Vide.

Eleana Black se sentait vide. Tandis qu'elle observait son parfait reflet, le néant qui s'était installé en elle depuis déjà plusieurs jours se fit ressentir. De quel côté était-elle ? Aucun. Ni du côté de Sirius et compagnie, ni du côté de son père et de Lucius. L'entre-deux. C'était bien pire.

Que faire ? Devait-elle prévenir Sirius de ce qu'il allait se produire ? Ou même les concernés ? Ne serrait-ce pas pire ? Connaître sa future mort, n'était-ce pas cruel ? Ou, essayer de la changer ne la provoquerait-elle pas, comme les tragédies grecques ? Et surtout, comment pouvait-elle y faire quoi que ce soit ?

Elle n'était qu'une Sang-Pur parmi les autres qui ne trouvait pas sa place.

Ni assez bonne pour leur ressembler, mais ni assez franche pour être leur contraire.

-          Eleana ?

Cette dernière sursauta quand Lily l'appela.

-          Oui, j'arrive.

Elle quitta non sans empressement son reflet. Les deux élèves regagnèrent la Salle commune où la bande de Potter et la « copine » de son cousin les attendaient. Ensemble, ils rejoignirent la salle vide où ils avaient élu domicile pour la soirée. La jeune Black ne dit pas un mot, laissant aux autres tout le loisir de parler. La fête battait son plein, remplie de Gryffondor et de Poufsouffle. Ils s'installèrent dans un fauteuil et Eleana se déconnecta rapidement du monde qui l'entourait. Elle se massa les tempes. Ses questions sans réponse avaient le don de lui provoquer des maux de tête continuels. Il était de plus en plus difficile de faire semblant de rien alors qu'elle avait vu la mort de deux des personnes autour d'elle. Comment pouvait-elle sauver qui que ce soit tandis qu'elle n'était même pas capable de se sauver elle-même de l'emprise de son père ?

- Aïe, grommela-t-elle quand la préfète-en-chef lui envoya un coup de coude.

Elle remarqua que tout le monde l'observait.

-          Quoi ? questionna-t-elle avec  humeur.

Aussitôt, l'air ambiant parut s'assombrir.

-          Tu veux boire quelque chose ? sembla répéter Lupin avec un sourire.

C'était peut-être une bonne idée. L'alcool se montrait être une excellente chose même.

-          Oui, je te laisse choisir, répondit-elle d'un geste vague de la main.

Elle ne fit pas attention à ce qu'il lui servit, bien trop occupée à observer le pot-de-colle dévorer son cousin à côté d'elle. C'était totalement écœurant. Elle grimaça et détourna le regard pour tomber, bien entendu, sur la seule autre personne qu'elle cherchait à éviter : Ivanoshi. Il hocha la tête comme pour acquiescer à son dégoût. Et ça eut le don de l'énerver également car elle ne voulait rien partager avec lui.

-          Merci, dit-elle en acceptant avec gratitude le verre que Lupin lui tendit.

Autour d'elle, Potter/James essayait sans grand-succès de parler à Lily qui lui répondait par monosyllabes, tandis que Lupin, Pettigrow et Ivanoshi reprenaient leurs conversations. Elle fit semblant de ne pas voir les regards que lui lançait Ivanoshi et elle but cul sec son verre. Le whisky pur-feu lui brûla la gorge, mais d'une brûlure plus que bienvenue.

Le pot-de-colle détacha suffisamment sa bouche de son cousin pour s'adresser à elle.

-          Alors, Ella, comment se passe ton entrée à Poudlard ? Demanda-t-elle d'une voix insupportable.

Les conversations aux alentours se stoppèrent aussitôt quand la jeune fille se figea à l'entente de son surnom qui venait de sortir de sa bouche. Sirius lui lança un regard d'avertissement, comme si c'était de sa faute si l'imprudente osait lui parler et qu'elle utilisait son surnom, alors qu'elle ne la connaissait même pas !

-          Eleana, la corrigea-t-elle calmement en pensant très fort à son cousin. Ça se passe très bien.

La réponse si courte parut froisser le pot-de-colle. Franchement, elle s'attendait à quoi de la part d'Eleana Black ? Son titre de "la Gryffondor la moins aimable de l'année" n'avait pas été usurpé. Et la jeune Black n'avait pas encore décidé si elle en était contente ou pas.

-          Ah oui ? Parce qu'après ce qu'il s'est passé à Durmstrang, on aurait pu s'attendre à ce que tes amis les Serpentards (prononça-t-elle comme un gros mot) te mène la vie dure. Surtout avec ton intégration à Gryffondor, continua-t-elle d'un ton chaleureux qui ne cachait en rien un plaisir non dissimulé, preuve flagrante de son côté de garce.

Eleana sentit son sang ne faire qu'un tour. Elle se força à se détendre et à ne pas sauter sur sa baguette, mais ne parvient pas à desserrer les dents, tout en fixant son cousin d'un regard féroce. Ce dernier se trémoussa, mal à l'aise. Il n'avait quand même pas osé ?

-          Je te demande pardon ? répondit-elle d'une voix glaciale.

-          Ben oui, avec ton renvoi à cause du sortilège Doloris que tu as refusé de lancer sur un pauvre Sang-mêlé.

Il n'en fallut pas plus pour que la Black se lève, faisant sursauter l'ensemble de ses camarades. Elle approcha son visage de quelques centimètres du pot-de-colle qui s'était soudainement accroché à son cousin.

-          Si j'entends encore ne serait-ce qu'un unique murmure de cette histoire, je te promets que tu ne finiras pas Poudlard en un seul morceau, c'est bien compris ? lui chuchota-t-elle d'un ton glacial.

-          Sirius, gémit-elle, tu te rends compte ! Elle a osé me menacer ! Fais quelque chose, pleurnicha-t-elle de sa voix si insupportable.

-          Quant à toi, reprit Eleana en pivotant vers son cousin qui semblait regarder son verre comme la septième merveille du monde. Ne vient même plus me parler, espèce de sale putain de troll !

À ces mots, elle tourna les talons et bouscula tous ceux qui se trouvaient sur son passage, atteignant le bar à l'autre bout de la pièce sous les jurons de ses camarades. Néanmoins, il lui suffisait d'un seul regard pour qu'ils s'éloignent brusquement.

Elle attrapa une bouteille et se servit un nouveau verre qu'elle but cul sec. Ses mains tremblaient,  signe évident de sa fureur.

Comment avait-il osé ?! Raconter ça à sa pimbêche de copine !

Jamais encore il ne l'avait trahi. Que lui était-il donc passé par la tête pour confier son renvoi à cette connasse ?

Ce ne fut qu'après un nombre incalculable de verres que la jeune fille parvint enfin à se détendre. Soudainement elle eut très envie de se trémousser. Elle atteint la piste de danse, non sans difficulté et après une douzaine de péripéties, quand un bras l'attrapa, la faisant tanguer dangereusement. Elle tourna la tête puis éclata de rire en apercevant Ivanoshi.

-          Ivanoshi ! Encore et toujours là, à chaque fois que je tourne la tête !

Elle remarqua ses sourcils se froncer et, devant sa mine peu réjouie, eut un ricanement moqueur.

-          Quoi ? Tu n'aimes pas me voir pour une fois ?

Il s'approcha un peu plus d'elle pour éviter de hurler par-dessus la musique, tout comme elle le faisait en ce moment même.

-          Ecoute, je crois que tu devrais rentrer, Eleana.

Elle secoua la tête de droite à gauche.

-          Non, non, non.  Puisque t'es là, viens donc danser, cria-t-elle en le tirant vers elle.

La Gryffondor se trémoussa au son de la musique, enfin libérée pour la première fois depuis des jours.

-          Combien de verres as-tu bus ?

Elle l'ignora superbement et continua à bouger en tout sens.

-          Eleana, combien de verres as-tu bus ? répéta-t-il, infatigable.

Un soupir échappa à la jeune fille.

-          Par Merlin, Ivanoshi, tu ne sais donc jamais te taire ? Cesse de parler et danse.

Elle prit ses mains et les posa sur ses hanches, puis le fixa.

-          Allez, danse !

La jeune Black se laissa emporter par la musique, et après un long moment, il se décida enfin à danser. Elle lui adressa un sourire victorieux.

-          Tu es génial quand tu es silencieux, Ivanoshi !

L'adolescent se mit à rire de bon cœur.

-          Je ne sais pas trop comment je dois le prendre, mais merci, Eleana.

Et elle ne le corrigea même pas sur son prénom.  Ils continuèrent de danser jusqu'au moment où elle vacilla, lui tombant presque dessus.

-          Je te tiens, murmura-t-il.

Pressée contre son torse, la Black eut soudainement très chaud.

-          Je crois qu'il est temps d'y aller, lui dit-il avant de passer un bras autour de sa taille et de se diriger vers la sortie.

Elle sentait la pièce tourner autour d'elle et, pour une fois, elle fut d'accord avec lui. Ils traversèrent la moitié du trajet jusqu'au dortoir, quand ses jambes tanguèrent pour de bon.

-          Attends ! chuchota-t-elle nauséeuse.

Elle s'appuya contre le mur et abaissa ses paupières.

-          Arrête de sourire Ivanoshi, grommela la sorcière.

-          Comment peux-tu donc savoir que je souris si tu as les yeux fermés ? répondit-il d'un ton amusé.

- Je le sais, c'est tout.... Je le sais toujours quand tu me regardes.

Le jeune homme souriait encore, elle en avait conscience, ce qui lui donnait juste envie de lui mettre un coup de pied, rien que parce qu'elle se sentait pas bien à cet instant.

-          Vraiment ? Pourtant, on ne dirait pas que tu me remarques.

Accroupit devant elle, elle l'entendit s'approcher.

-          Tu es très forte pour ignorer les gens, tu es au courant ?

Malgré ses maux de cœur, Eleana eut un sourire.

-          Je sais, on me le dit souvent... Par Merlin, fit-elle avant de perdre son sourire, rappelle-moi pourquoi j'ai bu autant ? Je déteste avoir la nausée !

Nouveau sourire d'Ivanoshi. Il plaça une main fraiche, bienvenue, sur son front.

-          J'ai un remède si tu veux.

-          Ah ouais ?

Qu'elle ne fut pas sa surprise quand Nathaniel Ivanoshi posa ses lèvres sur les siennes. Interdite, elle ouvrit les yeux et croisa son regard. Avant de se laisser emporter par son baiser. Un baiser incroyablement doux. Incroyablement Ivanoshi. Ils ne se quittèrent uniquement lorsque, à bout de souffle, ils reprirent une inspiration tremblante, front contre front. Sa nausée était belle est bien passée.

-          Je pense que tu peux m'appeler Nate, maintenant, non ?

-          Nate, chuchota-t-elle.

Avec un regard complice, ils se relevèrent et le jeune homme les ramena à la salle commune. Sirius et Lily les attendaient, en pleine conversation. À peine furent-ils entrés que Sirius s'élança vers eux.

-          Dégage, Sirius Black, grommela-t-elle.

Son cousin, qui s'apprêtait à lui parler, referma la bouche. Il n'osa pas réduire les quelques mètres qui le séparait de sa cousine. Choix très sage.

-          Evans, tu peux l'accompagner jusqu'à son lit ? Je crains qu'elle n'atteigne même pas l'escalier seul, fit Ivanoshi.

-          Pas de soucis, merci de l'avoir ramené, Nathaniel, répondit Lily avant de se retourner vers son amie. Appuies-toi sur moi, Ella.

Cette dernière gloussa, faisant écarquiller les yeux de la jolie rousse.

-          Ben dis donc, je crois que tu as abusé sur la boisson, toi. Je ne t'ai pas vue aussi joyeuse depuis... en fait jamais.

La préfète-en-chef passa un bras autour de sa taille et, doucement mais sûrement, elles gagnèrent les escaliers. Avant de monter, la jeune sorcière entendit son cousin s'adresser à Ivanoshi :

- Merci de l'avoir ramené, Nate.

***

Hey !

Qu'avez vous pensé de ce chapitre ? J'avoue avoir eu beaucoup de mal à l'écrire , je n'avais pas dans l'idée de ce baiser si vite dans l'histoire, mais avec l'intrigue qui va suivre, ça me plaît assez bien finalement. Est-ce que vous trouvez ça crédible ou non ? J'ai hâte de connaître votre avis sur la question !

Rendez-vous vendredi prochain pour le chapitre 15 et puisque je suis trop sympa, voici un petit extrait pour vous faire patienter :

" Son regard était fuyant. Un nœud se forma dans sa gorge.

-          Viens, fit-il en l'attrapant par le bras pour la mener dans une salle de classe vide.

Il la lâcha et il se tourna vers une fenêtre. Elle resta impassible, le fixant jusqu'au moment où il se décida à parler.

-          Lucius m'a tout dit, dit-il simplement.

Elle ne pouvait s'empêcher d'avoir peur. Peur du fossé qui s'installait entre eux. Peur qui la repousse pour suivre cette voix. Et la peur se mélangeait étrangement bien avec la colère.

-          Fait voir ton bras, demanda-t-elle d'une voix éteinte.

Peut-être était-il déjà trop tard ? Peut-être qu'elle avait déjà tout raté. Il ne bougea pas.

-          Fait voir ton putain de bras Regulus ! Cria-t-elle.

Il se tourna enfin vers elle. Elle resta bloquée sur son regard. Ce regard ne lui appartenait pas. Il était si froid, et si orgueilleux. D'un coup de baguette, elle fit se lever sa manche. Ce ne fut que quand le bras nu lui fut dévoilé qu'elle se rendit compte qu'elle avait arrêté de respirer. Elle avala une goulée d'air d'une respiration tremblante. "