quart d'heure. Je les repère à l'intérieur, tire la chaise pour m'asseoir d'emblée et je sens le poids des cinq paires d'yeux qui me sondent.

— Pourri ? hasarde Pénéloppe.

Je me pince les lèvres et le message passe cinq sur cinq.

— Même la tarte flambée qu'on a mangé était mauvaise..., déploré-je.

Seul Killian semble vraiment compatir... Sarah me charrie sur mon manque de discernement, Clément bougonne qu'il m'avait prévenue et Marie raconte à sa petite amie son expérience avec les siciliens, gros séducteurs impulsifs et misogynes.

Les clichés sont-ils des clichés quand ils se vérifient où qu'on regarde ?

— Passe ton tel', je vais t'en matcher des meilleurs, toi tu choisis trop mal ! m'intime Sarah.

En haussant les épaules, je pousse mon portable en sa direction. Elle en a le code et ça aura le mérite de m'occuper.

— Et le beau mexicain ? s'enquiert Killian.

— Benicio est brésilien, rectifié-je.

— Pardoooon, madame l'appelle par son prénom ! singe l'anglo-coréen.

Je rougis et garde pour moi les quelques échanges à la limite du professionnel que le père de la petite Nina et moi avons entretenu hier et aujourd'hui encore.

— Celui-là est pas mal ! réagit Pénéloppe aux profils que Sarah montre à toute la tablée.

Je me rapproche, amusée par l'implication de tout le groupe dans le défilement de photos rapide et maîtrisé de la blonde.

— Difficile de faire pire que son italien nain, relativise-t-elle.

Dans un souci de positivisme, j'ajoute :

— C'était le seul à bien embrasser avec la langue !

Ce qui m'a fait comprendre que ce n'est pas moi qui n'y arrivais pas, mais juste la langue de Maxime qui était incompatible avec la mienne !

En parlant du loup, un texto de Maxime, au contact renommé « Ignorer » par Sarah, s'affiche à notre vue à tous.

De : Ignorer

Salut. Tu as le numéro de la proprio ? C'est urgent.

Bientôt trois mois se sont écoulés et, après l'avoir supprimé de mes réseaux, je n'ai eu aucune nouvelle de lui. Pas un seul SMS pour me demander comment Wave ou moi allons. Encore moins un texte d'excuses. Alors... être recontactée pour un problème certain dans l'appartement, c'est glaçant.

A-t-il seulement bien fait les démarches pour un nouveau bail ?

L'angoisse me scie le ventre à l'idée qu'il m'associe à une dégradation et exige une contrepartie financière comme il menaçait vouloir le faire.

Des palpitations dans la poitrine, je fais mine de récupérer mon appareil et Sarah me chope le poignet, moralisatrice :

— Si tu réponds je serai obligée de lui péter les dents ! Sérieux meuf, t'as vu comment il te parle ? Il se prend pour qui, là ? Bloque-le.

— Il en a besoin... je lui transmets et basta...

— Laisse-le dans sa merde, oui ! réplique-t-elle. Il avait qu'à le prendre le numéro, d'où il l'a pas ?

— Il est juste pommé sans toi, ajoute Killian. Tu vois !

— Je veux pas plus d'emmerdes, Sarah. Laisse-moi faire et après tu pourras le bloquer toi-même si tu veux.

— Promis ?

Je lui tends mon petit doigt. Nous scellons un pacte muet et tenons l'engagement.

— Je me demande quand même ce qu'il y a eu..., marmonne Clément.

Sarah en a la réponse dans la foulée en consultant le profil Instagram de Maxime, qui se plaint en story d'une journée catastrophique : l'éclatement de ses pneus de vélo -aka son seul moyen de locomotion- et un impressionnant dégât des eaux. La nouvelle fait le tour de table, agrémentée de « bien fait ! », « cheh ! » et je m'exclame aussitôt :

— C'est pas moi !

Pénéloppe lève les yeux au ciel en ironisant :

— Comme si tu avais besoin de le préciser, Sainte Cléo. Je dois te rappeler qu'en apprenant sa tromperie tu l'as pris dans les bras pour le réconforter, lui ? Enfin bref. En revanche, je t'assure que nous n'y sommes pour rien non plus.

— Quand je te disais que le karma le rattraperait ! se réjouit Killian.

S'il pouvait encore s'acharner un peu sur lui...

Malgré l'amusement que procure au groupe la malchance de mon ex, son interruption dans ma soirée lui a fait prendre une tournure morbide... et est peut-être la raison principale au pourquoi, une demi-heure plus tard, je sonne chez celui qui me promet du réconfort.

Quand Paul ouvre, torse nu, je me mors l'intérieur de la joue. Rasé de près, la ceinture abdominale congestionnée en digne appel à la luxure, cet homme équivaut à ma tentation originelle, celle dans laquelle il me tarde de croquer à nouveau.

Je ne devrais pas. Il n'est pas libre.

Mais la dernière fois, c'était si bon.

L'ami de Sarah sourit et le rehaussement subtil et gourmand de ses fines lèvres me fait fondre. Il signe l'enterrement de ma moralité d'un :

— Je ne m'attendais pas à ton message. J'en suis ravi.

Je bondis sur sa bouche avec avidité, m'autorisant à exprimer tout le désir interdit que je réfrénais.

La porte claque tandis que nos respirations haletantes s'alourdissent d'envie. Paul me plaque au mur et je m'avachis, transportée de bonheur par son assurance débauchée. Je lis dans son regard fiévreux l'envie de me dévorer et j'avais beau être active sexuellement dans mon couple, je n'ai jamais ressenti autant le besoin d'unir mon corps à un autre.

On en viendrait à manquer d'oxygène tant nos poitrines se pressent : nos poumons ne servent qu'à nos baisers et nos mains partent à la découverte de l'autre sans relâche. Sa peau brûlante m'électrise, l'enflement dans son pantalon a pour effet direct d'inonder l'intérieur de mes cuisses. Notre délation se concrétise par ses doigts qui me caressent, se glissent sous ma jupe et repoussent l'élastique de mon tanga jusqu'à pouvoir me titiller et me pénétrer. Mes soupirs m'échappent et je vois Paul en devenir dingue. Ses mouvements s'accélèrent et le moindre de mes scrupules s'évapore tant, à la place, le plaisir irradie dans mes veines. Sa paume s'appuie contre mon aine et il prend d'assaut mon cou, qu'il embrasse, mordille, lèche.

— Bordel, Cléo, t'es si bonne..., lâche-t-il contre moi en un râle ahané.

C'est acté, c'est ce type de phrases qui m'enflamme. Il n'y a définitivement rien de plus excitant pour moi qu'un homme qui verbalise son désir.

En réponse aux compliments, qu'il continue de marmonner dans la fièvre du moment, je m'arrache à notre étreinte afin de prendre soin de lui à mon tour. Lui qui avait complimenté ma fellation la première fois, en tremble carrément ce coup-ci. La sensation de satisfaction et de fierté qui m'anime me pousse à m'appliquer davantage. Je mets du cœur à l'ouvrage et Paul me redresse brusquement. Il plante ses pupilles voraces dans les miennes et décrète :

— Je t'avais dit que je mourrais d'envie de voir ce que ça pouvait donner dans un lit.

Il désigne du menton la porte à notre gauche et, disciplinée, je passe devant lui. Il en profite pour empoigner mes fesses et se coller à mon dos.

— Ne t'éloigne pas trop, ça me tuerait.

— Je ne compte aller nulle part.

— Dis-moi que tu me veux, Cléo.

— Je suis là, Paul, et pour la prochaine heure, je suis entièrement à toi.

Il ne lui en faut pas plus pour me soulever, repousser la porte et me jeter sur son matelas avant de me recouvrir de tout son long.

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