7- Exfiltration
Elle ne trouva le sommeil que très tard cette nuit-là.
L'idée de repartir en prison la perturbait. Mais l'idée de laisser ces garçons à leur sort lui était presque insupportable. Elle désirait les aider. Elle avait encore du mal à croire que des êtres si sensibles puissent se cacher derrière ces machines à tuer. Elle avait vu Quinnan pleurer sans que cela semble lui poser le moindre problème. Parmi son équipage, ce genre de sensiblerie pouvait couter cher en autorité. Elle-même, s'efforçait de garder la tête froide et de ne jamais fléchir devant ses camarades.
Même lorsque Jakin était mort, elle n'avait pas pleuré. Pas devant les autres en tout cas.
Pourquoi lui avaient-ils raconté tout ça ? Avaient-ils vraiment vu une sœur en elle ? Elle se disait que si tel était le cas, c'était signe que ces garçons n'avaient jamais eu personne sur qui compter en dehors d'eux, pour lui faire si vite confiance.
Elle finit par s'endormir contre l'épaule de Quinnan et ne fut réveillée que lorsque le soleil s'éleva à l'horizon du côté du ravin. Elle avait encore mal à l'épaule et était engourdie par le froid.
Après un rapide briefing du commandant Ebonn, ils partirent tous vers le point de rendez-vous de la veille, dans l'espoir de trouver d'autres survivants et d'attendre le vaisseau de sauvetage. Mais une fois au point de ralliement, ils durent se rendre à l'évidence : aucun autre survivant n'avait réussi à atteindre le lieu.
Moins d'une heure après leur arrivée, ils furent contactés par radio par l'équipe de sauvetage. En survolant la zone, ils avaient remarqué une zone assez dégagée pour atterrir, à 7km de leur position en longeant le ravin vers le sud. Ils s'y dirigèrent tous pendant que le vaisseau scannait les alentours à l'aide de ses détecteurs infrarouges, pour vérifier s'il y avait d'autres survivants sous la couche de feuillage. Les secours restaient en contact radio régulier avec la troupe en mouvement. Ils avaient détecté un groupe de 6 personnes non-loin et un autre de 4 plus distant mais n'arrivaient pas à les joindre.
Hélèna entendait le vaisseau de transport tourner et s'approcher de la cime des arbres, comme une menace la guettant. Mais lorsque le vaisseau s'approcha de la position du groupe de 6 repéré, à environ 2km sur leur droite, elle entendit des coups de canon du vaisseau au-dessus de sa tête auquel répondirent en écho la transmission radio d'Ebonn.
Un homme à la voix identique que celle qu'elle avait entendu ces deux derniers jours parla d'une voix calme entre les décharges d'armes et les parasites radios.
"Menace Sép' repérée. Le groupe de 6 était des ennemis probablement à votre poursuite. Menace Sép' éliminée. Terminé."
Le calme revint. Aucun des clones autour d'Hélèna n'avait paniqué. Ils avaient leur arme en main, prêt à intervenir si on leur demandait, mais ils semblaient parfaitement conscients de la situation et maîtres de leurs émotions. Ils continuaient à avancer, en baissant leur arme.
"Bien reçu, merci. Terminé"
Ils arrivèrent enfin dans une petite clairière lorsque le pilote annonça qu'il allait voir du côté des 4 formes de vies, pour voir si c'était une nouvelle menace à éliminer ou bien des hommes à extraire. Hélèna vit les hommes se disperser autour de la clairière sans dire un mot, comme si sécuriser une aire d'atterrissage faisait partie du rituel quotidien de ces hommes. Ils attendirent en silence sans baisser leur garde. Les minutes se firent longues, et Hélèna, entre Ajok et Elby, se sentait de plus en plus mal à l'aise en guettant le ciel.
Le pilote leur annonça qu'ils avaient trouvés 4 soldats, dont un blessé grave. Ils étaient maintenant à bords et faisaient cap vers leur position. Moins de deux minutes après cette annonce, les feuilles des arbres se mirent à voler au rythme du moteur qui approchait.
Hélèna trouva particulièrement beau la manière dont les clones se placèrent devant la passerelle du vaisseau qui s'ouvrait, protégeant chacun les arrières d'un autre, accroupis, prêts à combattre au besoin. Ils faisaient tous cela de manière totalement instinctive, comme si leur vie n'avait été faite que de ça. C'était probablement le cas, mais avec une si courte vie, comment pouvaient-ils être si bien rodés ?
Lorsque la porte du vaisseau s'ouvrit en grand, ils s'y engouffrèrent tous, Elby et Ajok fermant la marche, pistolets tournés vers l'extérieur, toujours au cas où...
À peine Hélène fut à l'intérieur du vaisseau qu'un homme l'attrapa violemment par les coudes, lui joignant les bras dans le dos, pendant qu'un autre lui attrapait les armes qu'elle avait à la ceinture. Elle n'eut pas le temps de se défendre. Pas même le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Elle entendit Ebonn et Quinnan crier derrière elle.
« Qu'est-ce que vous faites ? Vous êtes fous ! »
« Lâchez-là ! »
« Pardon ? Désolé de vous apprendre que cette femme est une criminelle. Elle sera enfermée et amenée à son procès, comme prévu »
Quinnan s'énerva, sa mâchoire se crispa, comme s'il s'apprêtait à sauter au cou de l'homme qui avait probablement le même visage que lui sous son casque.
« Lâchez-là, elle s'est déboité le bras en nous sauvant tous, vous lui faites mal ! »
Il n'avait que partiellement raison. L'homme lui faisait mal évidemment, il avait entendu ses cris. Et elle s'était effectivement déboitée l'épaule deux jours plus tôt. Mais en essayant de s'enfuir en réalité... Mais enfin, elle leur avait tout de même sauvé la vie, et son bras se porterait certainement mieux si elle n'avait pas dû soutenir un blessé et combattre la veille.
L'homme qui portait un casque toisa Quinnan en silence, ce qui n'eut pour conséquence que de l'énerver encore plus. Ebonn s'interposa.
« N'ayez crainte, elle sera à son procès. Regardez autour de vous, elle n'ira nulle part avec une quinzaine de soldats. Mais elle a été blessée au combat et elle a droit à des soins. Les menottes seront inutiles, je m'en porte garant. » Alors que l'homme semblait lâcher un peu la pression qu'il exerçait sur les bras d'Hélèna, comme si il hésitait, Ajok se faufila jusqu'à eux, donnant une claque sur l'épaule de Quinnan au passage, qui ne quittait pas le casque teinté du regard et ne desserrait pas les dents.
« Je suis le méd', laissez-moi regarder » Il attrapa Hélèna, faisant lâcher prise au soldat qui abandonna son autorité. La visière de l'homme qui avait subtilisé les armes de la contrebandière perdit progressivement sa teinte noire pour laisser apparaitre les traits d'un clone mécontent faiblement éclairé par les lumières bleutées internes de son casque. Il s'approcha d'Ebonn pour le regarder dans les yeux de manière plutôt agressive. Il devait être lui aussi commandant car il portait les mêmes épaulières rehaussées qu'Ebonn sur son armure blanche.
« Vous avez intérêt à ce que cette vermine pirate se tienne à carreaux, commandant ! Si elle tente de s'enfuir, vous en répondrez personnellement ! »
Hélèna frissonna. Elle savait ce que cela signifiait. Il était hors de question qu'elle tente de s'enfuir, les conséquences seraient désastreuses pour les garçons qui l'avaient aidé à s'en sortir. L'homme semblait sans pitié, même pour ceux qui lui ressemblaient trait pour trait.
Sous l'œil suspicieux du commandant, Ajok étudiait le bras d'Hélèna, assis sur la banquette qui se trouvait le long de la paroi du vaisseau. Il le faisait plus pour donner raison à son état de santé déclaré, que par réelle nécessité. Son bras avait été correctement remis en place, il l'avait examiné la veille au soir, et elle n'avait rien fait de particulier depuis. Il lui fallait juste du repos et une immobilisation. Et vu que dans le vaisseau elle n'aurait pas besoin de s'en servir, lui banda son bras droit serré contre son corps.
Tout au fond du vaisseau, près du poste de pilotage, un soldat était penché sur son camarade étendu et s'agitait. Un autre lui passait des instruments. Dans l'obscurité du vaisseau de transport de troupes, elle crut voir qu'ils pratiquaient une trachéotomie sur leur frère. Mais elle détourna le regard avant d'en savoir plus. Le soldat qui n'avait plus qu'un bras, désormais surnommé officiellement Unbra par Elby, se faisait également examiné. Un soldat se trouvait près de lui, tendu. Hélèna supposa qu'il s'agissait de son camarade rescapé, mais désormais trop de clones se trouvaient au même endroit, et elle s'y perdait. Casqués ou non-casqués, ils avaient tous la même voix et le même regard dur. Elle ne parvenait à reconnaitre que Quinnan avec ses tresses et les côtés du crâne rasé, Ajok au teint mat avec ses cheveux mi-longs, Elby avec ses symboles tribaux rasés sur le crâne et, bien sûr, Ebonn avec son impressionnante cicatrice qui lui traversait la joue de l'oreille au menton. Les autres clones n'avaient pas de distinctions particulières. Ou peut-être ne les avait-elle pas assez côtoyés pour s'en rendre compte. La seule chose qui la marquait chez les autres était les petits yeux marron identiques qui la regardait, et les mêmes cheveux bruns et raides. Où qu'elle regardait elle voyait soit un visage identique au précédent, soit un casque blanc, tellement immobile qui ne laissait présumer s'il y avait quelqu'un dedans ou non.
Ebonn s'était penché sur elle.
« Tu sais qu'on ne peut pas t'aider à t'échapper ? »
« Bien sûr. »
Il semblait rassuré, comme si cette question le taraudait depuis des heures et qu'il ne savait pas comment la formuler.
« Une fois à bord d'un croiseur, tu retourneras en prison jusqu'à ton procès. » Il semblait désolé.
« Mais on essayera de venir plaider. » Ajouta Quinnan « Après tout, tu aurais pu nous laisser et t'enfuir, ça devrait peser dans la balance non ? »
« Tu as raison » dit le commandant Ebonn « Ils le prendront probablement en compte et allégeront la peine. Avec un peu de chance tu t'en sortiras avec quelques mois de travaux d'intérêts peut-être, mais ils t'auront à l'œil maintenant ! »
Hélèna, qui ne pensait pas si bien s'en tirer, s'en trouva soulagée. S'ils avaient raison, elle pourrait bientôt regagner son vaisseau et retrouver ses compagnons. Bien sûr, ils devraient faire profil bas pendant quelques mois, se contenter de livrer des cargaisons en toute légalité, ou escorter des vaisseaux diplomatiques... ça payait moins bien, mais c'était l'idéal pour éloigner tout soupçon et revenir à leur activité principale plus tard. Ils auraient tout le temps ensuite de se venger de la vermine qui les avait trahis.
Lorsqu'elle regarda du côté des soldats qui opéraient un homme quelques minutes plus tôt, à même le sol, elle vit que l'agitation avait cessé. Le médecin était parti examiné des cas plus légers, tandis que les trois autres étaient assis à côté du corps de leur frère. L'un d'eux, le dos contre la paroi métallique, la tête renversée en arrière, ferma les yeux. Il se mit à fredonner à voix basse, comme pour lui-même :
" Kandosii sa ka'rta, Vode an.
Coruscanta a'den mhi, Vode an.
Bal kote, darasuum kote,
Jorso'ran kando a tome.
Sa kyr'am Nau tracyn kad, Vode an."
Tous dans le vaisseau étaient silencieux et le regardait.
Les deux autres clones, assis à côté de lui reprirent en cœur, d'une voix lente et grave.
"Motir ca'tra nau tracinya.
Gra'tua cuun hett su dralshy'a.
Aruetyc runi solus cet o'r. "
Hélèna fut surprise d'entendre tous les autres clones, même ses compagnons, chanter à leur tour.
"Motir ca'tra nau tracinya.
Gra'tua cuun hett su dralshy'a.
Aruetyc runi trattok'o."
Après une dizaine de minutes de silence, Quinnan se pencha vers elle et lui traduisit à l'oreille le chant cérémonial Mandalorien pour un frère tombé ;
"Un seul cœur indomptable, tous frères.
Nous, la colère de Coruscant, tous frères.
Et la gloire, l'éternelle gloire,
Nous devrons supporter son poids tous ensemble.
Forgée comme le sabre dans les feux de la mort, tous frères.
Ceux qui se tiennent devant nous illuminent le ciel de flammes.
Notre vengeance brûle avec toujours plus d'éclat.
Chaque âme traitresse restante devra s'agenouiller.
Ceux qui se tiennent devant nous illuminent le ciel de flammes.
Notre vengeance brûle avec toujours plus d'éclat.
Chaque âme traitresse restante devra tomber. "
Elle écoutait les paroles de Quinnan à son oreille, tout en regardant le frère du défunt qui avait toujours les yeux fermés et la tête renversée en arrière. Elle en eut la gorge serrée, et prit la main de Quinnan, qui se tenait encore tout contre elle. Elle sentit qu'il essaya de la retirer vivement, comme sous l'impulsion d'une peur, ou s'il avait reçu un coup d'électricité, mais il laissa finalement sa main dans la sienne et lui serra. Lorsque le regard d'Hélèna revint vers lui, il lui sourit tendrement.
Ils furent interrompus par le « poc » métallique du vaisseau de transport militaire qui se posait dans le hangar d'une station orbitale.
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