42 - Procès
Les menottes aux poignets, Nanaka pénétra dans la salle d'audience sous la surveillance de deux policiers, le cœur battant à tout rompre et les mains moites d'anxiété.
C'était aujourd'hui que le véritable procès commençait.
Il y avait plus de monde que lors de la séance préliminaire remarqua-t-elle. La nouvelle que le procureur avait peut-être démasqué une tueuse récidiviste avait fait les gros titres de la presse les jours précédents et tous s'étaient déplacés pour voir le visage de la présumée meurtrière.
Nanaka parcourut la foule des yeux. Elle était abasourdie par tous les visages tournés vers elle.
Si jamais je m'en tire, se dit-elle, je ne retrouverai plus jamais de travail dans cette ville.
Cette idée lui arracha un maigre sourire.
Ces derniers jours, elle avait beaucoup réfléchi à la raison qui l'avait empêchée de faire confiance à ses proches. Elle en était arrivée à la conclusion que ses craintes n'étaient que des vestiges du cauchemar qu'elle avait traversé dans sa précédente existence et qu'elles n'avaient plus lieu d'être aujourd'hui.
Elle avait alors résolu de s'en débarrasser.
Elle allait s'en remettre à eux, ses amis et sa famille qui avaient promis de l'aider.
Ça va aller, se répéta-t-elle, tout va bien se passer, je sais que je peux me fier à eux.
Au premier rang elle aperçut Mikey aux côtés de Draken et elle réussit à lui adresser un sourire. Sa présence lui réchauffa le cœur, comme à chaque fois qu'elle le voyait. C'était plus fort qu'elle.
Je l'aime... Je l'aime vraiment.
Elle n'avait plus aucun doute à présent.
Plus loin, elle reconnut Makoto, son ancien cameraman à la NHK, et quelques rangs derrière lui il y avait Kentarō Seto, le pilote qui l'avait accusée de l'avoir tabassé. Il semblait plus mal en point que la fois précédente vit-elle, mais Nanaka n'eut pas le temps de se poser plus de questions. Les policiers la firent asseoir à côté de son avocat et elle respira profondément pour se donner du courage.
De l'autre côté de l'allée centrale, sa mère lui adressa un petit signe encourageant et Nanaka lui retourna un sourire qu'elle espérait confiant.
Ça va aller, se dit-elle encore, tout va bien se passer.
Le juge fit son entrée et tous se levèrent.
– Comment vous vous sentez ? Lui demanda son avocat en se rasseyant.
Elle souffla.
– Ça va, lui assura-t-elle. Je tiens le coup.
– Vous vous rappelez ce que vous devez faire ?
Nanaka hocha la tête.
Tous les deux avaient revu ensemble les étapes du procès auxquelles Nanaka devait participer. Elle savait qu'elle allait repasser à la barre, mais ça ne se déroulerait pas comme la dernière fois néanmoins, Konemori y avait veillé.
Cette fois, l'avocat attendait d'elle qu'elle raconte tout ce qu'elle avait vu ce soir-là.
– Ils seront persuadés que je mens, lui avait-elle dit en secouant la tête. Ils me demanderont pourquoi je n'ai pas dit tout cela la première fois.
– Vous n'aurez qu'à dire la vérité, lui avait répondu l'avocat. De toute façon, ça n'a aucune importance. Contentez-vous de faire ce que je vous dis.
Nanaka n'avait rien ajouté.
– Vous avez trouvé des infos sur la victime ? Avait-elle changé de sujet.
– Peu de choses, lui avait-il dit. C'était un petit comptable d'Asakusa. En plus de sa place dans une entreprise d'import export, il avait une petite affaire à son compte. Je n'ai rien trouvé de particulier dans les papiers que la police a récupérés à son bureau.
Cela ressemblait à une mauvaise nouvelle pour Nanaka.
– Alors on fait quoi ?
– Vous rien, lui avait-il rappelé. Vous faites ce que je vous ai dit, c'est tout.
Nanaka sentit son angoisse grimper en flèche et elle déglutit plusieurs fois.
C'était sa vie qui allait se jouer aujourd'hui.
– Pourquoi nous dire cela seulement maintenant ? Lui demanda le procureur lorsque Nanaka fut de retour à la barre. Ces soi-disant souvenirs ne seraient pas plutôt une invention de votre part destinée à essayer de sauver votre peau ?
– J'étais ivre, se contenta-t-elle de répondre comme l'avocat le lui avait recommandé. Je ne me rappelais de presque rien jusqu'à ces derniers jours.
Le procureur esquissa un sourire narquois.
– Voilà qui est fort opportun, conclut–t-il avant de retourner à sa place.
Makoto, le cameraman, prit sa place et l'interrogatoire se poursuivit.
– Vous avez donc assisté à l'agression de mademoiselle Tadano sur monsieur Seto ce jour-là ? S'enquit le procureur.
– Comme la quarantaine de personnes présentes, répondit le cameraman. Mais vous vous trompez, moi j'ai assisté à l'agression de monsieur Seto sur ma collègue. Elle, elle n'a fait que se défendre.
Un bruissement de voix parcourut la foule des spectateurs et le juge ramena le silence.
– Expliquez-nous cela, demanda-t-il au cameraman.
Makoto leur raconta comment Seto s'était montré grossier avec Nanaka. Après quoi lui-même avait essayé de s'interposer avant de se faire malmener par le pilote aussitôt immobilisé par Nanaka.
– Selon vous, dit le juge, c'est monsieur Seto qui a frappé le premier et mademoiselle Tadano a riposté ?
– Tout à fait votre Honneur, d'ailleurs elle n'a pas vraiment riposté, elle s'est contentée de le maintenir...
Il désigna du menton le pilote assis dans la salle et ajouta :
– Honnêtement, je n'ai aucune idée d'où proviennent toutes ses blessures, mais certainement pas de ce jour-là. Ou alors il faudrait qu'il se soit amusé à se taper la tête sur le sol une fois qu'on a eu le dos tourné...
Sa remarque souleva des rires dans l'assistance et le juge dut à nouveau ramener le silence.
Nanaka profita de l'agitation pour se tourner vers le coureur. Elle avait vu juste en arrivant, il était en bien plus mauvais état que lors de l'audience préliminaire. Son bras était maintenu dans une attelle plus impressionnante que la fois précédente et plusieurs ecchymoses auréolaient son visage.
Ça n'est pas moi qui ai fait ça, j'étais en prison !
De toute évidence, elle n'était pas la seule à se poser des questions et les murmures allèrent bon train. Le juge eut du mal à ramener le calme.
– J'aimerais rappeler, intervint le procureur d'une voix forte, que nous ne sommes pas là pour parler de l'altercation entre mademoiselle Tadano et monsieur Seto, mais bien pour juger une affaire de meurtres !
Plusieurs personnes hochèrent la tête et l'interrogatoire reprit.
– Pouvez-vous nous décrire l'emploi du temps de mademoiselle Tadano lors de vos déplacements professionnels ? Reprit le procureur.
– Vous voulez savoir si je l'ai vu tuer quelqu'un entre deux interviews ? Répondit Makoto.
Sa remarque fit une fois de plus rire l'assistance. Il semblait bien s'amuser et Nanaka se sentit devenir cramoisie. Elle fronça les sourcils, les lèvres pincées, image vivante de l'anxiété.
Sois sérieux espèce de crétin ! C'est ma vie qui est en jeu !
– Non jamais, reprit le cameraman. Et elle aurait eu du mal à me le cacher de toute façon.
– Pourquoi cela ? S'étonna le procureur.
Makoto la montra d'un signe de tête.
– Regardez-là, cette femme est un livre ouvert, elle est incapable de cacher quoi que ce soit et encore moins quand elle est contrariée !
Tous les visages se tournèrent vers elle et, pendant une seconde, Nanaka écarquilla les yeux de stupeur. Elle aurait aimé disparaître sous la table.
La réponse de Makoto déclencha une nouvelle vague d'hilarité et Nanaka comprit alors que tout cela était organisé.
Le cameraman et son avocat avaient sans doute planifié ensemble cette petite mise en scène pour saper dans les esprits l'idée qu'elle puisse être une tueuse de sang froid.
C'est aussi pour ça qu'il ne m'a pas prévenue, se dit-elle en jetant un œil du côté de l'avocat, pour que ma réaction soit plus naturelle...
Le visage de Konemori était imperturbable et Nanaka se demanda s'il lui réservait encore beaucoup de surprises comme celle-là.
– Mais pour répondre à votre question concernant son emploi du temps, reprit Makoto, ne vous fatiguez pas à m'interroger : nous sommes journalistes, le moindre de nos faits et gestes est consigné. Tout le monde sait où nous sommes et pourquoi nous nous y trouvons. Ce qui, si vous voulez mon avis, est bien pratique si quelqu'un cherche à nous faire endosser un crime. Où plutôt, comment vous dites déjà ? Fort opportun.
Le procureur fronça les sourcils. Tout cela ne lui plaisait pas. Makoto ne lui laissa pas le temps de reprendre et il poursuivit.
– Sans compter que si vous pensez qu'on nous paie à aller nous balader au beau milieu d'un reportage, c'est que vous connaissez mal les vautours des médias ! On n'a jamais une minute à nous !
Kentarō Seto prit la suite du cameraman, mais là encore, l'interrogatoire ne se déroula pas comme le procureur s'y attendait. Contrairement à la fois précédente, le pilote ne fit que marmonner des réponses inintelligibles. Il semblait ne pas oser lever les yeux et lorsque le juriste lui demanda de répéter ce qu'il avait déclaré durant l'audience préliminaire, le coureur parut perdre ses moyens.
Il retourna s'asseoir dans la salle sans avoir ouvert la bouche ou presque, le front bas et en évitant les regards.
Nanaka gardait le souvenir d'un bellâtre avec une grande gueule et aux manières douteuses. L'homme qu'elle avait sous les yeux lui ressemblait si peu qu'on aurait dit un autre.
Mais qu'est-ce qui lui est arrivé ? Se demanda-t-elle.
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