Chapitre 8
Pour une fois qu'elle devait se lever tôt, elle s'endormit. Ce fut Evans qui la réveilla — avec prudence, la leçon de la veille avait bien été comprise — bien après que son autre camarade soit partie. La jeune Black n'était parvenue à s'endormir que trois heures plus tôt, épuisée, et avait donc perdu l'occasion d'attraper Potter dans sa chambre.
- Où est Potter ? Demanda Eleana en guise de salut, remarquant qu'Evans était déjà prête et que tout le monde avait disparu.
La préfète-en-chef fut surprise par sa demande assez étrange.
- Je ne sais pas... Pourquoi, qu'a-t-il encore fait ?
Trop tard. Eleana n'attendit pas qu'elle finisse sa phrase. Elle s'élança dans la salle de bain, passa un coup d'eau bienvenue sur son visage et, d'un coup de baguette, défroissa son uniforme dans lequel elle s'était endormi. La jeune sorcière n'avait ni le temps de se changer, ni de se laver. Ainsi, elle s'en passa. Il fallait qu'elle attrape Potter avant que ce crétin ne fasse elle ne savait quoi avec sa beuglante — au risque de mourir dans d'atroces souffrances. Elle sortit aussitôt de la salle de bain et sortit en courant, sans attendre Evans.
- Eleana !
Mais cette dernière ne s'arrêta pas. Tout en sprintant vers la Grande Salle, la main serrée sur la baguette cachée dans sa poche, elle réfléchit à toute vitesse. Pour quelles raisons Potter avait pris sa lettre — s'il s'agissait bien de lui et non d'Ivanoshi ? Une curiosité malsaine ? La volonté de l'humilier ? Car elle était sûre que sa mère n'avait pas mâché ses mots. Eleana était par ailleurs certaine que la lettre venait de sa génitrice, jamais son père ne s'abaisserait à en envoyer une. Non, lui il avait d'autres moyens bien à lui pour montrer sa déception. La jeune sorcière ralentit à l'approche des portes de la Grande Salle. Pas question d'entrer toute essoufflée. Elle avait une image à entretenir quand même ! Quand elle passa les portes, personne n'aurait pu dire qu'elle venait de courir à travers la moitié du château. Néanmoins, ses cheveux noirs inquiétèrent immédiatement Sirius qui venait de l'apercevoir. Potter, debout devant leur table, était entouré par de nombreux Gryffondor. Eleana s'approcha calmement. Un éclat rouge attira aussitôt son regard. Sa beuglante était bien dans la main de Potter !
- Potter !
Son cri le fit sursauter et il la remarqua enfin.
- Oh Black, ça va ?
Ce crétin souriait de toutes ses dents. Elle allait le tuer !
- Espèce de sale voleur ! Donne-la moi !
La jeune Black ne parvenait pas à garder un ton calme, elle était bien trop furieuse. Ils étaient désormais face à face et, comme par magie, tout le monde s'était écarté en la voyant débouler, armée de sa baguette.
- De quoi tu parles, Black ?
- Ma lettre, espèce de sale troll !
- Ta lettre ? Tu m'agresses pour rien, c'est MA lettre.
Il la tourna et lui montra le nom du destinataire. Il s'agissait bien de Potter. Son sourire semblait briller de plus belle. Elle n'était pas dupe ! Elle était certaine qu'il l'avait trafiqué d'une quelconque manière.
- Je ne te crois pas, déclara-t-elle d'une voix plus calme néanmoins.
Elle avait récupéré son sang-froid. James Potter haussa les épaules et, d'un geste théâtral, bien conscient que ses camarades assistaient à leur confrontation, il s'apprêta à l'ouvrir.
- Non ! Ne l'ouvre pas ! S'écria-t-elle, bien trop loin encore pour l'atteindre.
- Je vais te prouver que c'est ma lettre.
Il ne va pas l'ouvrir devant tout le monde quand même ?
Et il la décacheta avant qu'elle n'ait pu l'en empêcher. Impuissante, elle vit la beuglante prendre vie. Sous ses yeux horrifiés, la voix furieuse d'Aria Black retentit.
- ESPÈCE DE SALE INGRATE ! COMMENT AS-TU OSÉ NOUS FAIRE ÇA ? REJOINDRE CE TRAÎTRE-À-SON-SANG, TOUS CES TRAÎTRES-À-LEUR-SANG, ET LES SANGS-DE-BOURBE !
Sa mère avait toujours eu un goût prononcé pour le mélodrame.
- ... NOUS TRAHIR DE LA SORTE ! J'AI TOUJOURS SU QUE TU ALLAIS NOUS POSER DES PROBLÈMES. DÉJÀ TON RENVOI DE DURMSTRANG À CAUSE DE TES STUPIDES MANIES À N'EN FAIRE QU'À TA TÊTE, ET MAINTENANT TU TE RETROUVES PARMI LES TRAÎTRES ! SI ÇA NE TENAIT QU'À MOI, JE TE RENIERAIS SUR LE CHAMP ! MAIS TON PÈRE SEMBLE CROIRE QUE L'ON PEUT ENCORE FAIRE QUELQUE CHOSE DE TOI. GRAND BIEN LUI FASSE, IL SE COLLERA TOUT SEUL À LA TÂCHE ! JE NE DISPENSERAI PLUS UNE SEULE SECONDE DE MON TEMPS POUR UNE INGRATE, UNE TRAÎTRE COMME TOI !
Il eut un grand silence pendant lequel la beuglante reprit son souffle et son calme.
- ... Ton père viendra te chercher vendredi à 18 heures précises dans le hall.
Et sur ces mots, la beuglante se détruisit d'elle-même en un millier de morceaux.
Le visage d'Eleana était fermé, vidé de toute expression. Néanmoins, il ne fallait pas s'y fier. Elle avait l'impression d'être en état de choc et devait probablement l'être. La première pensée qui lui vint à l'esprit, avant même de penser à la mort imminente de Potter, fut de se demander comment son père avait bien pu obtenir l'autorisation de la ramener chez elle. Elle avait pensé avoir au moins jusqu'aux vacances d'octobre. Puis, elle revint à l'instant présent et à son envie de meurtre. Ce crétin de Potter venait de l'humilier devant tout le monde. Il venait de dévoiler sa vie privée — celle qu'elle protégeait et cachait depuis des années — à absolument chaque élève de Poudlard. Même les absents seraient au courant bien assez tôt. James Potter venait de passer du statut de crétin à celui de salaud. Une énorme promotion en soi. La Gryffondor pointa d'un geste brusque sa baguette sur Potter. Avec un sourire que se voulait désolé mais semblait plutôt narquois, il leva les mains dans un geste innocent.
- T'énerves pas Black, je pensais vraiment que c'était la mienne. Je ne sais pas ce qu'il se passe.
Les gens s'étaient brusquement éloigné du sorcier dans un rayon de trois mètres. Personne n'avait envie de prendre un sort à sa place. Ce fut seulement à cet instant qu'un professeur daigna se lever pour intervenir. Pendant ce laps de temps, Sirius en profita pour se glisser entre la baguette et Potter.
- Dégage de là, Sirius, le menaça-t-elle.
Elle avait toute une multitude de sortilèges plus horribles les uns que les autres qu'elle avait envie de tester sur Potter. Son cousin tourna lentement la tête de droite à gauche comme s'il avait affaire à un hippogriffe. Eleana ne le fusillait même pas du regard, elle était bien au-delà de la colère. S'il ne bougeait pas, elle allait bien voir s'il était si solidaire que ça envers son meilleur ami. Sirius parut l'apercevoir dans son regard car il hésita et jeta un coup d'œil au professeur Slughorn qui approchait à pas lents, pas très motivé à exécuter sa tâche de juge.
- Ella, baisse ta baguette s'il te plaît. Tu vas t'attirer des ennuis.
- Ah ouais ? rétorqua-t-elle d'une voix dure. Tu veux m'éviter d'avoir des ennuis ou protéger ton copain ?
Le professeur était pratiquement à leur hauteur. La jeune Black continua de fixer son cousin et, d'un geste précis, lança un sort. Potter se jeta à terre. Sirius, lui, n'avait pas bougé d'un pouce. Elle n'avait pas attaqué son cousin mais brûlait les restes de la maudite beuglante. Eleana s'agenouilla de manière à ce que James Potter, et lui seul, puisse l'entendre.
- Je vais te détruire. Tu as dépassé mes limites aujourd'hui, Potter, déclara-t-elle d'une voix doucereusement calme. Tu ne pourras plus marcher dans les couloirs sans avoir peur que je ne me venge. Et, crois-moi, quand je me serais vengée, tu seras le premier au courant, très rapidement suivi par l'école entière... Tu seras étonné de voir ce que m'a appris Durmstrang... Et Sirius ne te protégera pas.
Le professeur Slughorn était à leurs côtés désormais. La jeune sorcière se releva et, sans un regard, quitta la salle.
Elle n'aurait su dire combien de temps elle avait vagabondé dans le château, ni comment elle avait atterri dans la tour. Tout était bien trop flou. C'était comme si elle s'était mise en pilote automatique et s'était laissée avancer. Peu lui importait la manière dont elle y était parvenue, la seule chose qui avait de l'importance était qu'elle se trouvait seule. Assise sur le rebord de la tour, ses pieds pendaient dans le vide, se balançant en cadence. Elle ne voulait pas penser à ce qu'il venait de se passer, juste souffler quelques précieux instants. Malheureusement, elle n'avait pas pu emporter son nimbus. À sa connaissance, il n'existait rien de mieux que voler sur son balai pour se vider la tête. Hélas, elle allait devoir se contenter de cette tour. Eleana Black ferma les yeux et continua à agiter ses jambes au rythme des bourrasques de vent qui lui fouettaient le visage. Néanmoins, sa « bulle » de tranquillité ne pouvait pas rester très longtemps, la sorcière le savait. Elle ne fut pas le moins du monde étonnée quand le calme brusquement au son reconnaissable d'une personne montant les escaliers. La jeune Black ne bougea pas, laissant l'intrus parvenir à son niveau. Elle se retourna seulement lorsqu'elle sentit l'intrus, debout, à quelques mètres d'elle. C'est avec surprise qu'elle reconnut son cousin. Pas Sirius, mais Regulus, son frère. Elle enjamba le rebord et se tourna pour pouvoir le voir sans devoir tourner la tête de façon inconfortable.
- Regulus, dit-elle simplement.
Elle ne savait pas trop comment se comporter avec lui. Quel parti avait-il choisi ? Lui pardonnerait-il de ne pas avoir été à Serpentard ? Ils ne s'étaient pas parlé depuis des mois. Après un long silence pesant de non-dits, elle se décida à refaire une tentative :
- Comment m'as-tu trouvé, Reg' ?
Un bref sourire illumina le visage du Serpentard. Il n'y avait aucun doute sur le fait que Regulus était un Black. Il avait les mêmes traits que son frère.
- Je me doutais que tu chercherais la hauteur. J'ai hésité entre cette tour et le terrain de Quidditch, mais j'ai pensé que tu n'avais pas encore pu le visiter.
Ce fut à son tour de sourire.
- Quel fin observateur tu fais ! Tu devrais penser à devenir Auror !
Eleana l'avait dit sur un ton légèrement railleur mais le vit tressaillir au mot « Auror ». Elle se gifla mentalement, consciente de sa bêtise. Lui comme elle savait qu'ils ne seraient jamais Auror. Non, son avenir promettait d'être beaucoup plus sombre. Pendant un instant, elle eut un doute quant à sa réaction. Se pouvait-il qu'il soit déjà...
Non ! Il n'a pas pu être aussi idiot.
Devait-elle lui demander de but en blanc s'il avait choisi de suivre le chemin maudit de son père ? Non, elle ne dit rien. Elle ne voulait pas savoir. Il y a des vérités qui sont dangereuses, qui peuvent vous briser. Elle préféra changer de sujet.
- Alors, Reg, puisque tu es ici, qu'as-tu décidé ?
Il ne fit pas semblant de ne pas comprendre. Il voyait parfaitement où elle voulait en venir. Pour toute réponse, il l'enlaça. Le petit frère de Sirius avait bien grandi. Désormais, il la dépassait d'une tête. Entre ses bras, elle se sentait fragile. Le visage enfouit dans son cou, elle huma son odeur apaisante. La peur de ne plus pouvoir être aussi proche de lui dans le futur la saisit. Tout comme Sirius, son contact ne la dérangeait pas. C'était toujours plus maladroit entre eux, ils n'avaient pas l'habitude d'être aussi expressifs l'un envers l'autre, mais tout changeait en fonction des événements. Ils n'étaient pas aussi proches que Sirius et elle, c'était un fait. Personne n'était capable de rivaliser avec le lien qui les unissait. Elle pouvait compter sur les doigts de la main combien de personnes de sa famille elle appréciait vraiment. Avec qui elle pouvait se déclarer proche, et en qui elle pouvait avoir confiance. Sirius, Regulus et Androméda. Par contre, citer tous ceux en qui elle n'avait aucune confiance était beaucoup trop long. Et ceux qu'elle détestait carrément était impressionnant. Son père, sa mère, Walburga, Bellatrix... Il n'y avait qu'une seule personne qu'elle ne parvenait pas à classer : Narcissa.
- Tu es ma cousine, Ella, chuchota Regulus à son oreille comme si cela expliquait tout.
- Et Sirius est ton frère, répliqua-t-elle.
Elle le sentit se raidir. Il recula, coupant ainsi court à leur étreinte.
- Ce n'est pas la même chose, Ella, répondit-il la mâchoire crispée.
Elle avait été trop loin, elle le savait, mais comment s'en empêcher ?
Regulus t'as excusé, ne commence pas une nouvelle dispute, Ella... Je dois me faire pardonner pour avoir été répartie à Gryffondor... Pourquoi ne suis-je pas née dans une autre famille ?
Le cours de ses pensées commençaient à partir dans tous les sens, elle se re-concentra sur sa conversation.
- Je pense que c'est la même chose, Regulus. Si tu peux passer outre pour moi, pourquoi ne pas le faire pour lui ?
- Lui, c'est un traître, il a quitté la maison !
Désormais, ce n'était plus seulement sa mâchoire qui était crispée, mais ses poings aussi.
- À qui la faute ? Vous le rabaissiez à chaque instant. Il vivait un véritable enfer là-bas... Juste parce qu'il était différent de ce que voulaient tes parents...
Le voyant prêt à répliquer de nouveau, elle le coupa aussitôt.
- Laisse tomber, Reg. Je pense qu'on ne parviendra à rien aujourd'hui en poursuivant cette conversation.
Il hocha la tête, soulagé que ce sujet prenne fin. Eleana allait vraiment devoir trouver un moyen pour que les deux frères soient confrontés et mettre ainsi fin à cette bêtise.
- Que vas-tu faire au sujet de Potter ?
- Me venger d'une telle façon qu'il sera encore plus humilié que moi.
Regulus eut un sourire carnassier digne de son statut de Serpentard.
- Si t'as besoin d'aide pour ça, je suis là.
La Gryffondor le remercia d'un sourire.
- Bon, il faut que j'y aille avant qu'Avery ne me cherche.
Il l'embrassa sur la joue.
- Je sais que tu vas y arriver vendredi. Ça va aller, Ella, tu es forte.
- Merci, Reg, répondit-elle touchée par ses quelques mots.
Il essayait de la rassurer à sa façon.
Eleana le regarda partir. Lucius, et maintenant Regulus. Tous les deux à ses côtés. Finalement, peut-être qu'avoir été répartie à Gryffondor n'était pas une si mauvaise chose. Elle pouvait voir qui était réellement à ses côtés.
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