Un mois plus tard...

Point de vue Sada

Le froid est arrivé vers la fin de Novembre et la ville a commencé à s'illuminer pour les fêtes de fin d'année. Pour l'anniversaire tardif d'Alix, Dabi et Riku ont voulu l'emmener à la fête foraine pour profiter d'une journée en famille. Les petits ont demandé si je voulais venir aussi, alors je n'ai pas su refuser.

<< Papa, regarde ! rigole Alix avec une couronne sur la tête. >>

<< T'as pas besoin de couronne pour être une princesse Alix. >>

<< Pourquoi ? >>

Je souris en voyant son père la prendre dans ses bras pour frotter son nez contre le bout du sien, ce qui la fait rire.

<< Parce que tu es MA princesse. >>

Je reste en retrait avec Riku.

- Aww... Ils sont trop mignons.

<< Tu plaisantes ? boude-t-elle, jalouse. Le seul homme de ma vie qui reste à mes côtés, c'est MON fils ! >>

Dabi se retourne vivement et revient avec Alix dans les bras. Toujours aussi jaloux... En effet, Touya reste sans cesse à côté de sa mère pour protéger le bébé à venir.

- Hum... D'ailleurs, tu te sens bien Riku ?

<< Nyu ? Oh oui. Le bébé est encore léger. >>

- Ne t'épuise pas trop non plus...

<< Ca va aller, sourit-elle. >>

- D'ailleurs, comment vous comptez l'appeler ?

<< Tora, répond Dabi, concentré sur autre chose. Alix éloigne toi de la mare aux poissons. >>

- Et je suppose que c'est Maman qui l'a choisi ?

<< Comment tu le sais ? ricane Riku. >>

- Parce que je connais trop bien ton homme pour savoir qu'il se ferait pas chier à donner des noms pourris à ses fils en particulier.

Le principal concerné me fait un doigt sans me regarder et rattrape sa fille qui allait pêcher avec les dents. Ah la la... Parfois je ne sais pas si c'est une bonne chose d'autant bien le connaitre.

- Hm... En tout cas, "Tora" c'est joli.

<< Merci ! >>

Je lui rends son sourire en caressant son ventre. J'aurais aimé être la marraine de cet enfant, mais j'ai entendu Dabi en parler récemment et il préfèrerait confier ce détail à Shoto. Je ne lui en veux pas de privilégier les membres de la famille pour prendre soin des enfants, après tout je ne suis pas dans une situation régulière en ce moment. Être la marraine m'aurait plu mais... J'aurais aimé avoir mes propres enfants pour les regarder grandir...

<< Tatie ! Je veux monter dans le manège ! >>

Je relève la tête vers Touya qui me tire par la main en me montrant l'attraction qui lui faisait de l'oeil. Le regard de Dabi se durcit légèrement.

<< Touya. >>

<< S'il te plait Tatie, se corrige-t-il. >>

Trop chou !!

- Alors on y va ! Je vous l'emprunte !

<< Revenez dans 10 minutes ! prévient Riku. >>

- Ok !

<< Moi aussi je veux y aller ! sautille Alix. >>

<< Oh non pas toi, refuse Dabi en la portant dans ses bras. >>

<< Mais heu ! Pourquoi Touya-nii il a le droit ?! >>

<< Parce qu'il est assez grand pour montrer dans ce manège Trésor, explique Riku. Et puis Tatie ne peut pas vous surveiller tous les deux. >>

Alix boude en croisant les bras. C'est vrai que parfois entre frère et soeur, il leur arrive de se disputer et personne ne voudrait que la petite princesse éclate en larmes le jour de son cadeau d'anniversaire. Touya tire la langue à sa soeur avant de m'embarquer dans le manège, tandis que le reste de la famille s'en va de son côté.

- Touya, reste à côté de moi.

<< Woooh, c'est trop bien ! >>

À l'entrée du manège, des vivariums sont en exposition avec des faux reptiles de toute espèce, des répliques parfaites de serpents, de caméléons, de petits caïmans... L'endroit est plutôt sombre, alors je tiens la main de Touya pour éviter de le perdre de vue. Je veux bien qu'il ait l'âge requis pour entrer ici, mais il n'a que 5 ans... Et on est jamais à l'abris de gens mal intentionnés.

<< Tatie ? >>

- Oui ?

<< Comment on fait les bébés ? >>

Oh putain, la question qui tue...

- Pourquoi tu me demandes ça ?

<< Bah mon petit frère, comment il est arrivé dans le ventre de Maman ? >>

- Heu je... Je ne sais pas, tu demanderas à Papa et Maman--

<< J'ai essayé mais ils veulent pas me dire. >>

Je ris nerveusement, je fais quoi maintenant ???

- Eh bien... C'est un peu compliqué, tu ne comprendrais pas...

Il penche la tête avec un regard insistant. Il est trop mignon avec sa petite bouille, on dirait Dabi quand je l'ai connu autrefois ! Ah oui, Dabi avait vraiment une gueule d'ange avant d'être un Vilain, même avec ses brûlures de l'époque... Je crois que c'est pour ça que je me suis attachée à lui au début.

- Hum... Tu vois, ton papa et ta maman s'aiment très fort et leur amour était tellement puissant qu'il donne naissance à un bébé.

<< Ca répond pas à ma question... boude-t-il. >>

- Tu n'avais pas envie de faire un tour toi ?

Il s'empresse de monter dans le manège et je m'assois à côté. Si jeune et déjà curieux de tout... En plus il est loin d'être naïf ! Je vais essayer de l'occuper un maximum pour lui faire penser à autre chose parce qu'à la fin, je sens que je n'aurai plus d'idées pour détourner son attention.

On profite du manège... Ou du moins Touya en a plus profité que moi. J'ai le vertige ! Et puis les manèges tels que les montagnes russes et les chenilles, j'en ai la trouille ! J'ai le chic pour me faire les pires scénarios dans ma tête, du genre un problème électrique, un problème de railles ou les câbles qui lâchent... C'est l'horreur !

<< C'était trop bien ! >>

- Un rien t'amuse à toi...

Je me tiens au mur pour reprendre mon souffle et calmer mon stress, j'ai les jambes qui flageolent.

<< Ca va pas Tatie ? >>

- Pitié, choisis un manège plus tranquille !

<< Non Tatie... Tu saignes... >>

- Eh ?

Je passe mon doigt sous mon nez avant de remarquer une filet de sang légèrement couler. Touya ne réfléchit pas et m'oblige à m'asseoir.

<< Je vais aller chercher Papa ! >>

- Non, reste ici. Ce n'est rien, c'est sûrement dû au vertige.

C'est quand même la première fois que ça me le fait, mais je ne veux pas l'inquiéter...

<< Mais... >>

- Je vais bien Touya, ne t'en fais pas. Tu veux bien aller me chercher de l'eau plutôt ?

Il sort son petit porte monnaie et court vers le distributeur le plus proche où je peux l'avoir à l'oeil. Seulement je ne perçois que des silhouettes à une certaine distance. Quand Touya s'est éloigné, ma vision est devenue trouble comme si les gens traversaient un rideau transparent. J'ai un léger mal de tête qui commence à venir, mais c'est supportable pour le reste de la journée.

La seule forme que j'arrive à reconnaitre parmi les ensembles de couleurs, c'est une tâche verte assez sombre passer très loin devant moi. La seule personne que je connaisse avec une telle couleur, c'est Midoriya... Il est avec quelqu'un d'autre que je ne reconnais pas, de l'autre côté du parc. Mais je peux me tromper de personne, à cause de ma vue je ne vois pas les visages.

Mais au même moment, Touya revient avec une bouteille et l'ouvre pour moi.

- Tu es tellement parfait...

<< Maman dit toujours qu'il faut pas hésiter à aider les gens quand ils ont besoin d'aide. >>

- C'est... à moitié vrai.

Je bois plusieurs gorgées. Les deux personnes avaient disparu dans la foule.

<< Comment ça ? >>

- Eh bien... Tu sais Touya, parfois les gens ne sont pas toujours gentils, même quand on les aide. Il y en a qui peuvent malheureusement profiter de ta gentillesse pour te faire du mal...

Ca me fait mal de lui dire ça, mais j'espère que ça pourra le sauver en cas de problème...

<< Papa dit que ça se voit quand les gens sont méchants. Une vraie personne qui a besoin d'aide ne demande rien, il faut le sentir. >>

- Hm... Pas faux.

<< Mais pourquoi tu ne dis rien toi ? >>

- Huh ? Oh, c'est... compliqué.

<< Pourquoi ? >>

- Parce que je n'aime pas rendre les gens tristes avec mes problèmes, alors j'essaie de les régler toute seule. 

<< Mais c'est toi qui es triste Tatie. >>

Je souris face à tant d'innocence... Il s'assied à côté en posant sa tête contre mon épaule.

<< Quand je suis triste, je vais dormir avec Papa et Maman. Tu le fais pas avec ton papa et ta maman ? >>

- Je suis un peu trop grande pour faire ça et puis... Je ne parle plus à mes parents depuis des années.

<< Pourquoi ? >>

Je baisse les yeux.

- ... Parfois... Il y a des disputes qui conduisent à se séparer de sa propre famille...

<< Ils ont été méchants avec toi ? >>

- "Méchants", pas vraiment... Mais ils m'ont dit beaucoup de choses qui m'ont blessé, et ils ne sont pas comme ton papa et ta maman qui s'aiment à la folie et qui partagent leurs bonnes ondes avec ta soeur, toi et ton futur petit frère.

<< Ils sont comment tes parents, alors ? >>

. . .

Je soupire longuement en regardant le ciel, bien que je ne distingue pas très bien les nuages.

- Je crois qu'ils ne savent pas vraiment à quoi devrait ressembler une famille "ordinaire"...

Bien sûr qu'un divorce est difficile, surtout pour un enfant, mais c'est encore pire de grandir dans une famille qui aurait dû se séparer. Ca aurait évité des conflits et de la toxicité... Vivre en permanence au milieu des disputes plus ou moins violentes, au milieu du dégoût envers l'autre, se rejeter la faute mutuellement, au milieu de la haine de l'autre... Et on venait pleurer devant moi parce que divorce ? Les enfants issus de parents divorcés ne peuvent pas comprendre ce que ça fait, de vivre aux côtés de parents qui auraient dû divorcer, voire qui auraient dû ne jamais se rencontrer.

Je ne serais peut être pas là aujourd'hui, mais je pense que ça aurait changé bien des choses si mon existence n'avait pas lieu d'être. Ca m'aurait évité des souffrances inutiles...

Si on me demandait aujourd'hui de les revoir, je refuserai autant de fois qu'on me le demandera.

La journée s'est plutôt bien passée dans l'ensemble, mis à part la gêne de ma vision trouble mais Touya a pu retourner auprès de ses parents sain et sauf. Il ne m'a pas quitté d'une semelle, alors que c'était moi qui étais censée le surveiller. Heureusement que ça se termine, je commence à être fatiguée...

<< Tu as été sage mon ange ? embrasse Riku. >>

<< Maman, Tatie ne va pas bien. >>

- Je te l'ai dis Touya, ce n'est vraiment rien.

<< Regarde moi, ordonne Dabi en passant le doigt devant mes yeux. Tu vois quelque chose ? >>

- Mais oui t'inquiète... Je suis juste un peu fatiguée.

Ce qui est vrai, je ne mens pas... Il fronce les sourcils avant de nous ramener à la voiture. J'ai manqué de m'endormir plusieurs fois sur le trajet du retour.

Dabi me dépose devant chez Katsuki et commence à klaxonner deux fois, mais grand con qu'il est... Il garde la main appuyée sur le klaxon pendant un moment jusqu'à faire sortir Katsuki de chez lui. Le pauvre, il venait juste de rentrer du boulot en plus... Malgré le boucan qu'il faisait, ça n'empêchait pas Touya de dormir sur la banquette arrière.

<< C'EST BON JE T'AI ENTENDU, TU VAS LA METTRE EN VEILLEUSE CONNARD ?!!! >>

<< Il était temps, j'allais presque faire du camping dans ton jardin. >>

Riku donne une tape sur l'épaule de Dabi qui fait sa gueule d'ange... comme d'habitude. Je sors de la voiture en me frottant les yeux.

<< Au revoir Tatie ! salut Alix. >>

- Roulez doucement, d'accord ?

<< Va te coucher au lieu de me donner des ordres, ordonne Dabi en mettant ses lunettes de soleil. Et arrête de te frotter les yeux. >>

Katsuki retire ma main pour regarder mes yeux.

<< Qu'est-ce que t'as ? >>

- Rien je suis fatiguée...

Je le vois si trouble... C'est bizarre, tout allait bien au début. Je salue la famille qui s'en va tranquillement et Katsuki me traine jusqu'à la maison avant de m'obliger à aller me coucher. Non c'est faux, il n'a pas eu le temps d'en placer une que je me suis jetée dans mon lit en oubliant d'enlever mes chaussures. Amber vient se frotter à mon visage en ronronnant pour me dire bonjour.

- Tu as passé une bonne journée...?

<< Hmhm, je peux savoir ce qui t'arrive ? >>

Il attrape mes chevilles pour retirer mes bottes avant d'étaler mes jambes sous la couverture. Mais quel gentleman... Je le connais, il a déjà compris que ça n'allait pas.

- Et toi, tu as un truc à te faire pardonner ?

<< Quoi ? >>

J'ouvre un oeil mais ne voit toujours rien. Je ne distingue que la silhouette de Katsuki penché au dessus de ma tête.

- Tu n'es pas aussi attentionné d'habitude...

<< Tu vas pas t'en plaindre, peste-t-il en palpant mon front. Hum ? T'es brûlante. >>

- J'ai mal à la tête...

<< Sada ? >>

Mes yeux sont trop lourds pour rester ouverts plus longtemps, alors je les laisse se fermer. Je passe ma main sur mon front un peu chaud.

- J'ai sommeil... mais je ne me sens pas bien...

<< Comment ça ? >>

- J'ai un peu saigné du nez tout à l'heure et depuis, je vois tout flou... Maintenant j'ai mal à la tête...

Je sens sa main se crisper tout à coup avant de glisser sous mon corps pour me soulever et me porter jusqu'à la voiture en vitesse. Je m'accroche à ses épaules sans forces, j'ai juste envie de dormir...

- Kat--?

<< On va à l'hosto. >>

Quand Katsuki m'a emmené à l'hôpital, je n'ai pas compris ce qu'il m'arrivait. J'ai été directement transportée en bloc opératoire pour une tumeur cérébrale, mais heureusement l'infection n'était pas assez grosse pour qu'on soit obligé de me raser la tête. Ils ont pu extraire la tumeur rapidement et sans trop de complications, mais pour les frais d'hospitalisation je vais devoir serrer la ceinture... Encore que Chan a fait un prix d'ami parce qu'il connait Katsuki, s'il n'avait pas réagi à temps, apparemment les choses auraient empiré rapidement.

Maintenant, ça fait deux jours que je regarde la neige tomber à travers ma fenêtre d'hôpital et je me languis de rentrer à la maison. Katsuki n'est pas revenu depuis mon opération mais m'a envoyé un message pour me prévenir qu'il était débordé mais m'a promis de venir dès qu'il aura le temps. En attendant, il compte sur Chan pour veiller sur moi à sa place. Ca me fait un peu rire qu'il soit autant aux petits soins avec moi, je vais commencer à me la péter de faire partie de ses priorités. Mais bon, je ne lui en veux pas de privilégier son travail et c'est son rôle d'être partout.

En parlant de boulot, je me sens libérée d'un poids depuis que j'ai dissous le réseau. Katsuki aura du mal à remonter l'enquête vers moi, j'ai pris mes dispositions pour que rien ne me raccroche à The Boss. Même Dabi est invisible, alors plus personne ne sera en danger. Aujourd'hui, je ne suis plus qu'une femme seule dans sa chambre à l'hôpital, en prime d'être l'amante de Dynamight.

Ca fait un peu titre d'escort girl quand même... Sauf qu'il me paye en nature.

Au fond, ça me convient assez de vivre comme ça et aussi simplement. À défaut de finir seule jusqu'à la fin de ma vie et puisque Katsuki est célibataire pour le moment, autant profiter de n'être que tous les deux. J'en viens à espérer secrètement qu'il reste célib' pendant longtemps... Non pas que je ne veuille pas qu'il soit heureux, loin de là ! Mais... Si quelqu'un d'autre prend ma place, où est-ce que j'irai ? Et puis ça signifiera céder ma place à une autre personne et m'éloigner de lui par respect de leur relation et pour éviter les quiproquos.

J'ai pas envie, je l'avoue...

<< Salut. >>

Je me tourne vivement vers la porte avant de reconnaitre une voix familière qui se cachait sous une capuche noire. Comment elle a pu entrer ???

- Velvet ??

À suivre...