Chapitre 1 : Œufs Pochés Et Amitié
10 Octobre
Megan est arrivée révoltée aujourd'hui à la cafétéria. Encore.
Elle nous fait part de l'incident qui a eut lieu à son cours de cuisine en s'agitant dans tous les sens.
Apparemment, Josh Pimegrais a osé dire à Clarisse Adams qu'elle ferait peut être mieux de changer d'option, parce que si elle n'est pas capable de faire cuire un œuf pochée, alors elle n'a rien d'une future grande cuisinière.
- C'est scandaleux ! s'exclame-t-elle en ayant en effet l'air scandalisée. Elle pose son plateau dans un claquement sonore comme si elle essayait d'assommer la table avec. Ce cours est sensé nous faire progresser, comment veux-tu qu'on s'améliore avec une attitude aussi négative et une compétitivité pareille dans le groupe ?
Elle semble vraiment attendre une réponse alors je lui réponds : "je ne sais pas Meggie mais je compte sur toi pour me le dire".
- Je vais te dire une bonne chose : qu'ils ne compte pas sur moi pour revenir dans ce cours après avoir assisté à un truc pareil. Je ne travaille pas avec des gens aussi désagréables moi !
Lou lève les yeux de son porridge d'un air las. C'est déjà la deuxième fois que Megan change d'option cette année. La première fois, elle a quitté le cours d'art, parce que Jamie Jefferson lui reprochait de ne pas pouvoir citer une seule des œuvres de Monet.
- Tu te vexe parce que tu ne sais pas faire des œufs pochés ? demande Luna, compatissante.
Megan rougie violemment et s'agite davantage. Ses boucles virevoltent en suivant ses mouvements de tête, d'une manière qui n'est pas sans rappeler la crinière des lions. Ou le mouvement des algues dans l'eau, bien que la comparaison soit moins flatteuse.
- Mais... N'importe quoi ! Et puis là n'est pas la question, et de toute façon tout le monde s'en fout des œufs pochés ! Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a pas d'âge pour apprendre. Chacun va à son rythme, et les autres devraient respecter ça. Tiens par exemple : tu pense que Thierry Marx savait faire des œufs pochés à 16 ans ? Moi je n'en suis pas si sûr !
- Je pense que si. je réponds.
J'imagine mal Thierry Marx ne pas réussir à faire cuire un pauvre œuf alors que même un abruti comme Alex sait faire des œufs brouillés.
- La question n'est pas là. poursuit-t-elle sans m'accorder un regard. Le problème c'est la compétitivité malsaine qui règne en maître dans cette école. Pourquoi on ne pourrait pas se soutenir les uns les autres pour s'améliorer plutôt que de s'enfoncer ? Je refuse de travailler avec des gens pareils. s'exclame-t-elle théâtralement en détruisant à grand coup de fourchette, son bout de jambon.
- Donc tu laisse tomber une nouvelle activité ? se risque timidement Lou. Encore. rajoute-t-elle après une seconde d'hésitation, s'enfoncant alors encore davantage.
Lou est aussi timide que passifique et elle crois sincèrement à l'idée qu'on puisse régler un souci sans monter sur ses grands chevaux. D'ailleurs, elle préfère ne pas avoir de souci du tout. Elle fuit le conflit avec autant d'ardeur qu'elle obéit aux règles et changer aussi souvent d'option que Megan le fait ne colle pas vraiment aux règles du lycée. Sa vision s'oppose donc grandement à celle de Megan qui est éprise de justice et tiens à faire passer ses idées par tous les moyens. Quitte à se battre.
- T'es en train d'insinuer que j'abandonne là ? Megan ne laisse pas Lou répliquer et continue: Parce que ce n'est pas du tout ça, c'est de la pro-tes-ta-tion Lou et c'est complètement différent.
- D'accord. gémit Lou qui ne voulait qu'une chose : manger son porridge tranquillement.
Je connais Megan depuis la primaire, on s'est rencontré lors d'un spectacle de fin d'année en CE2. On n'était pas dans la même classe. Dans la sienne les filles devaient se déguiser en roses et les garçons en choux et danser sur je ne sais quelle chanson stupide. Elle n'avait pas aimé qu'on catégorise les gens comme ça, en fonction de leurs genre. Selon elle, chacun aurait dû être libre de venir déguisée comme bon lui semble. Elle était donc venue déguisée en carotte en signe de protestation.
La maîtresse l'avait grondé et n'ayant que 8 ans, elle s'est mise à pleurer comme toute gamine normale. J'étais venue la consoler et je l'avais complimenté pour son déguisement, moi même qui portait un t-shirt à l'effigie d'une carotte. A partir de cet instant on est devenue amie. Il faut dire que c'était assez simple au primaire de se faire des amies. À partir du moment où tu aimais les bracelets en forme d'animaux, les Winx et en l'occurrence ici, les carottes, tu pouvais facilement t'entendre avec la moitié de l'école.
En revanche, il est rare de conserver une amitié aussi ancienne. Les gens ont tendance à trouver de vrai passions qui leurs sont propres, en grandissant et qui ne se limitent plus uniquement à l'amour de My little pony. Et c'est bien normal. C'est ce qu'on appelle se façonner sa propre personnalité et tout le monde passe par là. Mais parfois, les gens changent tellement qu'ils finissent par ne plus correspondre à la personne qu'on devient nous même. Pourtant je ne me suis jamais éloigné de Megan depuis cet épisode de la carotte. Au contraire, chaques facettes de sa personnalité que je découvrais au fil du temps me donnais de plus en plus envie de rester à ses côtés.
Aujourd'hui quand je la regarde, je vois une femme affirmée qui se bat pour ses idées et pour les gens qu'elle aime.
Rien n'illustre mieux Megan que ce jour de seconde où l'on devait rendre un devoir maison de maths. Lou ne pouvait pas rendre le sien, car le chien de Luna l'avait mangé la veille. C'était absolument vrai, d'une part parce que Lou ne ment jamais et surtout pas à un prof, et d'autre part parce qu'on pouvait toutes témoigner en sa faveur, mais évidemment la prof n'a rien voulu entendre. Megan a protesté en vain, puis, sous les yeux médusé de la prof, elle a mangé son propre devoir, devant toute la classe, dans un dernier geste désespéré pour soutenir Lou. C'était stupide et elle a eu zéro mais il n'empêche que c'est une anecdote qui l'illustre à la perfection. Impulsive, éprise de justice et solidaire.
Mais bien que Megan soit une femme merveilleuse, si vous voulez mon avis sur la situation actuelle, elle n'a juste pas aimé que quelqu'un se moque indirectement, de son incapacité à faire des œufs pochés et maintenant, elle se cherche une excuse pour se libérer de ce cours de cuisine qui ne lui plaît pas. Rien à voir donc, avec ces idées militantistes qu'elle tente de nous faire avaler, sur l'acceptation des échecs d'autrui par la société.
- C'est dommage que tu laisse tomber, je comptais m'inscrire en cuisine on aurait fait équipe. soupire Luna.
- Je n'abandonne pas. siffle Megan.
- Toi en cuisine ? Mais tu sais qu'il faut être adroit, concentré... Pas toi quoi ? je réponds sceptique.
- Oui mais j'adore manger. s'exclame-t-elle en prenant une très grosse bouchée de flamby.
J'ai fais la connaissance de Luna en seconde, lors de la journée d'intégration. On s'était perdue ensemble pendant la course d'orientation en forêt. On est resté quatre heures affalées contre un chêne, à passer par tous les sujets de conversations, puis à se résoudre à l'idée qu'on allait certainement mourir ici et s'entredévorer.
Finalement, un des surveillants s'est rendu compte qu'on avait disparu et s'est lancé à notre recherche. Il n'a pas eut à chercher bien loin puisque apparemment, on avait abandonné l'idée de chercher la sortie quasiment à l'entrée du bois.
Il nous a donc retrouvé facilement et tous les scénarios dramatiques qu'on avait imaginés ensemble, ne se sont jamais produits. De toute façon, je ne me voyais pas vraiment la dévorer après avoir sympathisé avec elle. Ça aurait été trop bête. On s'était trouvé pleins de points communs et je commencais tout juste à l'apprécier. Un peu comme si on se prenait d'affection pour un bébé lapin, puis qu'on te le servait rôti, le repas suivant.
Y a comme un truc qui passe pas quoi.
Luna n'était pas un bébé lapin en revanche après cette sortie elle était devenue une amie.
Je l'ai présenté à Megan elles ont rapidement accrochées et un peu plus tard, Luna nous a présenté Lou qu'elle connaissait depuis plusieurs années déjà. Depuis, on forme un petit groupe solide et soudé.
- Je vais devoir choisir une nouvelle option. soupire Meg en sirotant son milkshake fraise d'un air absent. Je ne sais pas ce qui me correspondrait le plus, le karaté ?
- Tu es suffisamment agressive comme ça, pas la peine d'apprendre de nouvelle techniques de combats. je rétorque.
Elle me tape le bras pour seule réponse en dissimulant un sourire.
Je m'apprête à la frapper en retour mais je suis coupée dans mon élan par une voix beaucoup trop enjouée pour un lundi.
- Les filles, j'espère que vous êtes libres, le 31 parce que vous devez m'accompagner ! s'exclame Lizzie.
Lizzie est une amie que l'on vois régulièrement au lycée. On s'entends bien mais elle a tendance à plutôt traîner avec une amie à elle, dont le nom me revient une fois sur deux. Il n'empêche que sa bonne humeur perpétuelle est contagieuse et qu'on prend toujours du plaisir à discuter avec elle.
Ses cheveux auburn sont remonté dans un chignon haut et le sourire radieux qui la caractérise apparaît sur ses lèvres fines. Elle est jolie sans être exceptionnelle. Elle est jolie à sa manière.
- Et où est ce qu'on t'accompagne ? demande Luna.
- Un ami organise une soirée d'halloween. Il m'a proposé de rameuter quelques personnes alors je lui ai promis de ramener des filles plutôt cool et vous voilà !
- C'est vrai qu'on est plutôt cool. approuve Megan.
- Carrément ! Alors ça vous dit ?
- C'est qui ton ami ? demande Lou qui se soucie toujours de l'organisation et de la sécurité. En somme, des choses que la plupart des adolescents de bases oublient.
- Il s'appelle Louis mais je ne pense pas que vous le connaissiez, il n'est pas au lycée.
- D'un autre lycée ? Heu je ne sais pas trop, on y va ? nous demande-t-elle soudain anxieuse à l'idée de rencontrer d'autres humains.
- Bien sûr qu'on y va. confirme Megan qui semble avoir oublié qu'on a besoin d'un accord parental pour sortir.
- Génial ! Je compte sur vous pour nous trouver un costume de groupe d'enfer ! s'exclame Lizie avant de repartir de sa démarche sautillante.
Megan entame son dessert : une île flottante tellement submergée par la crème anglaise qu'elle ne flotte plus, comme si l'échange précédent n'avait jamais eu lieu.
Elle semble calme pour l'instant, mais je sais que le moment où elle m'appellera en panique, pour me presser à trouver un costume de groupe ne va pas tarder à arriver.
Quand à moi, je ne suis pas sûr que l'idée de devoir me pointer déguisée chez quelqu'un que je ne connais pas m'enchante. Surtout si je laisse Megan choisir le costume, qui sait ce qu'elle peut nous trouver. Après tout, elle était bien venue déguisée en carotte à son spectacle de fin d'année alors qu'elle devait venir en fleur.
Il va falloir que je prenne ça, moi même en main.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top