LAST DEGREE

Faisant les cent pas devant le bar, j'hésite. Il faut que je rentre. A part elle, je ne connais personne qui soit proche. Lui et moi, on a notre monde. Mais je ne connais pas le sien. Et je rêve d'en faire partie. Pas juste des ses nuits, de ses rêves : de sa vie.

★ ★ ★ ★

La veste qu'elle m'a prêtée est un peu trop grande pour moi, mais je ne m'en occupe pas trop. Mes converses s'enfoncent dans la boue alors qu'on se dirige vers les cris et les bruits de moteurs. J'ai peut-être accepté de porter le rouge à lèvre carmin qu'elle m'a appliqué, mais il était hors de question que j'enfile les talons assortis, et je pense que j'ai bien fait. Enfin, j'ai tout de même l'impression d'être Sandy dans Grease, mais au moins mes cheveux, bien que lâchés, n'ont pas subi le même sort que mes lèvres.

Enfin, on dépasse les arbres, pour arriver sur une route de campagne complètement bondée. J'espère vraiment qu'il sera là, car au milieu de toutes les personnes présentes, je n'arrive pas à le trouver des yeux.

Lil' me fait signe de l'attendre, et disparaît entre les motards sans que j'ai le temps de dire un mot, sans doute pour aller chercher mon brun. Croisant les bras, je les sers autour de moi, espérant qu'elle revienne vite. Est-ce que c'était une bonne idée... ?

Oui. Oui, c'en était une, parce que je vais lui montrer que moi aussi, je peux faire des efforts pour lui. Un petit sourire étire mes lèvres à cette pensée. J'ai hâte de le voir.

« Ah bah voilà, je me disais bien que tu serais plus jolie avec un sourire ! »

Un rire retentit, alors que je lève la tête pour voir de qui il s'agit. Un type m'étant totalement inconnu s'approche de moi, les mains dans les poches.

« T'es nouvelle, non ? Une pote de Lil' ?

- Je-

- Mais non, mec, c'est la nouvelle meuf de C !

- Sérieux ? Il a remplacée Lil' avec elle ? Putain, le mec se fait pas chier... »

Je ne sais pas où me mettre. Mon cerveau me crie de baisser les yeux, j'en meurs d'envie, mais je m'oblige à les garder braquer sur le garçon en face de moi, sans même savoir s'il s'agit là de la meilleure solution. J'espère qu'il se taise, ou du moins qu'il aille parler à quelqu'un d'autre, mais il ne semble pas entendre les choses ainsi.

« Alors du coup, t'aimes les bad boys, pas vrai ?

- Te laisse pas emmerder, blondie, s'exclame un type dans la foule.

- Ouais, Elliot peut être lourd, mais une bonne droite et il te foutra la paix, le rejoint une fille, à ses côtés.

- Oh, les gars, pourquoi vous essayez de me pourrir mes coups ? Vous voyez bien qu'elle est sous le charme, non ? »

Se rapprochant un peu, il vient poser une main sur ma hanche, avec un sourire se voulant charmeur. Affolée, je suis comme tétanisé.

« Vas-y, boxe-le ! »

Mes yeux vont de droite à gauche, alors que je cherche une quelconque aide, comprenant à peine ce que me crient les gens autour de moi. Je vois seulement leurs signes, leurs gestes. Des coups de poings portés dans le vide, des semblants d'arts martiaux.

Je n'arrive même plus réfléchir, alors que je regarde à nouveau l'homme en face de moi. Et, presque automatiquement, mon poings se lève. Et s'écrase dans son nez.

« Oh putain, la pute ! »

Reculant, il se penche en avant, les deux mains sur son visage. J'écarquille les yeux, le fixant sans un mot, ébahie.

Les rires résonnent autour de moi, les cris d'encouragement aussi, et ma tête tourne. J'ai l'impression que je vais fondre en larmes, tant je ne sais plus où j'en suis. Pourquoi diable ai-je voulu venir ici !

« C'était une putain de plaisanterie, t'étais pas obligée de faire ta salo- »

Il se coupe. Tout se coupe. Les sons, les rires, les paroles. Ou peut-être qu'ils continuent, mais je ne les entends plus. Deux bras se sont enroulés autour de ma taille, et cette fois je connais celui à qui ils appartiennent.

« Tu viens, chaton ? »

Je hoche la tête, et, adressant un air désolé au type que je viens de frapper, je quitte le petit groupe qui s'était attroupé autour de nous, la main du garçon de la bibliothèque sur ma hanche.

« Tu causes vachement d'agitation partout où tu vas, non... ? Finit-il par demander, lorsque nous nous retrouvons seuls sur le bitume.

- En général non, mais tes copains ont le sang un peu chaud.

- Et ma copine a un sacré direct du droit. »

Levant les yeux au ciel, je retiens un rire, alors que lui ne s'en prive pas.

« Mais... Qu'est-ce que tu fais ici ?

- A ton avis ?

- Ouais, j'avoue, la question est bête. Comment t'es venue, plutôt ?

- Avec Lil', on a pris le dernier bus...

- Oh, ça explique ce que t'as sur les lèvres.

- Quoi, t'aimes pas ?

- Sur toi, j'aime tout. D'ailleurs, j'aime tellement que j'en mettrais bien aussi... Tu permets ? »

Et, sans attendre ma réponse, il lie ses lèvres aux miennes. Le baiser qui s'en suit me fait perdre la tête, bien plus que tous les cris, toute l'agitation qu'il peut y avoir ici. Le goût sucré de mon rouge à lèvre se mêle à celui de sa langue, et je sens mes jambes flancher sous le délice que celle-ci me procure.

« Juste... Un truc, qui ne me va pas, murmure-t-il contre mes lèvres, la voix rauque, douloureuse, comme si s'éloigner de celles-ci le temps de prononcer ces mots était une vraie torture.

- Oui ? Je réponds après un baiser.

- La veste. Un baiser. Ça va pas. Un autre. Du tout. »

Ses mains montent sur mes épaules et, comme si je savais déjà ce qu'il comptait faire, je lève un peu les bras, lui permettant de me retirer le blouson en cuir que je portais jusqu'ici. Toujours en m'embrassant, il se défait du sien, et le pose sur mes épaules.

« Tu vas garder celui-ci, ok ?

- Et toi... ?

- Moi, je vais me démerder, 'kay ?

-'Kay. »

Passant mes bras autour de son torse, je romps le baiser pour pouvoir me blottir contre son t-shirt noir, mes lèvres se déposant une dernière fois sur la peau tatouée de son cou.

« Et si on partait, maintenant ?

- Mais tu dois participer à la course, non ?

- On s'en fout, je préfère te raccompagner. »

Me redressant, je le fixe un instant, plissant les yeux. Il me lance un regard interrogateur, penchant la tête.

« Je veux te voir conduire.

- ... Vraiment ?

- Oui. Et je veux te voir défoncer tous les autres et leur faire pleurer leur mère. »

Cette fois, c'est lui qui écarquille les yeux, les lèvres légèrement entrouvertes. Puis finalement, il éclate de rire. Je gonfle un peu les joues alors que, reculant, il se tient les côtes, penché en avant, plié de rire.

Finalement, quand il se calme, il hoche la tête, les larmes aux yeux tant il a ri.

« Ouais, ok, allons leur faire pleurer leur mère. Et rappelle-moi de ne plus jamais te laisser traîner avec Lil'. »

Sur ces mots, il prend ma main, et on se dirige vers la foule.

Je suis heureuse. Je suis heureuse, je l'aime, et il m'aime.

C'est tout.

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