Chapitre 3 : Galette De Riz Soufflé Et Shopping

16 octobre

Chacun rempli son rôle dans cette maison. Je fais le ménage à l'étage, Alex au rez de chaussé, Leandre cuisine aussi souvent qu'il le peut et Ulysse nous abreuve de ses conseils pour rendre la vie en communauté plus agréable, ce qui le dispense de tâches ménagères. Du moins c'est ce qu'il prétend.

Moi je dis qu'il râle et ne fout rien mais chacun est libre d'interpréter la réalité comme il l'entend.

Le fait est, que la personne qui est chargé des courses est à la fois incapable de suivre une simple liste mais également très sélective dans les produits oubliés. Et à en croire le tofu et le paquet de galettes de riz soufflé posés sur le bar, cette personne n'est autre que ma mère.

Depuis qu'elle a acheté "le guide pour une alimentation saine et équilibrée chaque jours de l'année" et "Le livre qui vous fait voir la vie en vert" ma mère se prend pour une diététicienne confirmée. Il faut croire que diriger la maison ne lui suffit plus, maintenant il faut aussi qu'elle contrôle ce qui tombe dans nos assiettes.

- Maman, tu n'as pas racheté de chocolat ? je demande en connaissant d'avance la réponse.

- Non, et d'ailleurs maintenant je n'en achèterais plus autant qu'avant. Tous vos machins là, vos barres chocolatés, snickers, bounty... C'est pas bon pour la santé, c'est gras, c'est trop sucré et en en plus ça produit pleins d'emballages.

Dame Nature a parlé : plus aucune malbouffe ne devra pénétrer sa cuisine sous peine de finir à la poubelle. Sa tirade terminée, elle se replonge dans sa lecture du magazine "être et bien-être" nous laissant seules moi et ma faim.

Je me retrouve donc abandonnée dans la cuisine, à la recherche d'un truc dont le goût ne me donnera pas envie de me pendre. Le seule aliment présentable qui m'apparaît sont les galettes de riz soufflé, c'est dire à quelle point je suis désespérée.

Je mords sans cacher mon dégoût dans l'une d'elles. Ça colle, ça se coince entre mes dents et ça n'a pas de goût.

La galette de riz soufflé est un aliment dont l'apparence, la matière et le goût ressemble à s'y méprendre à du polystyrène.

Je ne mérite pas de manger ça.

Personne mérite de manger un truc pareil.

Plus tard

Je suis actuellement en train de dévorer ma cinquième galette de riz.

Je commence à m'habituer au goût et à ne plus le trouver si désagréable que ça.

J'ai honte.

Comment en suis-je arrivé là ?

Voilà ce qui arrive quand je souffre d'une grave carence en sucre, je commence à dérailler.

Bientôt je vais commencer à manger du tofu et à l'apprécier.

Le monde va mal, le monde va très mal.

17 octobre

C'est officiel. Je suis complètement accro aux galettes de riz soufflé.

C'est bien beau de faire des pubs de prévention à propos de l'addiction au cannabis ou à l'alcool mais personne ne pense à aider de pauvres filles sans défenses, devenues complètement dépendantes aux galettes de riz soufflé.

Ces affreux aliments de polystyrène sont un vrai danger pour la société et personne n'en parle.

Mais moi si, je n'hésiterais pas à crier haut et fort que le danger est partout et qu'il nous guette.

Attention l'abus de galettes de riz soufflés est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

18 octobre

Megan est passé à la maison aujourd'hui.

La pauvre est dans tous ses états. Elle vient apparemment de réaliser ce que signifie le mot "déguisé" dans "soirée déguisée" et elle s'est rendue compte par la même occasion que à part le costume de carotte de ses sept ans, elle ne possède rien d'autre qui pourrait faire l'affaire.

- Qu'est ce qu'on va bien pouvoir se mettre ? On a zéro idées et la soirée est dans même pas une semaine.

En bonne hôtesse je lui tends une galette de riz soufflé.

- Détend toi et mange ça ma vieille. je lui dis en prenant un ton qui laisserais presque croire que je lui propose de la drogue dure.

Elle me regarde méfiante et croque un bout de galette.

- Beurk mais c'est dégueu ton truc ! crache-t-elle.

Je lui tapote l'épaule avec bienveillance.

- C'est ce qu'on pense tous au début mais crois moi quand tu commence, tu ne peux plus t'arrêter.

Je lui montre Ulysse dans le salon, qui s'engouffre une quatrième galette de riz, comme si sa vie en dépendait.

Elle nous regarde tour à tour, horrifiée, comme si elle tenait devant ses yeux le gourou d'une secte.

L'entrée de mon père dans la cuisine qui secoue sa vieille carcasse, sur un morceau d'un groupe de métal, dont la totalité des membres sont sûrement morts et enterrés, ne fait qu'accentuer l'effaremment de ma pauvre amie.

- Qu'est ce qui tourne pas rond dans cette famille ? demande-t-elle plus pour elle même que pour obtenir une réelle réponse.

- Tiens bonjour Meg ! salue Leandre qui mesure sa propre tension tout en regardant des vidéos de chats qui se casse la gueule.

Meg ne sourcille même pas.

- On monte et on réfléchis à ce costume Alice. ordonne-t-elle. Et lâche moi ce paquet de galettes !

Plus tard

Après trois heures de réflexions très peu productives on finit par trouver une idée qui tiens à peu près la route. Je propose une galette de riz soufflé à Megan pour la route, elle ne prend même pas la peine de me répondre et se contente de soupirer bruyemment.

Encore plus tard

Je viens de recevoir un message de Meg :

"Tu les as acheté où tes galettes au riz machin là ?"

Je laisse échapper un sourire plus démoniaque que prévu, seule devant mon téléphone, dans le noir. Ce qui, dit comme ça, me donne l'air super glauque.

Personne ne résiste aux galettes de riz soufflés.

Si les réponses parcoursup ne me sont pas favorables en mai prochain, je pense sincèrement à l'option "gourou d'une secte des galettes de riz soufflés".

Génial, maintenant je pense à parcoursup et à mon manque de projet professionnelle et me voilà stressé. Je sens que la nuit va être longue.

25 octobre

Luna m'a appelé.

- Qu'est ce que tu fais ? m'a t-elle dis.

- Je fais des recherche d'orientation.

- Comme l'épreuve de koh lanta tu veux dire ?

- Non banane, c'est tout ce qui concerne les écoles pour l'année prochaine, mon projet professionnel tout ça tout ça quoi.

- Aaaah d'acooord. Pour quoi faire ?

Je suis sincèrement inquiète pour le futur de cette jeune fille. Être jolie ne suffira pas à lui garantir un avenir.

J'entends une personne râler dans le combiné, suivit d'un "rooh arrête de parler de Denis Brogniart et passe moi cette gourde". Je crois qu'il s'agit de la douce voix de ma douce amie Megan qui n'est, je le rappelle, pas réputée pour sa patience.

- Eh oh, on t'attends depuis quinze minutes ma vieille, je peux savoir ce que tu fous à regarder koh lanta ?

Je ne perds pas mon temps à lui expliquer que Luna est juste extrêmement peu investie dans sa recherche de projet professionnel et je lui demande pourquoi mon adorable personne est attendu avec tant d'impatience.

Je ne fais que déclencher un peu plus sa colère. Apparemment, il était convenu depuis une semaine qu'on irait acheter nos costume aujourd'hui et apparemment, je suis encore en pyjama super nana à regarder une fiche métier de vétérinaire sur internet, alors que je déteste les sciences, tout ce qui touche au domaine médicale et que je n'ai aucune affinité particulière avec les animaux.

Je lui fais promettre d'être là dans moins de dix minutes ce qui est physiquement impossible, elle fait semblant d'y croire et raccroche.

J'attrape les premiers vêtements qui me tombent sous la main et qui s'avèrent être un vieux jean et un t-shirt beaucoup trop petit, à l'effigie des one direction, que Megan portait à quatorze ans, quand elle était dans sa période boys band. Période qu'elle nierait avec ferveur aujourd'hui, entre parenthèse. D'ailleurs, elle me tuerait si elle savait que j'en ai parlé dans mon journal.

Et moi je me tuerais si elle apprenais que je tiens un journal.

Autrement dit, chacun a des choses qu'il préfère garder sous silence, et c'est très bien comme ça. Au moins, si un jour elle devient un monstre maléfique, qui projette de dévoiler au monde entier mon activité honteuse, moi j'aurais toujours ce t-shirt immonde pour contrecarrer le coup.

Avant de partir, je fais un bref salue à Alexandre qui est trop occupé à se gratter l'esselle pour se rendre compte de ma présence et j'attrape mon sac -enfin le sac à dos de Leandre mais ça je m'en suis rendue compte en ville, un peu plus tard-. Sac qui contenait d'ailleurs un livre intitulé "Encyclopédie des plantes les plus mortelles", ce qui, et à juste titre, m'inquiète un peu. Suis-je sûre de connaître mon grand frère ? Dois-je lui en parler ou est ce que je risque de me faire empoisonner ?

Par peur des représailles je décide de faire comme si je n'avais rien vu.

Après tout, qu'il tue des gens d'accord mais surtout qu'il me laisse en dehors de tout ça, non mais !

J'arrive finalement en ville, trente minutes après mon appel avec Megan, qui ne prends même pas la peine de me faire une réflexion à mon arrivée. Elle se contente de me regarder, horrifiée. Ou plutôt mon t-shirt qu'elle vient de reconnaître.

- Hideux ce t-shirt. affirme Luna qui n'a jamais été aussi sûre d'elle.

- Oui... Affreux... toussote Megan qui n'a jamais été aussi gênée.

Plus tard

C'est marrant, quand je pense au shopping j'ai l'impression d'aimer ça mais à chaque fois que je suis en train d'en faire, je me rappelle que c'est un moment long et fatiguant.

J'ai mal au pied, j'ai faim, je déteste passer en cabine d'essayage parce que j'ai la flemme de me déshabiller pour essayer un truc que je n'achèterais jamais. Quelle perte de temps. Et par dessus tout, j'ai envie de frapper cette vendeuse qui pense qu'elle peut entrer dans ma cabine comme dans un moulin.

C'est dingue d'être aussi à l'aise. J'ai presque envie de lui dire d'arrêter de juste passer la tête à travers le rideau et de carrément rentrer, histoire qu'on fasse plus ample connaissance et que je puisse prétendre au moins la connaître un peu, avant de me montrer devant elle en sous vêtement.

Et quand ce n'est pas la vendeuse qui tape l'incruste dans ma cabine, c'est Meg.

Je ne sais pas ce qui leurs prend de faire ça (je parle des vendeuses pas de Megan) . De toute manière, Meg m'a déjà vu en train de faire une danse du ventre en sous vêtement sur la table basse de son salon. Par contre, les vendeuses du magasin n'ont jamais assistées à un tel spectacle, elles, donc je préférerais qu'elles évitent de passer la tête dans ma cabine.

Surtout si c'est pour me demander si l'article me va.

Si ça me va tu me verras avec à la caisse !

De toute manière, sous l'éclairage immonde de la cabine j'ai l'impression que rien ne me va. Comment voulez vous que j'achète quoi que ce soit avec une lumière qui fait ressortir tous mes défauts.

Après cinq heures de recherche on finit par trouver chacune notre tenue.

Des dizaines de boutiques parcourues, des heures consacrées à cette après-midi shopping tout ça pour n'en ressortir qu'avec trois pauvres articles. Quelle manque de productivité.

Au moins, maintenant qu'on a ces costumes Megan arrêtera de nous fatiguer.

Enfin maintenant elle est juste surexcitée à l'idée d'aller à cette soirée, moi l'idée de devoir me mêler à autant de gens d'un coup me fatigue d'avance.

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