8 - Restaurant

En quittant la pièce Mikey croisa le cameraman qui revenait de sa pause. Les deux hommes se saluèrent et Makoto regagna le salon.

Mikey regarda la porte se refermer derrière lui. Il n'arrivait pas encore à croire que toute cette histoire soit réelle. La petite fille qui l'avait empêché de finir à l'hôpital, dans un état végétatif, il y a douze ans de cela se trouvait là, à quelques pas, en chair et en os.

Mikey se souvenait encore parfaitement de ce jour. Lorsqu'il était tombé, il avait eu le temps de se maudire. Takemicchou avait fait tellement d'efforts pour que ce passé n'existe plus. Et voilà qu'en jouant avec ce fichu avion, Mikey avait trébuché, exactement comme lors de la première timeline.

C'est alors qu'une ombre avait surgi. Elle l'avait rattrapé et lui avait évité le pire. Elle leur avait évité le pire à tous. Jamais Mikey ne pourrait assez la remercier.

C'est quand même incroyable comme coïncidence, se dit-il en s'éloignant.

En cet instant, Mikey n'était pas loin de penser que des forces supérieures avaient placé Nanaka à cet endroit précis ce jour-là.


T'es vraiment un abruti Sano... !


Ces mots revinrent le frapper et Mikey s'immobilisa dans le couloir de l'hôtel.

Si c'était une coïncidence, se demanda-t-il, comment ça se fait qu'elle connaissait mon nom ? Et comment est-ce qu'elle sait qu'aujourd'hui on m'appelle Mikey ?

Son regard s'égara vers la porte du salon. Il n'avait pas de réponse.





Nanaka arriva à l'entrée du restaurant de l'hôtel en début de soirée. Elle tirailla sur sa jupe et se recoiffa en se regardant dans la porte vitrée.

Elle était nerveuse, elle ne pouvait pas s'empêcher de se demander si elle avait bien fait d'accepter son invitation.

Ce n'est qu'un dîner, se raisonna-t-elle. Si j'avais refusé, il aurait trouvé ça louche et il aurait pu insister pour qu'on se revoit. Non, c'est la meilleure solution. On dîne ensemble et puis je disparais ensuite de sa vie. C'est le mieux à faire.

Lorsqu'elle était remontée dans sa chambre un peu plus tôt, Nanaka s'était aperçue qu'elle n'avait pas emporté de tenue de soirée pour ce séjour – elle ne s'attendait pas à faire autre chose que travailler. Elle avait étalé sur le lit les trois tailleurs que contenaient sa valise et s'était demandée ce qu'elle allait faire.

Si seulement il y avait une boutique de vêtements dans ce fichu hôtel du bout du monde !

Elle était allée se renseigner à l'accueil, mais la réceptionniste lui avait confirmé ce qu'elle avait déjà remarqué. Il n'y avait aucun magasin de ce style à des kilomètres à la ronde. Ici, tout était tourné vers les sports mécaniques. Si elle souhaitait une brochure sur le circuit ou un souvenir des lieux, alors le stand à l'entrée se ferait un plaisir de lui en proposer. En dehors de cela, elle devrait se rendre à Motegi, la ville la plus proche.

Sauf que je n'ai pas le temps !

Elle avait finalement opté pour le tailleur noir et elle avait relevé ses cheveux en espérant que le soin apporté à sa coiffure ferait illusion.

Pourquoi je me donne autant de mal pour un simple dîner ? C'est juste un repas entre amis, un peu comme aller au restaurant avec un collègue de travail.

Nanaka avait beau dire, elle connaissait parfaitement la raison de son trouble. C'était parce que c'est lui. Si n'importe qui d'autre l'avait invitée, elle ne se serait même pas posé la question de ce qu'elle allait porter, une de ses tenues de travail aurait fait l'affaire.

Mais là, c'est lui. C'est Mikey.

Le souvenir des sentiments qu'elle avait autrefois éprouvés lui revint en mémoire, cette complicité tordue et un peu malsaine qui les avait liés, mais aussi cet amour qu'elle ressentait pour lui et la chaleur que sa seule présence faisait naître dans sa poitrine.

Elle les chassa de sa tête avec brusquerie.

Tout ça, c'est du passé. Je ne dois pas perdre de vue que je n'ai rien de bon à lui offrir maintenant. Je suis un monstre et lui, il a une vie désormais, une vie normale et équilibrée dans laquelle il n'y a pas de place pour une cinglée comme moi. Sans compter que si ça se trouve il a une petite amie aujourd'hui. Je dois voir ce repas comme une soirée entre collègues. Voilà, une soirée avec Makoto !

Nanaka franchit les portes vitrées. 

Mikey l'attendait au bar. Il se redressa en la voyant arriver.

– Je ne suis pas en retard j'espère ? Dit-elle en le rejoignant.

Elle se sentit sourire sans réussir à se retenir.

C'est juste un dîner entre amis, se répéta-t-elle, rien de plus...

– Non, non, dit-il, tu es juste à l'heure. J'ai réservé une table, on y va ?

Il lui offrit son bras et Nanaka le prit, goûtant la chaleur de sa peau à travers l'épaisseur de tissu.

Le restaurant de l'hôtel était un établissement de standing. L'endroit accueillait régulièrement les grands noms des sports mécaniques et des paravents avaient été installés pour séparer les tables, offrant aux lieux des allures de salons privés.

Nanaka et Mikey se dirigèrent vers l'angle de la salle et Mikey lui tint la chaise le temps qu'elle s'assoit.

– Tu es un gentleman, remarqua-t-elle.

– C'est parce que je sais tout faire, lui répondit-il sur le ton de la plaisanterie en s'asseyant à son tour.

Ce Mikey, joyeux et taquin, était nouveau pour elle, au point que Nanaka ne put s'empêcher de le dévisager.

Il est toujours aussi bel homme...

Elle se ressaisit fermement.

Un dîner entre amis, se dit-elle. C'est un simple dîner entre collègues !

Un serveur vint leur apporter la carte et pendant que Nanaka la consultait, Mikey choisit une bouteille de vin.

– Est-ce que du vin ça te convient ? Lui demanda-t-il alors que le serveur tournait les talons pour aller la leur chercher.

– Oui, bien sûr ! Dit-elle. Je n'y connais rien en vin, mais tu m'expliqueras.

– Ah mais je n'y connais rien non plus, reconnut-il. J'en ai choisi un au hasard sur la carte. Le nom était marrant.

Nanaka le regarda, stupéfaite, puis elle éclata de rire et dut plaquer sa main sur sa bouche comme une gamine pour ne pas gêner les tables voisines. En face d'elle, Mikey arborait un petit sourire très content de lui qui fit redoubler son hilarité.

– Tu es vraiment impossible ! Lui dit-elle.





Tous les deux passèrent la soirée à discuter de tout et de rien. Mikey lui raconta comment il était devenu pilote après avoir grandi auprès de son grand frère, féru de mécanique et Nanaka lui raconta ses déboires au service sportif de la NHK et ses espoirs d'être mutée rapidement.

– Et tout ça, dit-elle, parce qu'ils veulent mettre en avant une femme. Il paraît qu'on arrive plus facilement à amadouer les sportifs et puis ça donne une image féministe de la chaîne !

Elle commençait à avoir la voix pâteuse. Le vin était fort et comme beaucoup d'asiatiques, elle tenait mal l'alcool.

– C'est cansdaleux ! S'indigna Mikey en abattant son verre sur la table. On ne traite pas une femme comme ça ! Si c'était moi, je t'aurais nommée directrice... non PDG !

Lui aussi était passablement alcoolisé maintenant.

– Je suis bien d'accord, admit Nanaka en replongeant dans son verre. Sauf pour la partie sur le PDG...

Elle finit par relever les yeux.

– Tu ne devrais peut-être pas boire, dit-elle, tu n'as pas une course demain ?

Mikey examina son verre.

– C'est trop tard je crois...

Tous les deux se regardèrent, puis ils éclatèrent de rire.

Nanaka se redressa.

– Sortons prendre l'air, dit-elle. Si tu vas dans le décor demain, je vais m'en vouloir.

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