Chapitre 2 : Rue Haute-Sauvenière



« Bon,plus que quelques mails à réceptionner, ensuite je prends ma pause-midi. Detoute façon, elle va durer trois heures au lieu d'une, comme d'hab' !C'est pas comme si j'avais encore beaucoup à faire avant de réceptionner uneénième postulante à la Région Wallonne cet après-midi . »

— Mathieu ! gueule son voisin de couloir.

Merde, c'était trop beau.

— Oui, Fabrice ? répond nonchalamment l'employé en chemise bleu craie bien repassée.

Le dénommé Fabrice surgit devant la paroi en verre, une feuille et une clé usb coincées dans ses gros doigts. Il a l'air bien plus nerveux que son collègue, qui jurerait de voir sa barbe brune se défriser bientôt. Mais Mathieu a l'habitude ; son comparse de la sous-direction est un rien soupe au lait et parfaitement explosif. Il le suit de ses yeux bruns jusqu'à ce que le massif homme en costard ouvre la bouche, devant son bureau.

— L'intérimaire a franchement une orthographe de chiotte ! Lui répète pas, inutile de l'emmerder, elle ne va pas rester longtemps ici. Enfin, je compte sur toi pour que ce soit le cas. En attendant, faut passer derrière elle, je ne peux pas envoyer une telle défense de dossier à Namur, regarde ça !

Mathieu se penche vers son doigt collé à la feuille posée devant lui, découvrant un « document si-joint » dans la lettre. Il soupire, étirant à Fabrice un sourire en coin rassurant.

— Pas de soucis, Fab', je m'en charge. Tu m'as mis le dossier sur la clé, je suppose.

— Ouais, et faut que j'envoie le tout pour demain matin, sinon ce ne sera pas réglé avant le week end. Et moi, j'ai trop à faire pour passer derrière mademoiselle Bescherelle !

— Je te le rendrai dessus avant fin de journée, va continuer tes trucs, c'est bon. 

Bon, ben on dirait que je vais aller manger à midi et demi, cette fois-ci !

       Il branche la clé et termine ses mails avant de se pencher sur le dossier. Ouais... si ça continue, il va obliger chacun de ses postulants à lui rédiger une lettre pendant l'entretien, histoire de trouver un secrétaire potable. Elle est jolie, la remplaçante, mais elle ne vit pas une grande histoire d'amour avec la langue française. Espérons que les trois personnes prévues aujourd'hui soient dans les conditions pour récupérer le poste de José. Que des femmes... comme hier... le sexisme a la vie dure.

Lorsqu'il a fini sa tâche, il est même midi quarante-cinq. Au moins ainsi, il va directement descendre manger avec son collègue, tout en lui remettant la clé. Il laisse là sa blouse et glisse ses effets personnels dans son jean étroit : il fait suffisamment chaud pour le moment. Mains dans les poches, il garde son corps élancé oblique pour lutter contre la forte pente de la rue Haute-Sauvenière. Fabrice accepte de manger « Au Point de Vue », histoire de se détendre en terrasse après ses quelques habituels pics de stress au travail. Il faut dire que, même si le trafic est dense sur le boulevard, la vue dégagée sur l'opéra y est agréable.

— Je te jure Mathieu, je ne tiendrai plus longtemps comme ça, y a intérêt à ce que les postulantes soient correctes.

— Zen Fabrice, c'est toi qui as sélectionné les CV, non ? Elles seront compétentes.

— Un CV, ça fait pas tout !

Ils abordent les escaliers pour rejoindre les brasseries de la placette avant le boulevard Sauvenière. Mathieu n'est pas très confiant en abordant ces marches étroites de ses grands pieds et ses chaussures classiques peu adhérentes. Avec son bol d'enfer, il est capable de...

— Je compte les tester, me prends pas pour un im-Oh là !

M'en doutais, ils sont impraticables ces escaliers, à part par des nains ! Merci la rambarde. Et l'autre qui se marre là... 

       Sa glissade a eu le mérite de faire ricaner Fabrice, pendant que son collègue se redresse en lissant sa chemise, aplatissant en passant ses cheveux brun foncé drus. Le genre de geste réflexe qui s'empare de tout homme pressé de récupérer une image sympathique, quitte à sembler fan de tecktonik.

— Je ne te prends pas pour un imbécile, seulement pour un maladroit !

— Ah, te fous pas de moi ou je te laisse seul à ta table !

— Va déjà falloir qu'on en trouve une de libre dehors...



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