5 - Deux grandes gueules
Point de vue Sada
Etonnamment, je ne m'attendais pas à ce que Bakugou accepte de me raccompagner chez moi. En réalité, je me suis un peu défoulée sur lui pour me changer les idées et aussi pour le tester. Savoir s'il allait capter que je suis la personne qu'il recherche activement depuis des mois. Lui qui est si perspicace d'habitude, il n'a l'air de faire aucune distinction entre "The Boss" et moi. Peut être parce qu'il croit que je suis un homme.
Hm... Parfois, c'est tentant de penser à me "vendre" ouvertement aux autorités, au vu de ma situation. J'en suis venue à un point de ma vie où je me dis qu'il serait temps de décrocher et profiter de l'instant présent, mais il faut faire des sacrifices... Le mien serait trop grand pour renoncer maintenant, hélas. Si ça n'en tenait qu'à moi, il y aurait longtemps que je serais derrière les barreaux.
Ce soir, j'ai envie de taquiner mon héros téméraire qui me fait bien rire avec ses réactions d'homme qui fait style de ne pas céder à mes avances. Il est assez mignon... en plus d'être gentleman. Je comprends pourquoi il a autant la côte auprès des filles. Après tout, qui ne tenterait pas d'approcher Dynamight, le héros qui a combattu All for One avec une telle détermination ? Il a inspiré les enfants à donner le meilleur d'eux mêmes pour devenir plus forts. Et dire que j'ai la perle rare juste à côté de moi...
<< Descends tu veux, peste-t-il en marchant derrière moi. >>
Il dit ça parce que je me balade sur les murets du chemin qui borde le fleuve en faisant semblant d'être ivre. Il me suit de près en tendant parfois les bras pour me réceptionner quand je fais semblant de tomber.
- Pourquoi ?
<< Tu vas tomber à marcher comme une alcoolo ! Je te préviens que si tu sautes je plongerai pas ! >>
Ara... Il me faut plus qu'un verre de vodka pour me bourrer la gueule hein.
- Mais tu le feras parce que c'est ton devoir.
<< Tch ! J'aurai qu'à dire que j'ai rien vu. >>
- Donc si je me noie, tu me laisseras tomber ?
<< Tu fais quoi ?! >>
Je m'arrête sur le rebord du fleuve en lui faisant face, alors qu'il me dévisage d'un air abasourdi et colérique, fidèle à lui même...
- Après tout, on meurt tous un jour, non ?
<< T'as l'alcool dépressif ou quoi ? >>
- J'ai même pas 1g d'alcool dans le sang, arrête un peu... Je suis parfaitement lucide, Bakugou Katsuki.
<< Alors quoi à la fin ?! Pourquoi tu parles de te suicider maintenant ?! Depuis tout à l'heure tu dis des trucs contradictoires, c'est chelou alors arrête ! >>
- ... Tu me trouves folle, hein ?
<< Bah ouais, c'est dur de penser autrement ! >>
- Merci.
<< C'ETAIT PAS UN COMPLIMENT !!! >>
- Tu cries tout le temps ?
<< TU M'EMMERDES SURTOUT !! Tu me donnes la migraine, j'me casse ! >>
Je le regarde tourner les talons alors que le vent commence à se lever. Je laisse mon pied glisser en arrière avant de le voir revenir sur ses pas en vitesse après avoir entendu un gros splash dans l'eau.
<< OYE !! >>
- Je croyais que t'allais pas sauter pour me sauver.
Il se retourne vivement en se tenant le coeur comme s'il voyait un fantôme, ce qui me fait bien rire. J'ai seulement jeté une grosse pierre dans le fleuve et simulé mon "suicide". Il n'avait pas remarqué que j'étais juste derrière lui.
- Je t'ai fais peur ??
<< JE VAIS TE TUER !!! >>
- Nan mais sérieusement déstresse, Héros. T'es trop tendu du string, finalement c'est toi qui aurais dû boire.
<< Je me détendrais si t'arrêtais tes conneries !! >>
- Roh ça va je rigole... Ah, c'est ici.
Je sors mes clés avant de composer le code de l'immeuble et entrer dans le hall plongé dans le noir. Je me retourne pour lui tenir la porte.
- Tu viens ?
<< Pardon ? >>
Je souris pour le provoquer.
- Quoi, t'as peur que je te saute dessus ?
<< Arrête, je marche pas avec ça, peste-t-il. >>
- Même pas pour boire un verre ?
<< Va te faire foutre. Tu t'es assez amusée pour ce soir je suppose, hein ? Adieu. >>
- "À bientôt", tu veux dire.
Il peste de colère et je lui tire la langue avant de fermer la porte et monter chez moi. Je jette mes chaussures dans l'entrée et mon portable sur mon lit, puis me sers un bon vin rouge classé Or, directement importé de France. Je ne l'ai pas acheté, je connais du monde et c'est tout.
Toutefois... Ma bonne humeur vient de s'envoler une fois que le silence revient m'écraser. Je regarde mon intérieur minimaliste et soupire. J'ai beau tester tous les styles de déco, jusqu'à tout refaire entièrement blanc pour apporter un peu de lumière, rien n'y fait.
Je n'arrive pas à être satisfaite... Pour ne pas dire être "heureuse". Ca manque de présence ici...
Je m'affale dans mon canapé en serrant le coussin contre ma poitrine et bois la bouteille entière. Je peux bien me permettre un petit excès, maintenant que je suis à la maison. Ca m'aurait enchanté de pouvoir inviter Dynamight à boire avec moi, j'aime bien sa compagnie. Non pas que j'avais des pensées précises envers lui, mais je n'avais pas envie de rester toute seule ce soir. Et ça m'aurait amusé de pouvoir me la péter de faire savoir qu'il a passé la soirée avec moi.
Mais aussi, quelle conne... J'ai trop joué avec lui et ça l'a fait fuir.
Je ne suis vraiment pas douée pour créer des relations, qu'elles soient amicales ou plus si affinité. Comme il le dit, je suis trop chelou pour être entourée. Mais sérieux Sada, on dirait une gosse de 6 ans qui réclame de l'attention... T'as grandi ou pas ?
Avec Bakugou... Je n'ai pas pensé une seule fois à tout ce qui me faisait mal...
Voilà pourquoi j'ai été aussi chiante. Je ne voulais pas pleurer devant lui, alors j'ai joué la fille ultra relou. Oui, j'ai tendance à éclater en larmes quand je suis à bout, et aujourd'hui... J'étais à bout... J'ai passé la journée à chercher quelqu'un qui pourrait posséder un Alter compatible avec le mien ou un peu ressemblant, à qui je pourrai poser des questions et me confier sur ce que je dois cacher depuis des années.
Mais rien... Je me sens vraiment seule au monde...
Tout me fait mal, déjà rien que de me faire à l'idée que je ne vais pas mourir vieille. Même mon ex n'a jamais su le trois quart de ce que j'endurais. Personne ne le sait d'ailleurs... Hormis le réseau qui me partage les dernières actualités, je ne suis rattachée à personne alors que c'est moi qui ai créé cette organisation. En réalité, je me fiche pas mal de ce que j'ai pu créer, je l'ai seulement fait dans le but de donner de l'espoir aux gens qui sont différents. Au delà de ça, je n'y suis quasiment jamais et passe plutôt mes journées à travailler et glander jusqu'au soir, mais la nuit... Je vois la vie en gris.
- ... Kanpai, Sada...
Je bois cul sec avant de me resservir et boire jusqu'à vraiment être bourrée. Juste moi, ma bouteille et la télé qui passe des programmes de nuit barbants. Une soirée à regarder un film avec quelqu'un en mangeant des chips et des bonbons, ça doit être bien...
- Putain...
Je souris nerveusement en essuyant mon mascaras qui a coulé avec mes larmes, puis me lève sans conviction pour aller me démaquiller et prendre un bain chaud. Mon reflet dans le miroir fait peur à voir... On dirait que je suis déjà morte avec un tel regard. Mes larmes ne cessent de couler et me brûlent les yeux, je suis fatiguée... Je m'installe dans mon bain en me recroquevillant, alors que la baignoire est assez longue pour accueillir deux, voire trois personnes en même temps ; et regarde mon reflet à la surface de l'eau.
Je m'ennuie...
Les jours ont défilé et je n'ai pas cherché à revoir Bakugou. J'ai préféré faire des heures supp au boulot, même le week end. Je bosse dans un petit café chill dans une petite rue commerçante et pas très touristique. Je fais le service en salle, mais j'aime mieux m'occuper de nettoyer les tables et faire la plonge. Ce sont les seuls moments où je ne suis pas obligée de parler aux gens et où je me renferme dans ma bulle.
Ouais... Le boss du réseau "criminel" est en réalité une petite serveuse de café, française et l'unique être humain à posséder l'Alter du temps. Pas de quoi avoir peur, vraiment...
Personne ne se doute de qui je suis, si ce n'est d'où je viens donc bon.
<< Shirosaki ? Voici ta paye, sourit Mylika, la patronne. Tu as bien travaillé, tu peux rentrer chez toi. >>
- Merci, mais je vais rester encore un peu.
<< Hum ? Tu n'es pas fatiguée avec les heures supp' ? >>
- Faut croire que non...
Je retourne nettoyer les tables sans prendre l'enveloppe qu'elle me tendait. Mylika prend toujours soin de ses employés et n'est pas radine sur la paye, elle met même quelques billets de plus pour l'effort. En plus d'être une bonne patronne, elle est mère d'une adorable petite fille qui s'appelle Mizore. La première fois que j'ai vu sa fille, elle venait tout juste de sortir de la maternité et je ne peux pas cacher que je l'enviais un peu...
<< Tu es sûre que tout va bien, Shirosaki ? demande Mylika en posant sa main sur mon épaule. Tu as passé la journée à faire la plonge, tes mains vont être abîmées à force de toucher l'eau et la javel... >>
En effet, mes mains sont un peu fripées mais franchement, qui s'en soucie ?
- Ce n'est rien, c'est juste de l'eau.
<< ... Tu as rencontré quelqu'un, je me trompe ? >>
- Hum ?
Elle me sourit tendrement.
<< C'est ça ? >>
- Pas vraiment, non... Pourquoi ?
<< Une fille aussi jolie que toi ne peut pas être célibataire bien longtemps, rit-elle. Tu n'as pas remarqué tous ces hommes qui se bousculent pour te voir depuis ce matin ? >>
Ils veulent juste voir à quoi ressemble une française, c'est tout...
- Hm... Non.
<< Alors qu'est-ce que tu as ? Assieds toi et parle moi, d'accord ? >>
Je soupire et obéis en posant l'éponge.
- Je suis comme ça tous les jours. C'est juste que devant les clients, je fais un minimum d'effort pour rendre l'accueil plus agréable.
<< Tu dors et manges suffisamment ? >>
- Oui... Enfin je mange quand j'ai faim et je dors quand j'ai sommeil.
Je regarde Mizore qui joue pas très loin de nous. Mon coeur se serre à chaque fois que je vois un enfant de cet âge et ça me rappelle... un peu tout. Mon passé, ainsi que l'avenir que je n'aurai jamais. Mylika a perçu mon regard et caresse mes doigts.
<< Il y a un problème avec Mizore...? >>
- Non.
<< Shirosaki, regarde moi. >>
Je lève les yeux sans conviction.
<< Ca fait longtemps que tu veux un enfant ? >>
Je m'y attendais... Je hausse les épaules en soupirant. Elle me regarde tristement.
<< Tu ne trouves pas de partenaire ? >>
- Ca... et j'ai des difficultés de fécondité... Si ce n'était que ça, je m'en fiche, mais...
Je baisse les yeux, j'en ai marre de le cacher...
- Je suis malade...
<< Malade ?? Comment ça ?? >>
- Le genre de maladie qui ne me permettra pas de vivre assez longtemps pour fonder une famille...
Je ne peux pas dire ouvertement que je parle de mon Alter, mais dans un sens c'est un peu ça. Mylika ne sait visiblement plus où se mettre et serre ma main. Je m'éloigne un peu et me relève.
- Mais ce n'est plus important, j'ai encore du boulot.
<< Je... D'accord... >>
Par pitié, Mylika... Ne me pose plus de question à ce sujet...
Je suis partie peu avant la fermeture du café et me suis arrêtée à un stand de nourriture pour grignoter. Je me suis assise sur un banc juste en face de l'écran géant sur le gratte ciel d'en face et regarde l'intervention en direct de Bakugou. Il est toujours aussi actif... Ca ne m'étonne pas qu'il ait encore gagné et ça me fait rire de voir les journalistes lui courir après pour essayer de le filmer.
C'est pas évident la vie de star, hein ?
Je souris en mangeant mes brochettes avant de grimacer de douleur en me tenant la poitrine. J'ai dû manger trop épicé aujourd'hui, la sauce m'arrache la gorge... Malgré mes doutes, je suis quand même passée chez mon médecin qui m'a recommandé de revenir le consulter si jamais j'avais des douleurs étranges.
<< Inspirez, expirez. Encore une fois. >>
- Là j'ai mal...
<< Je vois. Je suppose que vous avez encore tiré sur votre temps de repos. >>
Il remballe ses outils et me laisse remettre ma veste sur mes épaules, avant de se rassoir dans son fauteuil.
- J'ai dû travailler plus que d'habitude.
<< C'est pourtant pas faute de vous avoir prévenu, soupire-t-il, dépité. Vous devez faire le moins d'effort possible, autrement votre coeur ne tiendra pas. Votre corps est déjà bien assez fragilisé et n'a pas encore repris toutes ses forces. Vous pouvez avoir des séquelles à la prochaine crise cardiaque. >>
- Je n'ai trouvé que le boulot pour me changer les idées... Si je reste chez moi, je vais partir en dépression.
<< Vous souffrez de mal être ? >>
Je hausse les épaules.
- Disons que je suis souvent déprimée en ce moment... J'arrive à un âge où j'ai envie de changement dans ma vie, mais c'est compliqué.
<< Dans ce cas, je vous arrange un rendez vous chez la psychologue. >>
- Je vous arrête de suite, je ne le ferai pas.
<< Pourquoi ? >>
- J'ai pas envie de parler... Je ne sais jamais quoi dire.
<< Pourtant vous allez craquer si vous ne faites rien. Le physique et le mental vont de paire, vous savez. Quand votre esprit est à bout, c'est votre corps qui vous le rappelle. >>
. . .
Je sors du cabinet avec l'ordonnance chez le psy sans un mot et marche vers mon immeuble en trainant les talons. Parler de psy me déprime déjà, on ne va pas aller loin comme ça... Je ne suis déjà pas douée pour parler aux gens, alors une psy n'en parlons pas. Elle va m'écouter blablater sans comprendre ce que je raconte et me faire perdre mon temps pour pas grand chose. Si consulter quelqu'un pouvait me rendre mes années de vie perdues, je l'aurais fais depuis longtemps.
Je fixe l'ordonnance en m'arrêtant près d'une poubelle publique et la déchire en plusieurs morceaux avant de la jeter. Chaque jour qui passe me rapproche un peu plus de la fin, c'est déprimant...
<< Je peux savoir ce que tu fiches ? >>
Je sursaute en reconnaissant la voix de Bakugou juste derrière moi et me retourne. Ca serait l'occasion parfaite de le taquiner pour égayer ma journée de merde, mais je suis épuisée...
- Rien qui te regarde...
Je tourne les talons en fuyant son regard, avant de me figer en le voyant renverser la poubelle à coup de talon. Le couvercle tombe également et évidemment, les déchets sont éparpillés sur le trottoir, dont les morceaux d'ordonnance.
- Ah bah bravo, c'est toi qui vas nettoyer ?!
Il s'approche des déchets sans rien toucher et fronce les sourcils.
<< Jeter des ordonnances, c'est pas sérieux hein. >>
- Et quoi, tu vas m'arrêter parce que je l'ai déchiré ? Ne fais pas comme si t'en avais quelque chose à foutre.
Je m'en vais pour de bon. Quand je suis fatiguée, je suis facilement irritée et veux juste DORMIR. Il a mal choisi son moment pour venir m'emmerder...
<< Oye, c'est bon hein ! De base c'est toi la chieuse et là t'as décidé d'avoir tes règles ?! >>
- Oh ta gueule le balai à chiotte, je suis pas d'humeur à faire la causette !!
<< TU SAIS CE QU'IL TE DIT LE BALAI À CHIOTTE ?!!! >>
- D'aller se faire foutre !!!
Mais il me chope fermement par le poignet et me tire brutalement en arrière au point de me faire une entorse. Je grimace de douleur en retenant un cri alors qu'une voiture passait à toute vitesse et sans ralentir en klaxonnant.
<< De regarder où tu vas, bouffonne !! hurle-t-il. >>
- Lâche moi, tu me fais mal !
Je me libère en me tenant le poignet qui tremble, c'est déjà rouge...
<< T'as failli te faire rouler dessus, surtout ne dis pas merci ! >>
- C'est bon j'ai compris, arrête de gueuler !
Malgré les passants qui nous dévisageaient - parce qu'on était les seuls abrutis à se gueuler dessus en pleine avenue -, Bakugou reprend mon poignet pour le regarder de plus près, cette fois plus doucement. Je récupère mon bras en tournant la tête.
- C'est bon c'est rien...
<< Tch... Viens. >>
Je souffle et le laisse m'emmener je ne sais où. J'ai envie de rentrer chez moi...
À suivre...
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