Le début de l'ancien nous
À la personne la plus chiante de la galaxie dans toute son éternité, Charlie.
Avec ma première lettre, j'ai tout de suite compris qu'elle était la solution. Je dois faire mon deuil du « nous » et en parler me fait du bien. T'en parler me fait du bien.
Je propose de recommencer au début, lorsque ma petite personne a rencontré ton chemin. J'avais quel âge de nouveau ? Pas plus de huit en tout cas.
Au début, tu ressemblais à un fantôme. Un esprit vagabond que j'aurais croisé par erreur au détour d'un chemin. Un mirage avachi au milieu de cette route de campagne.
Tu refusais de te montrer à quiconque mais ce jour-là je t'ai vu, c'est surement à ce moment-là que tu t'es perdu. A cause de moi.
Tu étais si volatile que t'approcher était compliqué, te trouver encore plus. La première fois que tu m'as parlé, après six mois à te suivre dès que je le pouvais, ta voix a flotté dans l'air et m'a semblé si harmonieuse qu'elle m'a coupé le souffle.
Je voulais te présenter à ma mère, pour avoir le droit de venir jouer avec toi, mais tu refusais et celle-ci en a déduit que tu étais mon ami imaginaire.
J'ai crû ça un moment moi aussi. Mais tu semblais si réel... Et tu l'es, réel je veux dire. Je l'ai su ce fameux jour d'hiver.
Je rentrais des cours et tu te faisais engueuler, par cette personne que je connais bien aujourd'hui : ta tante. Tu t'es enfui en courant dans la neige, tu avais l'air un peu débile.
Tu es tombé et ça n'a surpris personne, moi y comprit. Je t'ai aidé à te relever. Ton poignet enserré par ma main était bien celui d'un être humain fait de chair et de sang.
Non, Charlie, tu n'étais pas mon ami imaginaire.
La suite a été fantastique. Tu étais là, bien plus souvent avec moi qu'avec n'importe quel autre personne. Tu m'as fait rire, voler, danser... tu as illuminé mon regard puis ma vie d'enfant.
En une année, six mois durant lesquels je t'ai suivi, six autres pendant lesquels nous nous sommes mutuellement apprivoisés.
Tu n'allais pas à la même école que moi, tu n'avais pas d'ami ni quoi que ce soit de favori. Tu n'aimais rien de façon spéciale au grand damne de ta tante qui t'élevait depuis toujours.
Tu as finis par voir ma mère, mais tu ne lui as rien dit, pas même bonjour. Peu m'importait, peu m'importe encore maintenant. Moi, je connais ta voix.
J'ai toujours eu ce plaisir, cette chance, cette possessivité malsaine d'apprécier ce traitement de faveur que tu m'offrais chaque jour.
Il y a deux ans j'ai perdu à jamais ce privilège, je le sais. Je l'accepte.
Je me suis imaginé à nouveau notre rencontre ainsi que l'année qui a suivi que j'ai résumé plus haut. A vrai dire, retracer notre histoire, je le fais chaque soir depuis sept-cent-trente jours.
Je ne veux rien détailler, je ne sais qui lit ces lettres finalement. Si jamais ce n'est pas toi, je préfère que cette histoire reste la nôtre. Protégée au plus profond de mon cœur.
Je t'en prie, donne-moi la force ou la permission, voir les deux, de venir te voir. Au moins une dernière fois.
J'envisage un tas de choses pour mon avenir, pas sûr qu'elles auraient plût au Charlie d'avant. Cependant, celui du dernier jour où je t'ai vu, ce moment fatidique où je t'ai poussé dans tes retranchements... ce Charlie aurait adoré mon plan principal.
Je m'en rends compte maintenant ; notre idylle n'allait que dans un seul sens : dans le mien. Tu t'es sacrifié et je t'ai détruit. Mon esprit vagabond... je n'arrive même pas à être désolé. Pas encore.
Pas tout de suite.
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