14- Préparation

Hélèna était censée prendre le turboascenseur jusqu'au quatorzième niveau et se diriger vers le bureau au bout du couloir. Pourtant Olan insistait pour qu'elle retienne par cœur où se situaient les conduits d'aération de tous les étages du bâtiment... Il pensait que c'était la manière la plus simple de s'enfuir ou de se cacher en attendant qu'ils viennent la récupérer s'ils le pouvaient. Elle aurait pu le noter quelque part, mais si elle était fouillée, sa couverture serait grillée. De plus, il répétait sans cesse que consulter des notes pouvait prendre deux secondes, et que si elle était repérée, elle ne disposerait pas de tout ce temps... Alors qu'il perdait patience en lui répétant pour la deuxième fois que les conduits du 5ème niveau étaient inaccessible à cause de la chaufferie et des boucliers à chaleur présents dans la ventilation, un grésillement de communicateur s'enclencha, faisant se dresser les deux commandos sur leur sièges d'un coup.

Un hurlement sinistre sortit du haut-parleur du vaisseau.

« Vite ! Haro a une crise ! » Furent les seules mots de Sprinter avant qu'il ne coupe à nouveau les communications, ne laissant entendre que les échos des cris plus loin dans le vaisseau.

Mais avant même qu'il ne raccroche, Olan était déjà debout, s'engouffrant dans le couloir qui menait au cockpit.

Bien sûr. Sprinter avait été obligé de se brancher sur l'intercom général du vaisseau puisque les commandos avaient tous deux enlevés leur casque. Hélèna regarda T'ad d'un air interrogateur, mais il fixait le couloir sans ciller, l'air sévère. Il devait surement avoir reçu l'ordre de rester avec elle et la surveiller.

« Qu'est ce qu'il lui arrive ? »

Il se tourna vers elle l'air grave, ouvrit la bouche puis la referma, comme si il ne trouvait pas les mots.

Puis enfin, des rides creusèrent ses yeux et sa mâchoire se crispa sous l'effort, il lança :

« Tu n'as rien vu, rien entendu. Si tu répètes ça à quelqu'un on te retrouvera où que tu sois et on te fera payer cher ! »

Ce fut comme si les mots qui sortaient de sa boucle n'étaient pas les siens, Hélèna fut choquée de voir cet homme - cet enfant d'ailleurs - lui cracher ces mots au visage alors qu'il s'amusait à la taquiner sur le rangement de son vaisseau quelques heures plus tôt.

En cet instant il lui faisait très peur et elle désirait se trouver loin d'ici. Mais un nouveau cri attira son attention au bout du couloir. Un homme hurlait à la mort avec la même voix que Quinnan, et ça lui donna des frissons. Le sentiment qui l'envahit, lui faisant dresser les cheveux sur sa nuque, fut plus fort que sa peur.

« Je peux faire quelque chose ? »

Les traits de T'ad se radoucirent un peu.

« Que penses-tu pouvoir faire ? »

« Je ne sais pas, qu'est-ce qu'il a exactement ? J'ai déjà retiré des éclats de shrapnel d'une gorge une fois... Si ça peut servir... ? »

Cette fois, l'expression de T'ad se relâcha et il lui sourit malicieusement.

« Tu as vomi ? »

Elle le regarda incrédule. Sa volonté de l'embêter était presque aussi forte que son habileté à changer de sujet.

« Seulement une fois l'opération terminée et l'homme sauvé... »

Elle le fit rire, mais sa voix s'étrangla lorsqu'ils entendirent à nouveau un hurlement effroyable.

« Promis, je ne le dirai à personne. Qu'est ce qu'il lui arrive ? »

T'ad la regarda intensément dans les yeux, comme pour voir si elle tiendrait sa promesse.

« Problème de conception. Un bug. En vieillissant il a des crises musculaires très douloureuses. Ça arrive à certains clones. »

En vieillissant... Cet homme ne semblait pas avoir plus de 30 ans... Il ne devait donc pas dépasser les 16 années standards... Ils étaient plus vieux que Quinnan et Elby, allait-il également leur arriver ça en 'vieillissant' ?

« Personne ne peut l'aider ? Vous avez signalé le problème chez vous ? Enfin à votre... labo ? »

Hélèna avait l'impression de marcher sur des œufs, chaque mot qu'elle employait lui semblait plus maladroit que les autres.

« Ils ne doivent pas savoir ! Jamais ! Il irait en reconditionnement. »

Elle le regarda, la bouche semi-ouverte, n'osant demander plus d'explications.

« Dans son cas ça signifie l'élimination » finit T'ad face à son expression interrogative.

Hélèna se doutait de ce qu'il allait dire. Pourtant elle fut comme frappée au visage. Elle regardait le couloir sombre dont provenait des cris maintenant plus faibles et se dit qu'un homme souffrait atrocement et serait éliminé parce qu'il était non conforme... Et la République avait signé pour ça. Le sang de combien d'hommes avaient-ils sur les mains ?

Alors qu'elle regardait dans le vague, T'ad se mit face à elle.

« Écoute, il faut que tu comprennes... On est parfaitement conscients qu'il peut nous péter une durite en plein combat et nous faire tuer. Peut-être même faire échouer la mission. Mais on a déjà perdu trop de frères... Lui, il est tout seul, ses frères d'origine sont morts. On est son escouade recomposée et tout ce qu'il lui reste. On a juré de l'aider. Son sort ne sera pas différent du nôtre ! »

Il essayait de la convaincre... qu'il ne fallait pas éliminer un frère qui souffre !

« Évidemment. » Souffla-t-elle.

Haro lui était apparu comme brutal et solitaire, plus agaçant que les autres encore. Elle n'aimait pas cet arrogant personnage mais elle ne lui voulait aucun mal. Et maintenant qu'elle avait eu un aperçu de ce qu'il endurait, elle se promit d'essayer de ne pas le juger la prochaine fois qu'il se moquerait d'elle.

« C'est votre Vod, après tout. »

T'ad lui fit un large sourire accompagné d'un clin d'œil.

« En effet ! Tu comprends vite pour quelqu'un qui n'a pas de mémoire améliorée. »

Elle ne savait pas trop s'il s'agissait d'un compliment ou non, mais il semblait plutôt fière de sa blague et rit alors que le calme était revenu. Il se pencha vers elle comme pour lui faire une confidence.

« Je vais t'apprendre le Mando'a, comme ça quand tu reverras les soldats, tu pourras leur mettre la pâtée ! »

Le sourire d'Hélèna s'effaça et elle redevint sérieuse.

« Tu crois que je pourrais les revoir un jour ? »

« En vrai je ne sais pas, mais tu n'as cas les appeler déjà. T'en fais pas, en mission dangereuse on coupe les coms externes, tu ne risques pas de les faire repérer en les appelant si ils sont malins. Bon ce ne sont que des soldats, alors ils ne le sont pas forcément... »

Hélèna lui enfonça son coude dans les côtes, et sa susceptibilité le fit beaucoup rire.

« Mais comment les joindre ? »

« Sprinter piratera leurs fréquences si tu veux, la sécurité de leur casque n'est pas aussi bonne que les nôtre j'en ai peur... » Dit-il avec un air faussement triste.

« Il ferait ça ? »

« Oh je pourrais le faire aussi si je voulais, mais ça ne m'amuserait pas du tout... Et ça permettra de lui faire passer son temps en attendant que tu finisses ta mission. Il s'empiffre beaucoup trop en ce moment, bientôt il ne rentrera plus dans son armure... »

Le problème avec T'ad, c'était qu'à force de plaisanter, elle ne savait pas ce qui était vrai et faux.

« Franchement, je ne doute pas que vous puissiez le faire, mais... Pourquoi le ferriez-vous ? Ce sont vos frères. Et moi, vous me connaissez à peine... »

« C'est là que tu te trompes petite Aruetii. D'une : ce ne sont pas nos frères. Ce sont des soldats, nous des commandos. On a peut-être la même gueule, mais on a bien moins en commun que tu ne crois. Et de deux : on en sait beaucoup plus sur toi que ce que tu imagines. On est des pros, on se renseigne à fond avant de choisir un équipier et de passer à l'action. Donc je dirais presque l'inverse : on te connaît bien mieux qu'on ne les connaît eux ! »

« Vous vous êtes renseignés sur moi ? Qu'avez-vous appris ? »

De nombreuses parties de son enfance étaient obscures, elle se souvenait de quelques planètes visitées en compagnie de son père. Elle ne se souvenait pas de sa mère. Son père n'aimait pas parler d'elle, il disait qu'elle les avait abandonnés. Elle se souvenait des 'emprunts' de vaisseaux qu'effectuait son père sur chaque planète avant de repartir. Puis de sa mort alors qu'elle avait 7 ans, sur Corellia. Sa vie avait changée radicalement et elle avait du apprendre à voler pour se nourrir. Jusqu'à ce qu'elle parvienne à voler elle-même un vaisseau et ne quitte cette planète.

« On connaît ton passé de pirate et tout ce que tu es prête à faire pour te tirer de situations dangereuses. On sait aussi que tu as les nerfs solides et que lorsque tu as commencé un contrat tu va jusqu'au bout. Ça nous suffit. »

Ainsi ils ignoraient également tout de son enfance. Son histoire commençait lorsqu'elle avait rencontrée Jakin donc.

Olan revint l'air embêté, mais fit un signe de tête rassurant à T'ad pour lui apprendre que Haro allait mieux.

« Allez, il est temps qu'on travaille ta couverture ! » Lança t-il à Hélèna, comme pour couper court à toute question.

Pour commencer il lui indiqua un lieu où se changer et lui donna un tailleur à enfiler. Elle se sentait mal à l'aise, elle qui avait l'habitude de porter des pantalons résistants et pratiques avec plein de poches pour ses blasters et couteaux. Olan la força à se présenter et à marcher le long du couloir du vaisseau.

« Tu sens la pirate à plein nez ! » Se moqua-t-il en se levant et en attrapant son bras alors qu'elle fronça les sourcils en le regardant.

« Tu marches l'épaule droite légèrement en l'air, la main tendue, comme si tu t'apprêtais à dégainer ! Tu balances tes épaules d'un air trop sur de toi, comme si tu maîtrisais la situation. »

Ça lui fit mal. Elle n'avait aucune conscience de la manière dont les autres la percevaient. Mais il avait probablement raison, puisqu'elle travaillait cette assurance depuis des années. Souvent on évitait les ennuis en montrant d'emblée qu'on aurait le dessus en cas de confrontation... Mais là elle essayait vraiment de jouer la frêle secrétaire et non la pirate prête à tuer...

« Je croyais que j'étais une assistante qui maîtrise bien son métier et qui connait cette entreprise. »

« Oui tu es sure de tes capacités, mais ce n'est pas ce même genre d'assurance... »

« Là on dirait que tu va égorger ton patron avant de voler les clés de son vaisseau de luxe ! » compléta T'ad qui les regardait, toujours installé bien confortablement sur la banquette.

Olan tira sur son bras droit, la forçant à le détendre et lui baissa ensuite les épaules.

« Disons que tu n'es qu'une remplaçante là pour quelques jours, ça t'aidera à rester humble. Et tu es une charmante jeune femme qui veut séduire son patron pour monter en grade. » Lui souffla-t-il à l'oreille en posant ses mains sur sa taille, la forçant à rouler des hanches en marchant. Elle se retourna vivement vers lui, sur la défensive.

« Le séduire ? Ce n'était pas prévu dans le contrat ! »

« Si ton attitude est convaincante, tu n'aura pas à en arriver là. Mais on a appris que ce macho n'engageait que des jolies femmes comme secrétaires, dans le style 'jupe courte et pas grand-chose dans la tête'. On t'a mis sur sa liste de remplaçantes potentielles en cas de pépin, mais étant donné qu'il aura du mal à se souvenir de toi, il est nécessaire que tu lui donnes raison de t'avoir inscrit sur sa liste au moins. »

« Sa liste ? Attendez, vous voulez dire qu'il est censé avoir déjà travaillé avec moi ? »

« L'entreprise est énorme, il y a de nombreuses assistantes et plus encore de remplaçantes, ils ne font confiance à personne d'extérieur, voilà à quoi servent ces listes. Si une personne est indisposée, elle ne sera remplacée que par quelqu'un ayant déjà mis les pieds ici et passé toute leur série de tests. Que tu as bien-sur passé avec succès le premier jour où tu y a mis les pieds, il y a 3 ans. »

Elle s'était déjà faite passée pour des tas de personnes dans sa carrière de contrebandière, mais jamais pour quelqu'un que la personne était censé avoir déjà rencontré. C'était extrêmement risqué. Cela dit, elle n'était pas prête non plus à y entrer en tant que nouvelle recrue et passer ces tests, quels qu'ils soient...

L'intercom général du vaisseau s'activa à nouveau et la voix qui en sortit semblait éreintée :

« Sortie d'hyperespace dans 20 secondes ». Ce devait être Haro qui avait repris sa place de pilote auprès de Sprinter, se dit Hélèna.

Olan insista pour qu'elle s'entraîne encore à marcher et parler, réciter son parcours professionnel et sa vie privée en tant que Befu Kotep, sa couverture pour la mission. Le vaisseau se posa en retrait d'une ville et après l'extinction des moteurs, Hélèna vit passer Haro, soutenu par Sprinter, qui se dirigeait vers une cabine à l'arrière. Alors qu'elle regardait les hommes, Olan la poussa du coude pour qu'elle continue l'exercice. « Tu ne pourra pas te laisser déconcentrer là bas ! »

Le manège continua encore trop longtemps à son gout, avant qu'Olan ne s'estime satisfait et la laisse aller se coucher dans une cabine préparée pour elle.

Le lendemain elle devrait partir tôt pour son 'nouveau travail'.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top