TENTH DEGREE
Ses bras serrent ma taille dans le carrosse. Je laisse ma tête reposer contre son épaule, assise entre ses cuisses. Pour l'instant, pas un bruit, pas un mot, le manège tourne et nous avec. Je regarde le parc défiler devant nous, encore et encore.
La pluie s'est mise à tomber, mais nous sommes à l'abri, sous le toit du manège. Il fait froid, mais je suis à l'abri, sous la veste du garçon de la bibliothèque.
Nous savons tous les deux pourquoi aucun de nous ne prononce un mot. Il y a une chose qu'il m'a promis d'expliquer. Et je suis à la fois curieuse et anxieuse de la nature de son explication.
C'est lui qui brise le silence. Prenant une inspiration, il semble près à se lancer : j'écoute.
« Bon... J'vais être totalement honnête, parce que... hmm... Tu me plais vraiment, en fait, et je veux pas que tu... Enfin, bref, je vais t'expliquer. »
L'anxiété monte en moi. Ce moment est tellement parfait, je ne sais pas ce qu'il va m'annoncer, mais j'ai peur que tout disparaisse en l'espace d'une seconde. De me retrouver dans les bras d'un étranger.
« Ok, alors par où je commence... Bah déjà, je deale rien, ok ? Genre je touche pas à ce genre de choses. Mais j'suis plus une sorte d'intermédiaire. Je sais jamais ce que je transmets, mais certaines... personnes préfèrent ne pas communiquer par téléphone, même pré-payé, alors c'est moi qui file les messages.
- ... Oh. »
Je ne sais pas quoi dire. Levant les yeux sur lui, je m'éloigne un peu. En fait, non, je me détache de lui, pour venir m'asseoir en face dans le carrosse, le regardant droit dans les yeux. Et mon cœur se serre à la vue de l'expression sur son visage. L'angoisse et l'inquiétude passent dans son regard, et il se penche brusquement vers moi pour prendre mes mains dans les siennes, comme affolé.
« Mais je vais arrêter bientôt, je te le promets ! »
Il marque une pause, cherchant ses mots, baissant un peu les yeux.
Je ne peux pas.
Je ne peux pas le laisser dans cet état, le laisser douter.
Sans l'ombre d'une hésitation, comme je sautai dans ses bras il y a tout juste un quart d'heure, je reviens me blottir contre lui. Mes mollets de par et d'autre de ses cuisses, je m'assoies sur celles-ci et l'enlace, cachant mon visage dans son cou, le serrant contre moi. La réponse ne se fait pas attendre, il me rend mon étreinte, ses bras enlaçant ma taille comme s'il pouvait me perdre à tout instant.
« Mon job de serveur me permet tout juste de payer mon loyer, et... J'veux pas me retrouver à vivre une vie de merde à trente ans parce que j'aurais jamais eu le fric pour sortir la tête de l'eau... Tu comprends ? »
Je hoche doucement la tête, frottant un peu ma joue contre le tissus de son t-shirt.
Un frisson me parcourt : il vient de déposer un baiser sur ma nuque. Mes doigts se resserrent un peu sur ses épaules alors que mon corps entier frémit.
« T'as peur, ou... ? »
Je ris un peu, redressant la tête pour l'observer. Mes mains viennent s'amuser avec les longues mèches qui tombent devant ses yeux, les mettant en arrière, dévoilant encore son visage.
« De toi ?
- De qui d'autre ?
- Non, j'ai pas peur de toi.
- Oh. »
Il baisse les yeux, comme pour cacher le sourire qui naît aux coins de ses lèvres.
Mes yeux me piquent un peu : j'ai sommeil. Venant poser mon front contre le sien, je les ferme un peu... Juste quelques secondes...
★ ★ ★ ★
« Mademoiselle CHATON, je suis navré de vous l'apprendre, mais vous avez eu zéro à votre dernier devoir de Français. »
Je regarde mon professeur d'un air médusé, sans comprendre. Monsieur BERGER, jeune prof dynamique, qui note toujours au-dessus de 13, avec sa tignasse rousse, ses grosses lunettes et son air jovial, m'a mis 0 ? Comment est-ce possible ?
Mais j'ai à peine le temps de protester qu'il m'embrasse. Écarquillant les yeux, j'ouvre ceux-ci grands et...
Mes yeux s'ouvrent, et je repousse immédiatement mon prof de français. Avant de réaliser que, à ce qu'il me semble, Monsieur BERGER n'a pas de tatouages. Ni de cheveux noirs en bataille.
Je cligne des yeux, fixant celui qui se trouve en face de moi.
« Woh, tout doux, Chaton, je vais pas te manger hein... »
Il semble surpris que je l'ai ainsi écarté.
« Je... J'ai cru que t'étais mon professeur de Français... Dans mon rêve, il m'embrassait, et- »
Je me coupe quand je remarque l'air qu'il a : les lèvres pincées, il tente difficilement de ne pas rire.
« Eh, ne te moque pas ! »
Je donne un petit coup dans son épaule, et cela semble être la goûte d'eau faisant déborder le vase. Explosant de rire, il me sert encore un peu plus contre lui, tentant alors de m'embrasser à nouveau. Mais je secoue la tête, refusant. Finalement, je pose une main sur son visage, le gardant éloigné du mien.
« Non, je veux pas !
- Oh, allez, on va chasser ce mauvais souvenir par un meilleur, d'accord ? »
Avec une moue, je hausse les épaules, retirant ma main de son visage. Il me fixe, mais j'évite son regard, boudeuse.
« J'ai même pas droit à un tout petit bisou... ? »
Baissant les yeux sur lui, j'hésite un peu, puis finis par déposer un « tout petit bisou » sur ses lèvres, avant de vite reculer la tête.
« Hum... Mouais, attends, on va le refaire. »
Et, m'attirant à lui, me plaquant tout simplement contre son torse, il s'empare de mes lèvres. Rien à voir avec le baiser de gamine que j'avais accepté de lui offrir.
Mes cuisses se resserrent sur les siennes, alors que je sens mes joues, sur lesquelles il pose ses mains glacées, me brûler. Je sens qu'il me pousse un peu sur la banquette du carrosse, et ne résiste pas, me penchant en arrière pour me laisser allonger sur celle-ci. Mais soudain, il rompt le baiser. Ses lèvres sont rosées, sa respiration haletante.
« Je... On va peut-être s'arrêter là, non ? »
Je n'ai pas vraiment envie, à vrai dire. Mais son ton est sans appel, et la fièvre que je vois dans ses yeux me laisse à deviner qu'en effet : c'est plus raisonnable.
C'est alors que je réalise : la nuit n'est plus tout à fait noire, le soleil, bien qu'encore loin, semble pointer le bout de son nez.
« Oh mon Dieu, depuis combien de temps est-ce que je dors ? Mes parents, ils vont s'inquiéter, et-
- Du calme, il est même pas 5 heures du matin, ils ne doivent même pas s'être réveillés ! »
Sa voix posée me rassure un peu et je hoche la tête, passant une de mes mèches rebelles derrière mon oreille, regardant autour de moi. Le parc est toujours désert.
« Je connais un petit resto dans le coin qui sert 24/24h, tu veux peut-être aller prendre un petit déjeuner... ?
- Euh... Et si mes parents se lèvent... ?
- Juste une petite demi-heure ? Je te raccompagne chez toi saine et sauve, après ça, promis. »
Penchant la tête, je lui lance un regard hésitant, ne sachant pas vraiment si c'est une bonne idée. Mais je n'ai pas envie de le quitter maintenant. Alors j'acquiesce.
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