Point de vue Katsuki

À la dernière semaine de Novembre, j'ai accompagné Sada jusqu'en France pour rencontrer sa famille. Elle a stressé pendant tout le voyage et une fois à l'aéroport, son visage s'est aussitôt fermé comme si elle avait mit ses sentiments sous scellé. Pas besoin d'un croquis pour comprendre qu'elle n'avait pas envie de revenir ici...

On a déposé les affaire à l'hôtel et Sada m'a fait visiter sa région natale, dans le Sud. En vrai, le décor est exactement comme je l'imaginais, c'est très français quoi. Elle m'avait déjà montré des cartes postales, donc je m'y attendais un peu. Comme sa famille vit dans le village voisin, on s'est arrêté dans la grande ville pour manger un morceau et... Madame a voulu bouffer McDo.

Moi qui pensais aller dans un resto français, je vais bouffer américain !

- Je serais allé à New York pour ça hein.

<< Oh s'il te plait Katsuki, juste pour cette fois ! S'il te plaiiiiit ! >>

- Hmm...

En plus les français sont bizarres. Ils parlent fort, s'excusent même pas dans la file d'attente après avoir bousculé une vieille et les jeunes j'en parle pas... Aucune discipline, ils se croient chez eux ! Sada se rapproche de moi pour chuchoter.

<< Tu vois pourquoi j'ai fui, hein... >>

- Ah ouais je vois ça.

Le plus gros choc des cultures entre la France et le Japon, c'est surtout le comportement des filles. C'est des mecs transformés ou c'est comment ? J'ai appris le français avant de venir mais j'avoue que je suis largué par leur langage bizarre depuis tout à l'heure.

<< Tch, mon keum me casse les couilles depuis deux jours là, il est relou wesh... >>

<< Bah tèje le alors, qu'est-ce tu perds ton time avec ce clochard ? Il a même pas une grosse teub. >>

Et elles parlent de ça devant tout le monde... Sada se tape le front en soupirant. Je parle comme ça dans la rue, ma vieille me fracasse à coup de batte de baseball ! On dirait des lycéennes mais je suis pas sûr, les français ne portent pas d'uniformes scolaires... et franchement ils devraient si c'est pour se saper avec des mini jupes trop courtes et un soutif qui cache pas grand chose. Pour des mineures, c'est un peu limite hein.

C'est moi qui ai l'esprit fermé ou juste que je suis trop civilisé ? À croire que je viens d'un autre monde...

On s'est posé dehors et loin des gens, au moins pour laisser Natsuki jouer dans la structure en toboggan à côté. Mes oreilles ont saigné pendant trois quart d'heures !!!

- On est où en fait, dans un pays en développement ? Même les tribus indigènes ont plus de vocabulaire.

<< Je te l'avais dis, c'est... une autre culture. >>

- Nan mais j'ai rien capté tout à l'heure, c'était vraiment du français ??

<< Heu... Honnêtement je ne m'en rappelle plus trop et encore tu n'as pas vu le pire. De toute façon on ne reste qu'une semaine et on rentre. Tu n'es pas obligé de retenir les trucs inutiles. >>

- Hmm...

<< Bien que je préfère le respect japonais, je ne peux pas blâmer certaines personnes devenir aussi vulgaires. Vois tu, en France c'est la loi du plus fort et le coupable est innocent. Les filles de ce pays doivent adopter un comportement particulier pour se faire respecter ou éviter de se faire agresser. Le harcèlement de rue et les agressions sexuelles sont fréquents et peu sanctionnés malheureusement, et la légitime défense est punie. >>

Mais c'est quoi ce pays ???

<< On vient à peine d'arriver et j'ai déjà envie de repartir... C'est mon pays, mais je me sens étrangère. >>

- Y'a pas des endroits que t'aimes bien et que tu voudrais revoir ?

Elle hausse les épaules.

<< Pas vraiment non... >>

<< Mama. >>

Natsuki grimpe sur ses genoux en piochant dans les frites alors que Sada l'enlace. Il a eu un an cette année et après renseignements, les frites et le sel ne sont pas nocifs pour les bébés de cet âge, mais faut non plus en abuser. De toute façon, c'est la première fois qu'il en mange et il a l'air d'aimer ça.

<< Je ne demande rien de plus, j'ai déjà tout ce qu'il me faut avec moi. >>

- ... Je dois m'attendre à quoi avec tes parents ?

<< Hum... Juste qu'ils font bonne figure devant les invités mais en réalité... Tu le sais. >>

- Ouais je vois.

Double face, quoi... Et je vois bien qu'elle appréhende. De toute façon, au premier mot de travers j'interviendrai peu importe le motif, je veux pas savoir pour quelle raison ils peuvent s'engueuler ou je sais pas quoi, Sada n'a jamais demandé à revenir et n'a pas à subir encore des déchirements. Ca risque de la secouer un peu de me voir prendre sa défense, mais elle verra au moins ce que ça fait de se sentir soutenu après des années à se battre tout seul.

On allait partir après avoir fini, quand un groupe de filles plus âgées que des lycéennes viennent à notre table.

<< C'est toi ??? Ca fait longtemps ! >>

<< Wow tu as changé, ça fait bizarre. >>

Mais Sada ne sourit toujours pas et reste froide.

<< Désolé je ne parle pas français, dit-elle en japonais. >>

<< Quoi ? >>

<< On y va ? sourit-elle. >>

Je hoche la tête et la laisse passer devant pour partir en ignorant les filles qui nous dévisagent toujours.

<< C'est quoi son problème ? C'était bien elle non...? >>

<< Bah oui, je comprends pas... >>

Je me rends enfin compte de la vraie rancoeur de Sada envers tous ceux qu'elle a connu ici. Certains se sont détournés d'elle après l'avoir trahi, d'autres l'ont juste laissé partir et ont fait comme s'ils ne la connaissaient pas. N'empêche, ces filles m'ont l'air faux culs, du genre pimbêches qui l'ont peut être accepté pour une durée déterminée avant de la laisser tomber. Hm... Je peux pas vraiment lui jeter la pierre d'avoir pris ses distances.

C'est toujours quand on voit la personne réussir sa vie et être heureuse qu'on revient la queue entre les jambes pour récolter les ragots et baver dans son dos, mais personne quand elle est au plus mal, hein ? Et on s'étonne pourquoi Sada a fermé son coeur ?! Remettez vous en question les gens !!!

On s'est rendu chez ses parents le lendemain et la moitié de la famille était rassemblée pour un barbecue dans le jardin. J'ai laissé Sada entrer en première avec Natsuki et quand sa mère s'est approchée pour l'enlacer, elle s'est déportée froidement vers moi sans lui accorder un sourire, même un faux. La vieille reste un peu choquée de son recul mais change aussitôt de visage en voyant Natsuki.

<< Bonjour toi ! Comment il s'appelle ? >>

<< Natsuki, répond Sada froidement. >>

Je suis pas con, je comprends ce qu'elles se disent hein. J'avoue que je suis pas à l'aise ici non plus.

<< Nazuki ? >>

Ah ? Sada n'apprécie pas trop qu'on écorche le prénom de son fils.

<< Na-tsu-ki. >>

<< Oh ces noms c'est compliqué... Au final, tu l'auras eu ton japonais. >>

- Hum ?

Je dois comprendre que Sada a des préférences pour les japonais ?

<< C'est mon fiancé, Bakugou Katsuki. On compte se marier le 24 décembre. >>

<< Eh ben ! Toi qui disais que tu ne te marierais jamais et ne voulais pas d'enfants, rit la vieille. Je t'avais dis que tu changerais d'avis en grandissant. >>

Sada prend sur elle mais je commence aussi à être soûlé de ces "blagues" qui sont loin d'être marrantes. Ca sonne plutôt comme des piques sarcastiques passées à la pommade sur le ton de l'humour.

- La différence c'est que maintenant elle est heureuse.

La vieille arrête net de rire.

<< Oh mais vous parlez français ?? >>

C'est ça, change de sujet...

- Ouais et je comprends tout ce que vous dites aussi.

<< Mais c'est formidable, excusez nous mais on ne parle pas un mot japonais donc j'avais un peu peur de la barrière de la langue... >>

- Nan c'est bon. 

<< Venez vous asseoir, ne restez pas plantés là ! >>

Je regarde Sada qui me prend la main en gardant la tête basse. Elle a envie de déguerpir d'ici et ça se comprendre... Pour l'instant ça va, mais je sais qu'elle craint pour plus tard. Ca peut péter à tout moment.

On s'est installé parmi les invités et l'ambiance est plutôt normale. J'ai fais la connaissance de ses deux frères dont le deuxième est un fan du Japon et essaye de parler dans ma langue. Mouais, pas mal mais j'ai l'impression qu'il ne connait que les bases. Bon je vais pas m'en plaindre, c'est le seul qui fait l'effort de s'intéresser à moi mais franchement ça me passe au dessus. L'autre frangin m'a l'air plus étroit d'esprit et un peu beauf sur les bords, il préfère rester discuter avec leur père et les oncles. Sada ne parle pas des masses au reste de la famille et préfère rester avec moi en s'occupant de Natsuki. Je lui sers à boire pour passer le temps.

- Tu tiens le coup ?

<< Hm... J'ai l'impression de n'être jamais partie d'ici... >>

- Et ça te fait quoi ?

<< Des souvenirs. Bons et mauvais. Je ne sais pas vraiment comment je me sens, à part cette même impression de vide comme autrefois... >>

<< Hé dis donc Jeune, t'es vraiment japonais ? >>

- Hein ?

<< Pour la dernière fois il s'appelle Katsuki, Papa, grogne Sada. >>

<< Sakakiki, Kakiku, moi je parle pas chinois. >>

Je suis censé me vexer ? Je m'arrête pas à ça mais ça suffit pour démarrer Sada.

<< Fais au moins un effort devant lui putain ! Et OUI, il est japonais et alors ?! T'as un problème avec ça ?! >>

- Laisse Sada, c'est rien.

<< "Sada" ? >>

La vieille nous dévisage sans comprendre. Sada ne dit rien et reprend ma main pour se calmer.

<< C'est quoi "Sada" ? >>

<< ... "XXX" n'existe plus depuis longtemps. >>

Son père éclate de rire en resservant l'alcool.

<< Ouais allez, moi je m'appelle Ventilo. >>

<< Tu ne me crois pas ? provoque Sada en sortant sa carte d'identité. >>

En voyant que les papiers étaient authentiques, l'ambiance autour de la table s'est refroidie. Et encore, ce n'est rien comparé à ce qui va arriver.

<< Hé, on t'a donné un prénom c'est pas pour rien, hein. >>

<< Un nom merdique qui n'a fait plaisir qu'à vous, au moins j'ai pu choisir d'être une autre personne plus à mon image. >>

<< Et pourquoi tu as fais ça ??? demande sa mère. Tu te rends compte de ce que tu as fais ?? Donc tu as aussi--?? >>

<< J'ai brûlé toutes les preuves que me reliaient à cette famille, oui. Ce qui règle les problèmes d'héritage et des petites affaires personnelles. Je suis morte sur papier et suis devenue officiellement japonaise du jour au lendemain, ce pourquoi je ne suis jamais revenue. >>

<< Jusqu'à supprimer ton numéro de téléphone ! On pensait que tu étais portée disparue ou que tu étais morte ! Tu te rends compte de la douleur que tu nous as fais--?? >>

<< On en parle de la douleur que VOUS m'avez fait ?! >>

Sada se lève en me donnant Natsuki, ce n'est pas le moment d'intervenir. Je vais la laisser s'exprimer d'abord.

<< On en parle de toutes ces années où pas une seule fois vous m'avez apporté votre soutien quand j'étais en dépression ?!! Une dépression qui était en partie de votre faute, je voulais mourir plus d'une fois et tu oses me dire que JE vous ai fais souffrir ?! Evidemment vous n'étiez pas au courant, parce que vous ne vouliez pas entendre parler que votre fille puisse être à ce point malade ! Nan, vous préfériez me traiter de folle sans prendre au sérieux ma détresse émotionnelle dans les moments où j'avais le plus besoin de soutien !! La gamine que j'étais avait besoin de se réfugier dans les bras de ses parents pour se sentir en sécurité, mais vous n'avez JAMAIS construire ce cocon protecteur dans lequel je pouvais me confier, jamais ! Tout ce que j'ai toujours récolté, c'étaient des reproches, des remarques cinglantes, des jugements, mais JAMAIS un "je t'aime" ! Vous n'avez jamais voulu voir à quel point je me sentais seule !! Si vous m'avez soutenu une fois dans votre vie, désolé mais j'en ai plus le souvenir ! >>

<< Comment tu peux dire ça, on t'a élevé et tu n'as jamais manqué de rien ! Tu crois que tu es la seule à avoir des problèmes ?! Comment on pouvait savoir que tu n'allais pas bien, tu disais jamais rien ! Le monde ne tourne pas autour de toi, on a tous des problèmes !! Si je devais faire une liste de tout ce que j'ai vécu avec ta grande mère--!! >>

<< Tu ressors toujours la même excuse pour qu'on ne puisse rien te dire et pour TE donner raison de nous gueuler dessus !!! Je t'ai toujours entendu te plaindre de ta vie, de ta famille, de tes enfants, de ton mari, mais je te rappelle que c'est TOI qui as choisi cette vie !!! >>

<< Méfie toi et parle moi mieux, c'est pas parce que tu es une adulte que tu ne vas rien recevoir dans ta gueule !! >>

<< Pourquoi, parce que j'ai dis la véri--?!!! >>

Je me lève d'un bond en frappant le poing sur la table en voyant sa mère la gifler devant tout le monde.

- JE VOUS INTERDIS DE TOUCHER À SADA, C'EST CLAIR ?!!!

. . . Silence et je vois que ça choque.

- Votre fille n'est pas vous !! Le monde ne tourne pas autour de votre nombril non plus !! Franchement c'est gonflé de renvoyer VOS erreurs de VOTRE passé sur Sada, elle n'est pas responsable de ce que vous avez vécu à son âge, elle vous parle de SA détresse !!! 

Je remarque son père se lever pour me dire de la fermer, mais s'il croit m'impressionner... Il se prend pour qui ? Je le considère même pas comme mon beau père.

<< Toi tu t'en mêles pas, t'es encore qu'un étranger. >>

- Ah ouais et quoi ? Si je me tais pas, vous allez me bastonner ?! Restez assis, ça vaut mieux !

Il allait avancer mais son beau frère le retient et l'oblige à se rasseoir.

- Vous l'avez élevé, ouais et alors ?! Être parent c'est pas juste donner des ordres à ses gosses comme à un chien et le punir quand ils font mal les choses, ça veut pas dire que vous avez tous les droits !! On grandit avec des erreurs, c'est normal non ?!! Vous vous plaignez que Sada n'ait aucune ambition, mais vous lui avez coupé toute envie de se motiver et ouais j'en sais des trucs !! Vous l'avez poussé à bout et vous vous offusquez de sa réaction, vous êtes sérieux ?! Maintenant que je vous vois tous, je comprends à qui j'ai affaire et je suis vraiment déçu, depuis qu'on est arrivé je n'ai entendu que des réflexions et si c'est votre manière de communiquer, allez consulter !!

Personne n'a félicité Sada pour Natsuki, ni pour le mariage, ç'a démarré direct avec des remarques dont on se serait passé ! PERSONNE ne l'a regardé comme JE l'ai regardé le jour où elle a mit mon fils au monde, j'ai l'impression d'être le seul à voir les détails les plus subtils qui font de Sada celle qu'elle est aujourd'hui et ça me bouffe de l'intérieur ! J'ai été patient mais là, c'est trop !! Comment on peut être aussi aveugle ou complètement débile pour ne pas entendre son cri de détresse qu'elle retient depuis qu'on est arrivés, rien que de revenir ici est une torture pour elle ! Pourquoi je suis le seul à sentir ces choses, hein ?!

C'est quand même grave d'arriver à voir ce que sa propre famille est censée connaitre depuis longtemps !

- Vous pensiez qu'elle était morte, mais je vous ai pas trop vu vous bouger le cul pour la retrouver, à part pour lui annoncer que son grand père est mort ! Je vous ai pas trop entendu demander si elle est heureuse dans sa vie non plus ! Je peux savoir pourquoi vous tenez à la recontacter après toutes ces années ?!

<< Ca te regarde pas, c'est une affaire de famille ! >>

- Oh mais je serai de la famille dans trois semaines, le temps passe vite ! C'est votre fille, je peux pas changer ça, mais je vous permettrez jamais de critiquer ma femme !

<< Baisse d'un ton sous mon toit gamin, menace le daron. Tu te prends pour qui pour nous faire la morale, et toi "Sada" tu nous as fais passer pour quoi au juste, hein ?! >>

Je me retiens de rire en retenant Sada qui allait répliquer. Elle tremble de colère et je pense qu'il est temps de partir maintenant.

- Pour qui je me prends...? Pour celui qui a compris votre fille mieux que vous. Vous préférez que je la traite comme une reine ou plutôt que je la frappe comme un gros fils de chien ? Quoique ne donnez pas de réponse, moi je sais ce que je dois faire pour la voir sourire.

J'attrape la main de Sada et la ramène à la voiture sans me retourner, alors que tout le monde restait muet comme une tombe. En réalité, je comprends bien que ses parents aient eu un passé compliqué en leur temps, ce qui laisse des cicatrices et des traumas qu'on ne peut pas toujours partager, mais ça n'excuse en rien ce qu'ils ont fait de Sada. Quand on est pas bien, on consulte un thérapeute mais la future génération n'a pas à en subir les conséquences. Puisqu'ils estiment n'avoir aucun problème, autant s'en éloigner...

<< Katsuki... Je-- >>

- Non. Ne dis rien. 

<< Si... Merci... >>

Je cale mon front contre le sien en calmant mes nerfs et l'embrasse. Je ne laisserai plus personne la blesser...

- Tu veux aller au cimetière ?

<< Oui... >>

Sada a voulu profiter des derniers jours pour me faire visiter d'autres coins de la province, jusqu'à la Camargue où j'étais plutôt surpris des traditions locales. Ils font beaucoup de manades ici et j'ai pu monter à cheval avec Natsuki. Je crois qu'il adore l'équitation, c'est marrant. Moi, je suis pas un pro mais je me débrouille pas trop mal et au moins, mon fils a peut être pu découvrir sa passion.

<< Ca te va bien, de monter à cheval ! rit Sada. Un vrai cowboy. >>

Juste parce que je tiens les rênes d'une seule main ? Je fais juste un tour dans le rond de longe avec Natsuki, pas besoin d'aller loin.

- Tu viens pas ?

<< Heu... Je ne sais plus trop comment monter à cheval. Pourtant j'adorais quand j'étais petite. >>

- Hmm...

<< Ooh mais c'est qu'il se débrouille très bien le japonais, ricane le vieux proprio du domaine. Je pourrais peut être l'engager comme manadier. >>

<< Il est bien plus que ça monsieur. C'est un héros. >>

<< Oooh... >>

Sada me lance un sourire et j'ai compris qu'elle parlait de mes exploits à la guerre. Je rougis en tournant la tête, j'étais pas tout seul non plus et c'est pas ma seule victoire hein...

- Tch... T'as fini de faire ta fangirl ?

<< Roh tu vas pas t'en plaindre, je suis ta plus grande fan. >>

- Ouais ouais... Bon tu viens ?

<< Eh ? À deux... sur le cheval ? Mais je ne sais pas monter-- >>

- Bah je vais t'apprendre !

Je dépose Natsuki dans les bras de la femme du proprio avait de choper la main de Sada pour la hisser sur la selle. Pour un cheval camarguais, le mien est assez grand et robuste pour nous supporter tous les deux et il a l'air obéissant.

<< Mama ! >>

- On revient Natsuki. Vous pouvez le garder un moment ?

<< Pas de souci ! Soyez prudents. >>

<< Quoi-- Où est-ce qu'on va ?? demande Sada. >>

Le vieux ouvre la clôture et le portail du domaine qui mène à la plage en contre bas, et nous laisse partir au grand galop. Faire des rondes c'est bien pour le petit, mais moi j'ai envie de voir ce que mon cheval a dans les sabots ! Je me retiens de partir en fou rire en voyant Sada s'accrocher à moi, je comprends maintenant pourquoi elle voulait pas monter. Je la tiens par la taille avant de ralentir une fois que le cheval a trempé ses pattes dans l'eau.

<< Tu pourrais prévenir avant de faire ça ! >>

- Ca aurait gâché mon plaisir de voir ta tronche !

<< T'es qu'un abruti ! >>

Je lui mords la joue juste pour la faire chier alors qu'elle me tape dans l'épaule.

<< Arrête ! Fais moi descendre ! >>

- Nan.

<< Pourquoi ?? >>

- On est pas bien là ?

<< Oh je vois, tu joues au prince charmant c'est ça ? >>

- Pourquoi, tu te prends pour une princesse toi ?

Elle rougit en regardant ailleurs et ça me fait sourire.

- Ah d'accord, t'es comme ça. Bon bah si t'insistes, je veux bien être le bandit qui enlève la princesse.

<< J-Je n'ai jamais dis que je jouais--! >>

Je l'embrasse en chopant sa mâchoire entre mes doigts pour la faire taire. Ca fait du bien un peu de silence... Mais c'était pas un bisou magique, Madame boude encore.

<< Un héros qui devient bandit, c'est pas logique. >>

- Roh t'es chiante de casser l'ambiance...

<< Pour une fois que c'est pas le contraire. >>

- T'as dis quoi là ?! J'essaie d'être romantique et tu casses mon coup !

<< Romantisme ??? Tu viens de me kidnapper, "bandit" ! >>

- Tch, tu vas voir ce que je peux te faire et on verra si tu t'en plains !

<< Ohhh, c'est tout ce que tu as en stock comme répartie ??? >>

- En tout cas c'est pas moi qui t'ai foutu la honte devant tous les employés de l'agence, HEIN !

<< Tu vas me le rabâcher encore longtemps ?! >>

- Fais gaffe parce que je serais cap' de te faire pareil au café !

<< Pff, tu travailles toute la journée, à quel moment t'as le temps de venir m'emmerder quand je travaille ?! >>

- On parie ?!

<< Heu... Et on parie quoi ? >>

- T'inquiète j'ai plein d'idées.

Je descends en prenant les rênes et marche à côté du cheval pour continuer la balade.

<< ... Katsuki ? >>

- Hmm ?

<< Merci... de m'avoir défendu l'autre jour... >>

- Pas besoin, je pouvais pas te laisser toute seule avec eux. Puis qu'ils m'aiment pas je m'en fous. T'as pu leur dire ce que tu voulais ?

<< Bah... Il y a tellement de choses à dire, mais ça pourrait durer une année entière pour tout balancer. C'est surtout de savoir qu'on rentre bientôt qui me soulage. >>

- Hm...

Je m'arrête au bout de quelques pas avant de caresser l'encolure du cheval et lever les yeux vers elle.

- Je veux pas te foutre la pression mais j'y pense depuis un moment.

<< Quoi donc ? >>

- Après le mariage, tu...

Elle penche la tête en attendant la suite. Je sais pas si c'est le bon moment de lui demander et avec tout ce qui s'est passé, ça me parait précipité dit comme ça... On est pas non plus obligé de faire ça tout de suite, ça peut attendre et je crains pour sa santé.

<< Katsuki ? >>

- ... J'aimerais avoir une fille.

<< Huh ? >>

- Ecoute, je sais que ça se commande pas mais j'y pensais de plus en plus. C-C'est juste une envie hein, mais je veux attendre que tu te sentes mieux avant de commencer à y réfléchir ! Mais voilà... J'ai peur pour toi. Je te l'ai jamais dis, mais quand Natsuki est né j'ai eu la trouille...

<< Mon coeur... >>

Elle me prend la main. Ses doigts sont froids... Elle est loin d'avoir retrouvé toutes ses forces et c'est ce qui m'inquiète. Je veux pas provoquer le jour où on me dira qu'elle n'a pas survécu à l'accouchement. Je sais pas comment je serai à ce moment là... Une femme qui donne la vie a déjà un pied dans la tombe et ça me terrifie de savoir que ça peut être compliqué.

- Je veux pas sacrifier ta vie pour une simple envie égoïste...

<< Ce n'est pas égoïste si je suis d'accord. >>

- Arrête, t'as déjà galéré pour Natsuki, alors j'ai même pas envie d'imaginer pour un deuxième gosse en sachant que ton corps n'a plus la même force qu'avant. C'était con de te le demander... Oublie ce que j'ai dis.

<< Katsuki. Ne sous estime pas la force d'une mère. Je veux juste que tu sois avec moi... >>

- Je serai toujours avec toi, mais... Je me pardonnerai pas s'il t'arrivait quelque chose.

<< Tu es mignon... sourit-elle. Alors je n'ai qu'à rapidement m'en remettre avant le mariage. Au moins pour te montrer que je ne suis pas si fragile. >>

Je souris et embrasse sa main, mais ça m'empêche pas d'angoisser pour elle.

- Je t'aime trop pour te perdre...

<< Oh c'est la première fois que tu me dis ça... rougit-elle. >>

- Ah ouais ? Hum... Je devrais le dire plus souvent alors.

Sada n'a pas tant souri depuis qu'on est arrivé en France, mais elle rayonne de savoir qu'on repart enfin. Elle n'a jamais autant apprécié l'attente à l'aéroport et se tenait tranquille avec Natsuki dans le hall... jusqu'à l'arrivée de la dernière personne qu'elle n'aurait jamais aimé revoir un jour, à en juger sur son visage de nouveau glacial en la voyant venir vers nous. Un mec qu'elle ne m'a jamais présenté, pas plus grand que moi avec un peu de duvet au menton. Il me regarde un instant mais ne soutient pas mon regard et se concentre sur Sada.

<< Ca faisait longtemps, dit-il. T'as pas changé... >>

Elle ne répond pas et se contente de le regarder dans les yeux, contrairement à lui qui regarde partout sauf devant lui. Il regarde plutôt Natsuki, qui gigote dans les bras de sa mère pour jouer avec ses cheveux.

<< Félicitations. >>

<< Hm... >>

Ouais... C'est tendu et j'ai deviné que c'était son ex. Je reste assis sans rien dire, ça ne me regarde pas tant que ça reste une discussion calme.

<< Je... me rappelle du temps où tu n'en voulais pas. >>

<< Quoi donc ? >>

<< D'enfants. Tu disais toujours que tu tenais trop à ta liberté et ton indépendance. >>

<< Les envies changent tout le temps. À l'époque où tu m'as dis que tu voulais fonder une famille, on avait encore 16 ans. On avait pas l'âge de penser à ce genre de chose. >>

<< Ouais... Mais t'as jamais voulu en avoir, même quand on vivait ensemble. Tu ne voulais pas d'enfants avec moi... >>

<< Et j'ai bien fais. >>

<< Sympa... >>

T'avais qu'à pas la tromper ducon...

<< Jun. Qu'est-ce que tu fais ici ? >>

<< J'ai appris que t'étais revenue et je voulais te parler, mais je ne savais pas que tu étais accompagnée. >>

Il me regarde encore avec son air de jugement, je rêve où il est jaloux ? J'ai presque envie de rire.

<< C'est mon fiancé, Katsuki. Comme tu peux le voir à la ressemblance, c'est aussi le père de mon fils. Je suis juste revenue voir ma famille, maintenant on rentre au Japon. >>

<< Tu as finalement réalisé ton rêve d'y aller... Je croyais que tu étais morte. >>

<< Ca t'aurait plu de l'apprendre ? >>

<< Arrête, s'il te plait... C'est pas ce que je voulais dire. >>

<< Je sais, mais tu as raison d'y croire. Celle que tu as connu autrefois est morte. >>

<< Hein ? Mais... Tu es toujours toi, je veux dire-- >>

<< J'ai changé. Et tant que je suis devant toi, je dois te remercier de m'avoir aidé à ouvrir les yeux. J'ai réalisé que nous deux, ce n'était pas fait pour durer. Je regrette beaucoup de choses avec toi, mais depuis le jour où je suis partie sans retour, tu ne faisais déjà plus partie de mon univers. >>

<< Quoi ? >>

Je souris en faisant semblant d'être sur mon portable. C'est bien Sada, vide ton sac...

<< Tu t'en étonnes ? Tu penses sérieusement qu'en te repointant devant moi, j'allais te sauter au cou avec joie, après ce que tu m'as fais ? Que tu m'aies trompé, je peux passer outre. Je m'en fiche. Mais par dessus tout, je ne te pardonnerai jamais de m'avoir détruite comme tu l'as fais. >>

<< Moi je t'ai détruite ??? J'ai pleuré pour toi, je t'ai aimé-- >>

<< Impliquer ta mère dans nos disputes de couple, me faire culpabiliser pour mieux me manipuler en sachant à quel point j'aurais honte de moi même, frapper tes paroles blessantes pile aux endroits qui me faisaient le plus mal, te servir de ma dépression pour me soumettre à TA vision du couple, me pourrir comme une merde par TEXTO parce que tu n'as jamais eu le courage de me dire toutes ces choses en face, retourner nos amis contre moi pour détruire ma vie sociale, essayer de me faire retourner contre ma propre famille pour pouvoir me faire ce que tu voulais dans l'intimité, me faire du chantage sexuel, rejeter tes fautes personnelles et tes échecs sur moi, m'insulter de tous les noms quand tu étais en colère, me menacer à chacune de nos ruptures ; tout ça c'était de l'amour pour toi ? >>

<< Quoi ??? >>

Je me décompose en comprenant malgré mon niveau en français. Je savais que Sada avait souffert, mais... elle ne me parlait pas trop de sa relation avec son ex et ne m'avait jamais dit que c'était un pervers narcissique. Et moi je suis là sans rien foutre, mais j'ai juste envie de lui faire bouffer son dentier !! Tout ça, pour finir par la tromper et encore il s'étonne qu'elle est en colère ?!

<< Je te le redis, je n'ai jamais voulu que tu changes ! Pourquoi tu mens comme ça ?! >>

<< Je mens...? rit-elle sans joie. Un pervers narcissique ne reconnait jamais ses torts, je l'avais oublié. J'étais la proie facile et assez vulnérable pour toi, quand tu es venu m'adresser la parole pour la première fois. Tu n'avais plus qu'à désosser ma carapace morceau par morceau pour me donner le coup de grâce à la toute fin. Tu voulais faire de moi l'image que tu avais d'une femme au foyer qui serait soumise à tous tes désirs, qui ne te contredirait jamais, qui écarte les cuisses quand tu claquais des doigts, qui te fasse des enfants sans se plaindre et qui te dorlote comme ta mère le faisait. Comme tu n'as pas réussi, tu n'as rien trouvé d'autre que de passer ta frustration en me détruisant à petit feu... Alors que tu savais ce que j'endurais, tu n'as pas hésité à planter le couteau dans une plaie déjà ouverte. >>

<< C'EST TOI LA PERVERSE--!!! >>

Je me lève d'un bond en bloquant sa main qui allait gifler Sada et lui rend son geste sans retenue, ce qui le fait tomber sur le carrelage marbré. On serait seuls, je crois que je l'aurais vraiment massacré à mort mais je me retiens parce que Natsuki nous regarde.

- Un conseil, t'as pas intérêt à lever la main sur elle.

<< T'as compris ce qu'elle a dit...?! Et tu continues de la défendre, tu vois pas qu'elle ment ?! Le prochain ce sera toi mec ! >>

- Je l'aurais pas demandé en mariage si elle était ce que tu décris !

<< Katsuki... >>

Je prends sa main pour la ramener derrière moi.

- T'es juste frustré de pas avoir réussi ton coup et ça te fait chier de voir qu'elle est heureuse après tout ce que tu lui as fais, et tu te pointes ici en espérant quoi au juste ? T'as personne d'autre à aller voir pour te vider les couilles ou c'est comment ? T'as rien d'autre à foutre ? Moi j'ai juste envie de t'éclater la gueule, ça m'aurait fais passer le temps. Tu connais la différence entre nous ? Moi je pense à elle et à ses envies, en traduction j'ai pas besoin de ma mère pour me conduire en adulte responsable ! Apprends à grandir au lieu de faire la morale ducon !

Qui plus est, t'allais frapper une femme qui portait un enfant !!! Si on était seuls dans le bâtiment, je l'aurais fracassé jusqu'à ce qu'il ne puisse manger qu'avec une paille !

- Je t'avertis une fois. On s'en va, mais si tu t'avises de nous suivre ou même d'essayer de recontacter Sada... Je te retrouverai.

Crois moi connard, tu ne sais pas qui tu as en face de toi... Les lois sont strictes pour les héros, toujours protéger et servir, mais exceptionnellement je serai prêt à être pire qu'un Vilain pour protéger ma famille. J'ai déjà fais la guerre, c'est pas un merdeux frustré qui va me faire trembler.

Il s'en va en se clouant le bec et presque en courant, tandis que la tension redescend aussitôt. Je sursaute en voyant Sada s'effondrer sur le banc en éclatant en larmes, avant de poser un genou devant elle en relevant sa tête.

- Hé ça va ?

<< Désolé...! J-Je pensais pouvoir tenir mais... Entre mes parents et ça, j'ai l'impression de ne pas avoir assez...! >>

Je m'assois à côté et la serre pour la soulager en caressant sa tête. Pas assez, qu'elle dit... Rien que faire le voyage pour affronter son passé demande beaucoup de force et de courage. Ce qui compte n'est pas le résultat ou de s'attendre à ce que les choses changent, mais de trouver la paix en faisant ce qui nous parait juste. Maintenant qu'elle a ouvert son coeur, j'espère que ça suffira pour la laisser se reposer et se reconstruire... Elle est fatiguée et moi aussi...

- ... Tu es la plus courageuse que je connaisse...

<< Mais tu n'as fais que me défendre alors que j'aurais dû-- >>

- Mais tu es venue jusque devant eux et tu n'as pas fui. Ca suffit.

J'essuie ses larmes avant l'embrasser pour la calmer. J'ai promis que rien ne lui arriverait, que rien ne l'atteindrait. J'ai fais ce que beaucoup auraient dû faire avant moi.

À suivre...

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Homme à marier <3

Juste une petite précision, les deux prochains chapitres seront du point de vue de Sada et j'espère que vous avez le coeur bien accroché.