4 - Comiket
Riko jeta un dernier regard à son reflet dans le miroir de l'entrée, puis elle sortit. Elle avait le cœur qui battait à toute allure, mais pour rien au monde, elle n'aurait renoncé à son projet.
Elle se dirigea à grands pas vers la station de train d'Akasaka, à deux pâtés de maison de chez elle, le programme du Comiket – l'une des plus grandes conventions dédiées à la culture manga au Japon – serré dans son poing. Elle l'avait imprimé quelques jours plus tôt pour être sûre de ne rien oublier. Mais elle savait qu'elle n'oublierait rien, les informations étaient gravées dans son esprit.
Tous les deux arrivent sur place vers midi... Se répéta-t-elle. Ils font un tour de l'exposition et ensuite ils ont un live en direct à quatorze heures. À seize heures, ils participent à la performance organisée par le magazine qui sponsorise leurs vidéos et ils devraient repartir vers dix-huit heures.
Son souffle se raccourcit quand elle se mit à courir vers le quai avant de monter dans la rame qui menait à l'île artificielle d'Odaiba où se déroulait la convention.
Une fois assise, Riko sortit son téléphone.
Depuis qu'elle avait vu la vidéo du frère et de la sœur Akashi sur le portable de Nana il y a des mois de cela, Riko n'arrivait pas à s'ôter de la tête l'idée qu'elle connaissait ce garçon.
Haruchiyo Akashi... Je n'avais jamais entendu ce nom-là avant, j'en suis sûre. Alors pourquoi j'ai l'impression de le connaître ?
C'était comme s'il y avait quelque chose dont elle devait à tout prix se souvenir, mais sans y arriver. C'était frustrant et déconcertant.
Riko avait décidé d'en avoir le cœur net. Aujourd'hui tous les deux seraient au Comiket, ils l'avaient annoncé sur leur chaîne il y a des semaines déjà. Une fois là-bas, elle s'arrangerait pour le rencontrer.
Je trouverai bien un moyen, je n'aurai qu'à faire semblant de vouloir un autographe, et j'irai lui parler. Comme ça je serai fixée.
Riko était persuadée qu'au moment où elle l'aurait en face d'elle, elle aurait la réponse à ses questions.
Tout cela était tellement dingue, qu'elle avait préféré ne pas parler de ses projets à Nanaka. Elle-même avait déjà du mal à croire à ce qu'elle était en train de faire et elle était à deux doigts de se demander si elle n'était pas folle.
Nana a toujours eu les pieds sur terre, pas comme moi, elle ne me croira pas si je lui raconte ça. Même moi je n'arrive pas à y croire de toute façon.
Finalement elle rangea son téléphone et s'installa confortablement pour le trajet.
Une heure plus tard, elle arriva aux abords du Tokyo Big Sight, le parc des expositions tokyoïte.
Riko dut se faufiler parmi la foule pour réussir à gagner l'entrée. Elle se doutait bien que l'événement allait attirer du monde, mais elle n'avait pas prévu qu'il y aurait autant de gens.
Elle jeta un œil à l'heure sur son portable et fut rassurée.
Il n'est que onze heures, j'ai le temps de faire un tour et de repérer un peu les lieux.
Lorsque midi sonna, elle était de retour près des stands qui longeaient l'entrée et elle se hissa sur la pointe des pieds pour essayer d'apercevoir les nouveaux arrivants.
Il y avait peu de chance que le frère et la sœur arrivent par là, Riko le savait, mais comme elle n'avait pas réussi à découvrir les accès réservés aux professionnels, elle préférait attendre ici.
À treize heures, faute de les avoir vus, elle prit la direction du stand où devait avoir lieu le live.
Cependant une fois à proximité, Riko déchanta.
L'endroit, vide une heure auparavant, était maintenant cerné par plus d'une centaine de fans qui se pressaient le long des barrières installées pour la circonstance.
Désemparée, Riko tenta de se frayer un passage vers les premiers rangs en jouant des coudes. En vain. La foule compacte lui barrait le passage.
Je dois me rapprocher, s'encouragea-t-elle, il faut à tout prix que je me rapproche !
Durant l'heure suivante, elle fit de son mieux pour approcher la scène aménagée pour les deux youtubeurs. Elle se fit écraser les pieds, bousculer, pousser un nombre incalculable de fois. Mais elle ne renonça pas.
Malheureusement, au moment où le live se termina, elle était toujours à bonne distance.
Elle avait échoué.
La foule se dispersa et Riko sentit le découragement s'emparer d'elle.
Elle se ressaisit bien vite.
Il lui restait encore une chance : la performance organisée par le sponsor.
Mais là non plus ses efforts ne furent pas couronnés de succès. Pourtant Riko s'était arrangée pour arriver avant les autres cette fois, mais il n'y eut rien à faire. La sécurité avait bouclé le secteur et les professionnels n'avaient quasiment aucun contact avec leur public. Riko put seulement entrapercevoir Haruchiyo de loin, mais il disparut avec sa sœur dans les coulisses de la convention avant qu'elle ait pu attirer son attention.
À la fin de la journée, assise sur un banc à l'écart de la foule, elle se sentit sur le point de pleurer de rage. Elle sortit un mouchoir de sa poche pour s'essuyer les yeux.
Qu'est-ce que je croyais franchement ? Que ça se passerait tout seul ? Je suis vraiment naïve des fois...
Elle finit par se rendre dans les toilettes qui étaient situées au fond d'un couloir, dans la zone d'exposition principale, pour échapper aux regards des passants et se passer de l'eau sur le visage.
Dans le miroir, la Riko qui lui rendit son regard avait une expression abattue.
– Tu es vraiment pathétique, tu sais ? Lui dit-elle.
Elle s'imaginait vraiment que la journée se déroulerait autrement.
Elle soupira, rangea ses affaires dans son sac et se redressa.
– Je n'ai plus rien à faire ici, dit-elle tout haut. Autant rentrer.
Lorsqu'elle poussa la porte des toilettes pour sortir, elle heurta une personne qui passait par là.
– Pardon ! Je suis désolée ! S'excusa-t-elle aussitôt.
– C'est moi qui m'excuse, répondit l'autre. Je ne regardais pas où j'allais.
Sa voix lui était si familière que Riko leva les yeux, stupéfaite.
C'était lui. Haruchiyo Akashi.
Pendant une seconde, elle resta sans voix tandis que, de son côté, il jetait un œil au couloir derrière lui, l'air aux abois. Enfin, il l'attrapa par le bras et il l'entraîna dans un renfoncement avant de s'accroupir derrière un extincteur avec l'expression d'un gamin en train de fuir une correction.
Il lui fit signe de ne pas faire de bruit, un doigt posé sur la bouche.
– Pas un bruit, lui dit-il, mon grand frère me cherche, il me casse les pieds !
Ils demeurèrent ainsi jusqu'à ce que l'écho des pas, plus loin, disparaisse et lorsqu'ils se redressèrent quelques minutes plus tard, Riko ne put se retenir d'éclater de rire.
– Qu'est-ce qui vient de se passer ? Dit-elle.
Il sourit, une expression coupable sur le visage.
– Désolé, lui dit-il, mon frère veut que je participe à une énième exhibition et comme j'en avais assez, je me suis échappé...
Il s'interrompit, le reste de sa phrase mourut et il la regarda. Une seconde il demeura muet, puis il lui demanda :
– On ne se connaîtrait pas déjà tous les deux ?
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